La gestation pour autrui : etude comparative entre la france et les etats-unis( Télécharger le fichier original )par Geoffrey WATRIN Université de Strasbourg - Master 2 - Droit comparé 2015 |
I. Le freedom of contractEn France, la passation d'un contrat sur son corps est absolument prohibée par les articles 16-1 al. 3, 16-5 et même 16-7 concernant la gestation pour autrui, mais également dans une plus large mesure par le principe d'indisponibilité du corps humain. Pour comprendre l'état d'esprit du droit américain, il faudra dans un premier temps s'attacher à déterminer à quoi correspond exactement la notion de freedom of contract et comment elle est protégée (A). Ceci fait, il sera possible d'aborderla manière dont elle est appliquée à la gestation pour autrui (B). A. La notion de freedom of contractLe freedom of contract est une notion fondamentale au sein de la société américaine, et par là même de son droit. Il bénéficie donc à la fois d'une protection constitutionnelle (1), mais aussi d'une protection accrue émanant de la Cour suprême des Etats-Unis (2). 1. Le freedom of contract : une liberté protégée par la Constitution des Etats-Unis
Néanmoins, à la lecture de la Constitution américaine, on peut constater qu'aucune mention expresse dufreedom of contract ne figure dans le texte. La protection résulte en effet d'une interprétation du Quatorzième Amendement émanant des juges Bradley et Field, et plus particulièrement de leurs dissents31(*) respectifs à propos desaffairesSlaughter-House (1873)32(*). Selon eux, le freedom of contract devait pouvoir bénéficier de la protection de cet Amendement, et donc à travers lui de la due process clause qu'il prévoit. Cette doctrine sera pour la première fois consacrée dans l'affaire Frisbie v. United States (1895)33(*). Si la notion dedue process n'est pas connue comme telle en droit français, on en retrouve néanmoins quelques bribes dans le concept de procès équitable34(*). A l'origine en Common law, ce concept vise à faire bénéficier tout individu d'une procédure juste (fairprocedure), en lui permettant de se faire juger par un jury au cours d'un procès. Le due process empêche donc une personne d'être envoyée en prison alors même qu'elle ne serait que suspectée d'avoir commis certains actes répréhensibles. Si cette notion n'avait qu'une visée essentiellement procédurale à l'époque, elle a été considérablement élargie par la Cour suprême des Etats-Unis, avec l'incorporation du substantive due process. Ce principe de droit constitutionnel provient d'une interprétation des Cinquième et Quatorzième Amendements du Bill of Rights, que les Justices ont effectué sous l'ère Lochner (1897 à 1937), et il répond à l'autorité des due process clauses qui y sont incluses. Néanmoins, aussi important que cela puisse paraître, la Cour suprême des Etats-Unis ne donne aucune définition du substantive due process. Si on s'attache à la Constitution, l'idée qui en découle réside dans le fait que le gouvernement, qu'il soit fédéral (Cinquième Amendement), ou fédéré (Quatorzième Amendement), ne puisse porter atteinte « à la vie, à la liberté ou à la propriété » d'une personne sans avoir préalablement justifié d'un but raisonnable. A titre de comparaison, avec le due process originel, qui a une visée procédurale, on va plutôt se demander si le pouvoir en place a suivi la bonne procédure en retirant la vie, la liberté ou la propriété d'une personne35(*). La différence de raisonnement réside donc dans le fait que l'un protège les individus du pouvoir coercitif de l'Etat (procedural due process), alors que l'autre a pour but de préserver leurs droits en empêchant l'Etat de promulguer des lois qui iraient au delà de ses pouvoirs. La Cour suprême a beaucoup utilisé le due process, et plus particulièrement le substantive due processpour sauvegarder l'intégrité du freedom of contract, particulièrement sous l'ère lochnérienne. * 31En Common Law, il arrive que dans un procès où siègent plusieurs juges, l'un d'entre eux ne soit pas d'accord avec la majorité. Dans ce cas, il a la possibilité de rédiger ce que l'on appelle en anglais un dissent, où il fera état de son opinion contraire et du raisonnement qu'il aurait souhaité appliquer à l'affaire. Cette pratique est très courante à la Cour suprême des Etats-Unis. * 32Slaughter-House cases, 83 U.S. 36 (1873). * 33Frisbie v. United States, 157 U.S. 160 (1895). * 34P. MBONGO, « Le conseil constitutionnel et le procès équitable », Nouveaux cahier du Conseil constitutionnel n°44, juin 2014. * 35E. CHEMERINSKY, « Substantive Due Process », 15 Touro Law Review 1501-1534, 1999. |
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