Année universitaire : 2015 - 2016 Sous la
direction de : Laurence Tibère
MASTER ALIMENTATION
Parcours « Sciences Sociales Appliquées à
l'Alimentation »
MÉMOIRE DE PREMIÈRE
ANNÉE
Le statut du lait durant l'adolescence
Présenté par :
Sarah Pham
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MASTER ALIMENTATION
Parcours « Sciences Sociales Appliquées à
l'Alimentation »
MÉMOIRE DE PREMIÈRE
ANNÉE
Le statut du lait durant l'adolescence
Présenté par :
Sarah Pham
3
Année universitaire : 2015 - 2016 Sous la
direction de : Laurence Tibère
4
L'ISTHIA de l'Université Toulouse - Jean Jaurès
n'entend donner aucune approbation, ni improbation dans les projets
tuteurés et mémoires de recherche. Les opinions qui y sont
développées doivent être considérées comme
propre à leur auteur(e).
5
Remerciements
Tout d'abord je tiens à remercier mon maître de
mémoire, Mme Laurence TIBERE pour son aide et ses précieux
conseils qui m'ont aidé dans la réalisation de mon mémoire
universitaire.
Par ailleurs, je remercie également toutes les personnes
rencontrées et interviewées, qui m'ont consacré de leur
temps et qui m'ont permis de recueillir de plus amples informations pour mener
à bien mon travail.
Je souhaite également remercier mes camarades de promotion
qui m'ont apporté leur avis lorsque j'en avais besoin.
Enfin, j'adresse mes remerciements à mes proches qui me
soutiennent tout au long de ma scolarité et dans mes projets.
7
Sommaire
INTRODUCTION GENERALE p.8
PARTIE 1 : CADRE THEORIQUE p.10
Chapitre 1 : Le domaine de l'adolescence p.11
Chapitre 2 : Le domaine alimentaire p.26
Chapitre 3 : La culture du lait et des produits laitiers p.40
PARTIE 2 : HYPOTHESES p.47
La construction des hypothèses p.48
- Hypothèse n°1 : L'influence des pairs et de la
famille redistribue l'évolution des
goûts pour le lait et les produits laitiers p.50
- Hypothèse n°2 : La différence de genre
redistribue l'évolution des choix alimentaires vis à vis des
produits laitiers en fonction de critères esthétiques et
corporels et de normes diététiques. p.60
- Hypothèse n°3 : La consommation de lait et de
fromage est influencée par un facteur symbolique de frontière
entre les périodes de l'enfance et de l'adolescence, et à
contrario un facteur symbolique de jonction entre l'adolescence et le monde
adulte
|
p.69
|
PARTIE 3 : METHODOLOGIE PROBATOIRE
|
p.77
|
Chapitre 1 : Méthodologie de collecte des données
|
p.80
|
Chapitre 2 : Méthodologie probatoire
|
p.88
|
Chapitre 3 : Proposition d'outils probatoires
|
p.95
|
CONCLUSION GENERALE
|
p.106
|
BIBLIOGRAPHIE
|
p.108
|
TABLE DES ANNEXES ;;;
|
p.112
|
LISTE DES TABLEAUX
|
p.129
|
TABLE DES MATIERES BIBLIOGRAPHIE
|
p.130
|
« Je ne me vois pas boire du lait comme du coca
cola, ce serait trop la loose» (Mégane, 15 ans).
Introduction générale
L
es adolescents sont des mangeurs pluriels et transgressent le
rapport « rationnel » à la nourriture. Souvent accusés
de « mal » manger, il s'avère pourtant qu'ils sont loin de
s'alimenter plus mal que leurs aînés. Pourtant, l'adolescence est
une période durant laquelle les jeunes sont confrontés à
des remaniements constants, intégrés au sein d'un double
processus de désobjectivation-subjectivation. Ils doivent se
défaire de leurs systèmes normatifs et en adopter de nouveaux, en
identifiant et en intériorisant les normes qui leur semblent les plus
profitables pour eux. De ce fait, les normes relatives à leur
alimentation ne dérogent pas à la règle et se trouvent
aussi bouleversées.
Les adolescents considèrent l'alimentation dans ses
dimensions sociales, culturelles et symboliques. Ils accordent de l'importance
aux personnes avec qui ils mangent et en fonction des contextes sociaux, les
adolescents s'adaptent en inhibant ou en affirmant leurs
préférences alimentaires.
A cette période de la vie, ils deviennent acteurs de
leur alimentation et vont se construire un nouveau répertoire
alimentaire, en tenant compte de déterminants sociaux, culturels, et
nutritionnels qui vont codifier leurs choix alimentaires. Une évolution
gustative se produit et laisse place à l'appropriation ou au rejet de
certains aliments, sous l'influence de l'âge.
Ce nouvel univers de consommation ainsi créé
assigne un nouveau statut aux aliments et modifie leur perception chez les
adolescents.
9
« J'aimais le lait. Maintenant, j'imagine mal fumer ma
cigarette de matin avec un verre de lait. » (Ahcène, 17 ans).
Voilà des propos qui ont retenu mon attention en lisant
le compte rendu du programme « Alimentations adolescentes, Penser la
diversité » du colloque de l'Ocha1 et dont mon
mémoire tire son origine. Pourtant très apprécié
lors de l'enfance, le lait semble ne plus porter le même statut au cours
de l'adolescence. Cette perspective de réflexion a été le
point de départ de ma recherche :
« Quel statut ont le lait et les produits laitiers au
cours de l'adolescence ? »
Pour faire suite à ce questionnement, nous allons tout
d'abord effectuer en première partie, une démarche exploratoire
bibliographique afin de cadrer théoriquement nos recherches. Elle
portera sur le domaine de l'adolescence, sur l'alimentation des adolescents et
sur la culture du lait et des produits laitiers. Ces explorations nous
permettront de problématiser notre sujet. Afin de compléter notre
revue littéraire et émettre des hypothèses pour
répondre à notre problématique nous réaliserons des
entretiens exploratoires auprès d'adolescents. Nous expliciterons ces
hypothèses en seconde partie. Enfin dans le but de les confirmer ou de
les infirmer nous proposerons, en troisième partie, une
méthodologie probatoire adaptée et les outils nécessaires
qui s'y rattachent.
1 OCHA, Colloque international Programme
alimentations adolescentes, « Penser la diversité », Compte
rendu, 2010
PARTIE 1 : CADRE THEORIQUE
11
Pour mener à bien notre mémoire de recherche, et
pour faire suite à notre question de départ, il est
nécessaire dans un premier temps d'exposer les notions théoriques
de notre sujet, à savoir le statut du lait et des produits laitiers
à l'adolescence. Dans un premier temps, nous étudierons le
domaine de l'adolescence au travers l'évolution du statut d'adolescent
dans notre société et des déterminants de l'adolescence
à cette période de la vie. Ensuite, nous nous
intéresserons au domaine alimentaire des adolescents en se focalisant
sur la mise en application du modèle alimentaire chez ces individus,
leurs habitudes de consommation et les dimensions socioculturelles des
influences sur leurs pratiques alimentaires. Enfin, nous nous concentrerons sur
la culture du lait et des produits laitiers chez les adolescents en
détaillant l'histoire du lait, les images et symboles que ces produits
représentent, la perception que les jeunes s'en font et la place qu'ils
occupent au sein de leur alimentation.
Chapitre 1 : Le domaine de l'adolescence
1) L'adolescence dans nos sociétés
1.1) La notion d' « adolescence »
Le terme d' « adolescence » est une notion
d'apparition Occidentale récente. Il fait référence
à une période transitoire de la vie, entre l'enfance et
l'âge adulte. Propre à chaque personne, cette période peut
être complexe à délimiter et tient compte de facteurs
socio-économiques et culturels.
L'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) définit
l'adolescence comme une :
« Période de croissance et de développement
humain qui se situe entre l'enfance et l'âge adulte, entre les âges
de 10 et 19 ans ».
12
Cependant, comme nous l'évoquerons plus tard,
l'adolescence voit son temps rallonger au fur et à mesure des
années et les adolescents peinent à sortir de cette
période. Cette difficulté nous empêche de cerner les
limites de l'adolescence qui restent floues à l'heure actuelle. En
mêlant les différentes lectures effectuées, nous
définirons cette période jusqu'aux âges de 23-25 ans.
L'adolescence s'articule autour de trois champs :
- Le biologique - Le psychique - Le social
Les indicateurs biologiques sont universels et sont
caractérisés par la croissance et la puberté : maturation
physique et sexuelle, développement de la pilosité, acné,
mue de la voix et montée de testostérone chez les garçons,
concentration oestrogénique et menstruations chez les filles.
Le psychique lors de l'adolescence est une période de
remaniements constants. Plus fragiles psychologiquement à cette
période, les adolescents rencontrent de nombreux troubles avec une
émotivité exacerbée.
Sur le plan social, l'adolescence peut être
décrite comme un phénomène collectif d'activités de
groupes de jeunes conduisant à des fonctions de socialisation
(AMMANUELLI Michèle, 2009). Charles-Henry CUIN (2011) définit
l'adolescence comme une expérience et une « activité
individuelle socialement orientée vers un but » qui « combine
et articule des logiques d'actions distinctes et, en quelque sorte,
opposées sinon antagonistes » pour son entrée en
société.
1.2) La prise en compte du statut de l'adolescent
Les adolescents ont soulevé de nombreuses
interrogations à leur égard. Comment déterminer le passage
de l'enfance à l'adolescence et de l'adolescence
13
à l'âge adulte ? Les limites de cette
catégorisation sont restées floues et les sociétés
ont mis du temps à considérer les adolescents comme un groupe
d'âge en tant que tel.
Au fil du temps, l'adolescent a eu une place fluctuante dans
la société. Le concept d'adolescence était concomitant
à une seconde enfance. Il ne s'est différencié que
tardivement, lorsque l'âge et le niveau scolaire ont été
mis en relation. Jusqu'au XVIIème -
XVIIIème siècle, au sein d'une même classe
pouvait se retrouver des enfants âgés de 10 ans comme des jeunes
de 25 ans (ARIES Philippe, 1960). La période d' « adolescence
» pouvait même s'étendre pour des personnes allant
jusqu'à 30-35 ans.
o Mesures sociales
L'application de certaines mesures sociales a contribué
à la prise en compte par la société des adolescents comme
un nouveau sous-groupe de population :
- Obligation de l'instruction des enfants (Lois Ferry,
1881,1882)2 et prolongement de le durée obligatoire :
l'instruction primaire était obligatoire de 6 à 13 ans (Lois
Ferry, 28 mars 1882) et passe officiellement à 16 ans (réforme
Berthoin, 1959)3 ;
- Mise en place de lois et de dispositions encadrant la
délinquance et la criminalité chez les jeunes avec notamment la
loi du 28 avril 18324 tenant compte de l'âge pour
l'application de la peine ;
2 Sénat. Dossier d'histoire : Les lois
scolaires de Jules Ferry [en ligne]. Disponible sur
http://www.senat.fr/evenement/archives/D42/
3 La documentation française. Mise en place
et réformes, La réforme Berthoin de 1959 [en ligne]. Disponible
sur
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/college-unique/reformes.shtml
4 Crimino corpus. Législation, 28 avril 1832,
Loi contenant des modifications au Code pénal et au Code d'instruction
criminelle [en ligne]. Disponible sur
https://criminocorpus.org/fr/legislation/textes-juridiques-lois-decre/
- Réglementation du travail des mineurs par la loi du
22 mars 1841 qui interdit le travail des enfants de moins de 8 ans, puis celle
de 1936 repoussant l'âge à 14 ans
o Objet d'étude
Pour mieux comprendre ce nouveau groupe de population, les
adolescents ont fait l'objet de travaux scientifiques dans le domaine de la
psychologie. FREUD (1923) traite de l'adolescence sous le champ de la
puberté au sein de son ouvrage « Trois essais sur la théorie
sexuelle » et étudie les aberrations sexuelles, la sexualité
infantile et les reconfigurations de la puberté.
L'apport de la psychologie vient compléter les
informations déjà recensées sur le développement
physiologique des adolescents et permet d'en dresser plus ou moins leur
portrait.
A cette époque, on portait aux adolescents de
nombreuses attentes. En effet, cette période de transition doit les
conduire vers l'autonomie, la responsabilité et la maturité. Mais
le regard que leur ont manifesté les sociétés au fil des
années, mêle à la fois idéalisation et aspirations
négatives. L'adolescent est en contradiction avec sa famille, recherche
le conflit et rejette l'autorité. D'après ROUSSEAU (1964, p.274)
l'adolescence est une « orageuse révolution [qui] s'annonce par le
murmure des passions naissantes » et qui, « bien qu'assez court, a de
longues influences
».
Aujourd'hui les adolescents sont plus conservateurs et ne sont
plus hostiles à la famille, ils sont enthousiastes, pleins de vie et
généreux. Mais ils sont aussi qualifiés d'insociables
dû à l'augmentation des incivilités, égoïstes,
violents et délinquants (EMMANUELLI Michèle, 2009).
14
Ils sont par ailleurs sujets aux suicides, à
l'alcoolisme et la toxicomanie.
15
1.3) L'évolution du statut d'adolescent
La variabilité du terme d' « adolescence » a
fluctué en fonction de facteurs socio-économiques qui
accélèrent ou ralentissent le passage à la vie adulte.
o Les rites de passages :
Chaque société à son propre modèle
d'encadrement social du passage de l'enfance à l'âge adulte et les
rites de passage sont différents pour faire grandir la jeunesse. Ils
peuvent être d'ordre culturel :
- la cryptie, l'éromène et
l'éphébie en Grèce constituent des rites de passage
à l'adolescence, selon les régions ;
- le boukout au Sénégal est un rite d'initiation
pour insérer le jeune homme au sein de la société et lui
donner son indépendance politique, économique et religieuse. Il
pourra ensuite se marier et se voir offrir des terres ;
- le genpuku au Japon est une cérémonie marquant la
majorité des garçons. Le jeune homme est emmené dans le
sanctuaire de son kami (dieu). Ils sont vêtus et coiffés en adulte
et reçoivent un nouveau nom ;
ou religieux :
- la Bar Mitsva chez les juifs qui correspond à la
majorité religieuse. Elle s'effectue à 13 ans chez les
garçons et 12 ans chez les filles ;
- la circoncision pratiquée chez les juifs,
chrétiens et musulmans. Il s'agit de l'ablation en tout ou en partie du
prépuce du pénis en guise d'alliance au dieu ;
- le rumspringa chez les amish qui sont libres durant cette
période de rencontrer des personnes extérieures à leur
communauté. Ils sont autorisés à consommer de l'alcool,
fumer ou encore se maquiller et porter des bijoux pour les filles.
16
Les rites solennels, de type religieux notamment, ont
laissé place à des rites qui se sont progressivement
civilisés et sont moins codifiés. Dans notre
société, le service militaire était un rite de passage
important et représentait « bien plus qu'une participation
temporaire à l'armée ; c'était le grand moment de leur
intégration au groupe des hommes » (BOZON Michel, 2002). Il s'en
suivait l'entrée dans la vie professionnelle, le mariage et le
départ du domicile familial. Ces trois critères étaient
d'ailleurs socialement représentatifs, tant pour les jeunes hommes que
les jeunes filles, d'une succession d'étapes conduisant à
l'évolution du statut d'adolescent à celui d'adulte. Aujourd'hui
on constate une désynchronisation de cette série de paliers,
prolongeant le temps de l'adolescence.
o L'accroissement du temps d'adolescence
Le départ du domicile parental est retardé et
la dépendance des adolescents vis-à-vis de leur parents
augmentée. EMMANUELLI Michèle (2009) explique que ces faits sont
influencés par :
- l'allongement de la scolarité : la poursuite
d'études secondaires et supérieures sont accessibles à un
plus grand nombre. La durée moyenne des études se voit
prolongée ;
- la complexité de trouver un premier emploi qui rend
difficile l'indépendance financière ;
- le taux faible des premières
rémunérations qui ne permet pas non plus une autonomie
financière.
o Le changement de contexte social et
familial
Dans notre société occidentale, les contextes
sociaux ont été bouleversés au cours du XXème
siècle et ont eu des impacts sur la place qu'occupent les adolescents au
sein de la famille et de la société
17
2) Les déterminants de l'adolescent
2.1) Crise adolescente
L'adolescence est trop fréquemment associée
à l'idée de crise selon CLAES (1986, p.60). Pour TABORDA-SIMOES
Maria da Conceição, il s'agit d'une période «
marquée par des tensions et conflits inévitables ou par des
perturbations et inadaptations » mais qui se révèle
être de passage et nécessaires à l'équilibre
intérieur. Car « l'absence de ces signes constitue un bon pronostic
de déséquilibre intérieur ». Pour certains, c'est une
phase normale par laquelle passe l'adolescent et « l'idée mythique
de la perturbation normative de l'adolescent » s'installe (WEINER, 1995,
p. 8).
La crise adolescente est décrite comme la
résultante de deux phases (CUIN Charles-Henry, 2011) :
a) Premièrement l'auteur évoque un «
double processus de désobjectivation-subjectivation » au sein
duquel l'adolescent doit se défaire de ses anciens modèles
normatifs et doit en adopter de nouveaux en fonction de ce qui sera plus «
profitable pour lui ». Par exemple il se sépare des modèles
familiaux pour en rechercher de nouveaux. Cependant, ce processus
entraîne une anomie qui lui confère un caractère instable
et se traduit chez l'adolescent sous formes de problèmes
psychologiques.
b) Deuxièmement l'adolescent fait face à un
« double objectif d'intégration et de stratégie »
lorsqu'il rencontre des situations inconnues. Le premier type de conduite
consiste à identifier et intérioriser les normes pour y
adhérer et en retirer les bénéfices psychologiques et
sociaux qu'elles peuvent lui apporter. Toutefois, dans un second temps, il doit
parvenir à se détacher de celles qui l'empêchent
d'atteindre d'autres bénéfices. Pour se faire, il met en place
une stratégie de transgression des normes ou d'habilité à
les exploiter.
La maîtrise de ces deux phases s'opère en
fonction des expériences vécues par le sujet.
En outre, durant cette période de crise, ou de «
processus », « passage » ou « opération » tels
que préfèrent l'appeler moins péjorativement les
psychanalystes (BRACONNIER, MARCELLI, 1998 ; DOUVILLE, 2000 ; LESOURD, 2002 ;
RASSIAL, 1990, 1996, 2000), elle se construit autour de trois « cercles de
perturbations » (BRACONNIER, MARCELLI, 1998) : le cercle du corps, le
cercle du social et le cercle de la famille qui entrent en
conflictualité.
Sortir de l'enfance pour affronter l'adolescence n'est pas
chose aisée. « L'enfant est banni de son paradis et doit commencer
un long et pénible chemin d'ascension » (HALL, 1904, vol2, p.71).
Les adolescents traversent une phase de comportements instables et
imprévisibles. De nombreux traits de leur caractère sont
contradictoires et antagonistes. Mais « ils s'engagent avec enthousiasme
dans la vie de la communauté et, d'autre part, ils éprouvent un
désir tout puissant d'isolement » (FREUD, 1936, p.149-150). C'est
également un moment conflictuel avec la parentèle car les
adolescents ont un besoin d'indépendance, surtout vis-à-vis de
leur parents, qui s'accompagne de « sentiment d'isolement, de solitude et
de confusion » (BLOS, 1962, p.12).
Cependant certaines études et données empiriques
mettent en évidence le fait que tous les adolescents ne traversent pas
cette « crise » et pour la plupart d'entre eux l'adolescence n'est
qu'une période transitoire vécue plus ou moins facilement, sans
violence, rejet familial ou désordres psychologiques. «
L'idée de crise se révèle inappropriée pour
orienter la réflexion visant à identifier les caractères
spécifiques de l'adolescence » (TABORDA-SIMOES Maria da
Conceição, 2005).
18
2.2) Problèmes identitaires : stades de
développement d'Erikson
19
Pour Erikson, l'identité est la préoccupation de
l'adolescence. Il s'agit de :
« comprendre la manière dont l'individu parvient
plus ou moins facilement à construire une représentation
cohérente de lui-même, à partir de son histoire et en
envisageant ce qu'il souhaite devenir » (COHEN-SCALI Valérie et
GUICHARD Jean, 2008).
Psychanalyste et psychologue germano-américain, Erik
Erikson a entre autre publié trois ouvrages traitant de
l'identité : Enfance et société, 1959 puis Identité
et cycle de vie, 1959 et Adolescence et crise. La quête de
l'identité, 1972. Le développement identitaire devient plus
complexe à l'adolescence lorsque le jeune s'interroge sur ce qu'il est,
doit, ou va devenir en entrant dans le monde adulte. En sociologie, le terme d'
« identité » est couramment employé, alors qu'en
psychologie l'emploi du « soi » ou « concept de soi »
l'emporte.
o Les stades de développement
d'Erikson
Erik Erikson a élaboré huit stades du
développement psychosocial de l'individu qui s'étalent de
l'enfance à la vieillesse. A chaque stade de la vie correspond une
période, marquée par une crise significative, qui va contribuer
au développement du « Moi ». Une crise résulte de
l'interaction entre différents facteurs biologiques, sociaux et
environnementaux, qui se caractérise pour chacune d'entre elles par deux
axes spécifiques. Chaque crise doit se résoudre en trouvant un
équilibre entre ces éléments, pour ne pas compromettre le
développement du « Moi » et marquer un tournant dans notre
vie, qui en constituera les diverses étapes.
Les stades :
- Stade 1 : Confiance versus Méfiance (0-18 mois)
- Stade 2 : Autonomie versus Honte et Doute (18 mois-3 ans) -
Stade 3 : Initiative versus Culpabilité (3-6 ans)
20
- Stade 4 : Travail versus Infériorité (6-11
ans)
- Stade 5 : Identité versus Confusion des rôles
(12-18 ans)
- Stade 6 : Intimité versus Isolement (18-34 ans)
- Stade 7 : Générativité versus Stagnation
(35-65 ans)
- Stade 8 : Intégrité personnelle versus
Désespoir (> 65 ans)
L'adolescence correspond à la 5ème
étape, qui regroupe des sujets âgés de 12 à 18 ans
et qui correspond à une période qu'il caractérise de
conflit entre identité et confusion des rôles. Toutefois, pour
comprendre les comportements des jeunes, nous devons aussi nous
intéresser au stade précédent : le stade 4, travail versus
infériorité.
o Stade 4 : Travail versus Infériorité
(6-11 ans)
Ce stade est marqué par la période de
l'école, instance de socialisation et développement des
compétences de l'enfant. L'enfant sort de son monde de jeux pour entrer
dans un objectif de réussite scolaire. Il est sérieux,
coopératif et studieux mais à la fois rebelle et
désobéissant pour montrer son indépendance. Il prend
conscience du monde qui l'entoure et considère la notion d'individu.
Au cours de ce stade, l'enfant cherche à se prouver
ses compétences et ses capacités. Il se demande s'il est capable
ou incapable. Et pour répondre à ses interrogations, les parents
et les instituteurs ont un rôle important. Erikson décrit un
ressenti de compétences chez l'enfant s'il est valorisé et au
contraire un sentiment d'infériorité s'il se sent
dévalorisé, ce qui contribue à forger son
identité.
o Stade 5 : Identité versus Confusion des
rôles (12-18 ans)
Des problèmes identitaires surgissent lors de ce
5ème stade. En quête d'identité, l'adolescent est
préoccupé par la façon dont il est perçu. Il s'agit
d'une période déterminante dans son développement
psychosocial. C'est un carrefour critique pour lui entre « la personne
à être » et « la personne que les autres
21
voudraient que je sois ». Différentes
modalités du personnage s'offrent à l'individu et il endosse des
rôles :
- Le personnage comme rôle social : le « devoir
être » d'un « moule social » - Le personnage comme
idéal : le « vouloir être » de l'individu
- Le personnage comme masque : le « paraître » ou
cacher consciemment aux autres ou à soi-même ce que l'on est
- Le personnage comme refuge : se convaincre soi-même,
se rassurer sur sa propre valeur
L'adolescent se questionne sur les rôles futurs qu'il
pourrait avoir au sein de la société et tente diverses
expériences pour se forger une identité personnelle. Il est
influencé par les groupes de pairs et doit s'accommoder à la
pression sociétale, mais il doit pouvoir prendre ses distances par
rapport aux normes et valeurs conventionnelles et établir son propre
système de valeurs. Il développe une certaine confiance en lui
grâce à son ego surdimensionné qui contribue aussi à
la construction de son identité.
A l'inverse, un manque de confiance en soi peut avoir des
répercussions sur la formation de son identité. De plus c'est une
période marquée par d'importants changements physiques et
pubertaires. Le stade 5 d'Erikson revoit au 4ème stade
d'évolution de la sexualité infantile décrit par Freud
(FREUD, trois essais sur la théorie de la sexualité, 1923) : le
stade génital. L'individu éprouve un plaisir lié à
la zone génitale et révèle son identité sexuelle.
L'inquiétude qu'il peut ressentir, liée aux transformations
physiques qui se produisent chez lui peuvent lui poser problème dans sa
quête identitaire. Il doit accepter sa nouvelle image et les
répercussions qu'elle peut avoir sur ses relations avec autrui. D'autre
part, les blessures que l'adolescent a pu subir dans son passé peuvent
altérer sa recherche d'identité et l'établissement de son
système de valeurs. Le « Moi » doit s'adapter à tous
les changements qui bouleversent cette période et certaines situations
peuvent
22
être similaires aux stades précédents,
engendrant la réapparition de conflits anciens. Par exemple le conflit
avec la nourriture que l'on rencontre lors de la petite enfance refait surface
lors de l'adolescence et perturbe le rapport à la nourriture de
l'individu : TCA (troubles du comportement alimentaire), perception de certains
aliments troublée, modèles alimentaires et dimension symbolique
modifiée, etc.
Pour Erickson, « Le processus d'adolescence est
achevé lorsque l'individu a subordonné ses identifications de
l'enfance à un nouveau mode d'identification, accompli grâce
à une absorption du social et à un apprentissage
compétitif, avec et parmi ses pairs de même catégorie
d'âge ».
2.3) Influence du groupe de pairs
Les groupes de pairs sont des agents de socialisation
(MONTOUSSE Marc & RENOUARD Gilles,2012). Ce sont des groupes d'amis qui
partagent des centres d'intérêts communs et des valeurs et des
normes similaires. Ils prennent une place considérable lors de
l'adolescence, qui s'articule autour d'un mouvement d'émancipation
familiale et de création de liens avec les pairs, faisant évoluer
la vie sociale de l'individu.
En effet, les groupes de pairs détiennent un rôle
majeur dans les processus de socialisation de l'adolescent. Ils constituent
pour lui une référence qui permet de partager les mêmes
expériences, le même dialogue et une meilleure
compréhension de l'un et de l'autre. C'est l'occasion d'entreprendre des
activités sociales avec des personnes plus ou moins du même
âge et de se sentir exister en appartenant à un groupe.
L'adolescent est en quête de reconnaissance qu'il trouve aux
côtés de ses semblables tels que les pairs pour évoluer. Il
se construit auprès de personnes significatives et s'affecte un nouveau
statut auquel s'assignent de nouveaux rôles.
Les pairs aident l'adolescent dans sa construction
identitaire. « L'emprise de la famille laisse place à celle du
groupe d'amis » (LORIERS Bénédicte, 2012).
23
L'adolescent s'identifie à ses amis et cherche à
leurs ressembler, à faire comme eux. Selon Marie-josé AUDEREST et
Jean-Blaise HELD (2010, p.13), « il donne l'impression d'être
influençable et sans personnalité », mais cela contribue au
développement de soi et s'estompera au fur et à mesure, lorsqu'il
trouvera son identité propre et développera ses opinions
personnelles. Comme disait Philippe VAN MEERBEEK (2007) :
« L'adolescence est surtout et avant tout l'âge de
la vie où l'inconscient se lit à livre ouvert : c'est le stade du
homard, écorché vif, sans protection et à la merci des
inconscients de tous et de l'inconscient collectif. »
Les critères d'intégration ou de rejet à
un groupe de pairs tiennent compte de l'âge, du sexe, de l'apparence
physique, de l'ethnicité, etc. Par ailleurs, l'adolescent accorde une
place importante au regard d'autrui et sa popularité peut
également influencer son inclusion ou non au groupe.
« Aux yeux des adolescents, la popularité
correspond au fait d'être visible, d'avoir du prestige et un statut
élevé et d'être socialement central et dominant. Selon la
perspective sociométrique, être populaire correspond plutôt
au fait d'être aimé et apprécié par les autres. Il
s'agit là de deux concepts distincts. » (POULAIN François,
2014).
La popularité est un élément important
pour l'adolescent de son système social. Elle s'organise en une
hiérarchie sociale au sein de laquelle prédominent les
adolescents les plus populaires, qui vont déterminer les normes du
groupe, influencer les autres membres et décider de qui fera partie ou
non du groupe. Pour être populaire, il faut se différencier des
autres (sens de l'humour, apparence physique, richesse, activité
sportive, etc.) (POULAIN François, 20145), mais sans
5 POULAIN François, Université du
Québec à Montréal, Les relations entre pairs à
l'adolescence
24
pour autant sortir des normes conventionnelles au risque
d'engendrer une perte de lien social qui peut conduire à l'exclusion du
groupe.
Enfin, l'adolescent durant sa construction identitaire adopte
de nouvelles normes qui sont celles établies avec son groupe de
pairs.
2.4) La différence de genre
Bien que les sociétés aient évolué
au fil des décennies, les stéréotypes liés au genre
semblent avoir persistés. Dès l'adolescence, on retrouve une
image sexuée du garçon et de la fille. Comme l'évoque le
pédopsychiatre Philippe JEAMMET :
« C'est le propre de la puberté de marquer la
différence entre les sexes. Les adolescents ne sont pas très
sensibles à l'égalité des sexes car cela remet en cause le
changement qui est en train de s'imposer à eux ».
Selon les adolescents interrogés par Ipsos Santé
pour le forum adolescences 2010, la femme représente la
sensualité et la féminité ainsi que la maternité,
la sensibilité et la gérante des tâches
ménagères. L'homme se caractérise par sa virilité,
son côté macho et son travail.
Il apparaît également qu'entre filles et
garçons, chez les adolescents, une différence de perception et
d'estime de soi s'établit en fonction du genre. L'étude «
Perceptions de soi à l'adolescence : différences entre filles et
garçons » (SEIDAH Amélie, BOUFFARD Thérèse,
VEZEAU Carole, 2004) s'est notamment concentrée sur cinq domaines que
sont la compétence scolaire, sociale, athlétique, l'apparence
physique et les relations sentimentales.
Pour les besoins de mon mémoire, nous nous pencherons
sur le domaine de l'apparence physique. Il s'agit du domaine de perception de
soi ayant le plus de corrélation avec l'estime de soi. En effet, avoir
une bonne perception de soi renvoie
25
à une plus forte estime de soi : « Les jeunes qui
ont des attitudes positives envers leur apparence physique ont tendance, plus
que ceux qui ont des attitudes négatives, à avoir une estime de
soi générale élevée » (SEIDAH Amélie et
Al. 2004). En règle générale, les jeunes sont
préoccupés par leur image corporelle, tant au niveau de leur
taille que de leur poids. Mais on note une plus grande satisfaction physique
chez les garçons comparé aux filles. L'exposition
médiatique des standards de beauté idéalisés
à outrance tient sa part de responsabilité dans la satisfaction
plus restreinte des filles vis-à-vis de leur apparence physique. Il faut
rappeler également que les changements physiques qui s'opèrent
chez les garçons sont plus avantageux que chez les filles. Les
garçons gagnent en masse musculaire alors que les filles gagnent en
masse grasse et sont plus sujettes à prendre du poids, ce qui ne les
encourage pas à réexaminer à la hausse la perception
qu'elles ont de leur physique. Les résultats d'une étude
américaine suggèrent que l'estime de soi grandit chez les
garçons âgés de 14 à 23 ans, alors qu'à
l'inverse elle décroit chez les filles et plus particulièrement
à l'âge de 18-23 ans.
Cependant il faut retenir que les garçons ont tendance
à surestimer leurs compétences. Les filles elles portent un
regard plus sévère et critique que les garçons sur
elles-mêmes (BOLOGNI et al. 1996) lorsqu'elles doivent
s'autoévaluer et sont plus en proie aux doutes quant à l'image
corporelle qu'elles renvoient.
Chapitre 2 : Le domaine alimentaire
1) Le modèle alimentaire en application
Pour reprendre la définition de Jean-Pierre POULAIN,
« Les modèles alimentaires sont des ensembles
sociotechniques et symboliques qui articulent un groupe humain à son
milieu, fondent son identité et assurent la mise en place de processus
de différenciation sociale interne. Ils sont un corps de connaissances
technologiques accumulées de génération en
génération, permettant de sélectionner des ressources dans
un espace naturel, de les préparer pour en faire des aliments, puis des
plats et de les consommer. Mais ils sont en même temps des
systèmes de codes symboliques qui mettent en scène les valeurs
d'un groupe humain participant à la construction des identités
culturelles et aux processus de personnalisation » (POULAIN, 2012).
Comparé aux autres modèles alimentaires, le
modèle alimentaire français se distingue par sa sophistication,
sa valorisation du goût, des pratiques sociales et la structuration des
prises alimentaires. MATHE et al. (2009) l'articule autour de six
spécificités :
- Trois repas principaux par jour, et un goûter, pris
à plusieurs et autour
d'une table, à des heures relativement fixes et communes
à tous ;
- Un temps de préparation et une durée des repas
relativement élevés (plus
que dans d'autres pays européens) ;
- Un repas structuré par au moins 3 composantes prises
dans l'ordre ;
- Une grande importance accordée au goût des
aliments ;
- Une diversité alimentaire importante ;
- Une intervention de savoir-faire transmis par
l'expérience.
27
1.1) Trois repas principaux par jour, et un goûter,
pris à plusieurs et autour d'une
table, à des heures relativement fixes et communes
à tous
Parmi les trois repas pris par jours, constitués du
petit-déjeuner, du déjeuner et du dîner, les adolescents
ont tendance à sauter le petit-déjeuner. A 12 ans, 4% d'entre eux
n'en prennent pas, et à 19 ans ils sont 11% (ARENES J. et al, 1998).
Néanmoins ils sont 30% à en prendre un de manière
irrégulière (VOLATIER JL, 2000) et lorsqu'il est pris, les
adolescents font mieux que leurs aînés : il est idéalement
composé pour un jeune sur cinq et correct pour un jeune sur deux (ARENES
J. et al, 1998). Le petit-déjeuner est souvent pris rapidement et de
manière solitaire (en se préparant le matin, sur le trajet de
l'école, juste avant de rentrer dans la classe, ...).
Le déjeuner lui est pris de manière nomade.
C'est l'occasion pour les adolescents de manger « comme ils veulent
», « quand ils veulent » et « où ils veulent ».
Plus d'un quart des adolescents déjeunent hors foyer (ARENE J. et al,
1998).
En revanche, le dîner est le repas qui réunit la
famille et permet de conserver un équilibre alimentaire.
Quant au goûter, qui doit bien être
distingué des grignotages répétitifs qui peuvent survenir
au cours de la journée, est « une collation culturellement admise
» (ALVIN P., 2004, p.191) prise au retour de l'école. Le
goûter et les grignotages représentent 15% de l'AET (Apport
Energétique Total) (PHILLIPE I et al., 1998 ; MICHAUD C. et BAUDIER F.,
1996) mais le goûter représente à lui seul les trois quarts
de cet apport.
1.2) Un temps de préparation et une durée
des repas relativement élevée (plus
que dans d'autres pays européens)
Le temps de préparation des repas ne dépend pas
des adolescents mais plutôt des parents. En revanche, la durée des
repas chez les adolescents est
28
variable. Le petit déjeuner et le déjeuner sont
pris de manière expéditive et le diner conserve tout de
même une part prépondérante du temps journalier
accordé à l'alimentation. Selon une étude
réalisé en 2010 par l'Insee (Institut national de la statistique
et des études économiques, les français (18 ans et plus)
consacrent en moyenne quotidiennement 2h22 à l'alimentation6.
L'étude démontre qu'au fil des décennies les
français sont restés conservateurs de ce temps consacré au
repas ; il a même augmenté, étant de 2h09 en 1986.
Les adolescents déjeunent à la cantine ou aiment
se restaurer dans des fast-foods le midi, où ils y déjeunent en
moyenne en 15 minutes, soit 5 de plus qu'à la cantine. Néanmoins,
lorsqu'il n'est pas soumis à ses contraintes scolaires, le weekend,
l'adolescent peut consacrer jusqu'à 1h30 de son temps à rester
attablé au domicile7. « Si indéniablement on
mange souvent plus vite qu'avant, cela n'est pas réservé
spécifiquement au « hors domicile » et, surtout, de
façon surprenante (surtout chez les adolescents), le temps de la
convivialité autour du repas est beaucoup plus important que certains
l'imaginent. » (CORBEAU J-P, 2013, p.10).
1.3) Un repas structuré par au moins 3 composantes
prises dans l'ordre : entrée,
plat, dessert
Lorsqu'ils achètent leurs repas en restauration
commerciale, la formule « plat-dessert » est la plus populaire. En
revanche, la structure « entrée-plat-dessert » est globalement
retrouvée dans les plateaux des adolescents lorsqu'ils déjeunent
au restaurant scolaire. Ils reconnaissent que « c'est
équilibré, on a une entrée, un plat et un dessert.
»8. Par ailleurs, cette structure, référente du
modèle alimentaire français garde sa valeur aux yeux des
adolescents.
6 (Insee, enquêtes Emploi du temps 1985-1986,
1998-1999 et 2009-2010,
http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1417).
7 OCHA, Colloque international Programme alimentations
adolescentes, « Penser la diversité », Compte rendu,
Leçon, J.P CORBEAU, 2010, p.6.
8 OCHA, Dossier d'information complet du Colloque
"Alimentations Adolescentes" du 12 et 13 Octobre 2009, 2009, p.10
29
« C'est une structure de repas que l'on associe à
un moment de partage, de convivialité, mais aussi de plaisir lors de
repas au restaurant par exemple. »9
1.4) Une grande importance accordée au goût
des aliments
Le goût est un des principaux facteurs
déterminants des préférences et choix alimentaires
(DREWNOWSKI A., 2004, p.4). Chez les adolescents, le plaisir gustatif tient une
place prépondérante et en matière d'éducation
alimentaire, il est important pour les jeunes que l'on reconnaisse leur droit
au plaisir alimentaire10. Ils privilégient la
découverte de nouvelles saveurs et de nouveaux mets et ils accordent un
attachement particulier aux saveurs gustatives ancrées dès
l'enfance (plats de grand-mère par exemple). Bien qu'ils ne soient pas
insensibles aux messages nutritionnels, ils font la balance entre les facteurs
santé et leurs préférences sensorielles qui guident leur
choix alimentaire.
A la différence de nos autres sens, le goût
nécessite de la part du mangeur un jugement de valeur et une
réaction. Pour faire la différence entre le bon et le mauvais,
entre ce qu'il peut avaler ou recracher, il mobilise sa fonction gustative et
distingue l'agréable du désagréable.
1.5) Une diversité alimentaire importante
Le colloque international de l'OCHA « Alimentations
adolescentes, penser la diversité »11, tenu en 2010,
à étudié les diversités alimentaires chez les
adolescents. L'état des lieux dressé, il en ressort « qu'une
majorité d'adolescents mangent des fruits, des légumes et des
produits laitiers tous les jours ». Le restaurant scolaire offre un large
choix aux jeunes et le déjeuner et le dîner se
complémentent. Les adolescents privilégient les crudités
le midi plutôt que le soir. Ils consomment
9 MONCE THIBAUD, L'alimentation des jeunes adultes,
Mémoire de master 1 55AA, Toulouse : Université de Toulouse -
Jean Jaurès/ISTHIA, 2015
10 OCHA, Dossier d'information complet du Colloque
"Alimentations Adolescentes" du 12 et 13 Octobre 2009, 2009, p.12
11 OCHA, Colloque international Programme
alimentations adolescentes, « Penser la diversité », Compte
rendu, 2010
30
cependant autant de légumes cuits au déjeuner,
qu'au dîner. Les filles ont tendance à consommer les fruits
plutôt à midi et les laitages sont préférés
au dîner. Par ailleurs, les choix alimentaires des adolescents sont aussi
guidés par la saisonnalité.
1.6) Une intervention de savoir-faire transmis par
l'expérience
Le savoir-faire culinaire les adolescents s'articule autour de
trois leviers : l'imitation de la mère, les essais-erreurs et la lecture
de recettes. L'héritage maternel est valorisé mais les jeunes
pensent toujours qu'on ne leur révèle pas tous les « secrets
de fabrication », car ils ont du mal à retrouver exactement le
même goût que maman dans leur préparation. En revanche ils
valorisent surtout leur créativité bien qu'elle puisse se
traduire sous forme d'essais-erreurs et la lecture de recettes qui les
inspirent (GARABUAU-MOUSSAOUI Isabelle, 2001).
Toutefois, ils entretiennent un rapport complexe avec le monde
culinaire, entre rejet et volonté d'apprendre. Ils doivent s'inscrire
comme un groupe autonome et la cuisine peut contribuer à la construction
de leur identité (GARABUAU-MOUSSAOUI, 2001). Ils innovent et apportent
leurs propres modifications aux recettes de maman.
Mais d'autre part, justement, ils affectionnent
particulièrement les bons petits plats de leur mère ou
grand-mère, qui leur rappellent leur enfance et portent un fort
attachement au traditionnel repas de famille. C'est l'occasion pour les
adolescents de se sentir quelque part encore enfant. BOURDIEU (1979)
évoque une « nostalgie du monde natal ». Par ailleurs les
repas de fêtes permettent de perpétuer les traditions
culinaires12.
12 OCHA, Colloque international Programme
alimentations adolescentes, « Penser la diversité », Compte
rendu, Leçon, Marie-Pierre JULIEN, 2010, p.28
31
2) Les habitudes de consommation des jeunes
A l'adolescence, les jeunes ont des besoins nutritionnels
accrus. La ration énergétique augmente et on constate surtout une
augmentation de la part des glucides simples et des lipides, de quoi alarmer
les professionnels de santé : « Alors que globalement nous mangeons
plus équilibré qu'auparavant, les jeunes en revanche se gavent de
plus en plus de pâtisseries, de boissons sucrées et de confiseries
» (MONCEAU C et al, 2002).
Dans L'Homnivore, Claude FISCHLER (2001) nous dresse une liste
des aliments les plus appréciés par les adolescents, basée
sur une étude américaine. Il cite « les glaces, les dindes
rôties, les petits pains, le poulet frit, le steak, une série de
desserts, les pommes-frites et le lait ». Il en ressort d'une étude
française de nombreuses similitudes, avec en tête de liste les
aliments sucrés, le poulet, la viande, les pommes-frites et les fruits.
La comparaison des deux études permet de mettre en évidence aussi
des différences culturelles quant à l'attrait des adolescents
pour certains aliments. Le lait, par exemple, est apprécié par
92% des adolescents américains contre 55 à 60% chez les
français.
On peut également mentionner les hamburgers, les
milkshakes, les bonbons et les barres chocolatées13. Ainsi
que les produits nomades tels que les pasta box (pâtes en boîte),
les kebabs, les sandwichs et les pizzas, qui sont appréciés, au
même titre que les fast-food, pour des « déambulations
urbaines au déjeuner entre copains » (MONCEAU C et al, 2002) et
pour leurs aspects froid, sec, cru, piquant et à manipuler sans couvert
(finger food).
Pour autant, les jeunes considèrent les fast-foods et
les produits industriels comme des marqueurs générationnels. Les
adolescents gardent à l'esprit qu'il s'agit de produits peu sains qui ne
constituent pas à eux seuls leur univers alimentaire.
13 Le parisien, Les français mangent plus
équilibrés qu'avant, 15 mai 2002
32
C'est un plaisir que l'on peut s'accorder de temps en temps
mais à modérer avec une alimentation plus saine et
légère. Et contrairement à ce que l'on pourrait penser,
ils sont une minorité à boire des sodas quotidiennement. Ils sont
consommés ponctuellement au déjeuner et plutôt par les
garçons.
Du côté des aversions alimentaires, selon une
étude qui portait sur les aliments goutés et finis en premiers
dans l'assiette, Claude Fischler (2001) désigne les navets, les
aubergines, le foie, le chou, les betteraves et les tomates cuites. On constate
que les légumes sont les moins appréciés. Les aliments
à goût fort comme la vinaigrette, les cornichons, le poivre,
l'ail, l'olive noire, les oignons, la moutarde ou le pamplemousse sont
également difficilement acceptés par les adolescents. Cependant
ces derniers que l'on caractérise d'« aliments adultes »
tendent à devenir plus facilement tolérés avec
l'âge. L'auteur introduit la notion d'aliments sensibles à la
variable âge, conduits par un dégoût cognitif et cible
surtout les aliments d'origine animale : abats, cervelle, foie, lait ; et les
aliments à fort goût comme le fromage. De plus en plus aversifs
avec l'âge mais à différents degrés selon le
sexe.
En effet, la variable du genre interagit sur
l'évolution des goûts. Les rejets d'aliments sont plus
répandus chez les filles que chez les garçons, exceptés
pour le groupe des fruits et légumes, qui pourraient s'expliquer par une
sensibilité plus importante des filles à la pression, aux
préoccupations diététiques et aux
stéréotypes sociaux. Les garçons doivent faire preuve de
courage alors que les filles n'hésitent pas à clamer leurs
aversions et dégoûts. De même, la consommation de beurre
reste la même chez les garçons de l'enfance à
l'adolescence, alors que chez les filles, elle diminue. Par contre, la viande
est préférée par les garçons (41% chez les filles
vs 52% chez les garçons).
Ainsi, les choix alimentaires des jeunes contribuent
progressivement à la création de leur identité sexuelle.
D'une manière générale, la consommation des
33
garçons est représentée par un
éventail d'aliments à haute valeur calorique, en opposition avec
celle des filles. Les adolescents peuvent se retrouver tiraillés entre
le paradoxe du « bon » gustativement parlant et le « bon »
diététiquement parlant, mais ce n'est pas ce qui façonne
prioritairement leur comportement alimentaire. Il est également
nécessaire de tenir compte des influences socioculturelles.
3) Dimensions socioculturelles des influences sur les
pratiques alimentaires des adolescents
Loin d'être dictées par les exigences
nutritionnelles, les pratiques alimentaires des adolescents se dessinent au
sein d'un contexte social et de règles sociales. La dimension
socioculturelle des prises alimentaires réunit les
préférences, les environnements, les situations et les conduites
de consommation, ainsi que les aspects de commensalité. Ces tenants sont
influencés par :
- le cadre familial
- les groupes de pairs
- les médias et la culture de masse
3.1) Le cadre familial
Le contexte familial est l'élément central et
majeur encadrant les prises alimentaires. C'est au sein de la famille que
l'adolescent fonde et reproduit les comportements. L'influence parentale se
répercute sur les habitudes et comportements alimentaires des jeunes qui
effectuent des choix alimentaires similaires à leurs parents. Ils sont
influencés par la nourriture proposée quotidiennement au foyer,
mais aussi par les valeurs, croyances et préférences qui
règnent à la maison.
34
On constate également une alimentation qualitativement
supérieure à domicile, qui met à disposition des jeunes
des aliments sains (augmentation de la consommation de fruits et
légumes), alors qu'en restauration rapide on évoque une
disponibilité d'aliments « camelote » très gras et
sucrés14. Par ailleurs, les conseils et le soutien des
parents quant à l'importance d'un bon équilibre alimentaire,
orientent les adolescents à faire les bons choix. De même, les
règles familiales, régissent la prise de repas peuvent avoir des
répercussions sur le repas de l'adolescent. Par exemple, lorsque
l'encadrement parental est permissif, la tendance est pour les aliments gras et
sucrés (HAERENS, L et al., 2008). A contrario, si la pratique parentale
est stricte, on note une consommation plus présente de fruits et
légumes (VAN DER HORST, K et al, 2007). Mais, paradoxalement, ce style
d'autorité peut aussi conduire le mangeur à développer une
attirance pour la nourriture dont il aura été privé,
notamment les aliments gras et sucrés, qu'il désirera même
en l'absence de sensation de faim (PATRICK, H., et T. A. NICKLAS, 2005).
En outre, les repas en famille occupent une place très
importante pour les adolescents. « Le repas de référence est
le repas familial13 ». Ils favorisent la diffusion de valeurs
alimentaires saines, d'autant plus chez les catégories
socioprofessionnelles favorisées (CSP+) (PATRICK, H., et T. A. NICKLAS,
2005, p.8392) et réfèrent à une alimentation de meilleure
qualité. D'ailleurs, de nombreux adolescents associent le repas familial
au symbole d'une alimentation équilibrée. Il assure la
transmission de bonnes pratiques alimentaires qui s'ancrent jusqu'à
l'âge adulte, de même que les bénéfices psychosociaux
qu'il apporte du fait de manger régulièrement en famille
(BURGESS-CHAMPOUX, T. L., N. LARSON, D. NEUMARK-SZTAINER, P. J HANNAN et M.
STORY, 2009, p.79-86). Les principaux freins évoqués pour la
prise de repas en famille sont l'insuffisance de
14 Institut national de santé publique du
Québec, Ados 12-14 : les dimensions socioculturelles des pratiques
alimentaires et d'activité physique des adolescents - Recension des
écrits, Direction du développement des individus et des
communautés, Septembre 2011.
35
temps, la difficile coordination des emplois du temps de tous
les membres de la famille et le goût pour la prise de repas nomades des
adolescents avec leurs amis (NEUMARK-SZTAINER, D., N. I. LARSON, J. A.
FULKERSON, M. E. EISENBERG et M. STORY, 2010, p.1113-1121).
Effectivement, même si les adolescents apprécient
l'idée sécurisante du repas en famille, ils aiment manger hors du
foyer. Ils sont à la recherche d'indépendance et revendiquent
leur autonomie alimentaire à travers la liberté de choix qui
s'offrent à eux lorsqu'ils prennent leurs repas à
l'extérieur du domicile. Ils multiplient les lieux de restauration et en
font un terrain d'expérimentation. Ainsi, les jeunes pensent garder une
part de contrôle sur leur alimentation. L'environnement du repas
participe à créer l'appréciation ou la
dépréciation de la prise alimentaire en liaison avec les
personnes présentes lors du repas. C'est pourquoi les adolescents
délaissent parfois le nid familial au profit de la compagnie de
pairs.
3.2) Les groupes de pairs
Les amis et autres fréquentations des adolescents du
même âge revêtent pour eux une norme sociale influente. Au
sujet du domaine alimentaire les canaux d'influences sont de plusieurs
ordres.
D'une part, les pairs peuvent arbitrer les choix alimentaires.
L'influence est favorable lorsque l'adolescent est entouré des jeunes
qui se préoccupent de bien manger, favorisant ainsi une saine
alimentation. Inversement, elle devient défavorable lorsque le groupe ne
s'en soucie guère. Il a été mis en lien que la malbouffe
chez les jeunes hommes serait corrélée à celle de leurs
amis (FLETCHER, A., C. BONELL et A. SORHAINDO, 2011). Fort de ce constat, des
économistes ont travaillé à évaluer l'impact des
pairs sur la prise alimentaire et concluent « qu'un jeune augmente sa
consommation de tels aliments lorsque ses amis augmentent leur propre
consommation moyenne » (FORTIN, B., et M. YAZBECK, 2011). Ils
démontrent par-là l'emprise effective qui se pratique sur
36
l'adolescent, en compagnie de ses confrères, et parlent
de « multiplicateur social » qui agit face à la malbouffe et
le côtoiement des structures de restauration rapide. De la même
manière, l'influence des pairs peut aussi se répercuter sur les
comportements alimentaires. Il a été constaté, notamment
chez les jeunes femmes, que des troubles du comportement alimentaire (boulimie,
anorexie, ...) ou l'obsession malsaine pour la maîtrise de son poids
peut-être transmissible entre adolescentes d'un même groupe.
D'autre part, les comportements alimentaires des jeunes sont
considérablement chaperonnés par la pression normative des pairs.
Le regard que porte le groupe sur l'adolescent est fondamental pour ce dernier
et pourra même devenir prioritaire face à ses habitudes
comportementales. Par exemple, dans une étude réalisée
(RUFO, M., et M. CHOQUET, 2007), les jeunes sondés rapportaient aimer
bien manger d'un point de vu santé et nutritionnel, mais n'osaient pas
le faire à l'école par crainte d'être moqués en
optant pour des choix sains qui le différencieraient des autres.
Être identifié comme un « mangeur santé »
pourrait les conduire au rejet social.
Les aliments ont par ailleurs une forte charge symbolique de
la culture adolescente. La malbouffe est associée à un moment
combinant le besoin de s'alimenter tout en riant et en tissant des liens avec
ses amis. Aussi, manger peu ou « manger léger » serait signe
de féminité et manger beaucoup, de masculinité. Ceci nous
conduit aux travaux d'Annie Hubert sur la recherche féminine du corps
léger. Aujourd'hui la femme a un appétit léger pour «
fabriquer un corps léger ». L'homme lui a un appétit solide
pour « construire son corps d'homme » puissant et musclé. De
ce fait, les filles sont gênées de « beaucoup » manger
devant les garçons. Elles ne veulent pas qu'on les prenne pour des
goinfres car cela entacherait leur image féminine (COUNIHAN C. M.,
1999). « Manger santé » peut également porter le
symbole de snobisme dans l'esprit de certains ados, notamment chez les
adolescents issus de catégories socio-professionnelles moins
favorisées
37
(CSP-). Ils ont peur d'être exclus et subir les
moqueries de leurs camarades, mais paradoxalement à l'inverse le «
mangeur non-santé » pourrait être victime des mêmes
satires s'il se retrouve en dehors de la norme pondérale.
La recherche de socialisation de l'adolescent l'amène
à repenser ses choix et comportements alimentaires et à
considérer le fait de manger dans de nouvelles dimensions
symboliques.
3.3) Les médias et la culture de masse
Après l'école, les jeunes aiment s'adonner
à des activités distrayantes. Les activités
médiatiques telles qu'écouter de la musique, regarder la
télévision, surfer sur internet ou jouer aux jeux vidéo en
font largement parti.
Intéressons-nous à l'influence de la
télévision et d'Internet. L'étude menée sur
l'influence des médias sur les adolescents met en avant leurs influences
positives et négatives (COLOMBE F. et FISET C., 2008).
La télévision a un rôle distractif : les
adolescents regardent leurs films, séries, télé-crochets
ou jeux télévisés préférés. Mais
c'est aussi un moyen de communication qui permet aux jeunes de se tenir
informés de l'actualité et des événements qui se
déroulent dans la société et partout dans le monde. «
La télévision n'est pas à bannir car elle constitue un
support informatif non négligeable, mais il faut en maîtriser
l'usage, notamment le temps que les jeunes lui consacrent ainsi que les
thèmes des films » (HAULTCOEUR Guillaume, 2007, p.31).
L'usage d'internet quant à lui est un moyen de
communication qui permet tout d'abord pour les jeunes de créer ou
d'entretenir le lien social avec les pairs via les réseaux sociaux,
forum ou chat. Mais il peut également s'agir d'un moyen de communication
informatif et instructif pour les adolescents mettant à leur disposition
un grand nombre de ressources facile d'accès.
38
Malgré cela, les médias ont aussi des influences
négatives sur les jeunes. Ils impacts sur :
- les taux d'obésités, lié à la
sédentarité et l'inactivité qui s'accompagnent à la
pratique des médias ;
- la santé physique et mentale des jeunes qui s'obnubilent
sur leur image corporelle ;
- les comportements de violence, de plus en plus
montrés à la télévision ou dans les jeux
vidéo et réalistes
- les comportements sexuels, dus à l'exposition
médiatique de contenus
sexuels visibles par tous et qui repoussent de plus en plus les
limites, valeurs et croyances des jeunes vis-à-vis de leur
sexualité;
- les comportements à risques, tels que la consommation
d'alcool, de drogues ou de tabac.
Nous allons développer l'impact des médias sur
la santé physique et mentale des adolescents. « Depuis plusieurs
décennies, les chercheurs en santé aussi bien qu'en communication
s'inquiètent de l'influence des médias sur la santé
physique et mentale des enfants et des adolescents »15.
Les médias, à travers les publicités,
revues et magazines sont nombreux à véhiculer une image
très exigeante de l'idéal corporel. La femme doit être
mince pour prétendre avoir un beau corps et l'homme musclé, gage
de force. Néanmoins, cet idéal corporel, irréel et
inaccessible, pousse les jeunes à avoir des pratiques alimentaires
dangereuses pour leur santé. « Les médecins rencontrent un
nombre croissant d'enfants et d'adolescents souffrant de troubles alimentaires
comme l'anorexie nerveuse et la boulimie.»16 La recherche de
l'idéal corporel pour
15 Réseau Éducation-Médias,
MédiaScope Les médias dans la vie des jeunes Un guide pour les
professionnels de la santé, Québec, 2003, p.3
16 Réseau Éducation-Médias,
MédiaScope Les médias dans la vie des jeunes Un guide pour les
professionnels de la santé, Québec, 2003, p.7
39
ressembler aux figures emblématiques que l'on voit dans
les médias incitent également les adolescents à adopter
une restriction alimentaire ou un régime particulier. Ils contribuent de
plus au rejet de leur apparence, déjà difficile à
assumer.
Bien qu'ils soient un support d'informations positif, la
notoriété des médias et les messages qu'ils transmettent
peuvent être porteurs de risques pour la santé physique et mentale
des adolescents. Les médias peuvent induire une distorsion de l'image de
soi qui aura un impact sur les comportements alimentaires des adolescents.
Chapitre 3 : La culture du lait et des produits
laitiers
1) Histoire du lait
Le lait a longtemps été un aliment
controversé. Les mangeurs d'hier ne lui portaient pas le même
regard que les mangeurs d'aujourd'hui. Bannis de l'alimentation, le lait et les
produits laitiers tiennent désormais une place centrale au sein de notre
ration quotidienne. Comment les opinions et les conduites ont elles
évolué au fil des siècles, amenant le lait et les produits
laitiers à passer du statut de « rejeté » à
« intégré » ?
1.1) Du rejet...
Du Moyen Âge au XVIIIème
siècle, le lait n'était pas reconnu pour ses qualités
nutritionnelles. Il n'avait pas de statut social et était
considéré comme un aliment « chasse faim ». Pour les
Romains, il était destiné aux peuples barbares et sauvages.
C'était une alimentation de brute bâtie sur la consommation de
produits d'origine animale, avec le beurre et la viande. Or à cette
époque, le triptyque de la civilisation se distinguait par la
consommation d'aliments d'origine végétale comme le vin, l'huile
et les céréales.
Ambassadeur de l'alimentation du pauvre et du paysan, son
breuvage reflète pour la plupart une arriération de certains
peuples méprisés.
Dans l'Encyclopédie de 1751-1772, on lui porte
l'accusation suivante :
« Le lait fournit à des nations entières,
principalement aux habitants des montagnes, la nourriture ordinaire,
journalière, fondamentale. Les hommes de ces contrées sont gras,
lourds, paresseux, stupides ou du moins graves, sérieux, pensifs,
sombres. Il n'est pas douteux que l'usage habituel du lait ne soit une des
causes de cette constitution populaire. La gaîté, l'air leste,
la
41
légèreté, les mouvements aisés,
vifs et vigoureux des peuples qui boivent habituellement du vin en est le
contraste le plus frappant [...] c'est un aliment suspect, peu analogue aux
organes digestifs de l'adulte et que l'art humain, l'éducation,
l'habitude, n'ont pu faire adopter à la nature. »
Un siècle plus tard, ça n'a pas changé.
On peut lire dans la Grande Encyclopédie illustrée
d'économie domestique et rurale (1875) que le lait est toujours
autant blâmé :
« Le lait est un mauvais aliment ; il ne convient ni aux
adultes, ni eux vieillards, ni aux bilieux, ni aux lymphatiques, etc. »
Suite à toutes ces critiques, diverses
précautions d'usage ont été prodiguées (LAURIOUX
Bruno, 1994) :
- Le corps médical du Moyen Age et de l'époque
moderne appelaient à la méfiance vis-à-vis du lait ; Le
lait de vache était jugé trop gras, grossier et abondamment
nutritif comparé au lait des autres animaux, telles que la chèvre
ou la brebis, et pouvait être source de vomissements ;
- Le lait est une substance indigeste (Isaac et Juif) ;
- La consommation de lait cru doit se faire en prise
isolée pour ne pas dénaturer sa qualité ;
- Il faut boire le lait à jeun, ne pas pratiquer
d'activité physique lorsqu'on le consomme et attendre minimum trois
heures avant de pouvoir se nourrir de nouveau ;
- A forte consommation le lait cru attaque les dents, favorise
les caries dentaires et provoque la lèpre ;
- Le lait caille dans l'estomac et provoque des flatulences ;
- C'est une boisson qui doit être consommée en
début de repas, chaude avec du miel ou du sucre et qui ne doit surtout
pas être bue avec du vin, autrement le lait se transformerait en un
poison dans l'estomac ;
42
- Pour ne pas rendre froids les vieillards, affaiblir les hommes
vigoureux et corrompre la croissance des adolescents, le lait leur
été déconseillé.
Puis progressivement, la médecine change d'avis. Ils
caractérisent le lait de vache comme le lait par excellence lui
reconnaissant tout un panel de qualités nutritionnelles. Une promotion
médicale s'instaure autour du lait et des produits laitiers
entraînant un changement des comportements et attitudes vis-à-vis
de ces derniers.
1.2) A l'intégration
Chez les chrétiens, le lait et les laitages (comme la
viande et les graisses animales) ne leur étaient tolérés
que les jours dits « gras ». Durant l'époque de saint Louis,
la permission leur fit accordée de pouvoir en consommer les jours «
gras » comme les jours « maigres ». Ce privilège a permis
de reclasser ces produits dans la catégorie des aliments maigres et n'a
fait que les propulser sur le devant de la scène, les rendant de plus en
plus populaires.
Les médecins prescrivent la « diet lactée
» comme solution thérapeutique à certaines pathologies,
notamment la goutte.
La cuisine au beurre et à la crème s'installe
dans les habitudes culinaires et contribue à la réalisation de
plus en plus de recettes. Le lait quant à lui est un aliment fragile qui
peut vite tourner. Par précaution, il faut le faire bouillir. Il n'est
mentionné que dans très peu de recettes, souvent des entremets
céréaliers.
Puis, à partir du XIXème siècle,
grâce à l'apparition de la pasteurisation, les progrès de
l'hygiène permettent de doubler la consommation du lait et des produits
laitiers crus.
43
La promotion pour le lait se diffuse et l' « office du
lait » se crée à Paris en 1926 pour recueillir des
subventions et soutenir les professionnels de la filière
laitière.
Les industriels s'emparent ensuite de ce marché.
Grâce à l'apparition de la réfrigération en 1930 et
la technique de conservation UHT (ultra haute température) vingt ans
plus tard, la fabrication de produits laitiers dérivés se
répand. L'industrie laitière se développe.
La circulaire de 1954 précisant que tous les enfants
scolarisés du premier degré auront droit à des
distributions de lait et de sucre dans les écoles ne fera
qu'entériner sa considération auprès de la population.
Le lait passe du statut d'aliment marginal et
méprisé au rang d'aliment de référence et
indispensable pour la santé. Bien qu'il ait su conserver cette image
encore aujourd'hui, le débat autour du lait est loin d'être clos
et contribue à nourrir la symbolique qui s'établit autour de
lui.
2) Images et symboles
Comme nous venons de le voir, au fil de son histoire l'image
du lait a changé. Le lait a différentes représentations
dans l'esprit des gens. Ce n'est pas un produit banal : il est porteur d'une
imagerie traditionnelle et de symboles ancrés dans les modèles
que nous admirons. « Les aliments sont porteurs de sens et ce sens leur
permet d'exercer des effets symboliques et réels, individuels et sociaux
» (FISCHLER Claude, 2001, p.88). Intéressons-nous à la forte
charge symbolique qui entoure le lait.
2.1) Maternité et enfance
Le lait n'est pas une boisson comme les autres : elle est
chargée de symboles. Elle représente d'une part la relation
physiologique entre la maman et
44
son enfant, la relation nourricière qui les unit et le
lien sacré et rassurant de la prise en charge maternelle. C'est un
aliment fondamental et vital pour l'enfant durant ses premiers mois de vie.
Alors rapporté à l'enfance, le lait induit
vulnérabilité, fragilité, dépendance et soumission,
ce qui peut faire de lui une « boisson des faibles » (MOREL Pierre,
1994, p.74-86). Il était par ailleurs aussi souvent destiné aux
malades et aux vieillards, à contrario du vin réservé aux
hommes forts. Suite au sevrage du lait maternel, le lait subsiste dans
l'alimentation de l'enfant. Cette consommation reste favorisée par la
mère et il se retrouve encore dans les bouillies infantiles ou
associé avec des céréales le matin. Seul aliment commun
aux deux stades de notre évolution, il symbolise cette fois le «
passage de la dépendance à l'apprentissage de
l'indépendance » (CLEMENT Didier, 1994, p.44-49).
2.2) Intégration culinaire
Le lait représente donc l'aliment par lequel nous
commençons notre vie mais aussi celui par lequel nous débutons
notre journée. Il s'agit d'un aliment complet apportant des
protéines, des glucides et des lipides. Au fur et à mesure qu'il
s'est popularisé, le lait a rencontré un usage culinaire
quotidien et s'est intégré dans bons nombres de
préparations, pour tout type de repas, sucré comme salé.
Parmi les desserts nous pouvons citer : les entremets céréaliers,
crêpes, gaufres, clafoutis, flans, crèmes
(pâtissière, renversée, anglaise), etc ; et parmi son usage
pour le salé : la béchamel, la purée, les potages, la
quiche, les gnocchis, etc.
2.3) Produits naturels, culturels et économiques
Le lait est caractérisé comme une caution du
naturel car c'est un liquide physiologique sécrété par les
mammifères et obtenu après la traite. Il s'agit d'un produit sain
et brut, offert par la nature et ayant la seule fonction de nourrir. Par
ailleurs, sa conservation en l'état est instable et les hommes ont
rusés de techniques (fermentation, caillage, coagulation, etc) pour la
prolonger donnant ainsi les produits laitiers.
45
Le lait et les produits laitiers constituent alors des «
aliments de nature mais aussi des aliments de cultures » (BIEULAC-SCOTT
Maggy, 2012, p.771). Ils font partie du répertoire alimentaire de
l'homme depuis près de dix mille ans et ceux dans toutes les cultures.
Les différentes sociétés se forgent leurs propres
représentations, s'approprient son usage et sa consommation.
En outre, le lait est un produit économique qui
concentre en lui seul des qualités nutritionnelles nécessaires
à la santé. C'est un aliment bâtisseur qui construit et
solidifie les os, le squelette et les dents. Compte tenu de la modicité
de son prix, il constitue une denrée salutaire en temps de crise qui
pourra être consommé sans compter.
2.4) Incorporation
« Le choix de consommer tel ou tel produit s'inscrit dans
une logique de protection-prévention qui prend sa source dans la
pensée magique : croire aux vertus du produit incorporé »
(GINESTE Muriel, 2003, p.258).
Claude FISCHLER (2001, p.66) nous décrit ce principe
d'incorporation de la manière suivante :
« L'acte fondamental sur lequel se cristallise «
l'angoisse de l'omnivore », telle que nous venons de la définir,
c'est l'incorporation, c'est-à-dire le mouvement par lequel nous faisons
franchir à l'aliment la frontière entre le monde et notre corps,
le dehors et le dedans [...] Incorporer un aliment, c'est, sur un plan
réel comme sur un plan imaginaire, incorporer tout ou en partie de ses
propriétés : nous devenons ce que nous mangeons. »
En buvant du lait, on incorpore donc ses bienfaits et ses
vertus, qui relèvent à la fois du vital mais aussi du
symbolique.
46
3) Perception chez les adolescents
Dans cette partie, les informations évoquées
prennent principalement source dans le programme AlimAdos, mené par
l'OCHA17. Chez les adolescents les produits laitiers sont une
catégorie d'aliments qui représentent à la fois goût
et dégoût. Leurs préférences alimentaires guident
alors leurs choix.
Pour les produits laitiers, les adolescents favorisent «
le frais, le cru et le croquant » gage de pureté et de
sainteté. Ils aiment consommer des produits nomades tels que les
yaourts, les yaourts à boire ou les fromages individuels en portion. Il
s'agit de produits facilement transportables et adaptés à leur
mode de consommation hors foyer. Pour autant, ils ne sont pas
réfractaires aux fromages à fort goût ou aux fromages qui
« puent ».
Le lait, lui, a toutefois un statut beaucoup plus particulier
à l'adolescence. Pourtant très apprécié lorsque
l'on est enfant, il perd vite de sa popularité auprès des jeunes.
Ces derniers le considèrent comme un produit beaucoup trop enfantin pour
eux maintenant. Comme évoqué plus haut, le lait est symbole
d'enfance et qualifié d'aliment « navette » ou «
frontière » entre l'enfance et l'adolescence. Ainsi, boire du lait
devant ses copains maintenant que l'on devient grand est difficile à
concevoir pour les adolescents : « Je ne me vois pas boire du lait comme
du coca-cola, ce serait trop la loose » (Mégane, 15 ans), ou «
J'imagine mal fumer ma cigarette du matin avec un verre de lait »
(Ahcène, 17 ans). Néanmoins, les jeunes apprécient le
boire dans l'intimité, à la maison. Ils le qualifient d'aliment
réconfort et qui console, signe de douceur, qui remonte le moral lorsque
l'on ne va pas bien.
Malgré ce rejet social en présence de pairs, les
adolescents gardent en vison globale positive du lait et des produits laitiers
qu'ils rattachent aux facteurs santé, bons pour les os et la croissance,
riches en calcium.
17 AlimAdos, Colloque Ocha, Alimentation adolescente,
Octobre 2009, Paris.
PARTIE 2 : HYPOTHESES
J'ai ainsi eu l'opportunité de rencontrer trois
adolescents présentés dans le tableau ci-dessous, que j'ai
interrogé pendant près d'une demi-heure chacun :
La construction des hypothèses
A partir de la problématique exposée ci-dessus,
et en mêlant le cadre théorique aux entretiens exploratoires que
j'ai effectué, émanent mes hypothèses.
Pour la réalisation de mes entretiens exploratoires,
j'ai souhaité m'entretenir avec les individus de ma population cible qui
sont les adolescents. Je me suis entretenue avec des jeunes que j'ai
recruté en tenant compte de leur :
? Sexe ? Âge
? Situation professionnelle
? Cadre de vie
La période de l'adolescence comprenant des individus
d'une fourchette d'âge assez espacée, je me suis plutôt
concentrée sur des jeunes se situant dans la fourchette haute, pour
constater l'évolution de la perception du lait et des produits laitiers
à un stade avancé de l'adolescence.
J'ai élaboré mon guide d'entretien exploratoire
autour de thèmes larges de l'alimentation tels que les normes,
représentations et cadre alimentaire ainsi que sur les comportements
alimentaires. Puis j'ai voulu aborder la thématique de la perception
physique. En effet, lors de la réalisation de mon cadrage
théorique, cette notion m'a semblée pertinente à analyser
car elle préoccupe les adolescents et pour tenter d'identifier si elle
influence leur consommation de lait et de produits laitiers. Enfin, j'ai
concentré la suite de mes questions sur le coeur du sujet : le lait et
les produits laitiers, en interrogeant les jeunes sur leur consommation et
perception vis-à-vis de ces aliments.
49
Enquêté
|
Sexe
|
Age
|
Situation professionnelle
|
Cadre de vie
|
Entretien exploratoire
|
KM
|
Masculin
|
18 ans
|
Etudiant en psychologie
|
Habite seul, à Toulouse
|
n°1
|
LG
|
Féminin
|
21 ans
|
Etudiante en L3 Biologie
|
Habite chez ses parents, à Muret
|
n°2
|
CH
|
Féminin
|
23 ans
|
Comptable
|
Habite seule, à Toulouse
|
n°3
|
Les retranscriptions de ces trois entretiens exploratoires sont
présentées en
Annexe B, C et D.
« Avec les amis ça va être kebabs ou
pizzas » (CH, entretien exploratoire n°3).
Hypothèse n°1 : L'influence des pairs et
de la famille redistribue l'évolution des goûts pour le lait et
les produits laitiers
? Une qualité alimentaire
différente
Nous pouvons faire l'hypothèse que la qualité
que l'on associe à un repas ou à la prise alimentaire d'une
substance en particulier peut faire varier notre appréciation pour ces
derniers. L'environnement social est notamment un paramètre qui peut
influencer cette qualité. La commensalité, les personnes avec
lesquelles on partage le repas, qu'elles soient de l'ordre du cercle familial
ou amical peuvent impacter sur la qualité du repas.
Tout d'abord elles déterminent la convivialité du
repas :
« ça met une bonne ambiance donc ça
influence [la qualité] » (KM, entretien exploratoire
n°1).
Par ailleurs elles influencent la qualité des produits
:
« [Avec ma famille] Souvent ce sont des repas que
l'on a rarement l'occasion de manger, comme du foie gras, voilà des
aliments qui coûtent chers, qui sont onéreux » (CH,
entretien exploratoire n°3).
Et si la famille influence positivement la qualité, les
groupes de pairs, eux, l'influence plutôt négativement, surtout
sur le plan nutritionnel. Lorsque l'on évoque aux jeunes un repas entre
amis, il en ressort en premier une consommation accrue de malbouffe et de
fast-food :
51
Bien qu'ils aient conscience qu'il s'agisse d'aliments de
moins bonne qualité, on a l'impression qu'ils doivent le faire pour
entretenir leur vie sociale :
« du moins sacrifier la qualité des aliments
parce que je veux garder un bon équilibre social » (CH,
entretien exploratoire n°3).
Manger ensemble est un acte qui permet de montrer son
appartenance à un groupe, et nous pouvons faire l'hypothèse que
ces prises alimentaires collectives participent à la solidification de
la cohésion de ce groupe (Simmel, 1910; Durkheim, 1912; De Garine, 1976;
Appadurai, 1981). Manger ensemble est en cela un temps de socialisation aux
valeurs et aux normes qui sont partagées par le groupe (Mauss, 1950;
Mars, 1997; Ochs et Shohet, 2006). Cela est valable au sein d'une culture,
d'une société, d'une famille
? Des choix alimentaires différents
Nos choix alimentaires peuvent être guidés par
des influences extérieures. De ce fait, l'entourage social des jeunes en
fait partie et peut nous amener à repenser nos choix alimentaires en
fonction des personnes qui nous entourent lors de la prise alimentaire. Les
groupes de pairs ont une grande influence sur les adolescents, qui, rappelons
le, jouent un rôle déterminant dans la construction identitaire et
sociale de ces derniers.
Par exemple KM (entretien exploratoire n°1) nous dit
manger des plats particuliers en présence de ses amis étrangers
:
« j'aime bien découvrir de nouveaux plats et
donc quand mes amis étrangers me font leurs plats, après chez moi
j'essaye de les refaire. Je les cuisine. ».
L'identité culturelle des amis des adolescents,
lorsqu'elle est différente de la leur, les amène à la
découverte de nouvelles saveurs. De la même manière, LG
52
(entretien exploratoire n°2) le week-end lorsqu'elle
retrouve ses amis de Muret pourra :
« se faire des kebabs tout le week-end » mais avec
ses copines de la fac, ce sera « un truc comme ça dans la semaine
mais pas plus ». CH quant à elle nous dit « qu'avec
les amis c'est kebabs ou pizzas ».
Le mangeur ne consomme donc pas les mêmes aliments et cela
dépend de
la situation.
En effet, en fonction du contexte, les adolescents s'adaptent
aux personnes qui les entourent pour partager le repas :
« Ca dépend avec qui je traîne. Quand je
suis avec des africains, je mange
sénégalais. Après là par
exemple cette année c'est un peu bizarre. J'ai du me faire des nouveaux
potes donc j'essaye de manger un peu comme eux » (KM, entretien
exploratoire n°1),
quitte à modifier leurs habitudes alimentaires les plus
courantes :
« Quand je mange avec un ami, il va pas
forcément suivre mes habitudes alimentaires donc je vais essayer de
m'adapter à lui, il y aura une différence » (CH,
entretien exploratoire n°3).
Il s'agit également de faire preuve de complaisance
lorsque l'on est entouré d'autres personnes et de tenir compte de leur
plaisir alimentaire :
« Selon que je sois avec mon copain ou pas, ça
peut y jouer. Je veux lui faire plaisir donc je lui achète une glace
pour le dessert par exemple. Du coup je mange une glace » (CH,
entretien exploratoire n°3).
Ainsi, ces constatations nous orientent vers le «
triangle du manger » exposé par Jean-Pierre CORBEAU.
Indépendamment de l'âge, du sexe, de la catégorie
socioprofessionnelle et de la nationalité, le
sociologue rapporte que tous mangeurs s'inscrit dans ce triangle et que
l'alimentation dépend de trois facteurs : du mangeur, de l'aliment et
d'une situation particulière, à appréhender de
façon plurielle. L'aliment en présence de pairs proviendra
généralement des enseignes de restauration rapide, sans pour
autant que l'adolescent déprécie la cuisine traditionnelle
familiale ou équilibrée à la maison. Mais ainsi, « La
situation, nouvelle ou insatisfaisante, focalise l'attention du mangeur sur
l'aliment : celui-ci peut alors fournir un moyen de se rassurer, soit parce
qu'il exprime - de façon plus ou moins mythifiée - une
identité que l'on souhaite fortifier, soit parce qu'à travers sa
consommation on cherche une inclusion dans un groupe de référence
que l'on souhaite intégrer. Mais, dans ce contexte de méfiance
engendré par la situation insécurisante, l'aliment risque aussi
d'entraîner la méfiance, de se transformer en crainte... »
(CORBEAU J-P, 2007).
Pouvons-nous alors supposer que la consommation de lait en
présence de pairs entraîne une méfiance de la part des
adolescents qui pourraient se sentir rejetés du groupe s'ils en
consomment ? Comme nous avons pu le voir en cadrage théorique, la
consommation de lait revêt une ambiguïté entre la
sphère privée et de la sphère publique. Boire du lait
« en public » chez les jeunes entraîne un sentiment de honte
car c'est une boisson connotée enfantine. Ce serait « trop la loose
» d'en boire devant les copains. Le lait porte aussi le statut de boisson
domestique qui ne se partage pas avec les pairs et qui se boit en
intimité, en privé :
« Je ne vais pas emmener mon lait [...] le
lait se boit plus à la maison. Dans
ma tête c'est comme ça. Le lait c'est quelque
chose que tu bois chez toi. Même dans les pubs ils le montrent. Genre la
pub Nutella t'as ton petit goûter avec ton verre de lait à la
maison. Toutes les pubs qui parlent de lait c'est toujours à la
maison
» nous dit KM (entretien exploratoire n°1)
53
ou encore :
54
« je pense que moi si je me ramène avec une
bouteille de lait au travail, je
pense qu'on me regarderait bizarrement [...] Une bouteille
d'eau c'est courant, mais le lait ça peut être vu d'une
manière assez étrange. Le lait ça se partage beaucoup
moins souvent que l'eau par exemple. Si on va à un pique-nique on va
pouvoir ramener de l'eau pour faire boire tout le monde mais on ne va pas
ramener une bouteille de lait pour en offrir à tout le monde »
(CH, entretien exploratoire n°3).
De ce fait, la crainte de ne pas être
intégré à un groupe social désorienterait le choix
alimentaire des adolescents pour le lait.
? L'imitation
Au travers des entretiens, on remarque que la consommation de
fromage a été motivée par un effet d'imitation. Les jeunes
commenceraient à manger du fromage pour « faire comme » :
« Mon père surtout aimait bien le fromage
[...] Je voyais tout le temps mon père en manger » (KM,
entretien exploratoire n°1).
Mais il s'agit également d'une recherche d'imitation des
plus grands :
« Et puis au repas de famille tu vois toujours les
grands manger du fromage et boire du vin » (KM, entretien
exploratoire n°1)
LG (entretien exploratoire n°2) a augmenté sa
consommation de fromage entre autre car :
« Quand on va au restaurant avec des amis de mes parents,
des français, ils prennent souvent du vin et du fromage. C'est
très français, ça fait classe je trouve. Puis à 21
ans j'suis censée être plus ou moins adulte et manger comme eux
».
55
L'imitation permet l'insertion au sein d'un groupe
donné. Pour favoriser cette insertion, les jeunes doivent se calquer sur
les normes du groupe, sur leurs pratiques alimentaires et sur leurs coutumes
pour ne pas désorganiser l'harmonie alimentaire du groupe :
« J'ai du me faire de nouveaux potes donc j'essaye de
manger comme eux » (KM, entretien exploratoire n°1).
De la même façon, les choix alimentaires
étudiés ci-dessus peuvent-être guidés par un effet
d'imitation :
« c'est sûr que quand ils [les amis] me disent
« on va manger kebab », bah on va manger kebab, faut bien faire des
concessions » (LG, entretien exploratoire n°2).
Ainsi pour créer ou maintenir le lien social, LG
emploie le mot de « concessions » et se résigne à
manger comme ces amis. CH (entretien exploratoire n°3) également et
utilise les termes :
« sacrifier la qualité des aliments parce que
je veux garder quand même un bon équilibre social ».
Quant à KM (entretien exploratoire n°1), il
souligne ne pas être « influençable » mais «
ça nous permet de manger ensemble ».
Il s'agit également de s'adapter aux manières de
table des personnes qui nous entourent :
« Bah en fait avant je m'en foutais. Genre de manger
avec les doigts et tout. Mes copains aussi le faisaient chez moi. Ici je fais
plus attention. On dirait que c'est sale pour les gens. » (KM,
entretien exploratoire n°1).
56
Ou encore il est question de faire attention à
l'importance qu'accorde le groupe aux valeurs santé :
« Quand on va s'acheter à manger le midi, si
elles [les copines] me voient racheter un truc gras, elles vont me dire «
ouais t'abuses » (rires) [...] j'ai pas de problèmes de poids donc
voilà, mais j'évite. » (LG, entretien exploratoire
n°2).
De la sorte, il paraît évident pour les jeunes
d'imiter leurs semblables. Cela limite la déviance et évite de
nuire à leur réputation. Le degré de popularité est
un élément important pour eux dans leur système social
(Cf, Partie1, Chapitre 1 : Domaine de l'adolescence, 2.3) Influence du groupe
de pairs).
Outre ce rôle socialisateur, l'imitation intervient
aussi dans les mécanismes de formation et d'acquisition du goût.
Claude FISCHLER (2001, p.101) évoque dans L'Homnivore que cet
apprentissage par observation ou imitation, « semble jouer un rôle
tout à fait décisif dans la formation et l'évolution des
goûts alimentaires chez l'enfant ». Peut-on supposer que ceci
s'applique aussi encore chez les adolescents ? Il poursuit en mettant en avant
le fait que cela est d'autant plus efficace lorsque l'imitation est
intra-générationnelle qu'intergénérationnelle.
Comme l'ont conclu FORTIN B. ET YAZBECK M. (2011) « un jeune augmente sa
consommation de tels aliments lorsque ses amis augmentent leur propre
consommation moyenne ». Par effet d'imitation des pairs, nous pouvons
supposer que la diminution de la consommation de lait chez les adolescents, et
l'augmentation de la consommation de fromage résultent d'une influence
sociale générale, qui les conduit à revoir leurs
préférences gustatives.
D'autre part, les expériences menées chez les
animaux montrent que l'apprentissage par imitation à de bons
résultats. C'est ainsi que l'on a pu observer une femelle macaque
tremper sa patate douce dans un ruisseau pour la laver avant de la consommer,
et elle fut très vite copiées par des jeunes qui eux même
ont été
57
imités par des membres de leur famille plus
âgés. La technique a ensuite été transmise de
génération en génération et a fini par se
généraliser. Force est de constater que l'imitation joue un
rôle dans les modifications culturelles liées à
l'alimentation et dans les pratiques alimentaires, Claude FISCHLER rattache une
transmission similaire possible chez l'Homme. De telle sorte, la socialisation
des plus jeunes « a des effets en retour sur les pratiques alimentaires de
sa famille ». Ceci peut nous conduire à envisager une piste de
réflexion autour de l'influence de ses effets retours sur la fratrie
plus jeune. La diminution de la consommation de lait chez les
aînés pourrait-elle impacter de la sorte celle des cadets ?
? Le partage familial
La famille est une instance de socialisation primaire. De ce
fait, elle exerce des effets sur les individus qui permettent de la
catégoriser comme fait social (BELORGEY Nicolas, 2012, p.558). La
famille peut être vue comme le lieu des apprentissages alimentaires des
plus jeunes. Les parents sont « pourvoyeurs de nourriture » (MARQUIS
Marie, 2012, p.568) et permettent aux jeunes de s'adonner à
l'expérimentation des aliments, par l'observation et les essais. Ils
influencent l'alimentation de toute la famille et lui soumet leurs goûts
et dégoûts, ce qui contribue à constituer l'alimentation
générale du foyer.
Lorsque l'on pose la question aux adolescents quant à
leur préférence pour manger avec leurs parents ou avec leurs
amis, ils sont tous unanimes sur le sujet et répondent la famille.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, bien qu'ils aient soif
d'indépendance et d'autonomie et qu'ils aiment se restaurer hors du
foyer, ils apprécient d'avantage l'idée sécurisante du
repas en famille, et le partage familial qui s'y rapporte :
« Je mange avec eux depuis que je suis tout petit,
donc papa maman
ensemble, c'est convivial, c'est le partage en famille. Ca
permet de se retrouver. J'apprécies plus ces moments » (KM,
entretien exploratoire n°1).
58
C'est également l'occasion de retrouver les dimensions
familiales et familières du repas comme notamment son identité
culturelle et son mode de préhension :
« on peut manger indien et avec les doigts, sans
qu'on te regarde comme ça là... et qu'on te dise « oh tu
manges avec les doigts » » (LG, entretien exploratoire
n°2).
Les repas en famille sont aussi un retour aux sources qui
permettent de manger des produits plus onéreux, dont les jeunes n'ont
pas les moyens de se les acheter lorsqu'ils ont quitté le domicile
familial :
« Souvent ce sont des repas que l'on a rarement
l'occasion de manger, comme du foie gras, voilà des aliments qui
coûtent chers » (CH, entretien exploratoire n°3).
Par ailleurs, comme nous l'avons abordé ci-dessus, la
consommation de fromage chez les adolescents a été induite par un
effet d'imitation. Et ce sont souvent les parents qui sont à l'origine
de cette socialisation alimentaire :
« J'ai suivi mes parents pour le fromage en fait
» (KM, entretien exploratoire n°1),
« Dès petite j'en ai consommé parce que
mes parents en consommaient donc forcément ça m'a amenée
à en manger et que forcément ça découle vraiment de
ses parents. Si nos parents en consomment pas on va pas en consommer. Mais si
nos parents en consomment, on va en consommer à moins qu'ils ne veulent
pas nous en donner » (CH, entretien exploratoire n°3).
Ainsi le partage familial qui s'instaure autour du fromage
semble avoir considérablement influencé l'attrait des jeunes pour
les fromages.
59
Sommes-nous génétiquement programmés pour
se conformer aux préférences gustatives retrouvées dans le
lait maternel ? C'est ce qu'avance GALEF (1988) suite à des
expériences menées sur des rats. Toutefois la transmission
intergénérationnelle qui s'effectue confronte les choix
alimentaires des jeunes avec celle des adultes. Claude FISCHLER (2001, p.98)
expose néanmoins une théorie de « l'effet pochoir » qui
peut se définir comme une présélection d'aliments
déterminés et appropriés à des individus d'une
certaine catégorie d'âge (enfants, adolescents, personnes
âgées), qui délimiterait leur répertoire
alimentaire. Ainsi la transmission gustative en dépend, mais elle semble
dans notre cas être bénéfique pour l'appréciation
des fromages.
Conclusion hypothèse n°1 :
Dans L'Homnivore, Claude FISCHLER (2001, p.100) évoque
un élargissement et une socialisation des goûts alimentaires
influencés directement par les pairs. Il reprend les termes de DUNCKER
qui parle de modifications des préférences alimentaires sous
l'effet de « suggestion sociale » ayant un effet d'autant plus
marqué en étant entouré d'individus « dominants
» ou avec nos amis. De ce fait, la qualité alimentaire, les choix
alimentaires, l'imitation des proches et le partage familial sont des facteurs
qui, par l'influence des pairs et de la famille vont engendrer une modification
des préférences alimentaires chez les adolescents pour le groupe
du lait et des produits laitiers et les conduire à revoir leurs
préférence gustative par une évolution des goûts
marquée à cet âge.
Hypothèse n°2 : La différence de
genre redistribue l'évolution des choix alimentaires vis à vis
des produits laitiers en fonction de critères esthétiques et
corporels et de normes diététiques.
Comme vu en partie 1 (Cf Partie 1, Chapitre 1 : Le domaine de
l'adolescence, 2.4- La différence de genre), des
stéréotypes liés au sexe persistent et cette
différence devient d'autant plus marquée à l'adolescence.
Suite à la puberté les adolescents connaissent des changements
corporels qui bouleversent leur estime de soi. Les filles ont tendance à
avoir une estime de soi moindre que les garçons et les
préoccupations relatives à leur apparence physique deviennent
plus importantes. Ajouté à cela, l'image sociétale
normée de la femme et de l'homme, les jeunes sont de plus en plus
amenés à devoir surveiller leurs choix alimentaires pour se
conformer aux standards exigés et codifiés par la
société d'aujourd'hui. La modification des nouveaux choix
alimentaires adoptés a-t-elle une répercussion sur la
consommation de lait et de produits laitiers ?
? Image corporelle et perception physique
Les adolescents interrogés sont tous d'accord sur la
question : la préoccupation liée à l'image corporelle est
un sujet qui a de l'importance aujourd'hui. Et si il a autant d'importance,
c'est parce la société tient un rôle majeur dans le
façonnage de l'image attendue d'eux :
« c'est la société, c'est le culte du
corps » (LG, entretien exploratoire n°2),
« c'est vrai qu'il y a un certain poids de cette
image corporelle qui pèse dans nos sociétés »
(CH, entretien exploratoire n°3).
La société impose des idéaux de
beauté :
61
« il faut être beau, il faut être mince
» (LG, entretien exploratoire n°2),
et bien qu'ils peuvent être irréalistes et
exagérés, les jeunes pensent devoir s'y conformer :
« Il faut que je sois fine et jolie » (LG,
entretien exploratoire n°2).
Les soucis pondéraux semblent être leurs plus
grandes inquiétudes :
« Il ne faut pas faire trois tonnes sinon tu es moche
» (LG, entretien exploratoire n°2),
« Maintenant, on y pose un certain regard sur ces
gens qui sont trop gros ou trop maigres [...] Je pense qu'un mec obèse
dans les rues de France il ne passe pas inaperçu [...] Tout le monde va
dire « regarde comme il est gros » » (CH, entretien
exploratoire n°3).
D'autre part, nous serions plus intransigeants avec les filles
qu'avec les garçons à ce niveau-là :
« quand tu es une fille tu as plus de pression. Les
cheveux, le maquillage, la poitrine, les fesses, le ventre » (LG,
entretien exploratoire n°2).
Autant d'exigences que l'on n'attend pas du garçon. Homme
et femme représentent deux images différentes. Comme
explicité en cadrage théorique, selon les adolescents, l'homme
doit être fort et viril et se caractérise par son
côté macho. La femme quant à elle représente la
sensualité et la féminité. De ce fait, on tolère
que le garçon ait plus de formes, en signe de force, il ne doit pas
être chétif :
« un mec, si il est un peu gros c'est pas très
grave, au contraire, vaut mieux ça qu'il soit tout gringalet là.
Un mec ça doit être costaud, pas tout maigrichon » (LG,
entretien exploratoire n°2).
62
Alors que les filles, pour représenter l'idéal
féminin, doivent faire attention à leur poids :
« Si on a du gras sur le ventre, on va dire «
ohlala mon dieu, non mais t'as vu son ventre, ses bourrelets, sa cellulite et
tout » » (LG, entretien exploratoire n°2).
Et pour les adolescents, cette pression sociale est
véhiculée par les médias qui sont accusés d'avoir
un rôle « destructeur » (LG, entretien exploratoire
n°2). Ils diffusent une image svelte de la femme :
« souvent l'image de la femme est réduite
à ses formes et souvent ce sont des formes assez fines » (CH,
entretien exploratoire n°3).
Les filles attachent une importance à l'image des
standards de beauté mis en avant dans les magazines ou au travers des
publicités :
« Si on regarde les magazines ce sont des femmes
fines, aux cheveux longs » (LG, entretien exploratoire n°2),
« il y a beaucoup de publicités par rapport
aux maillots de bains des filles » (CH, entretien exploratoire
n°3).
Matraquées par les médias, elles deviennent
alors tracassées et obsédées :
« si tu veux être bien, il faut faire attention
à tout » (LG, entretien exploratoire n°2),
« il y a beaucoup d'obsessions pour les filles
d'être mince, d'avoir une belle ligne » (CH, entretien exploratoire
n°3).
Alors que le sociologue Erving GOFFMAN (1974), décrit
une ligne de conduite où il faut « garder la face » pour
s'assurer confiance et assurance et donner une image de soi valorisée
face aux autres individus, les filles poussées par
63
l'envie de ressembler à ces diktats de la mode ou de la
beauté ont du mal à faire la distinction entre la beauté
réelle et la beauté irréelle et
stéréotypée.
Par ailleurs, c'est aussi l'intégration de cette «
norme de minceur » dans l'esprit des hommes et dans la
représentation qu'ils se font d'une belle femme qui incite d'avantage
les filles à chercher à refléter une image corporelle
svelte, pour séduire le sexe opposé :
« Il ne faut pas faire trois tonnes sinon tu es
moche. T'as pas de mari » (LG, entretien exploratoire n°2).
Pour garder le contrôle sur leur apparence physique, les
filles vont alors jouer du paramètre alimentation et effectuer des choix
alimentaires bien ciblés. Elles vont d'abord s'intéresser aux
facteurs santé de l'alimentation pour parvenir ensuite à la
« contrôler ».
? Importance du facteur santé et contrôle
alimentaire
Comme nous avons pu le voir précédemment, les
jeunes sont des amateurs de fast-food et de malbouffe en tout genre. Ils ont
une préférence pour les aliments gras et sucrés.
Cependant, ils semblent être de plus en plus attentifs aux facteurs
santé de l'alimentation. La recherche de l'idéale minceur
(d'avantage explicite chez les filles) y est, comme nous venons de le voir,
sans doute pour beaucoup.
Deux de nos trois adolescents interrogés rattachent la
qualité d'un « bon repas » à son équilibre
alimentaire. Et par équilibre alimentaire, ils entendent une
alimentation variée composée de : « légumes, viande
et féculents » (KM, entretien exploratoire n°1).
Lors de l'interrogation de nos jeunes, il a été
mis en évidence qu'ils sont sensibles aux questions nutritionnelles et
les deux filles (LG et CH) paraissent
64
d'avantage concernées que le garçon (KM). Alors
que KM, à la question « Est-ce que tu es sensible aux questions
nutritionnelles ? » nous répond :
« Oui et non. Je m'y intéresse un petit peu plus
depuis l'année dernière.
Avant ce n'était pas trop ça. Après
l'appliquer pas forcément encore »,
les deux autres filles nous tiennent un discours plus aboutit
sur le sujet. LG nous ressort le fameux slogan : « Manger 5 fruits et
légumes par jour » et précise que :
« Manger des légumes, c'est très important
pour être en bonne santé »
CH (entretien exploratoire n°3) semble par ailleurs avoir
des solides connaissances en matière de nutrition et nous dit même
:
« Pour moi, équilibré
c'est-à-dire qu'il y a un bon rapport entre, on va dire les glucides,
les protéines et les lipides. Donc voilà, pas trop de lipides.
Mais que des bons lipides. Oméga 3 et oméga 6 et après je
garde les glucides à indice glycémique plutôt bas pour
éviter qu'ils se transforment rapidement en graisses en fait.
Voilà, je limite au maximum les sources à glucides à
indice glycémique rapide. Et puis des protéines de bonnes
qualités, animale, plus animale ouais. ».
Elle évoque également manger bio et
contrôler la qualité et la quantité de son alimentation
parce qu'elle ne veut pas « grossir ». Pour cela elle ne
fait : « pas d'excès dans les lipides comme dans les mauvais
sucres » et le dessert « ça va jamais être des
sucreries ». LG (entretien exploratoire n°2) aussi contrôle son
alimentation :
« j'évite de manger trop gras, trop sucré
».
Ce contrôle alimentaire résulte comme nous venons
de le voir plus haut, de préoccupations corporelles et d'une obsession
pour la minceur chez les filles. Mais
65
il résulte également d'une norme
sociétale qui s'est créée entre les filles et les
garçons : une fille ça mange moins qu'un garçon ! Et si,
lorsqu'on leur pose clairement la question « Est-ce qu'une fille doit
moins manger qu'un garçon » ils ne répondent pas
explicitement, ils ne réfutent pas non plus l'idée du
stéréotype. Ils sont unanimes pour dire que :
« Déjà de base une fille a besoin de
moins de calories qu'un homme donc logiquement oui elle devrait moins manger
qu'un homme [...] Naturellement elle mange moins qu'un homme » (CH,
entretien exploratoire n°3).
Cependant, on ne peut tout de même pas pour eux affirmer
qu'une fille a le devoir de moins manger qu'un homme :
« Voilà après elle ne DOIT pas moins
manger qu'un homme. Elle doit manger à sa faim en premier lieux
» (CH, entretien exploratoire n°3),
Mais ils sont aussi d'accord pour dire qu'une fille qui
mangerait plus qu'un garçon serait vue d'un mauvais oeil aux yeux des
gens :
« J'ai rarement vu des filles qui mangeaient autant
qu'un garçon mais c'est un peu mal vu ouais. » (KM, entretien
exploratoire n°1),
« Des fois les gens sont là, ils me disent
« tu manges tout ça », mais moi je suis gourmande alors euh
voilà. Genre ils sont choqués. » (LG, entretien
exploratoire n°2),
« Mais c'est un peu mal vu de manger plus qu'un
garçon quand même
(rires). »(CH, entretien exploratoire n°3).
Ainsi, manger autant voir plus que le sexe opposé pour
une fille pourrait être dérangeant et la pousser à
contrôler d'avantage son alimentation. Comme évoqué plus
haut, parce que l'image de l'homme est associée à la force, la
virilité et la
66
puissance, il peut manger une ration plus importante que la
femme. Et dans la tête des filles, manger plus qu'un garçon semble
se traduire par :
« les garçons mangent beaucoup hein alors
ça voudrait dire qu'on mange aussi beaucoup I » (CH, entretien
exploratoire n°3)
Et pour respecter à leur tour l'image de la femme
établie par la société, fine, élégante et
féminine, certaines filles font preuve de prudence lorsqu'elle mange en
présence de garçons et surveille d'avantage leur assiette, quitte
à se restreindre sur les portions :
« Mais moi j'ai des amies genre qui disent « non
mais devant lui ça ne se fait pas de manger comme ça, si je mange
trop blablabla ». Elles ont peur de passer pour des grosses, du coup elles
mangent moins. » (LG, entretien exploratoire n°2).
KM, le garçon que nous avons interrogé nous
donne une réponse en faveur de ce cliché et introduit ce qui
effraie les filles si elle mange plus qu'un garçon : le statut
pondéral à avoir :
« elles ont moins besoin de manger que nous
normalement à la base. Après tout dépend de sa forme
physique. On va dire que si elle est « fine » je pense
pas que ça pose de problème. Maintenant si
c'est une femme assez imposante et qui mange plus qu'un homme, moi j'aurais
tendance à lui dire
« arrête de manger et va courir »
(rires) (KM, entretien exploratoire n°1).
La notion de contrôle alimentaire se répercute
sur les produits laitiers surtout au niveau de la consommation de fromage. Les
filles ont souvent évoqué le fait de qu'il ne faut pas manger
trop gras et le fromage est un aliment riche en graisses qui restreint sa
popularité aux yeux de la gente féminine :
« On va dire que le fromage il y a beaucoup de
lipides hein, c'est plus gras que les autres [produits laitiers] [...] Depuis
que j'ai commencé un régime
67
pour avoir on va dire une masse graisseuse moindre du coup
je ne consomme quasiment plus de fromage » (CH, entretien
exploratoire n°3),
« le fromage c'est plus gras que le lait. [...] Faut
pas trop en manger » (LG, entretien exploratoire n°2).
A l'inverse, KM (entretien exploratoire n°1) a «
carrément augmenté » sa consommation fromagère.
Le lait et les yaourts eux, sont associés aux facteurs
santé :
« c'est bon pour la santé, c'est plein de
calcium » (LG, entretien exploratoire n°2),
« j'ai toujours cette image en tête que pour
moi ça forge les os » (KM, entretien exploratoire
n°1),
Et lorsque l'on demande aux jeunes de nous donner trois mots
pour qualifier le lait et les produits laitiers dans leur globalité on
retrouve entre autres les termes : santé, nutrition, croissance,
calcium, os.
Conclusion hypothèse n° 2 :
Pour se conformer à la norme corporelle prescrite
socialement, les adolescents effectuent des choix alimentaires en
conséquence afin d'y parvenir. Filles et garçons orientent leurs
choix de manière différente. D'avantage préoccupées
par leur image corporelle que les garçons, les filles développent
une obsession pour la minceur. L'image de l'idéal féminin
véhiculée de nos jours, est influencée en grande partie
par les médias les amène à surveiller leur alimentation et
l'impact que les aliments ingérés peuvent avoir sur leur
silhouette. Rester
68
attentives à leur apparence physique correspond, pour
elles, à une condition à ne pas négliger pour être
intégrées socialement au sein d'un groupe de pairs.
C'est au moment de la puberté que se dessine alors une
différence dans les choix alimentaires entre les filles et les
garçons, influencés par les soucis de la ligne. Ainsi, les filles
évitent de « manger trop gras et trop sucré ». Elle
considère le fromage comme un aliment trop gras justement et expliquent
donc se limiter pour éviter d'en consommer trop souvent. Le lait et les
yaourts représentent un symbole de santé.
Par conséquent, nous pouvons supposer que les choix
alimentaires à l'égard des produits laitiers diffèrent en
fonction du genre. Les adolescents, selon leur appartenance au sexe masculin ou
féminin, n'accordent pas le même degré d'importance
à leur image corporelle et leur perception physique ainsi qu'aux
facteurs santé et au contrôle alimentaire. La différence de
genre conduit les jeunes à élaborer et bricoler leurs propres
normes et revoir leurs choix alimentaires vis à vis des produits
laitiers, en fonction de critères esthétiques et corporels et de
normes diététiques.
Hypothèse n°3 : La consommation de lait
est influencée par un facteur symbolique de frontière entre les
périodes de l'enfance et de l'adolescence, et celle de fromage est
à contrario influencée par un facteur symbolique de jonction
entre l'adolescence et le monde adulte
Au-delà de l'évolution gustative et des choix
alimentaires genrés, nous pouvons supposer que la consommation de lait
et de fromage chez les adolescents seraient influencée par un facteur
symbolique de frontière entre deux périodes de la vie. Le lait
qui est qualifié d'« aliment navette » et connoté
enfantin marque une frontière entre l'enfance est l'adolescence, et voit
sa consommation nettement diminuée à l'adolescence. De la
même manière, mais à l'inverse, le fromage tend à
être de plus en plus consommé à partir de l'adolescence.
Signe-t-il ainsi le passage de la frontière entre l'adolescence et le
monde adulte et une maturation dans l'évolution des pratiques
alimentaires ?
? Place au sein du repas
Le repas se définit comme une prise alimentaire
socialement normée qui regroupe l'ensemble des aliments liquides comme
solides, absorbés en une seule fois, à certains moments de la
journée et selon un rythme régulier et des règles
sociales. Il se caractérise comme une institution qui permet la
transmission de valeurs et de normes. Ainsi, il possède des dimensions
qui regroupent la composition du repas, la structure, les modalités
temporelles, les manières de table et le cadre social.
Le lait et les produits laitiers ont une place bien
définit au sein du repas. Tout d'abord au niveau de la modalité
temporelle. Les adolescents sont clairs là-dessus, le lait, c'est pour
le matin :
70
« Le lait pour moi c'est un truc qui se consomme le
matin » (KM, entretien exploratoire n°1),
« Le matin c'est le lait. Ou à la limite le
yaourt. [...J Le matin c'est bien de
tremper ses gâteaux dans le lait » (LG,
entretien exploratoire n°2),
« Le lait c'est pour le matin au
petit-déjeuner » (CH, entretien exploratoire n°3).
Les jeunes expliquent ainsi formellement que le lait est
réservé à une implantation horaire bien définit
dans la journée. Ils ne se voient pas boire du lait à un autre
moment que le matin :
« si je me ramène avec une bouteille de lait
au travail, je pense qu'on me regarderait bizarrement en me disant pourquoi tu
bois du lait la journée ? » (CH, entretien exploratoire
n°3).
Le lait est les produits laitiers sont les composantes
majeures du petit-déjeuner. Après une période de
jeûne durant la nuit, au réveil, les enfants comme les adolescents
apprécient le goût du lait avec un bol de céréales,
du chocolat ou dans du café pour les plus grands. Si leur petit
déjeuner est complété, les jeunes favorisent les laitages
(HERPIN Nicolas, 1998, p.503-521).
Le fromage, c'est pour le déjeuner et le diner, idem
pour les yaourts qui peuvent aussi être consommés en collation.
Ils entrent dans la structure du repas et prennent la place du dessert. LG
(entretien exploratoire n°2) ajoute : « on va pas manger du
fromage au petit-déj ».
De ce fait, il en ressort que le lait, les yaourts et le fromage
sont :
« trois produits qui se consomment de manière
différente » (KM, entretien exploratoire n°2).
71
La structure du repas et le contexte dans lequel il est prit,
notamment l'heure, sont indissociables. On ne s'alimente pas de la même
manière selon l'heure de la journée. Le temps accordé par
repas va alors déterminer les prises alimentaires effectuées.
? Diminution du temps disponible
Selon le Figaro 18« 21 % des enfants, la
moitié des adolescents et 15 % des adultes restent à jeun le
matin ». Parmi nos trois adolescents interrogés, deux sur trois
n'en prennent pas. Ils justifient cette impasse par manque de temps, un temps
qu'ils préfèrent réserver pour dormir plus longtemps :
« En période de cours j'ai pas le temps, je ne
déjeune pas, le matin j'suis fatiguée et j'ai envie de dormir
» (LG, entretien exploratoire n°2).
La diminution de leur consommation par rapport à leur
enfance peut donc en partie trouver justification dans cette raison : les
jeunes ont moins de temps disponible le matin. KM (entretien exploratoire
n°1) nous l'exprime ouvertement :
« quand j'étais petit je consommais beaucoup
beaucoup de lait. Et quand je suis arrivé au lycée, quand
j'étais plus speed en fait, quand il fallait se réveiller le
matin hyper tôt pour partir j'en buvais moins ». Et à
l'inverse, LG affirme que « le week-end j'aurais plus tendance
à prendre un petit déjeuner, si il y a du lait, avec des
céréales je déjeunerais. Mais euh voilà, parce que
le weekend on a le temps ».
Néanmoins, pour une boisson qualifiée de «
domestique », voilà pourtant le moment le plus propice à sa
consommation.
18 Le Figaro. Pourquoi ne faut-il pas sauter le petit
déjeuner ? [en ligne] Disponible sur
http://www.lefigaro.fr/sciences/2011/12/12/01008-20111212ARTFIG00442-pourquoi-ne-faut-il-pas-sauter-le-petit-dejeuner.php
72
? Une recherche gustative à
l'adolescence
Comme évoqué en partie 1 (Cf Partie 1, Chapitre
2 : Le domaine alimentaire, 2) Les habitudes de consommation des jeunes), les
adolescents ont des préférences et aversions alimentaires qui
évoluent au cours de cette période. Claude FISHLER (2001, p.110)
évoque une tendance à la régression de
l'impopularité des aliments à goût fort ou qualifiés
d' « aliments adultes ». L'adolescence est la période des
changements, des bouleversements et d'émancipation. Ainsi, les
changements gustatifs s'inscrivent-ils dans ce remue-ménage et les
jeunes seraient-ils à la recherche de sensations gustatives ?
A la question « Qu'est-ce qu'un bon repas pour toi ?
», LG (entretien exploratoire n°2) nous répond :
« un bon repas c'est que c'est bon en bouche [...] un
bon repas il doit juste être bon ».
Elle précise que peu importe le cadre et
l'environnement social, tout ce qu'elle recherche c'est le plaisir gustatif
:
« Peu importe que ce soit avec Pierre, Paul ou
Jacques, tant que c'est bon en bouche » (LG, entretien exploratoire
n°2).
Cependant, nous savons de prime abord que chez les adolescents
le cadre social est tout de même un facteur très important dans la
détermination de la qualité du repas. Mais LG nous amène
à penser que la notion gustative n'est pas pour autant
délaissée, bien au contraire.
En quête d'un plaisir gustatif, les adolescents
pourraient donc bien assouvir ce besoin grâce à l'aliment qu'est
le fromage. Produit qui peut-être caractérisé par son
goût très prononcé, il peut répondre à cette
attente par sa proposition de saveurs toutes aussi diverses que variées
:
73
« Le fromage ça dépend. Il y en a
plein. De brebis ou quoi, ça a des goûts différents, je ne
pourrais pas ramener le fromage à un seul goût » (CH,
entretien exploratoire n°3),
Les adolescents insistent bien sur ce côté
gustatif marqué lorsque l'on évoque le fromage :
« Le fromage ça a beaucoup de goût,
c'est fort. [...] moi j'aime bien les fromages qui sont forts. Le fromage c'est
goûteux » (KM, entretien exploratoire n°1).
Par rapport à l'enfance, on constate une
évolution des goûts. En effet les fromages, et notamment ceux
à goût fort, font partie des aliments les moins
appréciés par les enfants. Le plaisir gustatif qui subsiste tout
au long de la vie, se forme chez l'enfant d'abord par des
prédispositions génétiques héréditaires
ainsi que par une transmission d' « effet pochoir » comme
abordé plus haut et décrite par Claude FISCHLER (2001, p.98).
Lorsque l'on est petit on apprécie alors le sucré, le gras et le
doux alors qu'une aversion pour les goûts forts comme l'amer, le piquant,
l'astringent et l'acide se dévoile (SCHAAL B. et SOUSSIGNAN R., 2008).
CH (entretien exploratoire n°3) nous explique ainsi :
« Quand j'étais petite je mangeais plus des
trucs au goût neutre, quand on
est petit on aime pas les goûts forts. On est
réfractaire à ce qui pue ».
Elle poursuit ensuite en nous disant que c'est à
l'adolescence justement qu'elle a commencé à goûter le
fromage, poussée par sa curiosité et l'envie de se rapprocher de
préférences gustatives plus matures :
« C'est vrai que j'ai mangé beaucoup plus de
fromage en grandissant, enfin beaucoup plus en variétés. Au
collège ou au lycée, à la cantine, j'avais pas peur de
goûter des trucs puant, on a une curiosité un peu plus
développée. [...] Quand on est ado on a moins cette vision du
fromage qui pue, on
74
s'intéresse plus aux aliments donc on est un peu
plus amené à goûter, donc forcément ça se
joue à l'adolescence et ça se tourne vers le côté
adulte » (CH, entretien exploratoire n°3).
De la même manière, KM (entretien exploratoire
n°1) nous mentionne les mêmes raisons quant à sa
découverte pour le fromage :
« le fromage c'est vrai que quand on est petit on en
mange pas trop [...] c'est en grandissant que j'ai voulu en goûter. Quand
tu deviens adulte tu peux dire que tu veux commencer à manger du fromage
parce que ça à l'air bon. [...] Quand t'es
petit tu te dis « beurk ça à un
goût fort » (KM, entretien exploratoire n°1)
Cet attrait pour la nouveauté est aussi
évoqué par LG (entretien exploratoire n°2) en ce concerne
ses motivations à consommer du fromage :
« [J'ai augmenté ma consommation de fromage
par rapport à mon enfance] Pour découvrir d'autres saveurs
».
Les jeunes ne retrouvent pas ce goût poignant en
consommant du lait :
« [le fromage] ça a un goût plus fort
que le lait » (CH, entretien exploratoire
n°3),
« le lait demi-écrémé [...] n'a
pas le même goût [...] Et puis c'est du lait industriel donc il n'a
pas le même goût que le vrai lait [...] ça doit perdre son
goût » (LG, entretien exploratoire n°2).
L'entrée dans des instances de socialisation de plus en
plus mûres, tels que les établissements scolaires du secondaire,
mettent à disposition des jeunes un éventail d'aliments
adaptés à leur âge et non enfantin comme ça a pu
être le cas à l'école. Ceci favorise la dégustation
:
75
« Au restaurant universitaire ou même au
restaurant tout court il y a beaucoup de fromages, genre des plateaux de
fromages et tout donc j'ai voulu goûter » (LG, entretien
exploratoire n°2).
Alors que le lait voit sa consommation réduite lors de
l'adolescence, au travers de ces dires, le fromage semble être une
denrée qui s'installe dans les pratiques alimentaires au cours de
l'adolescence et verrait sa consommation augmenter lors de cette période
:
« le lait du coup j'ai diminué [.1 et le fromage
j'ai carrément augmenté [.1 le fromage presque tous les jours
» (KM, entretien exploratoire n°1).
Par ailleurs, pouvons-nous aller jusqu'à supposer que
cette attirance pour le fromage ferait défaut au lait et que les jeunes
le remplacerait en quelques sortes par le fromage ? :
« quand t'es grand tu t'en fous, tu bois plus de lait,
tu manges du fromage par exemple ou des yaourts » (LG, entretien
exploratoire n°2),
« Après quand tu grandis tu passes aux
fromages, le lait on t'en donnait toujours des fois à l'école
mais plus maintenant » (KM, entretien exploratoire n°1).
Conclusion hypothèse n°3 :
Ainsi, nous pouvons supposer que la diminution du temps
consacré au petit déjeuner le matin serait corrélée
à l'abaissement de la consommation de lait chez les jeunes par rapport
à leur enfance. Cela nous conforte donc dans notre hypothèse que
la consommation de lait est influencée par un facteur symbolique de
frontière entre l'enfance et l'adolescence, représenté ici
par une diminution du
76
temps disponible le matin pour prendre un petit déjeuner,
qui est propre à la période
de l'adolescence.
D'autre part, la recherche gustative qui se manifeste lors de
l'adolescence peut prendre le symbole de jonction entre l'adolescence et le
monde adulte. Elle ne scinde pas ces deux périodes mais au contraire
s'inscrit comme une transition vers le « monde des grands ».
PARTIE 3 : METHODOLOGIE
PROBATOIRE
- Hypothèse n°1 : L'influence des pairs et de
la famille redistribue l'évolution des goûts pour le lait et les
produits laitiers.
Suite à notre cadrage théorique
réalisé à aux différentes recherches documentaires
effectuées en première partie, notre réflexion s'est
d'abord articulée autour du champ de l'adolescence : dans la
compréhension du statut qu'elle définit au cours de cette
période de la vie et sur les déterminants propres à
l'adolescent, qui le caractérisent. Ensuite, nous avons examiné
cette étape de la vie sous l'angle de son alimentation en
repérant comment le modèle alimentaire français est
appliqué chez les jeunes ? Quelles sont leurs habitudes de consommation
? Et comment les dimensions socioculturelles influencent-elles sur leurs
pratiques alimentaires ? Ceci nous a aidé à mieux cerner
l'adolescent en lui-même, ainsi que ses préférences
alimentaires, ses modes de consommation, les éléments pouvant
influencer son alimentation, etc., pour parvenir à les lier avec leur
relation vis-à-vis du lait et produits laitiers. Et pour mieux la
comprendre, nous nous sommes aussi intéressés à la culture
du lait et des produits laitiers dans sa globalité : son histoire et son
statut, l'image et les symboles auxquels ces produits sont rattachés ;
mais aussi auprès des adolescents : au niveau de leur perception envers
ces aliments et de la place qu'ils occupent au sein de leur alimentation.
Ce premier travail nous a amené à notre
problématique qui reprend les concepts de statut du lait et des produits
laitiers, des influences sociales et de l'adolescence : Quels sont les
différents facteurs qui influencent le statut que détiennent le
lait et les produits laitiers au cours de l'adolescence ?
Pour répondre à cette problématique et
afin de compléter nos informations bibliographiques, nous avons
mené trois entretiens exploratoires, qui nous ont conduits à
formuler trois hypothèses résumées en seconde partie :
- Hypothèse n°2 : La différence de
genre redistribue l'évolution des choix alimentaires vis à vis
des produits laitiers en fonction de critères
esthétiques et corporels et de normes
diététiques.
- Hypothèse n°3 : La consommation de lait est
influencée par un facteur symbolique de frontière entre les
périodes de l'enfance et de l'adolescence, et celle de fromage est
à contrario influencée par un facteur symbolique de jonction
entre l'adolescence et le monde adulte
Ces hypothèses ont pour but de tenter de mettre en
évidence les différents facteurs qui influencent les adolescents
dans leur positionnement alimentaire vis-à-vis du lait et des produits
laitiers, c'est ainsi ce que nous entendons au sens de « statut »
évoqué dans la problématique.
Afin de tenter de répondre à ces suppositions
qui doivent être « soumises au contrôle de l'expérience
ou vérifiées dans ses conséquences »19,
cette troisième partie portera sur la méthodologie probatoire que
nous pourrions mettre en place afin de confirmer ou infirmer ces
hypothèses. Nous décrirons tout d'abord les différentes
méthodes de collecte des données mises à disposition, puis
celles les plus adaptées pour justifier nos hypothèses. Enfin
nous proposerons les outils probatoires correspondant.
79
19 Larousse, définition « Hypothèse
», [en ligne]. Disponible sur
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/hypoth%C3%A8se/41267#UqfmAk6UJYf9WqlV.99
20 SERRA- MALLOL Christophe,
Méthodes de collecte des données, Cours de Master 1, 31, ISTHIA
Université Toulouse-Jean Jaurès, 2015-2016.
Chapitre 1 : Méthodologie de collecte des
données20
Dans le domaine des sciences sociales, la méthodologie
de collecte des données peut-être soit qualitative, soit
quantitative. Le choix de la méthode est important pour qu'elle soit la
plus adéquate et s'effectue en fonction de nos besoins de
l'enquête, du type d'informations que l'on souhaite collecter et des
objectifs à atteindre. Elles possèdent toutes les deux des
avantages, des inconvénients et des limites dont il faudra aussi tenir
compte. Toutefois, de ce fait, l'association des deux méthodes peut
être complémentaire et permet de recueillir des données
plus exhaustives.
La méthode qualitative ne nécessite pas un large
panel de sujets. Elle est utilisée pour recueillir des informations, des
récits, des expériences, etc., qui ouvriront notre
réflexion sur certains champs. La méthode quantitative
nécessite un échantillon de personne beaucoup plus important et
permet d'obtenir des données plus représentatives et
généralisables.
1) Méthode qualitative
Comme nous venons de l'évoquer, la méthode
qualitative s'effectue auprès d'un nombre très restreint
d'individus. Il s'agit de recueillir des informations auprès de
l'interviewé choisit, puis de les analyser par la suite. Il est
essentiel que l'expression soit diverse et que les individus de
l'échantillon présentent des caractéristiques en lien avec
le sujet d'étude.
81
L'échantillon de personne interrogé étant
plus petit que pour une méthode quantitative, les informations
recueillies ne permettent pas à elles seules de représenter ou
généraliser des faits. Le but de la méthode qualitative
est plutôt de décrire et d'expliquer de façon
détaillée des événements, des
phénomènes ou des agissements en se basant sur les dires des
narrateurs et en recueillant leur opinion. Cette méthode ouvre par la
suite à la réflexion.
Elle peut s'effectuer de manière directe : en face
à face avec le(s) sujet(s) ; ou de façon indirecte : appels
téléphoniques, appels vidéo par internet, etc., si
l'intervieweur ou l'interviewé n'est pas disponible pour un face
à face. Néanmoins, cette dernière façon ne permet
pas de constater les expressions et conduites de l'individu répondant
qui peuvent être porteurs de significations.
Les méthodes qualitatives peuvent se réalisent par
le biais de deux outils :
? L'entretien individuel non directif ? L'entretien individuel
semi-directif ? L'entretien individuel directif ? Le focus groupe
Parmi les méthodes qualitatives qui peuvent nous aider
à répondre à nos hypothèses, j'ai choisi
l'entretien individuel semi-directif et le focus groupe.
1.1) L'entretien individuel semi-directif
Lors du recueil de données avec le sujet,
l'enquêteur adopte ici une posture semi-directive. C'est à dire
qu'il dispose tout de même d'un cadre vis-à-vis des informations
qu'il veut collecter, mais il accorde à l'individu une certaine
liberté de parole dans leur échange. Grâce à ce
comportement non directif et moins strict, l'interviewé se sent plus
serein et moins oppressé. Il peut répondre ouvertement aux
questions et de la manière dont il le souhaite. Bien que
l'enquêteur dispose d'un guide d'entretien pour aborder des questions
relatives à son thème de recherche
82
définit auparavant, les réponses données
par les sujets peuvent nous amener à explorer des pistes auxquels nous
n'avions pas pensé. Cependant, cet aspect de l'entretien semi-directif
peut aussi être une limite et nous conduire sur des données
hors-sujet.
La faible représentativité de cette
méthode par rapport à la population totale permet à
l'enquêteur de préférer une procédure
d'échantillonnage par choix raisonnés. C'est-à-dire qu'il
choisit délibérément ses sujets, en fonction des variables
et critères de recrutement nécessaires à ses analyses
(Âge, sexe, catégorie socio-professionnelle...). De la sorte, il
peut ainsi varier les profils pour obtenir des informations dissemblables.
1.2) Le focus groupe
Il s'agit non plus de s'entretenir avec une personne mais avec
plusieurs simultanément. Le nombre raisonnable de sujets par focus
groupe est de l'ordre de 6 à 12 personnes. En dessous, l'interaction
attendue d'un focus groupe peut ne pas prendre et au-dessus, elle peut
être brouillée par un nombre trop important de participants et
disperser la discussion.
D'une part le focus groupe permet de recueillir un
éventail d'informations plus ample et ce en un seul et même temps.
Il permet de gagner du temps et d'obtenir beaucoup d'informations, au lieu de
réaliser plusieurs entretiens individuels.
D'autre part, ces informations peuvent être approfondies
par l'avis des autres individus du groupe qui n'abordent pas la question sous
le même angle ou qui n'ont pas la même vision des choses. Ainsi les
sujets confrontent leur point de vue, ce qui permet de repérer les
points qui rallient les opinions et ceux qui les divisent.
Il s'installe ainsi une dynamique au sein du groupe qui oblige
les participants à argumenter leur réponse sans que
l'enquêteur n'ait à les relancer, ou du moins, à moins les
relancer. En revanche, et c'est une limite de cette méthode, si la
83
dynamique de groupe ne prend pas, il peut s'instaurer un
climat de gêne qui limite les réponses.
Dans le domaine des sciences sociales, le focus groupe a pour
but d'étudier les problématiques sociétales d'un
thème et les influences qui s'exercent par les individus envers les
autres individus du groupe. Il permet d'analyser les attitudes des
participants, lorsqu'ils sont entourés d'autres personnes et le
processus social qui prend place au sein du groupe.
Par ailleurs, organiser un focus groupe demande de la rigueur.
Tout d'abord pour l'échantillonnage, il faut être vigilant dans le
recrutement des participants. Il faut se renseigner sur leur profil et
s'assurer que les participants à un même groupe soient à la
fois compatibles, pour éviter les conflits, mais aussi
complémentaires pour obtenir une
hétérogénéité des réponses. En outre,
il faut arriver à concilier les emplois du temps de tous les
participants et s'assurer de leur motivation, pour ne pas qu'ils nous fassent
faux bond le jour du focus groupe. Il est nécessaire de leur rappeler le
rendez-vous plusieurs fois et plusieurs jours à l'avance.
Ensuite, il faut veiller à trouver un lieu
adapté pour recevoir plusieurs personnes à la fois, et qu'il
réunisse les conditions nécessaires pour que les sujets s'y
sentent à l'aise. Il faut agencer la salle de façon à ce
que tout le monde s'entende, se voit, et ainsi optimaliser l'interaction. Il
faut également prévoir le matériel adapté : tables,
chaises, dispositifs d'enregistrement audio et/ou vidéo, etc.
Enfin, il est nécessaire d'être au moins deux
organisateurs pour effectuer un focus groupe :
? Un animateur : il anime le focus selon le guide d'animation
réalisé, il lance, relance et cadre les échanges entre les
participants
84
? Un observateur : écarté du groupe, l'observateur
a pour but de repérer les attitudes des sujets (comportements
non-verbaux, conflits, interaction simultanées entre les sous-groupes,
etc.)
L'organisation de la méthode qualitative peut
être résumée par le tableau ci-dessous :
Etapes
|
Explications
|
Définir l'outil de la méthode
qualitative adapté
|
Entretien individuel non directif, semi-directif, directif.
Choix en fonction des hypothèses à démontrer.
|
Spécifier les informations à obtenir
et définir les thèmes à aborder
|
Réunir les informations recherchées en
thèmes et sous-thèmes, en fonction de la problématique et
des hypothèses.
|
Etablir les critères de recrutement
des personnes à interroger
|
- n = ?
- Variable : (âge, sexe, situation professionnelle) - Mode
d'échantillonnage
|
Construire le guide d'entretien ou
d'animation
|
- Organisation des thèmes
- Ordre des questions (méthode entonnoir : du plus
large au plus précis)
|
Tester le guide d'entretien ou d'animation
|
Pour se rendre compte du bon déroulement de
l'entretien, des transitions, de la clarté des questions, etc. Remanier
le guide si nécessaire.
|
Définir le
nombre d'organisateurs nécessaire
|
Pour le focus groupe.
|
Définir l'environnement dans lequel se
déroulera l'entretien
|
Domicile, environnement neutre, salle de réunion,
etc.
|
Le déroulement de l'entretien
|
- Introduction et présentation du thème
- Présentation des participants -
Questions/débats/discussions
- Libre expression : le(s) sujet(s) a/ont-il(s) des choses
à ajouter ?
- Conclusion et remerciements
|
Analyser les données
- Retranscription
- Analyse des données
- Exploitation des résultats
85
Tableau n°1 : Organisation de la méthode
d'enquête qualitative.
2) Méthode quantitative
La méthode quantitative, à l'inverse de la
méthode qualitative que nous venons d'expliquer, se base sur un panel
d'individus beaucoup plus important. L'échantillonnage se construit
selon la représentativité souhaitée et le plus souvent de
façon aléatoire ou par quotas (les sujets sont choisis
accidentellement ou sur volontariat). L'échantillonnage peut être
de convenance, en boule de neige, selon le jugement et combiné. Il faut
qu'il soit le plus varié possible pour que les résultats obtenus
soient statistiquement significatifs et puissent être
représentatifs de la population totale étudiée.
L'objectif de la méthode quantitative est de quantifier
et mesurer des phénomènes. En sciences sociales, ceci se
réalise par le biais d'un questionnaire. Il s'agit d'un support
pratique, qui peut être réalisé en face à face ou
administré par courrier, courriel, fax, de mains en mains, etc., ce qui
peut être avantageux car la personne sondée n'a pas de contraintes
de disponibilité à devoir donner et peut y répondre quand
elle a le temps. Le questionnaire est ensuite collecté
ultérieurement. Avec un questionnaire nous pouvons obtenir quasiment
toutes les variables de données.
Les questionnaires peuvent comporter des questions
structurées avec des cases à cocher, des questions à choix
multiples, des échelles de mesure, et des questions ouvertes. Pour
faciliter la lecture des résultats et comparer ou corréler deux
ou plusieurs variables, le choix du type de questions à construire est
important.
86
Les questions ouvertes doivent être limitées car
les réponses peuvent être toutes aussi diverses et variées
les unes que les autres. Il sera alors difficile de les interpréter. Les
réponses obtenues sont métriques (échelle d'intervalle ou
de proportion) ou non métriques (échelle nominale ou ordinale) et
sont ensuite analysées statistiquement par dépouillement ou
logiciels de traitement statistiques.
La validité de ces informations recueillies peut
cependant être biaisée par un pourcentage d'erreur selon les lois
probabilistes. Cette méthode d'échantillonnage tient en effet
compte d'une partie de la population mère, et bien que l'on essaye de
faire en sorte d'avoir un échantillon important, il faudrait interroger
la totalité de la population étudiée pour que la
vérité statistique soit de cent pourcents. Les sciences
statistiques relatent que pour minimiser la marge d'erreur, seule
l'augmentation du nombre d'interrogés peut l'abaisser et non la
proportion de l'échantillon par rapport à la population totale
ciblée.
Le processus de création d'un questionnaire peut suivre
les étapes présentées dans le tableau
ci-dessous21 :
Etapes
|
Explications
|
Vérifier s'il n'existe pas une échelle
de mesure déjà validée
|
Rechercher si ce que l'on cherche à démontrer ne
l'a pas déjà été.
|
Spécifier les informations à obtenir
et définir les thèmes à aborder
|
Réunir les informations recherchées en
thèmes et sous-thèmes, en fonction de la problématique et
des hypothèses.
|
Réaliser l'échantillonnage
|
- n = ?
- Variable : (âge, sexe,
situation professionnelle...).
- Mode d'échantillonnage.
|
Choisir les modalités de collecte
|
- Questionnaire administré par un enquêteur. -
Questionnaire auto administré.
|
21 CINOTTI Yves, Analyse des données
quantitatives, Cours de Master 1, 31, ISTHIA Université Toulouse-Jean
Jaurès, 2015-2016.
Construire le questionnaire
|
- Organisation des thèmes.
- Ordre des questions (méthode entonnoir : du plus
large au plus précis).
|
Tester le questionnaire
|
Pour se rendre compte du bon dérouler de
l'entretien, des transitions, de la clarté des
questions, etc. Remanier le questionnaire
si nécessaire.
|
Administrer le questionnaire
|
- En face à face.
- Auto-administré.
|
Analyser les données
|
- Vérification de la lisibilité, complétude
et
cohérence des réponses.
- Tri et codification des données.
- Présentation des données dans un tableau. -
Analyse des résultats.
|
87
Tableau n°2 : Organisation de la méthode
d'enquête quantitative
88
Chapitre 2 : Méthodologie probatoire
Nous allons maintenant proposer une méthodologie
probatoire adaptée à la vérification de nos
hypothèses et qui nous semble cohérente. Nous détaillerons
hypothèse par hypothèse notre raisonnement.
1) Raisonnement
1.1) Hypothèse n°1 : L'influence des pairs et
de la famille redistribue l'évolution des goûts pour le lait et
les produits laitiers
Dans cette hypothèse nous avons supposé que la
qualité alimentaire et les choix alimentaires différaient selon
le cadre social et les individus avec qui mange l'adolescent. Aussi par effet
d'imitation la consommation de lait diminue en présence de pairs et
celle de fromage augmente sous l'imitation des adultes. Le partage familial
instauré autour du fromage semble avoir aussi influencé le
goût pour les fromages chez les jeunes.
Il faut alors étudier plus en profondeur l'alimentation
des jeunes en présence de pairs, et en présence de leur famille :
de manière générale, puis vis-à-vis de la
consommation de produits laitiers. Il faut aussi s'intéresser à
l'évolution gustative, non abordée lors du premier entretien
exploratoire ; là aussi de façon générale pour
constater la tendance des aliments vers laquelle elle s'oriente, puis plus
précisément au sujet des produits laitiers. Il faudra par la
suite corréler tous ces paramètres pour constater leur influence
sur l'évolution des goûts pour les produits laitiers.
Pour cela, nous proposons de recueillir ces informations d'une
part par le biais de l'entretien individuel semi-directif pour comprendre plus
en détails les phénomènes alimentaires qui se jouent
à l'adolescence entre pairs et au sein du contexte familial. Aussi le
focus groupe peut nous permettre d'obtenir ces données qui peuvent
être
89
approfondies en confrontant les avis des jeunes. Le focus
groupe pourra aussi mettre en évidence ou non, une influence des pairs
entre eux dans leurs réponses. Enfin, pour pouvoir corréler
significativement des données, le questionnaire quantitatif est
nécessaire.
1.2) Hypothèse n°2 : La différence de
genre redistribue l'évolution des choix alimentaires vis-à-vis
des produits laitiers en fonction de critères esthétiques et
corporels et de normes diététiques
Au sein de cette hypothèse nous évoquant une
différence de choix alimentaires entre les filles et les garçons
qui s'effectuerait suivant des critères esthétiques et corporels
et de normes diététiques. Et les filles accorderaient d'autant
plus d'importance à ces critères que les garçons. Nous
supposons donc que ces exigences auxquels elles se plient influenceraient leur
choix alimentaires vis-à-vis des produits laitiers, notamment envers la
consommation de fromage qui pourrait être jugé trop gras.
Tout d'abord, il serait judicieux d'avoir confirmation que les
filles prêtent plus attention aux critères qui viennent
d'être cités que les garçons. Dans un second temps, il faut
étudier si cela s'avère vrai pour la majorité des filles.
Pour cela il faudra interroger des filles comme des garçons sur le
niveau d'importance qu'ils accordent à leur image corporelle et comparer
les réponses entre les deux sexes. Il en sera de même pour les
normes diététiques, dans le but de s'apercevoir si les filles
leurs accordent plus d'intérêt et si elles les appliquent à
leur alimentation. Enfin il s'agit de repérer de quelle manière
elles les appliquent, en quoi cela diffère sur leurs choix alimentaires
et en quoi cela impact sur leur consommation de produits laitiers.
Afin de collecter ces informations, nous pouvons
réaliser un focus groupe qui permettra aux filles et aux garçons
d'échanger leur point de vue et d'étudier au travers
90
de leurs dires, chaque degrés d'importance qu'ils
accordent aux paramètres évoqués ci-dessus. En outre, pour
quantifier les informations et notamment pouvoir affirmer que nos suppositions
sont relatives à la majorité des filles ou à la
majorité des garçons, le questionnaire quantitatif trouve
là tout son intérêt.
1.3) Hypothèse n°3 : La consommation de lait
est influencée par un facteur symbolique de frontière entre les
périodes de l'enfance et de l'adolescence, et celle de fromage est
à contrario influencée par un facteur symbolique de jonction
entre l'adolescence et le monde adulte
Au travers de cette hypothèse nous avons émis
l'idée que la consommation de lait chez les adolescents serait
influencée par un facteur symbolique de frontière,
caractérisé par l'absence de petit déjeuner plus
marqué à cette période de la vie. Ainsi il s'agit d'une
piste à exploiter en interrogeant les adolescents sur le
petit-déjeuner et sa composition. Il a été relaté
que l'absence du petit déjeuner est principalement liée à
un manque de temps. Il s'agit donc de confirmer d'une part cette supposition,
puis d'identifier si effectivement le petit-déjeuner serait pris, cela
favoriserait la consommation de lait chez les jeunes.
Secondement, la consommation de fromage quant à elle
augmenterait sous l'influence d'un facteur symbolique de fonction entre
l'adolescence et le monde adulte, représenté par un besoin de
recherche gustative qui les éloigne de l'univers infantile. Elle
augmenterait également grâce à un effet d'imitation des
adultes et d'initiation familiale de la part des parents. Les enfants en
général n'aiment pas le fromage. Devient-on alors grand lorsque
l'on en consomme ? Pour répondre à cela, il faut axer notre
recherche sur la consommation de fromage chez les jeunes par rapport à
leur enfance, les personnes influentes s'il y en a qui ont été
à l'origine de cette consommation, l'image que les jeunes associent au
fromage, leur recherche gustative et le lien qu'elle pourrait avoir avec la
consommation de fromage.
91
Les trois outils proposés précédemment
qui sont l'entretien semi-directif, le focus groupe et le questionnaire,
peuvent nous permettre d'interroger les adolescents à ce sujet. Par
ailleurs les thèmes de recherches évoqués ici se
recroisent avec ceux des deux autres hypothèses.
2) Organisation des outils probatoires
2.1) Organisation de l'entretien individuel semi-directif
:
L'entretien individuel semi-directif mêlera quatre
thèmes qui nous éclairerons sur nos hypothèses :
- Les pratiques alimentaires dans leur
généralité - L'influence des pairs
- L'influence de la famille
- L'évolution des goûts à l'adolescence
Les critères de recrutement pour les personnes à
interroger s'établiront en fonction de trois variables :
- L'âge : il me semble pertinent de garder une tranche
d'âge se situant dans la fourchette haute de l'adolescence pour continuer
notre raisonnement sur l'évolution de la perception du lait et des
produits laitiers à un stade avancé de l'adolescence. Nous
pourrions définir cette tranche d'âge aux 18-23 ans ;
- Le sexe : comme ne l'avons évoqué, filles et
garçons n'effectuent pas les mêmes choix alimentaires. Par
ailleurs, pour plus d'hétérogénéité dans les
données recueillis, les adolescents des deux sexes sont
intéressants à interroger ;
- Le cadre de vie : le lieu de vie plus
particulièrement. Selon si l'adolescent vit chez ses parents, seul ou en
collocation, son alimentation diffère. Il serait notamment pertinent de
recruter des jeunes vivants en collocation pour constater l'influence des pairs
;
- La consommation de produits laitiers : afin que les
données recueilles soient hétérogènes, nous
pourrions ajouter ce critère de recrutement pour obtenir l'avis de
personnes qui en consomment et qui n'en consomment pas ou plus.
Le mode d'échantillonnage le plus adapté pour
obtenir des profils correspondant à nos critères serait donc
celui par choix raisonnés.
Nous savons que dans la méthode qualitative ce n'est
pas le nombre de personnes interrogées qui prime. Nous pouvons nous
baser sur une quinzaine de personnes
Afin que l'entretien se déroule dans de bonne
condition, le lieu dans lequel se déroulera l'entretien doit être
propice à l'échange et pas trop bruyant : domicile de
l'interrogé, salon de thé/café, une salle de
l'université Toulouse Jean-Jaurès, etc.
L'entretien se déroulera selon les 5 phases
décrites dans l'organisation de la méthode qualitative à
savoir :
- Introduction et présentation du thème
- Présentation du sujet interrogé
- Questions et discussion
- Libre expression : le sujet a-t-il des choses à ajouter
?
- Conclusion et remerciements
L'analyse des données s'effectuera par le biais de la
retranscription des données pour l'exploitation des résultats.
2.2) Organisation du focus groupe
Le focus groupe quant à lui portera sur des questions
regroupées en trois grands thèmes selon les besoins de nos
hypothèses :
92
- Les pratiques alimentaires dans leur
généralité
- La perception physique
- La consommation de lait et produits laitiers
Il nous semble judicieux de réunir huit jeunes pour cet
entretien collectif. Pas moins pour qu'il y ait une bonne dynamique de groupe
mais ni plus car les jeunes peuvent être parfois difficiles à
cadrer et il ne faut pas qu'un brouhaha s'installe pour optimiser les
échanges. Par ailleurs nous abordons un thème de la perception
physique et du contrôle alimentaire ou pondéral qui peuvent
être des sujets sensibles. Pour que les jeunes puissent s'exprimer
librement ils ne doivent pas être intimidés par un nombre trop
important de participants.
Les critères de recrutement seront les mêmes que
pour l'entretien semi-directif en veillant à bien respecter la
parité filles, garçons. Pourquoi ne pas d'ailleurs proposer
à certains adolescents interrogés en entretien semi-directif de
participer au focus groupe. Nous pourrions ainsi comparer certaines de leurs
réponses selon l'environnement social où ils ont
été interviewés, c'est-à-dire seul ou en
présence de pairs.
Ici aussi et pour les mêmes raisons que l'entretien
semi-directif, le mode d'échantillonnage le plus adéquat est
celui par choix raisonnés.
Le focus groupe se déroulera lui aussi selon les cinq
phases exposées dans l'organisation de la méthode qualitative
(Cf. Tableau n°1 : Organisation de la méthode qualitative).
L'analyse des données passera également par la
phase de retranscription pour l'exploitation des données.
93
2.3) Questionnaire
94
Le questionnaire nous permet d'obtenir des réponses
précises sur nos interrogations. Il regroupe des questions liées
à l'importance de l'équilibre alimentaire, de goût, de
l'apparence physique des médias, de la différence de genre et de
la perception des produits laitiers. Il permet d'aborder plusieurs
thèmes de nos hypothèses.
Afin d'essayer d'obtenir des données
représentatives et généralisables, il nous faut un
échantillon de jeunes assez conséquent. Deux-cents adolescents me
semble raisonnables. Comme nous l'avons évoqué, plus le nombre
d'interrogés est grand, plus la marge d'erreur concernant
l'interprétation des données est faible. Toutefois il faut aussi
tenir compte de la charge de travail à réaliser à
postériori pour l'analyse des données. Afin d'avoir des sujets
d'âges variés et tout horizon, nous pourrions administrer ce
questionnaires à des jeunes d'un lycée. Dans cette instance de
socialisation les profils des adolescents sont différents. Nous
ciblerons un lycée public plutôt que privé pour une
meilleure mixité des catégories socio-professionnelles. Le mode
d'échantillonnage se fera de façon aléatoire ou par quotas
au sein de cet établissement. L'aide du professeur pour administrer et
récupérer les questionnaires serait la plus judicieuse pour
s'assurer du nombre de répondants. Cependant le questionnaire pourra
aussi être auto administré par mailing par exemple avec un lien
hypertexte les renvoyant sur le questionnaire créé en ligne, de
telle sorte que les jeunes n'auraient plus qu'à cliquer pour nous donner
leurs réponses. L'outil informatique est par ailleurs un outil qu'ils
affectionnent. Néanmoins nous ne serions pas assurés du nombre de
réponses que nous obtiendrons. Ainsi il faudrait prévoir une
marge de « non répondant » et sélectionnés
peut-être non pas 200 mais 250 à 300 jeunes plutôt.
L'analyse des données pourra se faire grâce
à un logiciel d'analyse de données tel que SPPS, pour trier et
codifier les données. Ainsi que pour les analyser de différentes
manières : analyse factorielle des correspondances, analyse de
corrélation, analyse de variance, etc
Chapitre 3 : Proposition d'outils probatoires
1) Entretien individuel semi-directif
Lieu adapté : Un endroit calme et
propice à la discussion (Domicile de l'enquêté, dans un
café, un salon de thé, etc.)
Durée estimée : 1h20
Bonjour je tiens tout d'abord à te remercier de
m'accorder un peu de ton temps pour la réalisation de cet entretien.
Dans le cadre de mon mémoire universitaire, je travaille sur
l'alimentation des adolescents et leur rapport avec le lait et les produits
laitiers.
Avant de commencer je vais t'expliquer brièvement le
déroulé de notre rencontre. Donc pour commencer je te laisserais
la parole pour que tu puisses te présenter et m'en dire un peu plus sur
toi. Puis nous commencerons par aborder un premier thème qui porte sur
tes pratiques alimentaires en général. Et puis nous continuerons
sur ton alimentation avec tes amis, avec ta famille et tes goûts
alimentaires.
Si tu le veux bien je vais enregistrer vocalement notre
entretien afin de me faciliter par la suite l'analyse ce qui aura
été dit. Tout ceci restera bien évidemment confidentiel et
ne seront exploités qu'à des fins professionnelles dans le cadre
de mon mémoire. De même que la retranscription de notre rencontre
restera anonyme.
95
Ça te va ? Tu es prêt ? Allez, c'est parti !
96
Thèmes
|
Questions
|
Présentation (5 min)
|
Alors tout d'abord pouvez-vous vous présenter
(âge, CSP, cadre de vie)
|
Pratiques alimentaires (25 min)
|
Comment qualifierais-tu l'alimentation d'un adolescent ?
|
Comment qualifierais-tu la tienne ?
|
En fonction de quoi les jeunes effectuent-ils leurs choix
alimentaires selon toi ?
|
La présence des personnes avec qui tu manges a-t-elle
une importance pour toi ? Avec qui préfères-tu manger ?
|
Surveilles-tu ton alimentation ? (Sous quels aspects ?
Qualitatif, quantitatif ?)
|
Prends-tu un petit déjeuner le matin ?
|
Si oui de quoi se compose-t-il ?
|
Si non, pour quelle(s) raison(s) n'en prends-tu pas ?
|
Que prends-tu ou que prendrais-tu au petit déjeuner (si
tu avais le temps) ?
|
Que penses-tu du lait et des produits laitiers ?
|
Consommes-tu toujours du lait ?
|
Consommes-tu des yaourts ?
|
Consommes-tu du fromage ? Depuis quand ? Qui a
été à l'origine de ta consommation pour toi ?
|
Penses-tu qu'il y a un moment particulier de la journée
pour la consommation de ces aliments ?
|
Influence des pairs (15 min)
|
Peux-tu nous décrire tes repas lorsque tu manges avec
tes amis ? (Composition, convivialité, environnement)
|
Manges-tu de manière différente ou des aliments
différents depuis que tu as rencontré ton groupe d'amis ?
|
Tes amis t'influencent-ils ou t'ont-ils déjà
influencé dans tes choix alimentaires ?
|
Est-ce qu'il t'arrive de manger des choses que tu n'aimes pas
quand tu es avec tes amis ?
|
Penses-tu qu'avoir une cohésion alimentaire au sein de
ton groupe d'amis est important ? (Même goût, même choix
alimentaires)
|
Consommes-tu des produits laitiers avec tes amis ?
Lesquels ? (Essayer d'axer sur la consommation du lait pour
identifier sa perception)
|
|
Te verrais-tu aller en cours ou au travail avec une petite
bouteille ou brique de lait dans ton sac ?
|
Influence de la famille (15 min)
|
Peux-tu maintenant nous décrire tes repas lorsque tu
manges en famille ?
|
Pour toi manges-tu de la même manière avec ta
famille qu'avec tes amis ?
|
Penses-tu que ton alimentation soit plus variée et
équilibrée avec eux ?
|
Es-tu libre de manger ce que tu veux quand tu manges en
famille ?
|
Ta famille t'a-t-elle influencée à manger des
aliments en particulier ?
|
Consommes-tu des produits laitiers lorsque tu manges avec ta
famille ?
|
|
|
Evolution des goûts à
l'adolescence (15 min)
|
Tes goûts alimentaires ont-ils changés depuis ton
enfance ?
|
As-tu arrêté de manger un ou plusieurs aliments
depuis ton enfance ? Pourquoi ?
|
As-tu au contraire mangé de nouveaux aliments depuis
que tu es adolescent ?
|
Apprécies-tu les aliments avec un goût
prononcé ? (acide, amer, fort)
|
Quand tu étais plus jeune, avais-tu peur de
goûter de nouveaux aliments ?
|
Aimes-tu goûter de nouvelles choses maintenant?
|
Aimais-tu le lait quand tu étais petit ?
|
Aimais-tu le fromage quand tu étais petit ?
|
Quel produit laitier apprécies-tu le plus ?
|
Conclusion (5 min)
|
Souhaitez-vous ajouter quelque chose à notre discussion
?
|
Qu'avez-vous pensé de cet entretien ?
|
Tableau n°3 : Guide d'entretien exploratoire
semi-directif
97
Merci de ta participation !
98
2) Focus groupe
Lieu adapté : Salle
équipée de dispositifs d'enregistrement sonore et vidéo,
Université Jean-Jaurès
Durée estimée : 2h45
Bonjour et bienvenue à tous. Nous tenions tout d'abord
à vous remercier de votre présence et de votre contribution
à la discussion qui s'ouvre aujourd'hui. Dans le cadre de mon
mémoire universitaire, je travaille sur l'alimentation des adolescents
et leur rapport avec le lait et les produits laitiers.
Avant de commencer je vais vous expliquer brièvement le
déroulé de notre rencontre. Donc pour commencer je vous
laisserais chacun la parole pour que vous puissiez vous présenter et
nous en dire un peu plus sur vos motivations à participer à cet
entretien. Puis nous commencerons par aborder un premier thème qui porte
sur vos pratiques alimentaires en général. On fera une pause d'un
quart d'heure durant laquelle vous pourrez profiter du petit goûter que
l'on vous a réservé. Et puis nous reprendrons sur les deux
thèmes suivants qui concernent la perception physique des adolescents et
la consommation de lait et produits laitiers.
Comme nous vous l'avions précisé, je vous
rappelle que l'entretien sera enregistré et filmé afin de nous
faciliter par la suite l'analyse de vos expériences et opinions. Tout
ceci restera bien évidemment confidentiel et vos dires ne seront
exploités qu'à des fins professionnelles dans le cadre de mon
mémoire. Ils ne seront en aucun cas divulgués, de même que
les retranscriptions de notre rencontre seront toutes anonymisées.
J'animerais cette discussion et mon collègue ici
présent restera plus en retrait pour assurer la gestion technique de cet
entretien collectif et prendre quelques notes.
99
Voilà, nous allons donc commencer les
présentations. Afin que l'on puisse tous échanger ensemble et que
chacun puisse s'exprimer librement, je vous demanderais de respecter le temps
de parole de chaque personne. N'hésitez surtout pas à nous donner
votre, bien au contraire, il n'y a pas de réponses bêtes, on est
entre nous. C'est parti !
Thèmes
|
Questions
|
Présentation (15 min)
|
Pour commencer je vous propose que l'on fasse un tour de table
pour que chacun se présente
|
|
Pouvez-vous nous expliquer quelles ont été vos
motivations pour participer à ce focus groupe ?
|
Introduction (10 min)
|
Brainstorming autour des notions d'adolescence, de lait et de
produits laitiers
|
Pratiques alimentaires (1 h)
|
On rapporte souvent l'alimentation des adolescents à la
malbouffe et au fast-food. Qu'en pensez-vous ?
|
|
Accordez-vous de l'importance au plaisir gustatif ?
|
|
Est-on plus à la recherche de goût quand on est
jeune comparé à l'enfance ?
|
|
Où prenez-vous la majeure partie de vos repas ?
|
|
Avec qui aimez-vous le plus manger ?
|
|
C'est important de manger avec ses amis ?
|
|
Mangez-vous souvent tous la même chose entre amis ?
|
|
Pensez-vous être libres dans vos choix alimentaires ? Et
lorsque vous êtes entre amis ?
|
100
|
Avez-vous modifié votre alimentation depuis que vous
êtes entouré de votre groupe d'amis ?
|
|
Avez-vous découvert des aliments grâce à vos
amis ?
|
|
Est-ce que pour vous c'est important de manger
équilibré ?
|
|
Est-ce bien vu quand on est jeune de vouloir manger
équilibré avec ses amis ?
|
|
Surveillez-vous votre alimentation ?
|
Perception physique (45 min)
|
Contrôler-vous votre poids ?
|
Accordez-vous de l'importance à votre image corporelle
?
|
Vous souciez-vous du regard des autres ?
|
Pensez-vous qu'il y a des critères physiques qu'il faut
respecter pour être intégré à un groupe de jeunes
?
|
Les filles accordent-elles plus d'importance à leur
physique que les garçons ? Sont-elles soumises à
une plus grande pression ?
|
Les médias ont-ils un rôle dans l'importance que
les jeunes portent à leur image corporelle ? Lequel ?
|
Une fille et un garçon peuvent-ils manger de la
même manière ?
|
Comment sont perçus es problèmes de poids entre
les adolescents ?
|
Les filles sont-elles obsédées par leur poids de
nos jours ?
|
Consommation de lait et produits
laitiers
(30 min)
|
Qu'est-ce que les produits laitiers pour vous ?
|
Quels sont ceux que vous consommez le plus ?
|
Quelle image associez-vous au lait ?
|
|
En consommez-vous toujours ? Pourquoi ?
|
Qu'est-ce que vous prenez au petit-déjeuner le matin ?
|
Est-ce que c'est plutôt « tendance » ou
plutôt « ringard » de boire du lait entre copains ?
|
Quelle image associez-vous aux yaourts ? En
consommez-vous ? Pourquoi ?
|
Quelle image associez-vous aux fromages ? En
consommez-vous ? Pourquoi ?
|
Pensez-vous que vos goûts ont changé depuis votre
en enfance vis-à-vis de ces aliments ?
|
A votre avis quels pourraient-être les facteurs qui
influencent positivement ou négativement
la consommation de ces produits chez les jeunes ?
|
Conclusion (5 min)
|
Avez-vous quelque chose à ajouter ?
|
Qu'avez-vous pensé de cet entretien ?
|
Tableau n°4 : Guide d'animation du focus groupe
101
Merci de votre participation !
102
3) Questionnaire
Dans le cadre de mon mémoire universitaire, je
travaille sur l'alimentation des adolescents et leur rapport avec le lait et
les produits laitiers. C'est pourquoi, j'ai besoin de ton aide. Voici quelques
questions sur lesquelles tu pourrais m'aider à y voir plus claires.
Merci à toi !
? Es-tu :
n Une fille n Un garçon
1) Quel âge as-tu ?
2) Accordes-tu de l'importance à ton apparence
physique ?
n Oui n Non
3) Surveilles-tu ton poids ?
n Oui n Non
4) Surveilles-tu ton alimentation ?
n Oui n Non
Si oui, en moyenne à quelle fréquence
?
n 1x/ semaine n 3x/ semaine n Tous les jours
5) Comment juges-tu la qualité de ton
alimentation ?
Mauvaise
|
Moyenne
|
Bonne
|
Très bonne
|
|
6) Sur une échelle de 0 à 5, quelle
importance accordes-tu au plaisir gustatif ?
7) Sur une échelle de 0 à 5, quelle
importance accordes-tu à l'équilibre nutritionnel dans le choix
de tes repas ?
8) Sur une échelle de 0 à 5, quelle
importance accordes-tu à l'impact que peuvent avoir les aliments que tu
manges sur ton image corporelle ?
9) Les médias constituent-ils une pression pour
toi ?
103
n Oui n Non
10) T'inspires-tu de pubs ou de magazines pour soigner
ton apparence physique ?
11) Penses-tu qu'une fille doit d'avantage
contrôler son alimentation qu'un garçon ?
n Oui n Non
12) Une fille mange-t-elle moins qu'un garçon
?
n Oui n Non
13) A quelle fréquence consommes-tu des produits
laitiers ?
Jamais
|
1x/ semaine
|
3x/ semaine
|
Tous les jours
|
A tous les
repas
|
|
14) Quel produit laitier apprécies-tu le plus
?
n Le lait n Le yaourt n Le fromage
15) Quel produit laitier consommes-tu le plus
?
104
n Le lait n Le yaourt n Le fromage
16) 105
Quelle image associes-tu aux produits laitiers
?
n La vache n Les os n La couleur blanche n Le calcium n Le
gouteux
n La santé
17) Considères-tu le lait comme un aliment gras
?
n Oui n Non
18) Considères-tu le yaourt comme un aliment gras
?
n Oui n Non
19) Considères-tu le fromage comme un aliment
gras ?
n Oui n Non
20) A quelle fréquence consommes-tu du fromage
?
Jamais
|
1x/ semaine
|
3x/ semaine
|
Tous les jours
|
A tous les
repas
|
Merci de ta participation !
106
Conclusion générale
Le statut de l'adolescent a fluctué au cours des
dernières décennies et le temps de l'adolescence est de plus en
plus prolongé. L'adolescent fait face à des problèmes
identitaires et des remaniements qui le bouleversent
énormément.
Durant la puberté, il subit des changements corporels
qui le marque et peuvent influencer sa propre perception physique. Les filles
sont d'avantage bouleversées par ces changements et ont une estime de
soi plus faible que les garçons. Elles estiment être soumises
à une pression sociale et médiatique, plus forte, pour se
conformer à la norme corporelle socialement prescrite. Elles deviennent
d'avantage préoccupées par leur image corporelle et
développent une obsession pour la minceur. Elles vont effectuer leurs
choix alimentaires en fonction de critères nutritionnels.
En outre, le modèle alimentaire des jeunes est lui
aussi chamboulé. La prise de 3 repas par jour n'est pas respectée
à cause d'une absence de petit-déjeuner chez la majorité
des jeunes et les repas sont déstructurés. Néanmoins,
comme les adultes, ils accordent de l'importance au plaisir gustatif.
Les pratiques alimentaires des adolescents sont, par ailleurs,
influencées par des facteurs socioculturels, tels que les groupes de
pairs, la famille, ou encore les médias.
Nous avons pu constater que le lait avait changé de
statut comparé à l'enfance. Aliment repère durant cette
dernière période, il n'est plus autant populaire lors de
l'adolescence. En nous intéressons de plus près aux facteurs qui
pourraient influencer le statut du lait et des produits laitiers à
l'adolescence nous avons émis l'hypothèse qu'un facteur social
pouvait dans un premier temps être en cause. Sous l'influence des
107
pairs et de sa famille, l'adolescent est soumis à un
effet de « suggestion sociale » qui modifie ses goûts en
défaveur du lait et en faveur du fromage.
Dans un second temps nous avons supposé qu'un facteur
de recherche gustative était à l'origine de la consommation
croissante de fromage chez les adolescents par rapport à leur
enfance.
Enfin, un facteur symbolique de frontière qui marque un
changement dans les pratiques alimentaires entre l'enfance et l'adolescence
peut aussi influencer le statut du lait. Dans ce cas-ci nous avons pensé
à l'absence de petit déjeuner qui ne favorise pas sa
consommation. D'autre part un autre facteur symbolique marqueur de
l'adolescence pourrait être la recherche de plaisir gustatif. Plus
caractéristique chez l'adulte, ce dernier symboliserait une jonction et
non pas une frontière cette fois, entre l'adolescence et le « monde
adulte ». Il favoriserait quant à lui la consommation de
fromage.
Afin de confirmer ou d'infirmer ces hypothèses,
j'aimerais mener l'année prochaine la méthodologie probatoire
proposée en partie 3 et je trouverais peut-être d'autres facteurs
plus représentatifs qui pourraient expliquer le changement de statut
assigné au lait et aux produits laitiers lors de l'adolescence.
108
Bibliographie
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· WEINER Irwin, Perturbações
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Gulbenkian, 1995
112
Table des annexes
Annexe A : Guide d'entretien exploratoire p.112
Annexe B : Entretien exploratoire n°1 p.114
Annexe C : Entretien exploratoire n°2 p.119
Annexe D : Entretien exploratoire n°3 ..p.123
113
Annexe A : Guide d'entretien exploratoire
Thèmes
|
Questions
|
Précisions
|
Données administratives
|
Tout d'abord, peux-tu te présenter ?
|
Âge, études, lieu de vie, situation personnelle.
|
Normes, représentation et cadre
alimentaire
|
Qu'est-ce qu'un bon repas pour toi ? A quoi rattaches-tu sa
qualité ?
|
Aspects diététiques, diversité,
quantité, structure du repas, plats traditionnels, lieux, personnes.
|
Comportements alimentaires
|
Combien de prises
alimentaires effectues-tu par jour ?
|
Petits déjeuner, déjeuner, diner, collations,
goûter.
|
|
Quel type de modèle alimentaire s'applique à tes
repas ?
|
Nombre de composantes.
|
|
Contrôles-tu ce que tu manges ?
|
Qualitativement et
quantitativement. Peur de grossir ou bénéfices
santé.
|
|
Es-tu sensibles aux questions nutritionnelles ?
|
Que veut dire « Manger santé » par exemple
|
|
Pour toi, es-tu libre dans tes choix alimentaires ?
|
Influence de la famille, des pairs, des médias.
|
|
As-tu une préférence entre manger avec ta famille
et manger avec tes amis ? Pourquoi ? Manges-tu différemment en leur
présence ?
|
Dimensions sociale, influence de la compagnie.
|
Perception physique
|
Penses-tu que l'image
corporelle est importante dans nos sociétés ? Te
soucis-tu de la tienne ?
|
Perception générale et personnelle.
|
|
Est-on plus intransigeant avec les filles quant à leur
apparence physique ?
|
Différenciation de genre ?
|
|
Penses-tu qu'une fille doit moins manger qu'un garçon ?
|
Différence de genre dans la norme ?
|
|
Les médias ont-ils un rôle pour toi dans votre
perception physique ?
|
Impact d'une influence extérieure ?
|
Consommation de lait et produits
laitiers
|
- Es-tu un amateur de lait et produits laitiers ?
|
Goût pour ce groupe
alimentaire, compréhension du terme « produits
laitiers ».
|
|
- A quelle fréquence
consommes-tu du lait ? Quel type de lait ?
(entier,1/2,écrémé) - A quelle fréquence
consommes-tu des laitages ?
|
Consommation quotidienne ou hebdomadaire. Quel aliment est le
plus consommé ?
|
114
|
- A quelle fréquence
consommes-tu du fromage ?
|
|
|
- Quelle différence fais-tu entre ces 3 produits ?
|
Est-ce qu'il en ressortira un différence de perception
visuelle, gustative, nutritionnelle... ?
|
|
Sais-tu quelles sont les recommandations nutritionnelles pour le
lait et les produits laitiers ? Les suis-tu ?
|
Etat des connaissances et importance donné à ce
groupe sur le plan nutritionnel.
|
|
Quel goût à le lait pour toi ? Et le fromage ?
|
Perception gustative et différence entre les deux.
|
|
Par rapport à ton enfance, as- tu augmenté ou
diminué la consommation de ces aliments ?
|
Il y a-t-il eu un changement ? Pourquoi (évolution des
goûts, préoccupations nutritionnelles, symboles)
|
|
Il y a-t-il une période de la vie en particulier à
laquelle tu associes le lait ? Et le fromage ?
|
Symboles de période ?
|
|
Quelle image associes tu au lait et aux produits laitiers ?
|
Vision
|
Actualité : Scandale laitier
|
As-tu suivi les polémiques qui ont entouré le lait
ces dernières années ?
|
Diabolisation du lait et des produits laitiers
|
|
Qu'en penses-tu ?
|
D'accord ou pas d'accord ?
|
|
Penses-tu que l'Homme devrait arrêter de consommer du lait
?
|
Avis sur la question à croiser avec ses habitudes de
consommation ?
|
Conclusion
|
En conclusion, peux-tu me donner 3 mots qui qualifient en ton
sens les produits laitiers dans leur globalité ? Le Lait ? Le fromage
?
|
Idée de la perception générale après
toutes ces questions
|
|
Veux-tu ajouter quelque chose ?
|
|
|
L'entretien s'est bien passé ?
|
|
115
Annexe B : Entretien exploratoire n°1
Date : 11/03/16
Contexte : A l'université
Durée : 30 minutes
Enquêté : KM, 18 ans,
étudiant en psychologie
Interviewer : I
I : Bonjour, alors pour commencer, peux-tu te présenter
s'il te plaît ?
KM : Alors, je m'appelle KM, j'ai 18 ans et je suis en
première année de psychologie. J'habite tout seul dans mon
appartement...
I : Ok très bien merci. Alors maintenant est-ce que tu
peux me dire pour toi qu'est-ce qu'un bon repas ?
KM : Pour moi un bon repas c'est un repas
équilibré. Dans le sens où... enfin moi je ne mange pas
forcément une entrée, un plat et un dessert. Je mange le plus
souvent un seul plat mais il est équilibré. C'est-à-dire
que dans la préparation il y aura des légumes, le viande, et des
féculents avec du riz ou des pates. L'équilibre c'est tout en
fait. Parfois je prends un dessert, mais je n'ai pas l'habitude de consommer
des desserts.
I : Donc tu coup pour toi, tu rattaches la qualité du
repas à l'aspect nutritionnel ?
KM : Non pas forcément, nutritionnel ça compte
mais moi je suis aussi plus sur le côté gustatif et le
côté plaisir. Pour moi un bon repas faut qu'il soit bon et que je
prenne du plaisir à le manger.
I : Est-ce que le lieux dans lequel tu le prend ou les
personnes avec qui tu manges ça a une importance sur la qualité
ou est-ce que ça c'est autre chose pour toi ?
KM : Ah non pour moi c'est autre chose. Moi j'aime bien manger
tout seul et apprécier mes plats, mais après de temps en temps
j'aime bien aussi partager des plats avec des amis, ça permet de
partager un moment convivial, de découvrir des plats.
I : Est-ce que l'environnement donc influence la
qualité du repas ? KM : Oui ça met une bonne ambiance donc
ça influence ;
I : D'accord. Combien de prises alimentaires tu effectues par
jour ?
KM : On va dire deux. Le petit déjeuner j'ai du mal
à le prendre le matin. Ca m'arrive d'en prendre, mais c'est plus quelque
chose de rapide. Je prends vite-fait au frigo un jus ou un yop. Après
c'est plus le repas du midi et du soir où je mange vraiment bien ;
I : Tu ne fais pas de collation ou ne prends pas de goûter
? KM : Non pas de goûter.
I : Ok. Est-ce que tu contrôles ce que tu manges ?
KM : Non.
116
I : Que ce soit sur le plan quantitatif ou qualitatif...
KM : Plus sur la qualité. J'essaye de prendre des
produits qui sont quand même bons, et des produits de marques quand
même. C'est psychologique, je me dit que je prends de la marque donc je
prends moins de risques à avoir des intoxications alimentaires ou autres
car à la base j'ai un estomac fragile donc je préfère
prendre des produits de marques. Et niveau quantitatif en général
je mange beaucoup. Tant que j'ai faim je mange.
I : Est-ce que tu es sensible aux question nutritionnelles ?
C'est-à-dire manger santé par exemple ?
KM : Oui et non. Je m'y intéresse un petit peu depuis
l'année dernière. Avant ce n'était pas trop ça.
Après l'appliquer peut-être pas forcément encore mais j'y
compte bien. Je me demande si ce que je mange répond vraiment à
mes besoins.
I : Donc pour toi manger santé et manger
équilibré ça correspond à quoi ?
KM : Bah manger équilibré dans le sens où
dans un repas il faut manger de tout en fait. Il faut prendre des produits
laitiers, des légumes, des fruits, une viande, un féculent et
consommer beaucoup d'eau aussi.
I : D'accord. Est-ce que pour toi dans tes choix alimentaires
tu es libre de consommer ce que tu veux manger ou est-ce que tu penses que des
choses peuvent t'influencer ?
KM : Non moi je suis libre. Déjà j'habite tout
seul donc personne ne me dit ce qu'il faut prendre et je pends vraiment ce que
moi j'aime en fait. Donc non je n'ai pas de limites. Je mange ce que j'ai envie
sur le moment. Si j'ai envie de manger une pizza je vais prendre une pizza.
I : Est-ce que tu pourrais être influencer par tes amis
?
KM : Par mes amis oui, j'aime bien découvrir de
nouveaux plats et donc quand mes amis étrangers me font leurs plats,
après chez moi j'essaye de les refaire. Je les cuisine.
I : Et si un de tes copains te dit qu'il a envie de manger un
fast-food par exemple ?
KM : Ah ça, oui je peux me laisser tenter. Après
je ne suis pas influençable hein mais ça nous permet de manger
ensemble.
I : Est-ce que tu as une préférence entre manger
avec ta famille ou tes amis ?
KM : En général c'est plus la famille. Je mange
avec eux depuis que je suis tout petit donc papa maman ensemble, c'est
convivial, c'est le partage en famille. Ca permet de se retrouver.
J'apprécies plus ces moments. Avec mes amis on le fait souvent, j'aime
bien hein mais...
I : C'est plus banal ?
KM : Oui voilà c'est ça.
I : Est-ce que tu manges différemment en présence
de tes amis ?
KM : Oui ça dépend avec qui je traîne.
Quand je suis avec des africains je mange sénégalais par exemple.
Après là par exemple cette année c'est un peu bizarre.
J'ai du me faire des nouveaux potes donc j'essaye de manger un peu comme
eux.
I : Un peu comme eux c'est-à-dire ?
117
KM : Bah en fait avant je m'en foutais. Genre de manger avec
les doigts et tout. Mes copains aussi le faisait chez moi. Ici je fais plus
attention. On dirait que c'est sale pour les gens.
I : Et au niveau de la quantité tu manges pareil ? KM :
Oui Oui.
I : Ok. Est-ce que tu penses que l'image corporelle c'est
quelque chose d'important aujourd'hui dans notre société ?
KM : Bah les magazines et tout là nous font croire que
oui. Mais pour moi par exemple, que l'idéal de la personne c'est
être mince, beau ou musclé, moi non ça n'a pas
d'importance.
I : Tu te soucie toi de ton image physique ? KM : Non.
I : D'accord. Est-ce que tu penses que l'on est plus
intransigeant là-dessus avec les filles ? Sur l'apparence physique ?
KM : Oui.
I : Pourquoi ?
KM : Bah je sais pas. Les filles aiment beaucoup se comparer
entre elles et du coup il y a beaucoup ces côtés « ouais toit
tu manges trop, faut que tu fasses attention ». Alors que chez les
garçons on retrouve pas ça. Les garçons ils s'en foutent.
Mais les filles elles veulent toujours être plus belle que l'autre. Du
coup elles vont trouver un moyen de critiquer le physique de l'autre pour se
mettre elle en avant. Après il y a le cliché du garçon qui
aime les filles minces aussi, mais moi j'ai des amis qui
préfèrent les files en chaire. Mais ça c'est l`image, le
gros cliché que les médias mettent dans la tête des filles.
Dans les pubs c'est toujours une mannequin très belle, et tous les meks
sont là « wahouu elle est trop joli ». Pareil il y a beaucoup
de filles qui se disent végétarienne ou j'sais pas quoi pour
préserver la cause animale, mais je pense que beaucoup c'est pour
maigrir.
I : Est-ce que tu penses qu'une fille ça devrait moins
manger qu'un garçon ?
KM : Bah oui. Enfin elles ont moins besoin de manger que nous
normalement à la base. J'ai rarement vu des filles qui mangeaient autant
qu'un garçon mais c'est un peu mal vu ouais. Après tout
dépend de sa forme physique. On va dire que si elle est « fine
» je pense pas que ça pose de problème. Maintenant si c'est
une femme assez imposante et qui mange plus qu'un homme, moi j'aurais tendance
à lui dire « arrête de manger et va courir » (rires).
I : Ok. Donc maintenant on va parler de la consommation du
lait et des produits laitiers. Donc déjà qu'est-ce que c'est pour
toi les produits laitiers ?
KM : Bah c'est le lait, tous les produits qui viennent du lait,
le fromage, les yaourt, le Yop. I : Est-ce que tu es un amateur de lait et
produit laitier ?
KM : Amateur ouais. Enfin on va dire que quand j'étais
petit je consommais beaucoup beaucoup de lait. Et quand je suis arrivé
au lycée, quand j'étais plus speed en fait, quand il fallait se
réveiller le matin hyper tôt pour partir j'en buvais moins.
Après j'aime beaucoup les fromages et produits laitiers. J'en consomme
assez régulier. Donc amateur ouais, on va dire ça comme
ça.
I : A quelle fréquence tu consommes du lait ?
118
KM : Ca dépend en fait de quand je fait mes courses.
Quand je vais prendre du Yop je vais pas en boire de toute la semaine. Sur un
mois on va dire que je vais consommer 2 semaines du lait. Ca dépend de
mes envie. Des fois je vais avoir envie d'en prendre le matin et quand je vais
faire les courses je vais me dire que j'ai envie d'en boire le matin donc je
vais en acheter. Quand j'en bois deux semaines de suite, c'est pas que
ça m'écoeure mais j'arrête. J'en ai trop bu en fait.
I : Tu bois quel type de lait ?
KM : Demi-écrémé.
I : Et les laitages et le fromage, à quelle
fréquence ?
KM : Ah ça c'est quasiment tous les jours. Plus le
fromage. Le fromage presque tous les jours.
I : Ok. Quelle différence tu fais entre ces trois produits
?
KM : Il y a une différence. Le lait pour moi c'est plus
un truc qui se consomme le matin, le fromage tu peux le consommer à tous
les repas. Et le yaourt en dessert. C'est trois produits qui se consomment de
manière différente. Après en terme de besoins
nutritionnels ce sont trois produits pareil je pense. Tant qu'on a un produit
laitier dans son repas.
I : Est-ce que tu sais quelles sont les recommandations pour le
lait et les produits laitiers par jour ?
KM : Il me semble que c'est 1 à chaque repas ?
I : Tu penses les suivre ?
KM : Non. Le matin à la limite j'ai mon Yop et le soir le
fromage. Le midi non.
I : Quel goût ça a pour toi le lait ?
KM : Pour moi ça n'a pas vraiment de goût. Quand
j'en bois, j'en bois avec du chocolat.
I : Et le fromage ?
KM : Le fromage ça a beaucoup de goût, c'est
fort. Après ça dépend des fromages mais moi j'aime bien
les fromages qui sont forts. Le fromage c'est goûteux.
I : Par rapport à ton enfance tu as augmenté ou
diminuer la consommation de ces aliments ?
KM : Le lait du cou je l'ai diminué. Le yaourt j'en ai
jamais trop mangé dans ma vie, de temps en temps. Et le fromage ouais
j'ai carrément augmenté.
I : Pourquoi d'après toi ?
KM : Bah j'sais pas trop quand j'étais petit
voilà. J'ai suivi mes parents pour le fromage en fait. Mon père
surtout aimait bien le fromage. Le lait voilà, c'est plus pour les
petits. Enfin il y a des personnes âgées qui consomment encore du
lait mais après le fromage c'est vrai que quand on est petit on en mange
pas trop. Sauf si tes parents ils t'en donnent l'habitude. Moi non, c'est en
grandissant que j'ai voulu en goûter. Quand tu deviens adulte tu peux te
dire que tu veux commencer à manger du fromage parce que ça
à l'air bon. Je voyais tout le temps mon père en manger. Quand
t'es petit tu te dis « beurk ça à un goût fort ».
Et puis au repas de famille tu vois toujours les grands manger du fromage e
boire du vin. Puis comme j'ai pas le temps le matin je vais pas emmener mon
lait (rires)
I : Pourquoi ?
119
KM : Bah le lait ça se boit plus à la maison.
Dans ma tête c'est comme ça. Le lait c'est quelque chose que tu
bois chez toi. Même dans les pubs ils le montre. Genre la pub Nutella
t'as ton petit goûter avec ton verre de lait à la maison. Toutes
les pubs qui parlent de lait c'est toujours à la maison. C'est la
représentation qu'on se fait. Et puis le lait, enfin quand t'es
bébé c'est le premier aliment que tu consommes. Après
quand tu grandis tu passes aux fromages, le lait on t'en donner toujours des
fois à l'école mais plus maintenant.
I : Ok. A quelle image tu pourrais associer le lait et les
produits laitiers en général ?
KM : Alors pour moi « les produits laitiers sont nos amis
pour la vie » (rires). Non bah l'image que ça me donne, ça
apporte euhhh... j'ai toujours cette image en tête que pour moi ça
forge les os. Tu penses aux os direct.
I : Le fromage est un produit laitier comme un autre pour toi
?
KM : Pour moi oui.
I : D'accord. Est-ce que tu as suivi les polémiques qui
ont entouré le lait ces dernières années ?
KM : Non pas vraiment.
I : Est-ce que tu penses que l'homme devrait arrêter de
consommer du lait ?
KM : Ouais, je pense que ouais. De base j'avais entendu dire
que le lait de vache ne devrait pas être consommé par les hommes.
Trop en consommer ça peut ne pas être bon pour la santé. Ca
peut être bon d'une manière générale mais pas trop,
après c'est pas bon du tout. Je sais plus pourquoi mais je sais que ce
n'est pas bon de trop en consommer.
I : Ok. Donc en conclusion est-ce que tu pourrais me donner 3
mots pour chaque terme, qui qualifierait le lait, le fromage et les produits
laitiers en général ? 3 mots pour chacun.
KM : Alors pour le lait : vache, santé et nutrition. Le
fromage : plaisir, goût et fort. Et les produits laitiers en
général euh... calcium, les os et desserts.
I : Ok très bien. Est-ce que tu veux ajouter quelque chose
? KM : Non ça va.
I : Merci ! Ca va ça s'est bien passé ?
KM : Oui oui très bien.
120
Annexe C : Entretien exploratoire n°2
Date : 12/03/16
Contexte : A son domicile
Durée : 30 minutes
Enquêté : LG, 21 ans,
étudiante en seconde au lycée
Interviewer : I
I : Bonjour, alors pour commencer, peux-tu te présenter
s'il te plaît ?
LG : Donc je m'appelle LG, j'ai 21 ans, j'habite à
Muret chez mes parents, et je suis en L2 de Maths à Paul Sab.
I : Ok merci. D'abord peux-tu me dire qu'est-ce qu'un bon
repas pour toi et à quoi est-ce que tu rattaches sa qualité ?
LG : Bah un bon repas c'est que c'est bon en bouche, et que
ça me remplit le ventre. Voilà. Un bon repas il doit juste
être bon.
I : Par exemple est-ce que selon les personnes avec qui tu vas
manger ça va impacter sur la qualité du repas ?
LG : Oh non. Peu importe que ce soit avec Pierre Paul ou
Jaques, tant que c'est bon en bouche surtout. Après forcément on
parle d'équilibre alimentaire des fois mais moi peu importe, même
gras c'est bon (rires).
I : Combien de prises alimentaires tu effectues par jour ?
LG : Une ou deux. Des fois je ne mange qu'un repas par jour.
Le diner. Des fois je reste toute la journée sans manger et je mange que
le soir. Déjà parce que j'ai la flemme de me faire à
manger et puis j'ai pas envie de remanger la même chose au
déjeuner et au diner donc je préfère attendre le soir pour
manger ça en fait. J'ai faim mais après ça passe.
I : De quoi se compose ton repas ? Entrée, plat, dessert,
fromage ?
LG : Ca dépend mais j'ai surtout que le plat et
quelques fois le dessert : laitages, gâteaux ou fruits. Mais plus
gâteaux je pense. Et en ce moment fruits.
I : Est-ce que tu contrôles ce que tu manges sur la
quantité.
LG : Oui et non. Fiouuuu oui, enfin non. Disons que je
m'arrête de manger quand j'ai plus faim, mais je devrais m'arrêter
beaucoup plus tôt car je continus de manger souvent, je suis gourmande.
Après je me régule, quand j'ai beaucoup mangé la veille,
je mange moins le lendemain. Et puis ça dépend vraiment des
aliments des fois je peux manger des trucs gras.
I : Est-ce que tu es sensibles aux questions nutritionnelles ? LG
: Oui, j'évite de manger trop gras, trop sucré. Et voilà.
I : Qu'est ce que ça veut dire pour toi « manger santé
» ?
121
LG : « Manger 5 fruits et légumes par jour ».
Manger des légumes. C'est très important pour être en bonne
santé.
I : Pour toi, est-ce que tu es libre dans tes choix alimentaires
par rapport à ce que tu veux manger ?
LG : Non je ne suis pas libre parce qu'il faut de l'argent
pour manger ce que l'on veut. Mais après quand même dans
l'ensemble je mange ce que je veux.
I : Est-ce que tu pourrais être influencée par tes
amis ?
LG : Non, mais après c'est sûre que quand ils me
disent « on va manger kebab », bah on va manger kebab (rires), faut
bien faire des concessions.
I : Est-ce que tu as une préférence entre manger
avec ta famille ou manger avec tes amis ?
LG : Avec ma famille je pense. C'est... je sais pas, on peut
manger indien et avec les doigts, sans qu'on te regarde comme ça
là... et qu'on te dise « oh tu manges avec les doigts ».
J'sais pas c'est plus cool quoi.
I : Est-ce que tu manges différemment en présence
de ta famille ou tes amis ?
LG : Bah avec la famille ou les amis on ne mangera pas
forcément les mêmes choses. Après quand j'ai faim, j'ai
faim, donc quoi qu'il en soit je mange, je vais pas faire la fine bouche. Mais
après ça dépend des amis avec qui je suis aussi. Genre mes
amis de chez moi là, de Muret on peut se faire des pizzas ou des kebabs
tout le week end. Avec mes copines de la fac on peut se prendre un truc comme
ça dans la semaine mais pas plus. Elles font plus attention que moi.
Quand on va s'acheter à manger le midi, si elles me voient racheter un
truc gras, elles vont me dire « ouais t'abuses » (rires).
Après moi je m'en fous, je prends pas ça à coeur, j'ai pas
de problèmes de poids donc voilà, mais j'évite de les
choquer (rires)
I : Ok. Est-ce que tu penses que l'image corporelle est
importante aujourd'hui dans nos sociétés ?
LG : Ah oui !
I : Pourquoi ?
LG : Bah parce que c'est la société, c'est le
culte du corps. Il faut être beau, il faut être mince. Il faut pas
faire trois tonnes sinon tu es moche. T'as pas de mari (rires)
I : Est-ce que toi tu te soucies de ton image corporelle ?
LG : Oui, surtout au niveau de l'apparence physique. Il faut
que je sois fine et jolie. Il faut que je sois bonne quoi (rires)
I : Est-ce que tu penses que l'on est plus intransigeant avec
les filles qu'avec les garçons à ce niveau là ?
LG : Oui quand tu es une fille tu as plus de pression. Les
cheveux, le maquillage, la poitrine, les fesses, le ventre. Si on a du gras sur
le ventre on va dire « ohlala mon dieu, non mais t'as vu son ventre, ses
bourrelets, sa cellulite et tout ». Alors qu'un mek, si il est un peu gros
c'est pas très grave, au contraire, vaut mieux ça qu'il soit tout
gringalet là. Un mek ça doit être costaud, pas tout
maigrichon. Un homme, ça masse corporelle comparée à une
femme elle est plus grande de toute façon donc il devra manger plus de
calories pour subvenir à ses besoins. Après si une femme mange
plus qu'un homme moi ça ne me choque pas. Des fois les gens sont
là, ils me disent « tu manges tout ça », mais moi je
suis gourmande alors euh voilà. Genre ils sont choqués. J'ai
faim, j'ai faim quoi, je ne vais pas faire la
122
meuffe. Mais moi j'ai des amies genre qui disent « non
mais devant lui ça ne se fait pas de manger comme ça, si je mange
trop blablabla ». Elles ont peur de passer pour des grosses, du coup elles
mangent moins.
I : Ok. Pour toi les médias ont un rôle
là-dedans ?
LG : Oui ils ont un rôle destructeur. Si on regarde les
magazines ce sont des femmes fines, aux cheveux longs, elles sont blanches
aussi. Euh ouais, si tu veux être bien, il faut faire attention à
tout. Il faut tout contrôler presque on dirait. Ca complexe pas mal de
filles et après elles deviennent anorexiques genre.
I : D'accord. Donc maintenant on va parler de la consommation
de lait et produits laitiers. Est-ce que tu es une amatrice de lait et de
produits laitiers ?
LG : Oui, je bois du lait. J'aime bien. Une fois par semaine.
Enfin ça dépend. En période de cours j'ai pas le temps, je
ne déjeune pas, le matin j'suis fatiguée et j'ai envie de dormir.
Le week-end j'aurais plus tendance à prendre un petit-déjeuner,
si il y a du lait, avec des céréales, je déjeunerais. Mais
euh voilà, parce que le week-end on a le temps.
I : Tu bois quel type de lait ?
LG : Demi-écrémé. Et j'aime bien les
laits végétaux aussi. Pour le goût et parce que le lait de
vache c'est pas très bon pour la santé apparemment. C'est fait
pour les veaux déjà. Et en tant que femme adulte je n'ai plus
besoin de lait. Ma croissance et pratiquement terminée. Même si
j'ai 21 ans ma croissance est terminée. Et le lait est fait pour que le
veau grossisse, donc voilà.
I : Est-ce que tu consommes des laitages ?
LG : Oui une à deux fois par semaine. Ca dépend
s'il y en a, j'en prends au dessert du déjeuner ou du diner.
I : A quelle fréquence tu consommes du fromage ?
LG : Alors là euh, une à deux fois par semaine.
Enfin ça dépend, le fromage râpé ça compte
?
I : Oui, oui.
LG : Ah alors ouais, même trois fois par semaine.
I : Ok. Quelle différence tu fais entre ces trois produits
(lait, laitages et fromages) ?
LG : Le lait c'est la boisson. Les laitages c'est avec les
ferments lactiques que ça fait du yaourt. Et le fromage bah c'est
pareil, mais le fromage c'est plus gras que le lait. Et puis on rajoute du sel.
Faut pas trop trop en manger.
I : Est-ce que tu sais quelles sont les recommandations
nutritionnelles pour les produits laitiers ?
LG : « Les produits laitiers sont nos amis pour la vie
». Non, euh, trois fois par jour ?
I : Est-ce que tu penses les respecter ?
LG : Non, non, pas vraiment.
I : Ok. Quel goût à le lait pour toi ?
LG : C'est doux. Après je bois du lait
demi-écrémé donc euh voilà, on sait qu'il n'a pas
le même goût que le lait entier. Et puis c'est du lait industriel
donc il n'a pas le même goût que le vrai lait. C'est
stérilisé à je sais pas combien de température pour
enlever les microbes donc ça doit perdre son goût.
123
I : D'accord. Par rapport à ton enfance, est-ce que tu
as augmenté ou diminué la consommation de ces aliments ?
LG : Le lait j'ai diminué. Déjà parce
qu'avant j'étais petite donc je pensais que si je buvais du lait
j'allais grandir et en plus parce qu'avant je déjeuneais. Quand on est
petit on a le temps de déjeuner le matin. Maintenant le temps qu'on a on
préfère dormir.
I : Et le fromage ?
LG : Le fromage j'en mange plus parce que je connais plus de
fromages. J'aime pas les fromages à goût fort, genre roquefort et
tout c'est dégueulasse.
I : D'accord. Pourquoi tu penses que tu as augmenté ta
consommation de fromages ?
LG : Pour découvrir d'autres saveurs. Et puis au
Restaurant universitaire ou même au restaurant tout court il y a beaucoup
de fromages, genre des plateaux de fromages et tout donc j'ai voulu
goûter. Quand on va au restaurant avec des amis de mes parents, des
français, ils prennent souvent du vin et du fromage. C'est très
français, ça fait classe je trouve. Puis à 21 ans j'suis
censée être plus ou moins adulte et manger comme eux. A chaque
fois il m'en propose. Le fromage j'aime bien. Le vin c'est pas encore
ça. Le père de mon copain mange beaucoup de fromage aussi.
I : Quelle image associes-tu au lait et au produit laitiers ?
LG : Bah c'est bon pour la santé, c'est blanc, c'est
pleins de calcium.
I : Est-ce que pour toi le fromage est un produit laitier comme
les autres ? LG : Oui oui. Enfin ça dépend. C'est-à-dire
?
I : Par exemple tu m'as dit qu'il fallait consommer 3 produits
laitiers par jour. Si on mange 3 portions de fromage du coup, ça compte
?
LG : Bah oui mais il faudrait pas parce que le fromage c'est
gras quand même. Et puis on va pas manger du fromage au petit déj.
Le matin c'est le lait. Ou à la limite le yaourt.
I : Tu m'as dit donc avoir plus ou moins suivi les
polémiques qui ont entourées le lait ces dernières
années. Qu'est-ce que tu en penses ? Est-ce que tu penses que l'homme
devrait arrêter de consommer du lait ?
LG : Je pense oui, mais c'est trop ancré dans nos
cultures. Et puis le matin c'est ben de tremper ses gâteaux dans le lait.
Et puis enfin quand t'es petit qu'est-ce que tu boirais du coup ? Le lait quand
t'es petit c'est la base. Ce serait triste de plus en avoir pour les petits.
Après quand t'es grand voilà, tu t'en fous, tu bois plus de lait,
tu manges du fromage par exemple ou des yaourts.
I : Ok. Pour conclure est-ce que tu peux me donner, pour
chacun, trois mots qui qualifieraient les produits laitiers en
généraux, le lait, et le fromage.
LG : Les produits laitiers : plaisir, cuisine, yaourts. Le
lait : petit-déjeuner, croissance, santé. Le fromage : plaisir,
gras, et euh je sais pas ... patrimoine français.
I : Très bien. Est-ce que tu veux rajouter quelque chose ?
LG : Non voilà c'est tout.
I : Je te remercie !
124
Entretien exploratoire n°3
Date : 19/03/16
Contexte : A son domicile
Durée : 30 minutes
Enquêté : CH, 23 ans, comptable
Interviewer : I
I : Bonjour, alors pour commencer, peux-tu te présenter
s'il te plaît ? Me dire ton âge, ce que tu fais dans la vie, si tu
vis seule, en couple, chez ta famille...
CH : Donc je m'appelle CH, j'ai 23 ans, je vis à
Bordeaux, et je suis comptable. Je vis seul dans mon appartement.
I : Alors, tout d'abord est-ce que tu peux me dire ce que
c'est qu'un bon repas pour toi ? A quoi est-ce que tu rattaches sa
qualité ?
CH : Je rattache sa qualité à sa
variété, il faut que les aliments soient variés,
équilibrés. Je fais attention à l'équilibre acido
basique, car je fais du sport. Je fais de la musculation. J'essaye toujours
d'avoir des aliments acidifiant et basifiant et d'avoir un bon rapport de
glucides et de protéines et de légumes et de fruits,
c'est-à-dire pleins e vitamines et minéraux.
I : D'accord, donc tu dis « équilibré ».
C'est quoi « équilibré pour toi ?
CH : Pour moi équilibré c'est-à-dire
qu'il y a un bon rapport entre, on va dire le glucides, les protéines et
les lipides. Donc voilà, pas trop de lipides. Mais que des bons lipides.
Oméga 3 et oméga 6 et après je garde les glucides à
indice glycémique plutôt bas pour éviter qu'ils se
transforment rapidement en graisses en fait. Voilà, je limite au maximum
les sources à glucides à indice glycémique rapide. Et puis
des protéines de bonnes qualités, animale, plus animale ouais.
I : D'accord est-ce que pour l'environnement,
c'est-à-dire le lieux ou les gens avec qui tu manges, peuvent faire
varier la qualité de ton repas ?
CH : Ah oui, ça peut varier suivant que j'aille au
restaurant avec des amis. Je vais pas faire attention à mon
alimentation. Ou du moins sacrifier la qualité des aliments parce que je
veux garder quand même un bon équilibre social. Donc je fais
beaucoup moins attention. Si on me propose un kebab le dimanche soir, je vais
craquer.
I : Ca restera quand même un bon repas pour toi ?
CH : Au niveau du plaisir, oui mais après ce sera un
mauvais repas dans le sens où j'aime bien garder un bon équilibre
alimentaire.
I : D'accord. Combien de prises alimentaires tu effectues par
jour ?
CH : Je fais trois repas et deux collations. I :
Petit-déjeuner, déjeuner, dîner... CH : Une collation
à 10h et une à 16h.
125
I : Ok. En terme de composantes comment se constituent tes
repas ? Tu as entrée, plat, dessert, fromage ?
CH : Alors l'entrée est souvent bâclée
voire inexistante, et sinon je privilégies le plat. Une base de
protéine animale (viande, volaille, des fois poissons), des glucides
donc souvent du riz et j'essaye d'avoir un maximum de légumes. En ce
moment c'est souvent des brocolis que je consomme. Et un dessert des fois s'il
me reste de la place pour manger. Mais le dessert ça va jamais
être des sucreries. Ca va être un fruit.
I : Ok, donc tu contrôles ce que tu manges ?
CH : OuI.
I : Qualitativement et quantativement ou plus qualitativement
?
CH : Euh les deux, pour avoir un bon équilibre. Etant
donné que je mange beaucoup de riz, j'essaye de prendre du riz bio.
Après voilà, le problème c'est que c'est par rapport aux
moyens financiers. J'aimerais prendre de la protéines on va dire bio, de
la viande bio, mais j'ai pas assez de moyens pour me le permettre. Sinon tout
ce qui est fruits et légumes c'est bio. Je contrôle ma
qualité et ma quantité parce que je ne veux pas grossir donc
voilà.
I : Que veut dire « manger santé > pour toi ?
CH : « Manger santé », bah voilà,
avoir un bon équilibre alimentaire, pas d'excès dans les lipides
comme dans les mauvais sucres. En consommer de temps en temps par plaisir mais
ne pas faire d'excès. Pour moi c'est ça. Après moi qui
mange « santé », j'ai remarqué qu'on était une
minorité. Je suis vue comme quelqu'un qui fait attention à son
alimentation et voilà. Enfin souvent on le remarque. On le remarque
parce qu'on va dire qu'on s'inflige des « restrictions > et du coup
ça peu choquer ou perturber d'autres personnes qui eux ne font pas
attention. Je pense pas que ce soit dans la culture française de faire
habitude à son alimentation. C'est une habitude assez récente qui
justement peut-être vue d'une manière assez étrange par les
autres gens.
I : Ok. Est-ce que pour toi tu es libre dans tes choix
alimentaires ? CH : Oui oui, tout à fait libre.
I : Est-ce qu'il n'y aurait pas des influences
extérieures comme la famille, les amis ou les médias qui
pourraient t'amener à revoir certains choix ?
CH : Bah c'est vrai que quand je vais manger chez mon
père, le repas m'est imposé. Selon que je sois avec mon copain ou
pas, ça peut y jouer. Je veux lui faire plaisir donc je lui
achète une glace pour le dessert par exemple. DU coup je mange une
glace. Et avec mes amis, bah la semaine j'évite tout repas avec mes amis
parce que je sais que quand je fais des repas avec des amis c'est souvent un
plaisir gustatif on va dire mais au niveau de l'équilibre alimentaire on
y est pas du tout. Genre pizza, donc voilà c'est un petit plaisir de la
semaine. Et les médias non pas trop. Après c'est vrai que si,
tout ce qui est pesticide et tout, ça vrai que ça nous
emmène à consommer bio. C'est les médias qui ont
joué vraiment ce rôle, ils nous ont transmis l'information des
pesticides donc c'est vrai que je consomme bio grâce aux
médias.
I : D'accord. Est-ce que tu as une référence entre
manger avec ta famille ou manger avec tes amis ?
CH : Euh une préférence... au niveau de
l'alimentation non. Ou si une petite préférence pour manger avec
ma famille. Souvent ce sont des repas que l'on a rarement l'occasion de manger,
comme du foie gras, voilà des aliments qui coûtent chers, qui sont
onéreux. Tandis qu'avec les amis ça va être kebabs
126
ou pizza. Quand je mange avec un ami, il va pas
forcément suivre mes habitudes alimentaires donc je vais essayer de
m'adapter à lui donc il y aura une différence.
I : Est-ce que tu penses que l'image corporelle est importante
dans nos sociétés aujourd'hui ?
CH : C'est vrai qu'il y a un certains poids de cette image
corporelle qui pèse dans nos sociétés. Euh, voilà
oui je pense qu'il y a une certaine importance. Maintenant on y pose un certain
regard sur ces gens qui sont gros ou trop maigres. Et puis voilà c'est
par rapport aux fast-food, aux Etats-Unis où il y a eu un
problème d'obésité donc forcément on s'est
penché dessus ce problème et je pense que ça joue un
rôle essentiel de nos jours. Je pense qu'un mek obèse dans les
rues de France il ne passe pas inaperçu. Peut-être qu'aux States
oui mais en France tout le monde va le regarder. Tout le monde va dire «
regarde comment il est gros.
I : Est-ce que toi tu te soucies de la tienne d'image ?
CH : Bah après moi j'ai jamais eu de problèmes
par rapport à ça. J'étais un peu chétif quand
j'étais petite. Peut-être qu'inconsciemment oui, mais je ne pense
pas. Je n'ai jamais eu de problème avec ça, je pense que si
j'avais étais grosse oui peut-être mais pour ma part non.
I : D'accord. Est-ce que tu penses que l'on est plus
intransigeant là-dessus avec les filles sur leur apparence physique ?
CH : Euh oui. Je pense parce qu'il y a beaucoup de
publicités par rapport aux maillots de bains des filles. Il y a beaucoup
d'obsessions pour les filles d'être mince, d'avoir une belle ligne et
tandis que les hommes négligent un peu plus ce
côté-là donc oui je pense qu'il y a un côté
plus difficile pour les filles que pour les garçons. Je pense que ce
sont les médias qui ont un rôle là-dedans, par rapport au
mannequinat. On a une image de la femme assez fine. Pour les hommes il n'y a
pas trop de références donc je pense qu'il y a un
côté plus difficile pour les filles à ce niveau là.
Les filles complexes plus que les garçons. Les garçons ont un
petit peu de formes je veux dire il y a des filles qui adorent ça. Mais
souvent l'image de la femme est réduite à ses formes et souvent
ce sont des formes assez fines.
I : Tu penses qu'une fille doit moins manger que les
garçons ?
CH : Déjà de base une fille a besoin de moins de
calories qu'un homme donc logiquement oui elle devrait moins manger qu'un
homme. Voilà après elle ne DOIT pas moins manger qu'un homme.
Elle doit manger à sa faim en premier lieux. Naturellement elle mange
moins qu'un homme. Mais c'est un peu mal vu de manger plus qu'un garçon
quand même (rires). Parce que les garçons mangent beaucoup hein
alors ça voudrait dire qu'on mange aussi beaucoup !
I : Ok. Donc maintenant on va parler de ta consommation de
lait et produits laitiers. Donc déjà est-ce que tu es une
amatrice de lait et produits laitiers ?
CH : J'adore le lait. Je mangeais beaucoup de fromages avant
mais depuis que j'ai commencé un régime pour avoir on va dire une
masse graisseuse moindre du coup je ne consomme quasiment plus de fromage. Par
contre le lait j'en consomme tous les jours, tous les matins.
I : Pour toi c'est quoi les produits laitiers ?
CH : Bah c'est le petit-déjeuner. J'en consomme le matin
ou à quatre heures, au goûter quoi. I : A quelle fréquence
tu consommes du lait ?
127
CH : Tous les jours au petit déjeuner, au moins une
fois par jour. Et des fois deux fois par jours si je fais une collation
à seize heur avec du lait. Mais c'est plutôt le week end si j'ai
du temps. Mais au moins une fois par jour minimum.
I : Ok. Tu bois quel type de lait ?
CH : Du demi-écrémé biologique.
I : A quelle fréquence tu consommes les laitages ?
CH : Bah du coup ce sera le lait. Et euh du fromage blanc
à ma collation de dix heures, tous les jours aussi.
I : Et le fromage du coup tu n'en consommes plus du tout ?
CH : Non à part du fromage râpé
voilà mais rarement donc euh, moins qu'une fois par semaine parce que
c'est trop gras.
I : Quelle différence tu fais entre ces trois produits :
le lait, les laitages et le fromage ?
CH : On va dire que le fromage il y a beaucoup plus de lipides
hein, c'est plus gras que les autres. Le lait moi j'ai été
bercé au lait tous les matins donc je ne pourrais pas m'en passer.
Après bon beh le yaourt pour moi ça reste un dessert. Le lait
c'est pour le matin au petit-déjeuner et le yaourt en dessert ou
collation. Et le fromage aussi en dessert, midi ou soir.
I : Ok donc le lait c'est que pour le matin ?
CH : Oui je pense que moi si je me ramène avec une
bouteille de lait au travail, je pense qu'on me regarderait bizarrement en me
disant pourquoi tu bois du lait la journée ? (rires) Une bouteille d'eau
c'est courant, mais le lait ça peut-être vu d'une manière
assez étrange. Le lait ça se partage beaucoup moins souvent que
l'eau par exemple. SI on va à un pique-nique on va pouvoir ramener de
l'eau pour faire boire tout le monde mais on ne va pas ramener une bouteille de
lait pour en offrir à tout le monde.
I : Ok. Est-ce que tu sais quelles sont les recommandations pour
le lait et les produits laitiers ?
CH : Euh... non... non non je ne sais pas.
I : Par jour ?
CH : Par jour, non non je ne sais pas.
I : Ok. Quel goût ça a le lait pour toi ? Si t
devais définir le goût du lait ?
CH : On va dire que c'est de l'eau aux fromage... (rires)
liquide.
I : Et le fromage ?
CH : Bouahf, le fromage ça dépend. Il y en a
pleins. De brebis ou quoi, ça a des goûts différents, je ne
pourrais pas ramener le fromage à un seul goût, ça a un
goût plus fort que le lait mais ça dépend.
I : Est-ce que par rapport à ton enfance tu as
diminué ou augmenté la consommation de ces aliments ?
CH : Par rapport au fromage oui, mais le lait ça a
toujours été au moins un bol de lait par jour. Il y a que le
fromage que j'ai diminué parce que c'est trop gras.
I : Il y a-t-il une période particulière de la vie
à laquelle on associe le lait et le fromage ?
128
CH : Je pense que le lait c'est important pour l'enfance,
parce que déjà petit on boit du lait maternel. Pour faire une
transition voilà on boit le lait de vache, c'est important pour
l'enfant. Le fromage pas particulièrement. Je ne dirais pas qu'il y a
une période donnée pour en manger. Dès petite j'en ai
consommé parce que mes parents en consommait donc forcément
ça m'a amené à en manger et que forcément ça
découle vraiment de ses parents. Si nos parents en consomment pas on va
pas en consommer. Mais si nos parents en consomment, on va en consommer,
à moins qu'ils ne veulent pas nous en donner. Après c'est vrai
que j'ai mangé beaucoup plus de fromage en grandissant, enfin beaucoup
plus en variétés. Au collège ou au lycée, à
la cantine, j'avais pas peur de goûter les trucs puant, on a une
curiosité un peu plus développée. Quand j'étais
petite je mangeais plus des trucs au goût neutre, quand on est petit on
aime pas les goûts forts. On est réfractaire à ce qui pue.
Quand on est ado on a moins cette vision du fromage qui pue, on
s'intéresse plus aux aliments donc on est un peu plus amené
à goûter, donc forcément ça se joue à
l'adolescence et ça se tourne vers le côté adulte. Et le
lait moi je l'ai gardé même adulte parce que j'adore ça et
que c'est une habitude que j'ai depuis mon enfance et je ne pourrais pas m'en
passer. Le jour où j'arrête le lait pour moi ça marquerait
la fin de quelque chose. Depuis vingt trois ans je bois du lait tous les
matins. Ca me perturberait de ne plus boire du lait le matin. Mais pour moi
ça ne veut pas dire que si on boit toujours du lait on est toujours un
enfant. Le lait c'est un aliment comme un autre, je le boirais toujours
jusqu'à quarante ans si je l'apprécies toujours autant et si il
m'apporte toujours autant de plaisir à le boire tous les matins. A
quarante ans ou même soixante ans.
I : Si tu devais associée une image au lait et aux
produits laitiers en général, quelle image associerais-tu ?
CH : Le calcium, les os.
I : Ok. Est-ce que tu as suivi les polémiques qui ont
entouré le lait ces dernières années ?
CH : De près et de loin oui. J'ai entendu dire que le
lait il y avait des gens qui été intolérants. Après
moi je n'ai aucune intolérance. Je n'ai eu aucun effet néfaste
par le lait donc je ne vois pas pourquoi je m'arrêterais d'en boire.
Même si l'on dit que ce n'est pas bon pour la santé. Je n'ai
jamais ressentis les côtés néfaste donc je continus
à en boire.
I : De manière générale on dit que
l'Homme devrait arrêté de boire du lait. Qu'est-ce que tu en
penses ?
CH : Je pense que c'est faux ! On ne peut pas dire l'Homme
doit arrêté de boire du lait. Pourquoi ?! Pourquoi on devrait
arrêter de boire du lait ?
I : Ok. Donc en conclusion, est-ce que tu pourrais me donner
trois mots qui à ton sens qualifieraient les produits laitiers en
généraux, trois autres pour le lait et trois mots pour le fromage
?
CH : Le lait c'est une habitude alimentaire, c'est bon est
c'est la petit plaisir du matin. Le fromage c'est un bonus, c'est le dessert et
c'est la découverte car les fromages sont différents au niveau du
goût et il y en a pleins donc voilà. Et les produits laitiers...
calcium, blanc, et bons !
I : Ok. Très bien, merci. Est-ce que tu veux ajouter
quelque chose ? CH : Euh bah non écoute, ça va merci.
I : Merci à toi !
129
Liste des tableaux :
Tableau n°1 : Organisation de la méthode
d'enquête qualitative
|
p.85
|
Tableau n°2 : Organisation de la méthode
d'enquête quantitative
|
p.87
|
Tableau n°3 : Guide d'entretien exploratoire semi-directif
|
p.97
|
Tableau n°4 : Guide d'animation du focus groupe
|
p.101
|
130
Tables des matières
PARTIE 1 : CADRE THEORIQUE p.10
Chapitre 1 : Le domaine de l'adolescence p.11
1) L'adolescence dans nos société .p.11
1.1) La notion d'adolescence p.11
1.2) La prise en compte du statut de l'adolescent p.12
1.3) L'évolution du statut d'adolescent ....p.15
2) Les déterminants de l'adolescent p.17
2.1) Crise adolescente p.17
2.2) Problèmes identitaires : stades de
développement d'Erikson p.18
2.3) Influence du groupe de pairs p.22
2.4) Différence de genre p.24
Chapitre 2 : Le domaine alimentaire p.26
1) Le modèle alimentaire en application p.26
1.1) Trois repas principaux par jour .p.27
1.2) Durée des repas p.27
1.3) Un repas structuré à 3 composantes p.28
1.4) Grande importance accordée aux gouts alimentaires
p.29
1.5) Diversité alimentaire p.29
1.6) Intervention de savoir-faire transmis par
expérience p.30
2) Les habitudes de consommation des jeunes p.31
3) Dimensions socioculturelles des influences sur les
pratiques alimentaires des
adolescents p.33
3.1) Le cadre familial p.33
3.2) Les groupes de pairs p.35
3.3) Les médias et la culture de masse p.37
Chapitre 3 : La culture du lait et des produits laitiers
p.40
1) Histoire du lait p.40
131
1.1) Du rejet
|
p.40
|
1.2) A l'intégration
|
p.42
|
2) Images et symboles
|
p.43
|
2-1) Maternité et enfance
|
p.43
|
2-2) Intégration culinaire
|
p.44
|
2-3) Produits naturels, culturels et économique
|
p.44
|
2-4) Incorporation
|
p.45
|
3) Perception chez les adolescents
|
p.46
|
PARTIE 2 : HYPOTHESES
|
p.47
|
La construction des hypothèses
|
p.48
|
- Hypothèse n°1 : L'influence des pairs et de la
famille redistribue l'évolution des
goûts pour le lait et les produits laitiers p.50
- Hypothèse n°2 : La différence de genre
redistribue l'évolution des choix alimentaires vis à vis des
produits laitiers en fonction de critères esthétiques et
corporels et de normes diététiques. p.60
- Hypothèse n°3 : La consommation de lait et de
fromage est influencée par un facteur symbolique de frontière
entre les périodes de l'enfance et de l'adolescence, et à
contrario un facteur symbolique de jonction entre l'adolescence et le monde
adulte
PARTIE 3 : METHODOLOGIE PROBATOIRE
Chapitre 1 : Méthodologie de collecte des données
|
p.69 p.77 p.80
|
1) Méthode qualitative
|
p.80
|
1.1) L'entretien individuel semi-directif
|
p.81
|
1.2) Le focus groupe
|
p.82
|
2) Méthode quantitative
|
p.85
|
Chapitre 2 : Méthodologie probatoire
|
p.88
|
1) Raisonnement
|
p.88
|
1.1) Hypothèse n°1
|
p.88
|
1.2) Hypothèse n°2
|
p.89
|
132
1.3) Hypothèse n°3 p.90
2) Organisation des outils probatoires p.91
2.2) Organisation de l'entretien individuel semi-directif p.91
2.2) Organisation du focus groupe p.92
2.2)
Questionnaire..................................................................................p.93
Chapitre 3 : Proposition d'outils probatoires p.95
1) Entretien individuel semi-directif p.95
2) Focus groupe p.98
3)
p.112
LISTE DES
TABLEAUX..........................................................................p.129
TABLE DES MATIERES
BIBLIOGRAPHIE..................................................p.130
;;;
Questionnaire................................................................................p
102 CONCLUSION
GENERALE.....................................................................p.106
BIBLIOGRAPHIE...................................................................................p.108
TABLE DES ANNEXES
133
Résumé
Les adolescents sont des mangeurs pluriels. Ils
considèrent l'alimentation dans ses dimensions sociales, culturelles et
symboliques. Au cours de l'adolescence, leurs préférences et
leurs choix alimentaires évoluent sous l'influence de facteurs sociaux,
culturels, et nutritionnels. Les jeunes se construisent un nouveau
répertoire alimentaire et n'ont plus le même rapport avec les
aliments, que pendant l'enfance.
Le lait qui est un aliment très apprécié
durant l'enfance voit son statut changer au cours de l'adolescence. En effet,
les jeunes qui affectionnaient pourtant cet aliment auparavant le
délaisse, car boire du lait en public comme boire des sodas, « ce
serait trop la loose ». Mais alors quel statut détiennent
réellement le lait et les produits laitiers au cours de l'adolescence ?
Quels facteurs peuvent influencer ce changement de statut ?
Mots clefs : lait - produits laitiers -
adolescents - statut - influences - sociologie
Summary
The teenagers are plural eaters. They consider the food in its
social, cultural and symbolic size. During the adolescence, their preferences
and their food choices evolve under the influence of social, cultural factors,
and nutritional. The young people build themselves a new food directory and
have no more the same report with the food as during the childhood.
The milk which is a food very appreciated during the childhood
sees his status changed during the adolescence. Indeed, the young people who
liked nevertheless this food previously abandons it, because to drink some milk
in public as to drink sodas, " it would be too much the loose ". But then which
status really hold the milk and the dairy products during the adolescence? What
factors can influence this change of status?
Keywords: milk - dairy products - teenagers -
status - influences - sociology
|