« L'Université des Lagunes-CIDD, n'entend donner
aucune approbation, ni improbation aux opinions émises dans ce
mémoire. Celles-ci devront être considérées comme
propres à leur auteur ».
A la mémoire de mes parents
REMERCIEMENTS
De cette étape de ma vie, je retiens qu'on parvient
à réaliser nos objectifs grâce au désir continuel de
se dépasser. Je retiens aussi qu'on n'y parvient pas seul, et que la
victoire serait amère si on ne la partage pas avec ceux qui nous ont
aidé à l'atteindre. Je désire signifier ma profonde
reconnaissance aux personnes ci-dessous.
Mes premiers remerciements vont à la Sainte
Trinité, à la Sainte Vierge Marie et à Saint Joseph :
c'est une grâce pour moi de vous avoir dans ma vie.
J'adresse ma profonde gratitude à monsieur KOUASSI
Bernard, mon directeur de mémoire, pour ses critiques constructives, ses
qualités de pédagogue, son aide précieuse et ses bons
conseils.
Mes remerciements vont aussi à papa ZEDIA Bi Bally
Apollinaire. Merci de m'avoir toujours aidé par tes conseils, à
me surpasser. Merci de m'avoir appris le sens du respect, du travail et de la
rigueur.
Qu'il me soit permis de remercier le docteur KOMOIN Kouassi
Théodore René François, pour son humanisme, sa
simplicité et surtout pour ses conseils de père. Vous demeurez
pour moi un modèle.
Ma profonde gratitude à ma chorale Salve Regina,
à tous mes frères et soeurs, à mes amis et à tous
ceux qui ont permis l'élaboration de ce travail, pour le soutien moral
et leurs conseils qui m'ont été bénéfiques.
Enfin, je voudrais exprimer ma reconnaissance à
l'Université des Lagunes-CIDD pour nous avoir formés en vue de
faire de nous des leaders de demain pour une Côte d'Ivoire meilleure.
SOMMAIRE
Introduction 1
Première partie : Une protection particulière
reconnue et organisée par le
législateur ohada 14
Chapitre I : La reconnaissance du droit de revendication du
créancier
réservataire 15
Section 1 : les conditions d'acquisition du droit de
revendication par
le créancier 16
Section 2 : L'assiette du droit de revendication du
créancier 26
Chapitre II : La mise en oeuvre du droit de revendication
35
Section 1 : Les conditions préalables à l'action
en revendication 35
Section 2: L'exercice de l'action en revendication 46
Conclusion de la première partie 56
Deuxième partie : Une protection fragilisée dans
sa mise en oeuvre 57
Chapitre I : Les obstacles à la revendication du bien
réserve dans le patrimoine
du débiteur 59
Section 1 : De l'existence du bien dans le patrimoine du
débiteur 59
Section 2: De l'identification du bien réservé
dans le patrimoine du débiteur 70
Chapitre II : L'incidence de la revente du bien
réservé sur le droit de
revendication du créancier réservataire 77
Section 1 : La difficile mise en oeuvre de la revendication du
prix chez
le sous-acquéreur in bonis 78
Section 2 : L'incidence de la procédure collective du
sous-acquéreur 85
Conclusion de la deuxième partie 89
Conclusion générale 93
SIGLES ET ABREVIATIONS
Act. Jur. : Actualité Jurisprudentielle
Al : Alinéa
Art. : Article
AUPDCG : Acte Uniforme relatif Droit Commercial
AUPCAP : Acte Uniforme portant organisation des Procédures
Collectives d'Apurement du Passif
AUS : Acte Uniforme portant organisation des
sûretés
Cass. Com. : Arrêts de la Chambre
commerciale de la Cour de cassation
C. civ : code civil
Cf. : Confère
Com. : chambre commercial
D. : Recueil Dalloz
Ed. : Édition
F.N.D.E. : Fédération Nationale pour le Droit de
l'Entreprise
Ibidem ou ibid. : dans le même ouvrage ou dans le
même passage
JCP E : Juris-Classeur Périodique (La Semaine Juridique
édition Entreprise)
Obs. : observation
OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des
Affaires
Op. cit : opere citato (cité plus
haut)
RCCM : Registre de Commerce et du Crédit Mobilier Rev.
proc. Coll : Revue des procédures collectives (RPC)
RTDJA : Revue Trimestrielle de Droit et Jurisprudences des
Affaires RTD com : Revue Trimestrielle de Droit Commercial
T. : tome
V. : voir ou voyez
1
INTRODUCTION
Avec l'évolution de la société, s'est
suivi l'évolution économique et l'apparition du concept de
l'entreprise. Le lexique des termes juridiques définit l'entreprise
comme « une unité économique qui implique la mise en oeuvre
de moyens humains et de matériels de production ou de distribution des
richesses reposant sur une organisation préétablie
»1.Cette définition montre le lien étroit qui
existe entre l'entreprise et l'économie. Il est en effet, une
réalité indéniable2 que l'entreprise joue un
rôle majeur dans la vie économique d'un pays, d'une région,
d'un continent. Les propriétaires y tirent des dividendes, les
salariés des revenus, les prêteurs des intérêts sur
les prêts consentis, l'Etat des impôts et différentes taxes
et la création d'emplois.
L'entreprise a donc pour vocation d'impulser la dynamique
économique de l'espace considéré. Pour Philippe DE
WOOT3, elle est« un agent de croissance et de progrès
».Il ajoute également que sa « vitalité » et son
« dynamisme » déterminent la prospérité
générale de l'espace considéré4.Ainsi,
la vigueur et la santé de l'entreprise constituent-elles, de toute
évidence, un objectif majeur pour les Etats, surtout africains faisant
partie de l'espace OHADA5 qui ont plus que besoin d'un environnement
économique sain et de plus en plus concurrentiel6.
1 Lexique des termes juridiques, Dalloz,
17e édition 2010
2 ALILI Steve Marian, « la reprise des
entreprises en difficulté dans l'espace OHADA », Ohadata
D06-38.
3 DE WOOT Philippe, Pour une doctrine de
l'entreprise, seuil 1968, p 31.
4 Idem
5 L'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du
Droit des Affaires (OHADA), fut créée par un traité
signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis en Ile Maurice. Cette
organisation comprend à ce jour 17 Etats membres que sont : le
Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Congo, la Côte d'Ivoire,
le Gabon, la Guinée (Conakry), le Mali, le Niger, la République
Centre-Africaine, la République
2
Or, faire référence à la «
vitalité » ou à la « santé » de
l'entreprise laisse sous-entendre que celle-ci peut, à un moment de son
existence, « tomber malade7 », et aura besoin de plus
d'attention. En effet, dans son fonctionnement, l'entreprise peut rencontrer
des difficultés de différents ordres qui portent atteinte
à sa bonne marche. Au nombre de ses difficultés, l'on compte les
difficultés financières. Ces difficultés, si elles ne sont
pas maîtrisées à temps peuvent conduire à la
disparition pure et simple de l'entreprise. Cette disparition ne peut qu'avoir
des conséquences économiques et sociales désastreuses sur
les Etats membres de l'OHADA, où la plupart des disparitions
d'entreprises touchent à la fois le secteur public et le secteur
privé8. Pour stopper l'hémorragie et empêcher
que pareille situation se produise, plusieurs solutions existent dont celles
juridiques9.
En réalité, le droit accompagne l'entreprise
dans toutes les étapes de sa vie, de sa création à sa
disparition, en passant par son fonctionnement. Il lui revient de créer
les conditions nécessaires à l'éclosion des
investissements, mais aussi, dans la mesure du possible, de trouver des
solutions aux difficultés que l'entreprise pourrait rencontrer. Pour
faire face aux difficultés de l'entreprise, le système juridique
met en place un droit spécial10, qu'est le droit des
entreprises en difficulté11.
Démocratique du Congo, le Sénégal, le
Tchad, le Togo, la Guinée Bissau, Guinée Equatoriale,
République Fédérale Islamique les Comores.
6 ALILI Steve Marian, op.cit.
7 TSAGUE Donkeng Hubert, le traitement de
l'insuffisance d'actif dans les procédures collectives OHADA,
mémoire soutenu publiquement en vu de l'obtention du Diplôme
d'Etude Approfondie (D.E.A), Ohadata D-09-01.
8 ALILI Steve Marian, op.cit.
9 ALGADI Aziber Seïd, Contrats et droit
O.H.A.D.A. des procédures collectives, étude à la
lumière du droit français, thèse Toulouse1, 4 juillet
2007, publiée chez l'Harmattan, 2009, p
10 Yves GUYON, Droit des affaires, entreprises
en difficultés, redressement judiciaire-faillite, tome 2,
6e éd., p1
3
Le droit des entreprises en difficulté ou le droit des
procédures collectives d'apurement du passif, comme il est nommé
dans l'espace OHADA, désigne les procédures qui font intervenir
la justice lorsque le commerçant est en état de cessation des
paiements12 ou rencontre des difficultés financières
sérieuses13. Ce droit est caractérisé par
quatre (4) aspects. Le premier est l'aspect collectif : les créanciers
sont regroupés en masse et soumis à une discipline collective
afin que leur paiement se fasse en toute égalité en justice. Le
deuxième est l'aspect conflictuel, car il existe un conflit
d'intérêt entre créanciers et débiteurs. Le
troisième aspect est l'intervention judiciaire dans les
procédures collectives. Le dernier aspect est l'exigence de la
qualité de commerçant du débiteur14.
Il faut aussi souligner que les procédures collectives
poursuivent trois objectifs majeurs : obtenir le paiement des créanciers
qui sont soumis à la discipline collective, sauvegarder l'entreprise
redressable punir et éliminer le débiteur qui n'honore pas ses
engagements15. Etant une discipline complexe, le droit de la
faillite a beaucoup évolué. Son évolution en Afrique
francophone est calquée sur celle qu'il a connu en France. L'historique
de l'évolution du droit des entreprises en difficulté montre que
ce droit a poursuivi deux grandes finalités qui se sont
succédées.
11 SAWADOGO Filiga Michel, OHADA, Droit des
entreprises en difficulté, Bruylant, Bruxelles 2002, p.10
12 DIALLO Bakary, la cessation des paiements du
débiteur en OHADA, note sous cours d'appel de Ouagadougou, arrêt
n°52 du 16/04/2004 Ch.
civ. et com.(BATEC-SARL et ent. DAR-ES-SALAM
c/SOSACO), Ohadata D-10-64.
13 SAWADOGO Filiga Michel, op.cit., p 2
14Cet aspect perd de plus en plus de sa force car
les procédures collectives s'étendent à des personne
autres que des commerçants tels que les artisans, voir l'art.1-1 al.1 du
nouvel acte uniforme relatif aux procédures collectives adoptés
le 15 septembre 2015
15 Yves GUYON, Droit des affaires, entreprises en
difficultés, redressement judiciaire-faillite, tome 2, 6e éd.,
p1
4
En premier lieu, le législateur a voulu punir le
débiteur défaillant qui n'honorait pas ses engagements et
protéger le créancier impayé. Il instaure un
système répressif très sévère avec le code
de commerce de 1807 et le code pénal de 1810 : l'on parle alors de
faillite criminelle. Durant cette période, l'intérêt des
créanciers était en principe le seul but recherché. Ces
derniers participaient aussi à la procédure et pouvaient
même punir le débiteur défaillant. De ce fait, outre
plusieurs déchéances, le débiteur était
incarcéré et passible de banqueroute.16Le code de
commerce français sera plusieurs fois reformé17, et
son caractère répressif adouci.
En second lieu, le législateur a voulu sauvegarder
l'entreprise susceptible d'être redressée. A partir de la
réforme du 13 Juillet 1967, le Droit des procédures collectives
va changer d'orientation et viser la préservation de
l'intérêt général. En effet le système trop
répressif instauré contre le débiteur, n'était pas
désavantageux que pour ce dernier. Autant le débiteur que le
créancier étaient affectés par cette mesure. Le
créancier dont le débiteur était incarcéré
sans avoir obtenu paiement, perdait ainsi tout espoir d'être payé.
Le législateur procède donc à un certain équilibre
dans la protection des intérêts en orientant les procédures
collectives vers un équilibre des intérêts en jeu.
L'esprit du nouveau droit des entreprises en difficulté
est clair : le rôle des créanciers dans la procédure
collective doit être réduit dès lors que
16 Yves GUYON, Droit des affaires, entreprises
en difficultés, redressement judiciaire-faillite, tome 2,
6e éd., p8
17 Apres le code de commerce de 1807, vient la loi
du 28 mai 1838, ensuite celle du 4 mars 1889 instituant la liquidation
judiciaire, ensuite le décret-loi du 8 aout 1935 qui étend aux
dirigeants sociaux les déchéances de la faillite et les sanctions
de la banqueroute et enfin la loi du 20 mai 1955. Voir Yves GUYON,
op.cit.
5
leur présence est de nature à compromettre le
résultat espéré18. Les procédures
collectives ont désormais un objectif imposé par le
législateur au nom de l'intérêt général. Il
s'agit de la sauvegarde de l'entreprise, du maintien de l'activité, de
l'emploi ainsi que l'apurement du passif. Par cette évolution, le droit
de la faillite passe de la recherche d'un intérêt purement
privé à la recherche de l'intérêt
général. Les réformes postérieures demeureront dans
la même dynamique, en améliorant au mieux le Droit des
procédures collectives.
Les pays membres de l'OHADA, dont la plupart ont en commun
d'avoir été des colonies françaises et donc, d'avoir
hérité d'une législation d'inspiration
civiliste19, se sont essentiellement inspirés des reformes
intervenues à partir de 1967 en matière de procédures
collectives. L'Acte Uniforme portant organisation des Procédures
Collectives d'Apurement du Passif (AUPCAP), instaure donc à cet effet
trois20 procédures collectives que sont : la procédure
de règlement préventif, la procédure de redressement
judiciaire et la procédure de liquidation des biens. Ces
procédures sont communément regroupées en deux grands
groupes : les procédures dites préventives (la conciliation et le
règlement préventif) qui interviennent avant la cessation des
paiements21 et les procédures dites
18 ROBLOT cité par François
TERRÉ, « Droit de la faillite ou faillite du droit ? »,
op.cit., p. 18 ; cité aussi par B. DUREUIL, « De quelques
pièges tendus au créancier à l'occasion de la
déclaration et de la vérification de sa créance au passif
du redressement judiciaire », RPC, 1992, p. 18.
19 La législation applicable dans ces pays
était principalement composée du Code de commerce de 1807 tel
qu'il a été refondu par la loi du 28 mai 1838, de la loi du 4
mars 1889 sur la liquidation judiciaire, des décrets-lois du 8
août et du 30 octobre 1935. Seuls quelques États avaient
réformé leur
20 Une nouvelle procédure vient d'être
ajoutée à cette liste par le législateur OHADA travers le
nouvel acte uniforme adopté le 15 sept. 2015, il s'agit de la
procédure de conciliation.
21 La cessation des paiements est «
l'état ou le débiteur se trouve dans l'impossibilité de
faire face à son passif exigible avec son actif disponible, à
l'exclusion des situations où les réserves de crédits ou
les délais de paiements dont la débiteur bénéficie
de la part de ses créanciers lui permettent de faire face à son
passif exigible » art.1-3 al.1 AUPCAP nouveau.
6
curatives (le redressement judiciaire et la liquidation des
biens) qui interviennent après la cessation des paiements du
débiteur.
Les procédures préventives sont en
général ouvertes à l'égard du débiteur qui
éprouve des difficultés financières mais dont la situation
n'est pas encore irrémédiablement compromise. Le débiteur
n'est pas encore en état de cessation des paiements et sa situation
présente de grandes chances de revenir à la normale. Elles visent
donc à prévenir et résoudre les difficultés
naissantes du débiteur avant que celles-ci s'aggravent et
nécessitent de grands moyens pour y faire face. Ces procédures ne
sont, en général, pas considérées comme des
procédures collectives proprement dites car elles interviennent au
moment ou la situation du débiteur n'est pas encore critique : avant la
cessation des paiements.
Les procédures collectives proprement dites sont celles
curatives c'est-à-dire le redressement judiciaire et la liquidation des
biens. Elles interviennent lorsque le débiteur est en état de
cessation des paiements mais à des degrés différents. Le
redressement judiciaire vise la sauvegarde de l'entreprise, du moins si la
situation le permet encore et à l'apurement du passif à l'aide
d'un concordat de redressement. Cette procédure vise à
empêcher la disparition de l'entreprise. Cependant, la situation de
l'entreprise peut être irrémédiablement compromise, ne
laissant ainsi aucune chance de redressement. C'est dans ces situations que la
procédure de liquidation des biens intervient. Elle a pour objectif la
réalisation de l'actif du débiteur dont la situation ne permet
plus d'espérer un redressement.
Les procédures collectives sont organisées par
un droit dont la particularité tient au fait qu'il est un « droit
dérogatoire qui altère les
7
principes généraux du droit commun
»22. En effet, dans le droit commun, lorsqu'un débiteur
fait face à des difficultés financières et est en
état de cessation des paiements, les créanciers disposent de
moyens juridiques, tels que les actions en justice et les voies
d'exécution, afin de le contraindre à exécuter ses
obligations. Toutefois, ces voies de droit présentent
l'inconvénient qu'elles ne sont pas organisées et qu'elles
s'exercent de façon « anarchique et concurrente
»23.
Dans le souci de pallier cet inconvénient, le droit des
procédures collectives instaure une discipline collective des
créanciers du débiteur en les soumettant au principe de
l'égalité des créanciers. En vertu de ce principe,
dès que le débiteur est en état de cessation des paiements
et qu'une procédure collective est ouverte à son égard,
tous les créanciers sont placés sur un pied
d'égalité. Tous subissent les mêmes atteintes à
leurs droits personnels. Les créanciers sont ainsi réunis en une
masse et toutes leurs actions individuelles inhibées. A partir de
l'ouverture de la procédure collective, toute action menée doit
être faite dans l'intérêt collectif.
A l'heure actuelle, la signification du principe
d'égalité connaît une fortune diverse dans la jurisprudence
et la doctrine. Si la jurisprudence reconnaît formellement le
caractère relatif du principe d'égalité entre les
créanciers du débiteur, dans la doctrine, le principe
d'égalité entre les créanciers a été
analysé tantôt comme un principe en déclin tantôt
comme un principe ambiguë ayant valeur de mythe24. Ces
considérations
22 ALILI Steve Marian, op.cit.
23 KANTE Alassane, « Réflexion sur
le principe de l'égalité entre les créanciers dans le
droit des procédures collectives d'apurement du passif (OHADA)
», Ohadata D-06-47.
24GUYON Yves, op. cit., n°1310.
8
jurisprudentielles et doctrinales annoncent les limites de ce
principe qui sera souvent appliqué au soutien de certaines dispositions
du droit des procédures collectives et souvent écarté aux
vues des finalités de la procédure25.
Ceci étant, la notion de créanciers
concernés par le principe d'égalité mérite
d'être précisée en raison de la présence de nombreux
partenaires qui sont soit en relations d'affaires avec le débiteur, soit
en relations de travail avec le même débiteur en
difficulté. De façon générale, les
créanciers, ce sont toutes les personnes titulaires d'un droit personnel
en vertu duquel elles ont le droit d'exiger du débiteur une prestation
quelconque, par exemple la remise d'une somme d'argent. Ils peuvent être
classés suivant qu'ils sont chirographaires ou bénéficiant
d'une sûreté26.
En outre, il convient de préciser que la situation des
créanciers est contrastée dans la mesure où le principe
d'égalité ne concerne que les créanciers dont le droit de
créance est antérieur au jugement d'ouverture27. Car,
comme le souligne à juste titre un auteur, « si les
créanciers postérieurs se voyaient imposer les mêmes
sacrifices que les créanciers antérieurs, ils refuseraient
assurément de nouer des relations d'affaires avec le débiteur en
difficulté »28.
A propos du sort des créanciers antérieurs, il
sera diversement apprécié en fonction de la place qu'ils occupent
dans la procédure. Ainsi, si les créanciers chirographaires
sont-ils, en principe, entièrement soumis à la règle de
l'égalité stricte, à l'inverse, les créanciers
spéciaux tels que
25 P. Delmotte, l'égalité des
créanciers dans les procédures collectives, Rapport de la cour de
cassation 2003.
26GUYON Yves, op. cit. n°1340.
27 SAWADOGO Filiga Michel, op. Cit.,
p.250.
28 KANTE Alassane, op. cit.
9
ceux munis de sûretés échappent, pour une
large part à la loi de l'égalité des créanciers
dans la mesure où ils bénéficient largement de la
liberté d'actions individuelles même après l'ouverture du
jugement d'ouverture29.De plus, ils sont payés en
priorité par rapport aux créanciers chirographaires.
Parmi les créanciers qui bénéficient d'un
traitement différent malgré le sacrosaint principe de
l'égalité des créanciers dans les procédures
collectives, il y a ceux qui se prévalent d'une clause de réserve
de propriété c'est-à-dire les créanciers
réservataires.
Selon l'article 27 de l'Acte Uniforme portant organisation des
Sûretés (AUS), « la propriété d'un bien
mobilier peut être retenue en garantie par l'effet d'une clause de
réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un
contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation qui en constitue la
contrepartie ». En d'autres termes, la clause de réserve de
propriété est une clause par laquelle le créancier demeure
propriétaire du bien objet de la clause de réserve de
propriété jusqu'au paiement intégral du prix par le
débiteur. Cette clause déroge au droit commun, qui à
travers l'article 158330 du code civil de 1804, pose le principe du
transfert immédiat de la propriété du bien.
Ainsi, en vertu du principe du solo consensus,
dès la conclusion du contrat, le bien appartient à l'acheteur
(avec toutes les conséquences que cela comporte notamment le transfert
des risques) même si ce dernier n'a pas encore payé le prix et que
le bien ne lui a pas encore été livré. Ce
29GUYON Yves, op. cit.
30 Cet article dispose que la vente « est
parfaite entre les partie et propriété est acquise de droit
à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est
convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore
été livrée et le prix payé ».
10
principe fait du vendeur à crédit un
créancier chirographaire qui viendra à concurrence avec les
autres en cas de défaillance du débiteur. En revanche, cette
règle posée par le code civil n'étant pas d'ordre public,
les parties peuvent y déroger de manière conventionnelle.
D'où l'émergence de la clause de réserve de
propriété qui permet au créancier
réservataire31 de retenir la propriété de son
bien afin de se prémunir contre une éventuelle défaillance
de son débiteur. Le propriétaire du bien conserve la
propriété du dudit jusqu'au paiement intégral du prix par
le débiteur.
Très souvent utilisée dans les contrats de
vente32, la réserve de propriété a longtemps
divisé la doctrine33 quant à son admission en tant que
sûreté. Mais en dépit de toutes ces contestations à
son encontre, la clause de réserve de propriété continue
d'être davantage utilisée par les partenaires en relations
d'affaires. La raison de cet intérêt est due à la
simplicité de sa constitution. Elle ne présente pas de contrainte
majeure et semble être équipée pour faire face aux
difficultés du débiteur. De plus, elle est un avantage certain
pour les parties : le créancier qui demeure
31 Ce vocable désigne le créancier
qui bénéficie d'une clause de réserve de
propriété, v. Carole SOUWEINE, « Revendication du prix
de revente par le bénéficiaire d'une clause de réserve de
propriété », D. du 03 2011, p.2617, n°38
32 BROU Kouakou Mathurin, « La protection
des vendeurs de biens avec clause de réserve de propriété
dans les procédures collectives: l'apport du traité»
OHADA, Penant n°837, septembre-décembre 2001, p.303
33 Nous en voulons pour preuve le commentaire du
Dr. Eolie SOUPGUI qui dit ceci : « L'utilisation de droit de
propriété à des fins de garantie à susciter des
controverses doctrinales relatives à son aptitude à devenir
l'accessoire d'une créance. En effet, le droit de
propriété est un droit réel principal qui confère
au propriétaire tous les attributs sur la chose ; Dès lors,
peut-il jouer le rôle de sûreté qui est un droit réel
accessoire? Pour une partie de la doctrine la prééminence du
droit de propriété serait un obstacle à son utilisation
comme garantie d'une créance (V. entre autres défenseurs de cette
thèse GHESTIN (J.), Réflexions d'un civiliste sur la clause de
réserve de propriété, D.S. 1980, chron.,
p. 1 et s.; GALVADA (Ch.), Les aspects bancaires de la clause de réserve
de propriété in La réserve de propriété,
ouvrage collectif, Litec, 1981, p. 168.). La doctrine majoritaire est
favorable à l'utilisation de la propriété à des
fins de garantie. Un auteur a pu écrire «ce n'est pas
dévaluer le droit de propriété que de l'ériger au
rang d'une sûreté, mais au contraire, lui reconnaître une
nouvelle qualité » (DELEBECQUE (Ph.), La propriété en
tant que sûreté dans les procédures collectives,
Rev. Jur. Com., 1994,
n° 2). », V.in, la protection du créancier
réservataire contre les difficultés des entreprises dans l'espace
juridique ohada, Penant n°870, p.67
11
propriétaire de son bien et le débiteur qui peut
profiter du bien réservé, car, la livraison du bien emporte
transfert de tous les attributs de la propriété que sont
l'usus, le fructus et l'abusus34. Ce
succès grandissant de la réserve propriété a
conduit certains auteurs à la qualifier de « sûreté
vedette du XXe siècle finissant »35. Le
législateur OHADA, a définitivement fini par
consacrer36la réserve de propriété en
l'intégrant au rang des sûretés réelles, tranchant
ainsi tous les débats sur sa nature.
En tant que sûreté, la réserve de
propriété profite aux partenaires d'affaire et offre aux
entreprises des possibilités de crédits qui leur permettent de
fonctionner à plein temps. Toutefois, elle est confrontée aux
mêmes difficultés que rencontrent les sûretés en cas
de difficultés du débiteur : le problème de leur
efficacité dans les procédures collectives.
Lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de
liquidation des biens est ouverte à l'encontre d'un débiteur,
tous les créanciers sont soumis à la même discipline
collective. Les créanciers munis de sûretés, même
s'il est vrai qu'ils bénéficient d'une place importante dans
l'ordre de paiement par rapport aux créanciers chirographaires, ne
peuvent réaliser leur sûretés qu'à l'issu de la
procédure collective37. Le créancier
réservataire est-il soumis à cette discipline collective? Ou en
raison de la particularité de sa sûreté,
bénéficie -t-il d'une protection particulière?
34 Didier R. MARTIN, « Réserve de
propriété : le cas d'école », D. du 15 Mai 2014,
p1083, n°18
35 Eolie SOUPGUI, op. cit.,p66
36 L'ancien AUS ne prévoyait pas la
réserve de propriété qui jusqu'alors était
évoqué par l'acte uniforme relatif au Droit Commercial
Général (AUDCG) et aussi par celui relatif aux procédures
collectives (AUPCAP). Le nouvel AUS adopté le 15 décembre 2010 la
prévoit expressément de l'article 72 à 78
37 SOUPGUI Eloie,« la protection du
créancier réservataire contre les difficultés de
l'entreprise dans l'espace juridique OHADA », penant n° 870,
janvier-mars 2010, p.66
12
Cette interrogation met en lumière la situation du
créancier réservataire qui a beaucoup évolué.
Autrefois il n'était pas autorisé à revendiquer son bien
lorsque son débiteur était en difficulté. Les juges
soutenaient que la présence du bien dans le patrimoine du
débiteur avait créé une situation de solvabilité
apparente38. En France, comme dans la plupart des Etats africains de
tradition juridique française, les biens réservés ne
figuraient pas dans les hypothèses de revendication limitativement
énumérées par le code de commerce en vigueur39.
Dès le jugement d'ouverture, la revendication des biens
réservés n'était plus possible. La clause de
réserve de propriété était inopposable à la
procédure collective du débiteur, et perdait ainsi toute
efficacité au moment où le créancier réservataire
en avait le plus besoin.
Progressivement, la situation du créancier
réservataire s'est s'améliorée. La réserve de
propriété est désormais prise en compte par les
législations contemporaines40. Dans l'espace OHADA, le
créancier réservataire est introduit dans le cercle restreint des
personnes autorisées à revendiquer leur bien par l'Acte Uniforme
portant organisation des Procédures Collectives d'Apurement du Passif
adopté le 10 Avril 199841. La clause de réserve de
propriété a par la suite été consacrée par
le nouvel Acte Uniforme portant organisation des Sûretés
adopté en 2010, renforçant ainsi son opposabilité dans les
procédures collectives. Il découle de cette
38V. DERRIDA (F.), « La clause de
réserve de propriété et le droit des procédures
collectives », D.S. 1980, chron., p. 294; A. de
MARTEL-TRIBES, Les clauses de réserve de propriété : deux
enseignements tirés d'un échec, JCP 1977, I, 2875.
39 V. Eloie SOUPGUI, op. cit., p67
40 La loi française du 12 mai 1980
procéda à la modification de l'article 65 de la loi du 13 juillet
1967 pour autoriser, après le jugement déclarant la faillite, la
revendication des marchandises vendues sous réserve de
propriété. V. J .Ghestin, « Réflexions
d'un civiliste sur la clause de réserve de propriété
», D. 1981, Chron. 1
41 Article 103 de l'AUPCAP. Le nouvel AUPCAP
adopté le 10 septembre 2015 renforce la situation du vendeur
réservataire.
13
reconnaissance du droit de revendication du
réservataire, une certaine protection du créancier
réservataire. Toutefois, cette protection-elle est efficace ?
A l'analyse des textes, il apparaît que le
créancier réservataire bénéficie d'une protection
reconnue et organisée par le législateur OHADA
(Première partie). Cette protection dont il
bénéficie est matérialisée par son droit de
revendication. Cependant, l'Acte Uniforme portant organisation des
Procédures Collectives d'Apurement du Passif soumet la mise en oeuvre de
ce droit de revendication à des conditions qui fragilisent cette
protection (Deuxième partie).
PREMIERE PARTIE : UNE
PROTECTION PARTICULIERE
RECONNUE ET ORGANISEE PAR
LE LEGISLATEUR OHADA
14
15
La protection particulière du créancier
réservataire découle de la reconnaissance par le
législateur OHADA de son droit de revendiquer son bien (chapitre
I) dont la mise en oeuvre obéit à l'observation des
certaines conditions (chapitre II).
CHAPITRE I : LA RECONNAISSANCE DU DROIT DE
REVENDICATION DU CREANCIER RESERVATAIRE
Le débiteur qui n'arrive plus à respecter ses
engagements en raison de son état de cessation des
paiements42 doit en faire la déclaration au Tribunal
compétent43. Dès le jugement d'ouverture, les
créanciers munis de sûretés ou non sont invités
à produire leurs créances. Cette production permet aux organes de
la procédure de connaitre l'étendue du passif du débiteur,
les sûretés et garanties qui grèvent son actif et les biens
sur lesquels ils peuvent compter pour le redressement de l'entreprise ou le
paiement des créanciers.
Le droit de revendication accordé44 par
l'AUPCAP au créancier réservataire, lui permet, dès le
jugement d'ouverture de primer sur les autres créanciers réunis
dans la masse. Ainsi peut-il se faire payer par le syndic «
intégralement et immédiatement » sur ordre du juge
commissaire45 sans être soumis au système de l'ordre de
paiement des
42 V.1-3 AUPACP nouveau
43 V. art. 3 et 4 ibid.
44V.art.101-1 ibid.
45 V. Art.103 al. 4 ibid.
16
créanciers. Il peut, le cas échéant,
récupérer son bien s'il en a manifesté
l'intention46 par le moyen de la demande en revendication.
Pour bénéficier du droit de revendication, le
créancier réservataire doit remplir les conditions d'accès
à ce droit (section 1) dont l'assiette (section
2) est réglementée par le législateur OHADA.
Section 1: Les conditions
d'acquisition du droit de revendication par le créancier
La revendication tend à faire reconnaitre le droit de
propriété du créancier sur un bien et comme
conséquence à obtenir la restitution de ce bien.
Le droit de revendication du créancier
réservataire est subordonné47 à l'existence,
entre les parties, d'une clause de réserve de
propriété48 (paragraphe 1) qui est
efficace dans la procédure collective du débiteur que lorsqu'elle
a été publiée (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : l'existence d'une clause de
réserve de propriété
La clause de réserve de propriété est une
dérogation49 au principe de transfert de
propriété solo consensus prévu par le code civil
de 1804 en son article 1583. Elle permet au créancier
réservataire de se prémunir contre la défaillance de son
débiteur. Si sa finalité ne laisse plus de doute, des
interrogations ont longtemps subsisté sur sa nature
juridique50.
46 V. Eloie SOUPGUI op. cit. p. 72
47 AUPCAP,103 al.3
48 V. AUS article 72
49 LAMY DROIT COMMERCIAL, fonds de commerce,
baux commerciaux, marques, brevets, dessins et modèles, entreprises en
difficulté, éd 2009, n° 3759.
50Ibidem, n°3761.
17
La jurisprudence ne s'est jamais vraiment prononcée sur
le point de savoir s'il y avait là un terme ou une condition, mais elle
a jugé que, sauf clause contraire, le vendeur conservait la charge des
risques51. L'Acte Uniforme portant organisation des
Sûretés, quant à lui, a indiqué que la
réserve de propriété était une sûreté,
ce qui implique de ce fait la reconnaissance de son caractère
accessoire52.
S'agissant des conditions de constitution de la clause de
réserve de propriété, le nouvel AUPCAP fait
référence53 à l'article 73 de l'AUS. En effet,
cet article dispose qu'« à peine de nullité, la
réserve de propriété est convenue dans un écrit
(B) au plus tard au jour de la livraison du bien ». Cet
écrit doit refléter la volonté des parties
(A)
A- Le consentement des parties
L'AUS dispose dans son article 73 que la clause doit «
être convenue entre les parties dans un écrit ». Cette
disposition est importante dans la mesure où c'est le consentement des
parties qui conduit à la conclusion du contrat54. Les parties
dans un écrit s'engagent en toute connaissance de cause à
exécuter toutes les obligations découlant du contrat. Le
consentement mutuel est donc requis. L'accord des parties leur rend la clause
de réserve de propriété opposable.
En matière de revendication, il revient au
créancier de prouver que le débiteur a eu connaissance de la
clause de réserve de propriété et l'a acceptée.
Pour des raisons de preuve, il est idéal que l'acceptation soit
expresse, par exemple la signature du débiteur, son cachet, sa griffe
etc.
51 Com 29 novembre 1979, JCP G, 81.II.19615 note de
J.Ghestin.
52 Com 23 janvier 2001 RTD civ.2001 p399 commentaire
de Pierre Crocq.
53 V. art.103 AUPCAP nouveau.
54 C'est le principe du solo consensus
énoncé par l'art.1583 c.civ.
18
Cependant, une jurisprudence française a admis que
l'opposabilité de la clause à l'acheteur n'était pas
subordonnée à l'acceptation expresse de ce dernier55.
La clause remplissait les conditions requises pour être opposable
à la procédure collective, dès lors que, stipulée
par écrit, le vendeur l'avait adressée à l'acheteur qui,
sans acceptation expresse, avait procédé à
l'exécution du contrat en toute connaissance de cause. Cet acheteur
était considéré avoir accepté la clause.
L'acceptation peut aussi résulter d'une mention
inscrite sur chacun des bulletins de livraison successifs reçus par
l'acheteur nonobstant l'absence de sa signature56, ou à
défaut sur les factures à la condition que le créancier
réservataire démontre que ces factures avaient été
remises avant ou au moment de la livraison57. Il appartient alors au
débiteur de démontrer qu'il n'a pas eu connaissance de la clause
lorsqu'il a exécuté le contrat.
L'acceptation de l'acheteur est un fait
juridique58, qui peut par conséquent, être
prouvé par tout moyen. Ainsi a-t-il été jugé que
« lorsque la clause de réserve de propriété
était présentée au verso des bons de livraison, parmi les
conditions générales de vente, avec les mêmes petits
caractères que les autres stipulations, le seul trait qui souligne la
clause ne suffisant pas à attirer l'attention du lecteur dans les
conditions de rapidité exigées par l'accomplissement des
opérations commerciales, le vendeur ne
55
Cass. Com., 13 oct.1998,
n°96-10.861,cah. D. aff. 2000, som., p65, obs. Pérochon
François et Mainguy D.
56
Cass. Com., 11juill.1998, n°95-11
.209, bull. Civ. IV, n° 108, RJDA 1998, n° 898, Rev. Lamydr. Aff.
1998, n°6, n°380
57 Cf.
Cass. com., 29 mai 2001, n° 98 15
.802, Bull. Civ. IV, n°108
58 Pierre-Michel LE CORRE, in Droit et
pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 2012/2013,
n°816.23
19
rapportait pas que le débiteur avait eu connaissance de
la clause litigieuse. »59
Dans le cadre d'une vente convenue « livraison
départ usine », le créancier réservataire
impayé avait invoqué le fait que le transporteur avait forcement
agi comme représentant de l'acheteur et accepté en
conséquence la clause de réserve de propriété.
Mais, la cour de cassation a approuvé les juges du fond d'avoir
rejeté la revendication du vendeur60, car celui-ci n'avait
pas démontré que le transporteur avait reçu mandat de
débiteur pour prendre les marchandises et accepter les factures. Il faut
préciser que, lorsque la clause ne figure que sur les factures
postérieures à la livraison correspondante, l'acceptation de la
clause ne peut résulter du fait que la première facture serait
antérieure à la deuxième livraison.
De plus en plus, les juges tendent à admettre la
possibilité de l'acceptation tacite de la clause par l'acheteur, en
présence de relation d'affaires existant entre les parties au
contrat.
Le consentement des parties doit être
matérialisé dans un écrit qui pourra servir de preuve dans
les procédures collectives.
B- L'exigence d'un écrit ad probationem
Pour obtenir le droit de revendiquer le bien
réservé, le législateur OHADA exige du réservataire
que la clause de réserve de propriété soit contenue dans
un écrit61. Cet écrit doit être
l'émanation de la volonté des parties. Son contenu est
libre62, sous réserve du respect des règles de
droit
59
Cass. Com., 11 juillet 1995,
n°93-11.393, V. LAMY, op. cit.
60
Cass. Com., 03 mai 2006,
n°05-11.943
61 V. AUS art.72
62 LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit.
20
commun en matière de formation de contrat posé
par l'article 110863. Il doit, cependant, nécessairement
contenir une clause différant le transfert de propriété du
bien objet du contrat au paiement intégral du prix par le
débiteur.
La clause de réserve de propriété peut
figurer dans tout type de contrat translatif de propriété. En
réalité, si la clause de réserve de
propriété est la plupart du temps stipulée dans un contrat
de vente64, elle peut toutefois l'être dans tout contrat
translatif de propriété. Cette solution résulte de l'AUS
qui évoque sans faire de précision « une clause de
réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un
contrat » (AUS article 72).
Aucune forme particulière n'a été
imposée par le législateur en ce qui concerne l'écrit.
S'agit-il d'un acte solennel ou d'un acte sous seing privé ? Le
législateur ne s'est pas prononcé sur la question. Mais, il
énonce dans l'AUS en son article 73 qu' « à peine de
nullité, la réserve de propriété est convenu par un
écrit ». Quelque soit la forme donnée à
l'écrit, il faut qu'elle soit palpable et puisse attester de la
volonté des parties à inclure la clause dans leur contrat.
L'écrit est exigé comme une condition de validité dans la
convention des parties. Mais, dans la procédure collective, le
législateur exige l'écrit du revendiquant à titre de
preuve. L'existence d'un écrit peut65 permettre à la
clause d'être opposable à la procédure collective.
63 L'écrit doit surtout être licite et
conforme à l'ordre public.
64 Le nouvel AUPCAP qui la consacre
désormais dans la section consacrée « droit du vendeur de
meuble et revendications » (V. à partir l'art.101 AUPCAP nouveau),
ce qui n'était pas le cas avec l'ancien qui la consacrait dans la
section « revendication » (V.à partir de l'art.101 AUPCAP
ancien)
65 Sur ce point, il faut dire que certes,
l'écrit est exigé mais c'est sa publicité qui la rend
opposable au tiers
21
Il n'est pas non plus nécessaire d'établir une
convention spéciale signée par les parties. Tous les
documents66 transactionnels courants entre les parties peuvent
constituer l'écrit exigé par la loi. Ainsi la clause de
réserve de propriété peut-elle valablement figurer sur les
correspondances échangées entre les parties, les bons de
livraison, les bons de commandes, les factures67, etc.
Cependant, faut-il un écrit pour chaque
opération contractuelle intervenant entre les parties ? La
réponse est négative. Le législateur OHADA, dans l'AUS a
suivi la position du législateur français, qui, à la
faveur de la réforme de 1994 en matière de sûretés,
a jugé que la clause devait être
générale68. Elle pouvait donc être
insérée dans un écrit qui organise un ensemble de
relations contractuelles présentes ou à venir69
convenues entre les parties c'est-à-dire un
contrat-cadre70.
Il faut noter par ailleurs, que la notion d'écrit
connait une certaine évolution en matière de procédure
collective. Le but de l'écrit étant de montrer l'accord de
volonté des parties, il peut être désormais admis sous
forme de télécopie71 ou revêtir la forme de
données reproduites sur un support informatique72 à
condition que l'intégrité du contenu et l'identité de son
auteur soient vérifiées.
En ce qui concerne la langue utilisée dans
l'écrit, il est nécessaire qu'elle soit comprise des parties. La
jurisprudence ne trouve pas d'obstacle
66 LAMY DROIT COMMERCIAL, op.
cit.n°3766
67 BROU Kouakou Mathurin, « le nouvel acte
uniforme portant organisation des suretés et l'accès au
crédit dans l'espace OHADA », Ohadata-13-23, p13
68 LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit. n°3766.
69V.art 72 AUS.
70 Com. 31 Janvier 2012, n°10-28.407, V. D. 16
février 2012 n°7/75000e.
71Cass. Com., 02 dec.
1997, n°95-14.252, bull, civ, n°315, JCP E 1998, p 178, note Bonneau
T. V.
LAMY DROIT COMMERCIAL op. cit. n°3799.
72 Loi n°2000-230 du 13 Mars 2000, V. LAMY DROIT
COMMERCIAL, ibidem.
22
au fait que la langue soit une langue
étrangère73 si cette langue découle
naturellement de la nationalité d'un contractant. Il incombe donc au
créancier revendiquant de prouver que l'acheteur a eu connaissance de la
langue, l'a acceptée, et par conséquent l'a comprise. Qu'en
est-il de la date de l'écrit ?
Le droit OHADA des procédures collectives n'a pas
expressément prévu la date à laquelle cet écrit
doit intervenir. Toutefois, l'AUS74 en son article 73 prévoit
que « l'écrit doit être établi au plus tard au jour de
la livraison du bien ».
Cette disposition invite à réflexion, dans la
mesure où parmi les écrits produits pour justifier l'existence de
la clause, on trouve souvent les factures. Or, généralement les
factures sont adressées avec ou après la livraison. Dans ce cas
elles ne répondent pas à l'exigence de la loi. Cependant, il en
est autrement lorsqu'elles comportent la reproduction générale
des conditions du contrat contenant la clause et qu'il a été
constaté que les factures avaient été adressées
avant la première des livraisons impayées75.
En tout état de cause, l'écrit contenant la
clause de réserve de propriété doit exister au moment de
l'ouverture de la procédure collective. Car, l'absence d'écrit
rend impossible la revendication du créancier réservataire pour
faute de preuve. La preuve de l'acceptation de l'acquéreur rend la
clause opposable à celui-ci. Toutefois, ce qui rend la clause de
réserve de propriété opposable à la masse des
créanciers, c'est sa publicité au Registre du Commerce et
Crédit Mobilier (RCCM).
73ibid. n°3799.
74 AUS art.73
75 LAMY DROIT COMMERCIAL, op.
cit.n°3766
23
Paragraphe 2 : L'obligation de publicité
Contrairement au législateur
français76, le législateur OHADA, est plus exigeant en
matière d'opposabilité de la clause de réserve de
propriété à la procédure collective. Il subordonne
cette opposabilité aux tiers à un formalisme plus rigoureux qui
est l'accomplissement obligatoire de formalité de publicité.
L'AUS dispose en son article 74 que pour être opposable aux tiers, la
clause doit avoir été « régulièrement
publiée au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM)
». Cette disposition implique que toute demande en revendication
fondée sur la clause de réserve de propriété dont
la preuve de la formalité de publicité n'a pas été
rapportée par le créancier sera rejetée. Ainsi le
législateur OHADA fait obligation au créancier
réservataire de publier la clause dont il se prévaut au RCCM
(A). L'observation de cette exigence produit ses effets
à l'égard des tiers(B).
A- La procédure de publicité au Registre du
Commerce et du Crédit
Mobilier
L'AUS dispose en son article 74 que « la réserve
de propriété n'est opposable aux tiers que si celle-ci a
été régulièrement publiée au RCCM ».
Cependant, il faut noter que l'inscription de la réserve
propriété au RCCM est une option pour le créancier
réservataire. La formalité de publicité ne devient
obligatoire que s'il veut rendre sa sûreté opposable aux tiers,
surtout lorsque le débiteur est en état de cessation de paiement.
Il doit,
76Pierre CROCQ, « les sûretés
fondées sur une situation d'exclusivité et le projet de reforme
de l'acte uniforme sur les sûretés », Dossier,
bientôt un nouveau droit des sûretés dans l'OHADA, in Droit
et Patrimoine n°197, novembre 2010, Ohadata D-10-62.
24
pour rendre sa sûreté efficace procéder
à la formalité de publicité exigée par le
législateur OHADA dans les conditions77exigées par
l'AUS.
L'inscription de la réserve de propriété
est faite à la requête du créancier, de l'agent des
sûretés ou du constituant78. Le RCCM territorialement
compétent pour recevoir la clause est celui du ressort duquel « est
immatriculé le constituant de la sûreté ou, s'il n'est pas
soumis à l'obligation d'immatriculation, celui dans le ressort duquel
est situé selon le cas, son siège social ou son principal
établissement »79
Le réservataire ou toute autre personne
habilitée par la loi, doit présenter au greffe chargé de
la tenue du RCCM compétent, un formulaire d'inscription comportant
toutes les mentions nécessaires à l'inscription de la clause de
réserve de propriété prévue à l'article 53
de l'AUS. Ces mentions concernent entre autres, l'identification et la
domiciliation des parties, la nature et la date du titre
générateur de la sûreté, la durée de
l'inscription, etc.
Après vérification du respect de ces mentions et
de leur régularité, le greffier ou le responsable de la tenue du
RCCM ou de son équivalent procède immédiatement à
l'inscription de la sûreté sur un registre chronologique des
dépôts. Il délivre sans délai au requérant un
certificat d'inscription daté en désignant la formalité
accomplie. Il notifie l'inscription ou son refus au débiteur ou au
constituant de la sûreté80. A défaut de la
notification de rejet au requérant, le greffier ou la personne
77 Les articles 51 à 66
78 Art. 51 al.1 AUS 79Art.52 al.2 ibid.
80 Art. 54 ibid.
25
compétente doit aussitôt procéder à
l'inscription de la sûreté et la notifier au fichier national du
RCCM81.
Apres ces formalités, l'inscription devient
régulière et produit ses effets légaux82.
B- Les effets de cette publicité
L'AUS dispose en son article 74 que « la réserve
de propriété n'est opposable aux tiers que si celle-ci a
été régulièrement publiée au RCCM ».
Cet article montre la portée de la formalité de publicité
de la clause. Ainsi, l'inscription régulière de la clause rend
celle-ci opposable à la masse des créanciers du débiteur
en procédure collective. Cette opposabilité court de la date
d'inscription au RCCM jusqu'au délai prévu par les
parties83. Passé ce délai, sauf renouvellement par le
requérant l'inscription est périmée et radiée
d'office par le greffe84.
L'inscription au RCCM est une formalité qui conditionne
l'opposabilité et l'efficacité des sûretés assises
sur un bien. Elle offre aux créanciers munis de sûreté de
bénéficier d'une place avantagée dans la procédure
collective. C'est pourquoi la loi la soumet à des règles
strictes85. L'inscription au RCCM doit intervenir avant l'ouverture
de la procédure collective, car le jugement d'ouverture arrête le
cours des inscriptions de toutes sûretés mobilières et
immobilières86. Cependant, il est judicieux de
81 Art.55
82 BROU Kouakou Mathurin, « la protection
des vendeurs de biens avec clause de réserve de propriété
dans les procédures collectives: l'apport du traité OHADA
», Penant n°837, p310
83 Art.58 AUS
84 Idem ; V. BROU Kouakou Mathurin, op. cit.,
p310
85 KANTE Alassane, « réflexion sur
le principe de l'égalité entre les créanciers dans le
droit des procédures collectives d'apurement du passif (OHADA)
», Revue EDJA, n°52, janvier-février-mars 2002, p.50
86 Cette disposition est prévue par l'art.73 de
l'AUPCAP
26
s'interroger si l'inscription de la clause peut intervenir
pendant la période suspecte87.
Les actes accomplis par le débiteur pendant la
période suspecte menacent clairement les droits de certains
créanciers en raison des avantages qu'il confère à
certains créanciers. C'est ainsi que dans le souci d'assurer une
égalité des créanciers, le législateur OHADA
décide que les actes passé par le débiteur pendant la
période suspecte sont inopposables de droit ou peuvent être
inopposables à la masse des créanciers88.
L'inscription d'une clause de réserve de propriété pendant
cette période pourrait porter atteinte aux droits des créanciers
réunis dans la masse. Elle sera donc inopposable à la
procédure collective. Pour qu'elle puisse produire l'effet
escompté, l'inscription de la clause doit intervenir89 avant
la période suspecte.
En somme, la clause de réserve de
propriété régulièrement publiée au RCCM,
permet au créancier réservataire de bénéficier du
droit de pouvoir revendiquer son bien durant la procédure collective de
son débiteur. Cette revendication ne saurait valablement s'exercer sur
tous les biens du patrimoine du débiteur. Elle doit s'appliquer sur un
champ précis.
Section 2 : L'assiette du droit de revendication du
créancier
La réalisation de la clause de réserve de
propriété passe par le droit de revendication qui est reconnu au
créancier réservataire par la loi. Ce droit, le place dans une
situation avantageuse par rapport aux autres créanciers et lui permet de
récupérer son bien. Il faut noter cependant que
87 La période suspecte est la période
qui part de la date de la cessation des paiements à la date du jugement
d'ouverture, V. Filiga Michel SAWADOGO, in, o.p cit., p25
88 Art.67 AUPCAP
89 V.BROU Kouakou Mathurin, op. cit., p308
27
ce droit ne s'exerce pas sur tous les biens se trouvant dans
le patrimoine du débiteur défaillant. Le créancier ne peut
revendiquer que le bien objet de la clause de réserve de
propriété (Paragraphe 1).
Si le bien réservé a été
aliéné par le débiteur, l'assiette du droit de
revendication du créancier peut s'étendre à la
créance du prix de revente du bien réservé due par le
sous-acquéreur ou à l'indemnité d'assurance
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le bien objet de la clause de
réserve de propriété
Contrairement au droit antérieur, le nouvel AUPCAP, en
matière de revendication de biens vendus avec une clause de
réserve renvoie à l'AUS qui réglemente cette
clause90.L'article 72 de cet acte uniforme précise, entre
autres, la nature des biens pouvant faire l'objet de la réserve de
propriété(A). Ces biens doivent exister au jour
du jugement d'ouverture dans le patrimoine du
débiteur(B).
A- La nature du bien
En ce qui concerne la nature du bien réservé,
l'AUS en son article 72 et l'AUPCAP en son article 103 alinéa 3, se
réfèrent tous deux au « bien mobilier » objet de la
revendication. Le législateur s'est contenté des termes tels que
« bien mobilier » ou « objet mobilier » et «
marchandises » sans donner d'autres formes de précisions. Il a
juste prévu que la réserve de propriété devait
porter sur les biens meubles. S'agit-il de bien corporel ? De bien incorporel ?
La loi n'est pas précise à ce niveau. La jurisprudence en
revanche donne des éléments de réponse.
90 Les articles 72 à 78 AUS organisent la
réserve de propriété
28
Même si l'AUPCAP prévoit la revendication de
« marchandises »91 avec clause de réserve de
propriété, la jurisprudence a admis que la revendication des
biens réservés ne devait pas être limitée qu'aux
biens corporels92. Les biens incorporels pouvaient également
faire l'objet de revendication. Cette position de la jurisprudence est
défendable, d'autant plus qu'elle est favorable à ce que la
revendication de bien dont la propriété est
réservée, en application d'une clause contractuelle, soit
exercée quelque soit la nature juridique du contrat
considéré.
Ainsi, le fonds de commerce93 pouvait-il être
revendiqué. Le juge décidé que pour la cession de parts
sociales comportant une clause de réserve de propriété,
les risques de la chose vendue (qui avait perdu toute valeur depuis la
liquidation des biens de la société) restent à la charge
du vendeur, toujours propriétaire en application de ladite
clause94.
De même, il n'y a pas lieu d'exclure d'une demande en
revendication des biens incorporels (logiciels etc.) dont le support est un
bien corporel. La revendication est donc admise pour les droits incorporels sur
les biens dont la propriété est
réservée95.
La revendication de somme d'argent est-elle possible ? Il faut
répondre par la négative. La revendication ne peut en principe
concerner
91Art.103 al.3
92Com. 29 févr. 2000, no 97-14.575
V. legifrance.fr;
Cass. Com. 22 oct.1996, n°94-17.768
V. LAMY
DROIT COMMERCIAL, op. cit. N°3735
93B. VÉRIGNON :la réserve de
propriété est-elle devenue une sûreté applicable aux
ventes de fonds
de commerce ?, JCP N 1995. I, p. 1037
94
Cass. Com. 01 jan. 2004, n°01-01.893
V. LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit. N°3735
95Rev. proc. coll. 2004. 379, obs. M.-H.
Monsèrié-Bon
29
une somme d'argent. La restitution de fonds ne peut être
demandée par le créancier que par la voie de la
déclaration de créance96.
Qu'en est-il des biens immeubles ? Sur ce point le
législateur OHADA a été clair, quand il prévoit que
« les biens meubles »97 comme susceptibles de faire
l'objet de réserve de propriété. Il ne fait pas mention de
biens immeubles dans ces dispositions concernant la réserve de
propriété. Au vu des avantages qu'offre la réserve de
propriété, une extension de son domaine aux biens immeubles ne
serait-elle pas bénéfique pour les partenaires en affaires ?
législateur français semble être favorable à cette
hypothèse, puisqu'il pose dans une de ses dispositions que « la
propriété de l'immeuble peut également être retenue
en garantie »
(C. civ., art. 2373, al. 2). La doctrine quant à elle
encourage les professionnels à avoir recours à la vente
d'immeubles avec réserve de propriété.98
En tout état de cause, la revendication ne sera
possible que si le bien réservé se trouve dans le patrimoine du
débiteur au jour du jugement d'ouverture.
B- L'existence du bien au jour du jugement d'ouverture
Il est désormais admis que le législateur OHADA
reconnait au créancier, le droit de revendication. Ce droit permet au
créancier réservataire de s'extraire de l'emprise de la
discipline collective imposé aux créanciers réunis dans la
masse. Cette prérogative doit s'exercer sur le bien
réservé dans le patrimoine du débiteur. Encore faut-il que
le bien se
96Com. 4 févr. 2003, Act. proc. coll. 2003-10,
no 128, obs. C. Regnaut-Moutier
97 Art. 72 AUS
98 F. DERRIDA, À propos de la clause de
réserve de propriété dans les ventes immobilières
à crédit, Defrénois 1989. 1089, art. 34590
30
trouve dans le patrimoine du débiteur en
difficulté au jour du jugement d'ouverture99. Le jugement
d'ouverture est le point de départ de l'action en revendication du
réservataire.
L'absence du bien dans le patrimoine du débiteur
défaillant à cette date, peut être un obstacle au droit de
revendication du créancier. Antérieurement, le législateur
OHADA exigeait que le bien se trouvât en nature100 dans le
patrimoine du débiteur. Ainsi, l'incorporation ou la transformation du
bien constaté au jour du jugement d'ouverture était susceptible
de faire perdre au réservataire son droit. Les nouveaux textes sur le
droit des procédures collectives sont plus protecteurs. La
transformation ou l'incorporation du bien réservé n'empêche
plus le droit de revendication du créancier101. Le
propriétaire doit simplement prouver l'existence de son bien dans le
patrimoine de son débiteur à la date du jugement d'ouverture.
Cependant, l'AUS prévoit dans son article 78 la
revendication du prix de revente du bien. Cette disposition est
compréhensible dans la mesure où rien n'empêche le
débiteur d'aliéner le bien réservé. Ainsi, le
législateur autorise le créancier à revendiquer la
créance de prix ou l'indemnité d'assurance en cas de vente du
bien par le débiteur ou de destruction de celui-ci.
99 GUYON Yves, Droit des affaires, Entreprises
en difficulté, Redressement judiciaire, Faillite,9e
éd. Economica, septembre 2003, p405
100 AUPCAP ancien art.103 al.2
101 Art.76 al.1 AUS
31
Paragraphe 2 : La créance du prix de revente du
bien et l'indemnité
d'assurance
La revendication du bien réservé est liée
à son existence dans le patrimoine du débiteur. Dans la
procédure collective du débiteur, l'issue heureuse pour le
créancier serait de retrouver son bien dans le patrimoine du
créancier et de pouvoir le revendiquer. Mais, l'hypothèse est
très souvent impossible dans la mesure où le débiteur
ayant la possession du bien peut en disposer.
L'aliénation du bien pourrait donc empêcher sa
revendication par son propriétaire. Ce dernier pourrait ainsi perdre sa
garantie et se retrouver pénalisé dans la procédure
collective. Le législateur OHADA, en vue de pallier cet
inconvénient, énonce dans l'article 78 du droit des
sûretés « lorsque le bien est vendu ou détruit, le
droit de propriété se reporte selon le cas sur la créance
du débiteur à l'égard du sous-acquéreur ou sur
l'indemnité d'assurance subrogé à ce bien».
Cette disposition permet au créancier muni d'une clause
de réserve de propriété de bénéficier du jeu
de la subrogation réelle102.Le législateur a
institué la subrogation réelle en vue de protéger le
créancier réservataire soumis à la procédure
collective du débiteur. La subrogation réelle est un avantage
certain pour le créancier. Car, s'il ne bénéficiait pas de
cette fiction légale, la remise du bien à un
sous-acquéreur de bonne foi lui ferait perdre sa garantie. La
subrogation a donc pour but de maintenir l'efficacité de la
réserve de propriété en dépit de l'absence du bien
dans le patrimoine du débiteur. Elle place le réservataire dans
une position encore plus
102 Carole SOUWEINE, « la revendication du prix de
revente par le bénéficiaire d'une clause de réserve de
propriété : à la recherche d'une cohérence du droit
des entreprises en difficulté », D. 3 nov.2011, n°2617
32
favorable que la revendication des marchandises
elles-mêmes puisqu'elle lui permet d'obtenir directement la remise d'une
somme d'argent.
La subrogation réelle implique que la réserve de
propriété se reporte sur la créance du prix de
revente(A) ou l'indemnité d'assurance
(B)
A- La créance du prix de revente du bien
réservé
En droit civil, la vente de la chose d'autrui est
nulle103, de sorte que la question de la revente des biens
réservés ne devrait pas se poser. Pourtant, la loi reconnait
implicitement la possibilité de revente du bien réservé en
réglementant la revendication du prix104 de revente des biens
réservés.
Si le bien réservé a été revendu
par le débiteur sans avoir payé le propriétaire, ce
dernier peut tenter de revendiquer la chose chez le tiers
acquéreur105. Son action en revendication peut
prospérer s'il prouve que le sous-acquéreur avait connaissance de
la clause, donc est de mauvaise foi. Cependant cette action risque d'être
vaine, dans la mesure où le tiers possesseur peut opposer sa bonne foi
au revendiquant en application de l'article 2279, alinéa
1106du code civil. Une possession exempte de vices permet au
sous-acquéreur d'éviter la restitution du bien.
Le réservataire qui ne peut rapporter la preuve de la
mauvaise foi du possesseur, n'est pas pour autant démuni de tout
recours. Il peut en effet exercer contre le débiteur une action en
revendication sur le prix de revente du bien. Il tient de la loi une
prérogative non négligeable qui lui
103Cf, c.civ., art. 1599
104Art.78 AUS
105JCP E 1993. I. 277, no 15, obs. M. Cabrillac et Ph.
Pétel
106L'article 2279 alinéa 1 dispose qu'« En
fait de meuble possession vaut titre »
33
34
permet, de reporter la revendication de la chose sur la
créance du prix de revente du bien dû par le sous-acquéreur
au débiteur défaillant.
Sur le plan procédural, la revendication du prix
étant fondée sur la subrogation réelle, elle est soumise
aux mêmes conditions et délai que l'action en revendication de la
chose107.
Le réservataire qui souhaite revendiquer le prix de
revente du bien réservé doit avoir exercé en premier lieu
une action en revendication du bien contre le débiteur devant le
tribunal compétent. En second lieu, il exerce une action en paiement
à l'encontre du sous-acquéreur dans le tribunal de son domicile.
La seconde action découle de la première. Ainsi, si les
délais ont été respectés dans le cadre d'une action
en revendication de la chose, la forclusion ne peut être opposée
au créancier qui n'a pas pu revendiquer le prix108 dans les
délais exigés. Le sous-acquéreur ne peut non plus opposer
au vendeur initial (le réservataire) les exceptions109 qu'il
pourrait faire valoir contre son propre vendeur (le débiteur en
procédure collective).
Il découle de ce qui précède que
l'aliénation du bien réservé ne fait pas obstacle à
la réalisation de la garantie du créancier, elle semble
plutôt renforcer l'efficacité de la réserve de
propriété à l'égard du créancier. Cette
efficacité se dénote aussi par l'indemnité d'assurance qui
est due au réservataire lorsque le bien a été
détruit.
107 Art.101 AUPCAP
108 Com. 15 fév. 2000, Act. proc. coll. 2000-7, no 75, RTD
com. 2001. 517,
obs. A. Martin-Serf.
109V.com.3 janv. 1995, Bull. civ. IV, no 3, D. 1996, somm.
221, obs. F. Pérochon.
B- L'indemnité d'assurance
La subrogation réelle est aussi possible dans les cas
où le bien réservé a été détruit ou a
disparu entre les mains du débiteur. Le créancier est
autorisé à revendiquer l'indemnité d'assurance du bien
sinistré. Cette indemnité n'entre donc pas dans le patrimoine du
débiteur. Le droit de propriété du réservataire se
reporte sur l'indemnité d'assurance due au débiteur par son
assureur110. Il percevra l'indemnité d'assurance à
proportion de sa créance.
Cette règle du report du droit de
propriété sur une autre chose est évidemment de nature
à renforcer l'efficacité de la réserve de
propriété, puisqu'elle permet au titulaire de la
sûreté de l'emporter sur les tiers, qui pensent avoir un droit sur
la créance de prix ou d'indemnité du débiteur.
Le législateur OHADA, reconnait au créancier
réservataire, dont le débiteur est en difficulté, le droit
de revendiquer le bien réservé. Cette opposabilité de la
clause de réserve de propriété aux procédures
collectives n'est possible que si le réservataire a
régulièrement publié la clause dont il se prévaut
au RCCM. En outre, l'assiette de revendication est bien définie par le
législateur et ne porte que sur le bien réservé ou sur le
prix de revente de celui-ci ou sur l'indemnité d'assurance.
Le créancier réservataire doit mettre en oeuvre
son droit de revendication, afin d'obtenir le recouvrement de sa créance
ou la restitution de son bien.
110Com. 13 mars 2007, no 05-17.571, V.
Répertoire droit commercial, Dalloz 2015
35
CHAPITRE II : LA MISE EN OEUVRE DU DROIT DE
REVENDICATION
Muni d'une clause de réserve de propriété
valable et connu de tous, le créancier réservataire peut
aisément procéder à la revendication du bien
réservé.
Mais, cet avantage exceptionnel dont il
bénéficie pourrait très bien compromettre la continuation
de l'activité de son débiteur en difficulté en cas de
redressement si le bien s'avère nécessaire à cet effet. On
assiste dès lors à un conflit entre les intérêts du
créancier réservataire qui souhaite récupérer son
bien et ceux du débiteur en difficulté qui aurait besoin du bien
réservé pour son exploitation. Ces termes antagonistes mettent en
exergue le problème de la revendication du bien réservé
dans la procédure de redressement judiciaire du débiteur.
Dans l'intention de trouver un équilibre entre les
intérêts des parties concernées, le législateur
OHADA soumet l'exercice du droit de revendication du réservataire
à une réglementation stricte. Certes, il permet au
créancier d'exercer son action en revendication (SECTION
II), mais celui-ci doit au préalable, respecter certaines
conditions (SECTION I).
Section 1 : Les conditions préalables à
l'action en revendication
Comme toute action en justice, l'action en revendication du
réservataire est soumise à une procédure
réglementée par le législateur communautaire. Il
subordonne l'exercice de l'action en revendication à la production de la
créance par le revendiquant.
36
Ainsi, le nouvel AUPCAP dispose en son article 78 que «
à partir du jugement d'ouverture, et jusqu'à l'expiration d'un
délai de (60) soixante jours suivant la deuxième dans le journal
d'annonces légales de l'Etat partie, tous les créanciers
composant la masse, à l'exception de créancier d'aliment,
doivent, sous peine de forclusion produire leur créance auprès du
syndic »
De cette disposition, il appert que le créancier
réservataire doit obligatoirement produire la créance qui fonde
son droit (Paragraphe 1), dans les délais prévus
par la loi (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La production de la créance
Postérieurement au jugement d'ouverture, tous les
créanciers du débiteur en procédure collective sont
invités à produire leur créance. Cette règle
s'applique à tous les créanciers sans exception, qu'ils soient
munis de sûretés ou chirographaires. La production consiste pour
le créancier à se faire connaitre des organes de la
procédure collective en déclarant sa créance à
l'égard du débiteur111. L'admission du
créancier dans la procédure collective passe obligatoirement par
l'étape de la production des créances112. C'est donc
une procédure importante pour les créanciers qui espèrent
en dépit des difficultés du créancier, recevoir
paiement.
En ce qui concerne le créancier réservataire, en
plus de la demande en revendication, il est également soumis à la
procédure de production des créances (A). Le
défaut de cette procédure pourrait entrainer sa forclusion
(B).
111 SAWADOGO FILIGA Michel, OHADA, Droit des entreprises
en difficulté, Bruylant, Bruxelles 2002, p 202
112Idem
A- La procédure de production de la
créance
37
L'AUPCAP dispose en son article 78 que tous les
créanciers composant la masse doivent produire leur créance
auprès du syndic. La production consiste en une déclaration faite
par les créanciers d'un débiteur en redressement judiciaire ou en
liquidation des biens. Les créanciers indiquent leur créance
ainsi que leurs prétentions113. L'article 80 mentionne les
composantes de la production.
En effet, le créancier réservataire comme tout
autre créancier est tenu de remettre au syndic, par lettre au porteur
contre récépissé, ou par lettre recommandée avec
accusé de réception ou par tout autre moyen laissant trace
écrite, une déclaration indiquant le montant de sa créance
au jour de la décision d'ouverture, les sommes à échoir et
les dates de leur échéances114. La déclaration
doit également préciser la nature de la sûreté dont
la créance est éventuellement assortie. Dans le cas du
créancier réservataire, il s'agit pour lui de faire mention dans
sa déclaration de la réserve de propriété qui est
une sûreté réelle.
En plus de ce qui précède, le créancier
doit fournir tous les éléments de nature à prouver
l'existence et le montant de sa créance si elle ne résulte pas
d'un titre, évaluer la créance si elle n'est pas liquide,
mentionner la juridiction saisie si la créance a fait l'objet d'un
litige. A cette déclaration sont aussi joints, sous bordereau, les
documents justificatifs qui peuvent être produits en copie.
Dans l'ancien acte uniforme le créancier
réservataire avait
l'obligation de faire sa déclaration d'intention de
revendiquer son bien en
113SAWADOGO FILIGA Michel,Ibid. 114 V. Art.
80 al.1 AUPCAP
38
même temps qu'il produisait sa
créance115. A défaut de cette déclaration
d'intention, le créancier perdait sa garantie et était
considéré comme un créancier chirographaire. Cette
disposition se révélait sévère pour le
créancier qui pouvait ainsi perdre la propriété de son
bien et être soumis à toutes les contraintes du créancier
chirographaire116.
Cette sévérité n'a pas laissé le
législateur indifférent, quant à la situation du
créancier réservataire. C'est certainement la raison pour
laquelle, le nouvel acte uniforme fait une dissociation entre la production de
la créance et le droit de revendication du réservataire.
Désormais, le créancier peut produire sa créance sans
être obligé d'y manifester son intention de revendiquer son bien.
Les deux procédures n'étant plus indissociables. Cette
disposition renforce à n'en point douter la protection du
créancier réservataire par le législateur OHADA.
En tout état de cause, la production de créance
demeure une obligation pour tous les créanciers. A l'exception des
créanciers postérieurs117 au jugement d'ouverture,
tous les créanciers antérieurs c'est-à-dire ceux composant
la masse sont astreints à la production des créances, sous peine
de sanction.
B- La forclusion du créancier
réservataire
L'article 78 en son alinéa 1 dispose que tous les
créanciers sont tenus de produire leurs créances « sous
peine de forclusion ». La forclusion, est la sanction qui frappe les
créanciers astreints à la production, qui n'ont
115 Art. 78 al.3 AUPCAP ancien.
116 Les créanciers chirographaires sont les derniers
dans l'ordre de paiement, de plus ils peuvent très souvent ne pas
obtenir paiement dans la procédure de liquidation des en cas de
clôture pour insuffisance d'actif.
117SAWADOGO FILIGA Michel, op. cit.,p 210
39
pas produit leurs créances dans les délais
exigés. Elle a pour conséquence de rendre les créances
inopposables à la masse des créanciers, qu'il s'agisse d'une
procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens. Les
titulaires de ces créances pourront toutefois valablement
réclamer leurs créances une fois que la procédure
collective du débiteur sera clôturée118.
Evidemment, cette réclamation ne sera opportune que si le
débiteur défaillant revient à meilleure fortune. Sur ce
point, le droit des procédures collectives antérieur était
sévère avec les créanciers surtout en procédure de
redressement judiciaire du débiteur.
En effet, « la forclusion éteint les
créances, sauf clause de retour à meilleure fortune
»119. En conséquence, même après le vote du
concordat de redressement, le créancier ne pouvait pas réclamer
sa créance. Cette règle était d'une particulière
gravité à l'égard des créanciers
négligents.
La nouvelle législation se montre plus souple en
supprimant la disposition précitée. Cette suppression traduit la
volonté du législateur de trouver un équilibre dans les
intérêts des parties concernées. Car, si le débiteur
négligent était frappé de forclusion, la loi devait au
moins lui laisser la chance de retrouver ses droits personnels à la
clôture de la procédure. La nouvelle loi se montre donc plus
souple envers les créanciers frappés de forclusion.
L'AUPCAP nouveau, en son article 83 dispose que le
relevé de forclusion est accordé par décision
motivée du juge-commissaire à la demande des créanciers
défaillants. Le juge-commissaire ne peut statuer sur la demande en
relevé de forclusion que si l'état des créances n'a pas
118SAWADOGO Filiga Michel, op. cit. p 212 119
Art.83 al.2 AUPCAP ancien
40
41
42
encore été arrêté et
déposé dans les conditions prévues par l'article 86 de
l'AUPCAP précité. La demande du créancier ne peut aboutir
que s'il prouve120 que sa défaillance ne lui incombe pas. La
défaillance du créancier doit donc résulter de
circonstances extérieures à sa volonté par exemple un cas
de force majeure.
Qu'en est-il des créanciers qui devaient être
personnellement avertis par le syndic121 aux fins de production de
leur créances, et qui ne l'a pas fait de sorte que ces créanciers
sont forclos. Deux solutions peuvent être envisagées. Soit leur
production tardive est recevable de plein droit, soit leur demande en
relevé de forclusion est systématiquement accordée.
Une autre question qui mérite d'être posée
est de savoir l'effet de la forclusion sur le droit de revendication du
créancier réservataire. Sa forclusion peut-elle porter atteinte
à son action en revendication ? Autrement le réservataire forclos
peut-il valablement exercer son action en revendication ?
Dans l'ancien droit des procédures collectives, la
réponse était négative. En effet, le législateur
OHADA faisait obligation au réservataire de déclarer son droit de
revendication au moment où il produisait sa
créance122. Le propriétaire qui souhaitait
récupérer son bien devait produire sa créance et
déclarer son intention de revendiquer son bien. La seconde action ne
pouvait intervenir sans la première (la production), de sorte que si le
créancier était forclos, la revendication était
paralysée. Par
120 Dans l'affaire n°847 du 8 avril 2005, PROFCOPE c/
Alliou Faye et Abdoulaye Dramé, liquidateur de la Nationale Assurance
ès qualité, Tribunal Régulier Hors classe de Dakar,
rejette une demande de relevé de forclusion au motif que la preuve
exigé par l'art.83, à savoir que les défaillants doivent
démontrer que leur défaillance n'est pas due à leur propre
fait, n'est pas rapporté.
121 Art.79 al.1 AUPCAP nouveau
122 Art 78 AUPCAP ancien
conséquent, sous réserve de relevé de
forclusion, le propriétaire négligent perdait-il sa garantie.
Le nouvel AUPCAP, adopte une posture différente, en
dissociant les deux actions. Le créancier réservataire est
astreint comme tous les créanciers antérieurs à la
production de créance dans un délai123 précis.
Mais, il dispose aussi du droit de revendication qu'il doit exercer dans un
délai124 autre que celui de la production. Comment
interpréter cette position du législateur ? La dissociation des
deux actions signifie-t-elle que la forclusion ou le rejet de l'une n'a pas
d'impact sur l'autre ?
L'on peut opter pour l'optimisme en voyant en cette nouvelle
disposition la volonté du législateur OHADA de vouloir
protéger le créancier réservataire. Par conséquent,
la forclusion en cas de production ne devrait pas avoir d'impact sur le droit
de revendication. La réaction de la jurisprudence sur la question
permettra certainement de mieux comprendre l'interprétation à
donner à cette disposition.
Pour l'heure, afin d'éviter la sanction de forclusion,
le créancier réservataire doit observer les délais.
Paragraphe 2 : L'observation des délais de
production
La procédure collective du débiteur est un
moment délicat pour lui et ses créanciers. Si son désir
est de voir ses difficultés se résoudre et revenir à
meilleure fortune, ses créanciers, eux souhaitent se mettre à
l'abri de ses difficultés. Le respect des règles imposées
par le droit des procédures collectives s'avère pour ceux-ci la
seule issue afin d'espérer obtenir paiement.
123 Art.78 al.1 AUPCAP nouveau.
124 Art. 101 AUPCAP nouveau.
Ainsi, le créancier réservataire doit, certes,
la produire, mais, cette production ne sera utile que s'il la fait dans les
délais impartis (A). Il doit aussi observer les
délais de revendication, (B) s'il aspire à
défaut récupérer son bien.
A- Les délais de production de la créance
La production est réglementée de façon
stricte par la loi. Elle se déroule dans un temps limité que les
créanciers se doivent de respecter. Les créanciers doivent
produire leurs créances à partir du « jugement d'ouverture
de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens,
jusqu'à l'expiration d'un délai de soixante (60) jours suivant la
deuxième insertion au journal d'annonces légales
»125. Les textes ajoutent que seuls les créanciers
d'aliment ne sont pas soumis à cette obligation. En ce qui concerne les
créanciers vivant hors du territoire national où la
procédure a été ouverte, ils ont quatre-vingt-dix (90)
jours pour produire leurs créances.
D'entrée de jeu, on remarque que le législateur
dans le nouvel AUPCAP a prorogé les délais de production. Ainsi,
le délai qui était de trente (30) jours126pour les
créanciers étant sur le territoire national, est passé
à soixante (60) jours. Et, le délai de production des
créanciers hors du territoire national, est passé de soixante
(60) jours127 à quatre-vingt-dix (90) jours. Cette position
du législateur est à saluer, car elle pourrait
considérablement réduire les risques de forclusion pour
non-respect des délais de production des créances.
125 Art.78 al.1 AUPCAP nouveau
126 Art.78 al.1 AUPCAP ancien 127Idem
43
Le délai de production commence à courir
à l'égard des créanciers dont la sûreté ou le
contrat a fait l'objet de publicité, à partir de la notification
d'avertissement du syndic par lettre au porteur ou tout autre moyen laissant
trace écrite, adressée s'il y a lieu, au domicile
élu128. Ainsi le créancier réservataire, dont
la clause de réserve de propriété ou le contrat le liant
au débiteur a été publié, ne sera fondé
à agir que s'il a personnellement été averti par le
syndic.
Tous les créanciers inscrits au bilan ou figurant sur
la liste prévue à l'article 63 ci-dessus, doivent être
avertis immédiatement, par lettre au porteur contre
récépissé ou tout autre moyen laissant trace écrite
par le syndic. Cet avertissement n'est fait que s'ils n'ont pas produit dans
les quinze (15) jours de la première insertion de la décision
d'ouverture au journal d'annonces légales de l'Etat partie
concerné129.
La production des créances est d'une grande
portée juridique. Elle interrompt la prescription extinctive de la
créance130.
En somme, la production des créances est une
étape importante pour les créanciers qui veulent faire valoir
leurs droits dans la procédure collective de leur débiteur. Sans
cette étape, les autres étapes c'est-à-dire la
vérification et l'admission des créances ne peuvent se
faire131. Le respect des délais est donc indispensable.
L'inobservation des délais pourrait rendre la créance inopposable
à la masse. Le réservataire n'échappe pas à ces
règles établies par les textes. Il est tenu aussi de respecter
les délais de revendication, s'il souhaite obtenir restitution du bien
réservé.
128 Art.79 al.1 AUPCAP nouveau
129 Art.79 al.2 AUPCAP nouveau
130 Art.78 al.4 AUPCAP nouveau
131SAWADOGO Filiga Michel, op cit, p209
B- Les délais de revendication du bien
réservé
44
La demande en revendication du réservataire ne peut
être exercée que dans le délai exigé par les textes.
Sur ce point le nouvel Acte uniforme relatif aux procédures collectives
est assez précis sur la question lorsqu'il dispose que « nonobstant
toute disposition du présent Acte uniforme, la revendication des meubles
ne peut être exercée que dans un délai de quatre-vingt-dix
(90) jours suivant la deuxième insertion de la décision
d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation
des biens dans un journal d'annonces légales de l'Etat partie
concerné »132. Ce délai comprend-il le
délai de production et de vérification des revendications ? Tout
porte à croire que c'est bien le cas. Le législateur semble
vouloir simplifier les choses aux créanciers bénéficiant
de droit de revendication.
Dans l'ancienne législation relative aux
procédures collectives, l'article 101 alinéa 2 prévoyait
que le délai de revendication était de trois (03) mois. Mais, il
fallait d'abord tenir compte du délai de production qui était de
trente (30) ou soixante (60) jours suivant la deuxième insertion au
journal d'annonces légales, selon que le revendiquant était ou
non sur le territoire national de l'Etat partie concerné133.
Ensuite, Il fallait également y ajouter le délai de
vérification et d'admission des revendications qui était de trois
(03) mois ( additionné des quinze (15) jours pour former l'opposition)
suivant la décision d'ouverture de la procédure
collective134.
Tous ces délais pouvaient créer des confusions
dans l'esprit du créancier revendiquant, qui pouvait par une
incompréhension être hors
132 Art.101 ancien 133Art.78, ibid.
134 Art.84 et 88, ibid.
45
délai, par conséquent forclos. Cet état
de fait, est certainement une des raisons qui a incité, le
législateur a les simplifié en indiquant que toute revendication
de biens meubles devait intervenir dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent
la seconde insertion de la décision d'ouverture dans un journal
d'annonces légales du pays concerné.
Toutefois, ce délai invite à réflexion.
Si l'on part du principe que ce délai doit comprendre les délais,
de production des créances, de vérification et d'admission des
demande en revendication, quel sera le sort du revendiquant s'il produit sa
demande revendication dans les délais exigés et qu'avant
l'admission, le délai de quatre-vingt-dix (90) jours expire ?
Pourra-t-il être autorisé à exercer son action en
revendication en dépit de sa forclusion ?
De notre avis, il devrait l'être du moment où il
a produit dans les délais. En outre, qu'en est-il, s'il produit sa
créance dans le délai imparti, et que l'admission intervient dans
un laps de temps tel qu'il lui est impossible d'exercer son action en
revendication dans les temps c'est-à-dire avant l'expiration du
délai de quatre-vingt-dix (90) jours? Cette réflexion peut
paraitre incongrue ou être taxée de pousser le pessimisme un peu
loin, mais elle mérite d'être menée. Car, le revendiquant
sera forclos, mais cette forclusion sera en quelque sorte de son fait.
Pourra-t-il être relevé de forclusion ? Autant de questions sur
lesquelles les juges devront se pencher pour rendre leurs décisions.
En tout état de cause, le défaut de
revendication dans le délai exigé emporte forclusion. Cela
signifie que le droit de propriété est inopposable à la
procédure collective du débiteur. En revanche, le débiteur
ne devient pas pour autant propriétaire. C'est la raison pour laquelle
l'absence de
46
revendication n'a pas d'effet dans les rapports entre un
débiteur et un bailleur135. Si la forclusion empêche le
propriétaire de revendiquer pendant la durée de la
procédure, il peut en revanche faire valoir son droit de
propriété dès la fin de la
procédure136.
Lorsque la créance et la revendication ont
été régulièrement produites, les organes
compétents procèdent à leur
vérification137. Apres la vérification, les
créances et revendications conformes seront admises. Le
réservataire pourra à partir de ce moment revendiquer son
bien.
Section 2: L'exercice de l'action en revendication
L'action en revendication n'a de sens que dans
l'hypothèse où le créancier titulaire d'une réserve
de propriété s'est, d'une part, dépossédé de
son bien au profit du débiteur et, d'autre part, n'est pas payé
par ce même débiteur. Tel est le cas lorsque s'ouvre une
procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens,
puisqu'il est alors interdit au débiteur de payer des créances
nées antérieurement à l'ouverture de la procédure
ou alors des créances nées postérieurement, mais ne
présentant pas d'utilité pour la procédure. On peut aussi
observer que l'ouverture d'une procédure collective justifie à
elle seule que le créancier titulaire d'une réserve de
propriété réagisse sans attendre que sa créance
soit devenue exigible, la loi lui accordant un
135Com. 4 janv. 2000, D. 2000. 533, note E. Le
Corre-Broly
136Com. 30 oct. 2007, no 06-18.328, V.
Répertoire droit commercial, Dalloz 2015 137 Voir les articles 84 et 101
du nouvel AUPCAP
47
temps limité138, à peine de
forclusion, pour exercer son action en revendication.
À l'inverse, il est évident que la revendication
n'est pas justifiée si le créancier reçoit le paiement
attendu. L'article 103 alinéa 4 du nouvel AUPCAP précise à
cet égard qu'il n'y a pas lieu à revendication si, « le prix
est payé immédiatement et intégralement par le syndic
après autorisation du juge-commissaire ». Si le juge-commissaire
autorise le paiement du prix, l'administrateur judiciaire commet une faute en
ne procédant pas au paiement139.
Lorsqu'il n'a pas obtenu paiement du syndic sur
décision du juge-commissaire, le créancier
bénéficiant d'une clause de réserve de
propriété est fondé à faire sa demande en
revendication (Paragraphe 1). Il en est cependant
dispensé (Paragraphe 2), s'il remplit certaines
conditions.
Paragraphe 1 : La demande en revendication
Le créancier, dont la clause de réserve
propriété n'a été contesté par les organes
de la procédure, peut valablement revendiquer son bien. A la question de
savoir s'il est le seul habilité à faire la demande en
revendication, la jurisprudence répond par la négative. En effet,
aussi bien le propriétaire du bien, que tout préposé ayant
pouvoir ou mandataire de son choix peut exercer la demande en
revendication.140
Sur le plan procédural, la revendication se
déroule en deux phases. Il y a d'abord une phase amiable
(A) et obligatoire suivie, le cas échéant, d'une
phase judiciaire (B).
138 Art. 101 AUPCAP nouveau
139 CA Paris, 20 sept.1996, JCP E 1996, panor. 1147, Rev. proc.
coll. 1998. 188, obs. Bernard Soinne.
140
Cass.com, du 5 juillet 2005,
n°04-11.132
A- La demande amiable
48
La demande amiable constitue un préalable
obligatoire141. Il faut toutefois noter que la demande en
revendication effectuée au cours de cette phase amiable ne constitue pas
une demande en justice142. Il n'est donc pas nécessaire de
vérifier si la personne à l'origine de la revendication est
habilitée à agir en justice. Cette solution a été
parfaitement justifiée par la doctrine 143 qui a mis en
évidence la différence de traitement entre la déclaration
de créance, qui « équivaut » à une demande en
justice et la demande en revendication144.
Le créancier réservataire qui souhaite
revendiquer son bien, doit saisir le mandataire de justice145
(1) qui n'est autre que le syndic. Ce dernier peut acquiescer
à la demande (2).
1- La saisine du syndic
En vue de faire valoir son droit, le créancier
réservataire doit saisir le syndic par une lettre au porteur contre
récépissé ou tout autre moyen laissant trace
écrite146, en vue de revendiquer son bien. La demande en
revendication emporte de plein droit147 restitution du bien
réservé.
Cette saisine vise à avoir l'accord du syndic pour la
revendication. Il a été jugé qu'une lettre adressée
au mandataire judiciaire, qui n'invite pas son destinataire à se
prononcer sur le droit de propriété du créancier sur le
141 La cours de cassation française a
déclaré irrecevable la saisine directe du juge commissaire (
cass. Com., 10 mai 2000 n°9715.476),
V. LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit. n°3785, p1597
142 Com. 6 mars 2001, Bull. civ. IV, no 50, D. 2001, AJ 1099,
obs. A. Lienhard, in Repertoire de Droit Commercial 2015.
143 M. CABRILLAC et Ph. PÉTEL, obs. JCP E 2001, p. 1472,
no 12
144V. également Com. 5 nov. 2003, RJDA 2004,
no 346, Rev. proc. coll. 2004. 379, obs. M.-H. Monsèrié-Bon.
145 V.art.1-3 al.10 AUPCAP nouveau
146 Art.101-1 al.1, ibid.
147 LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit., n°3785,
p1597
49
bien, ne vaut pas demande en revendication148. La
demande doit contenir les indications précises sur les biens
revendiqués : leur localisation et leur identification, ainsi que les
pièces justificatives nécessaire et les clauses contractuelles
permettant l'action149.
Cette demande doit être faite dans les
délais150 exigés par le législateur
communautaire. Le non-respect de ce délai par le réservataire,
conduirait inexorablement à la perte de sa garantie (sous réserve
de relevé de forclusion). Si le créancier remplit toutes ces
conditions de fond et le formalisme adapté, le syndic se prononce sur sa
demande.
2- De l'acquiescement du syndic
Lorsqu'elle est réalisée, la demande de
revendication, « peut»151 donner lieu à un
acquiescement de la part du syndic. Le législateur OHADA, laisse donc au
syndic une option. Il peut donner une réponse positive à cette
demande ou la refuser. Si la demande du créancier remplit les conditions
exigées par les textes et que la revendication du bien ne porte pas
gravement atteinte152 aux espoirs de redressement de l'entreprise,
le syndic acquiesce.
Cet acquiescement doit être donné dans un
délai de trente (30) jours153 à compter de la
réception de la demande. Le syndic notifie sa décision aux
parties (le revendiquant et le débiteur) et en informe le juge-
148Com. 12 mars 2013, no 11-24.729, D. 2013. Actu.
768, obs. Lienhard
149 LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit.,ibid.
150 Ce délai est quatre-vingt dix jours suivant la
deuxième insertion de la décision d'ouverture de la
procédure au journal d'annonces légales de l'Etat partie
concerné, V. art.101 AUPCAP nouveau.
151 Art.101-1 al.2 AUPCAP nouveau
152 Sur ce point, il faut noter lorsque la revendication du
bien porte atteinte au redressement de l'entreprise, le juge-commissaire peut
autoriser le syndic avant toute restitution du bien réservé
à payer intégralement et immédiatement la créance
du débiteur, V. art 103 al.4 AUPCAP nouveau
153 Art.101-1 al.3 AUPCAP nouveau
50
commissaire. Il prend toutes les mesures pour la remise du
bien réservé au propriétaire mettant ainsi fin à la
procédure engagée par ce dernier.
Il a été jugé que le créancier
réservataire, qui a obtenu l'acquiescement du syndic dans le
délai qui lui était imparti pour saisir le juge-commissaire, ne
peut se voir opposer la forclusion attachée à l'absence de
saisine de ce dernier dans le délai d'un mois à compter de
l'expiration du délai de réponse du syndic154.
L'article 101-1 alinéa 3 du nouvel AUPCAP dispose que
« à défaut de la réponse du syndic dans un
délai de trente (30) jours à compter de la réception de la
demande ou en cas de refus, le juge-commissaire peut être saisi à
la diligence du revendiquant dans un délai de trente (30) jours à
compter de l'expiration du premier délai ou de ce refus afin qu'il soit
statué, au vu des observations du revendiquant, du débiteur et du
syndic, sur le droit de ce revendiquant et sur le sort du contrat ».
Cette saisine du juge-commissaire marque le début de la
phase judiciaire.
B- La demande contentieuse
À défaut d'acquiescement du syndic, le
revendiquant doit, sous peine de forclusion, saisir le juge-commissaire
(1) qui statut sur sa demande (2).
154 Com. 7 févr. 2006, Bull. civ. IV, no 31, D. 2006, AJ
576, obs. A. Lienhard
1- La saisine du juge-commissaire
51
La saisine du juge-commissaire est une demande en
justice155
contrairement à la demande initiale adressée au
syndic. Elle commence par une requête adressée au
juge-commissaire156 « à défaut de réponse
du syndic157 saisi» ou « de son refus » par le
créancier réservataire dans le
délai de trente (30) jours à compter de
l'expiration du délai donné au syndic pour répondre.
La requête contient l'exposé des
prétentions, la justification des droits, et la réponse aux
motifs du refus d'acquiescement. Le revendiquant sollicite du juge-commissaire,
qu'il constate son droit de propriété et qu'il ordonne la
restitution immédiate du bien sous la responsabilité du
syndic158.
Lorsque le créancier revendiquant saisi
régulièrement le juge-commissaire, ce dernier doit se prononcer
sur la demande en revendication.
2- L'issue de la saisine
Le juge-commissaire saisi par le propriétaire «
statue par voie d'ordonnance dans les huit (08) jours à compter de sa
saisine »159. Etant
donné que l'action en revendication tend à la
fois à la reconnaissance d'un droit de propriété opposable
à la procédure collective et à la restitution
155C'est pourquoi, elle doit être
effectuée, en ce qui concerne les personnes morales, par tout
préposé régulièrement fondé,
Cass. Com., 03 juin 1997 n°94-12.450,
V. LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit., n°3788
156Cette autorité judiciaire a une
compétence générale en matière de revendication (le
juge des référés en est exclut) Com. 9 juill. 1991, RJDA
1991, no 746, V. Répertoire de droit commercial, Dalloz 2015
157 Art.101-1 al.3AUPCAP nouveau
158 V. LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit., n°3789
159 Art. Art.101-1 al.4 AUPCAP nouveau
52
53
d'un bien détenu par le débiteur, elle donne
lieu à un débat contradictoire. Le juge-commissaire doit
réunir sur convocation, le demandeur, le débiteur, le ou les
syndics ainsi qu'éventuellement toute personne160
intéressée par le sort bien concerné. Si le principe du
contradictoire n'est pas respecté, la décision encourt la
nullité161.
Le législateur OHADA reconnait aussi au
juge-commissaire compétence pour se prononcer sur « le sort du
contrat au vu des observations du créancier, du débiteur et du
syndic saisi »162, allégeant ainsi les obligations
procédurales du créancier revendiquant.
Lorsque le juge-commissaire, statue sur la demande en
revendication, « son ordonnance est déposé sans délai
au greffe qui la communique au syndic et la notifie aux parties. La
décision est aussi communiquée sans délai au
Ministère Public »163 à la demande du
juge-commissaire. Mais il peut arriver que le juge ne se prononce pas dans les
huit (08) jours de saisine. Quelle attitude doit adopter le revendiquant? Sur
ce point, deux articles du nouvel Acte uniforme sur les procédures
collectives donnent des réponses différentes.
D'un côté, l'article 40 alinéa 1 dispose
que « si le juge-commissaire n'a pas statué dans le délai de
huit (08) jours à compter de sa saisine, sur les contestations et
revendications qui relèvent de sa compétence, le juge-commissaire
est réputé avoir rendu une décision de rejet ». En
d'autres termes, le silence du juge-commissaire doit être
interprété comme une décision implicite de rejet. Cette
disposition pourrait être désastreuse pour
160 C'est le cas lorsqu'un même bien est revendiqué
par d'autres personnes
161Cf, Le Corre-Broly E. et Le Corre P.-M.,
L'analyse jurisprudentielle de le demande en acquiescement de
revendication, D.2002, p 948.
162 Art.101-1 al.3AUPCAP nouveau
163 Art. Art.101-1 al.4 AUPCAP nouveau
le créancier revendiquant, qui perdrait sa garantie et
ainsi toute chance de récupérer le bien réservé. On
pourrait comme l'exprime Eloie SOUPGUI164, penser qu'il s'agit
« d'un piège procédural » tendu au créancier
réservataire. Sur ce point la rigueur des textes à l'égard
du créancier revendiquant, est demeuré la même puisque
l'article 40 de la loi antérieure relative aux procédures
collectives, avait les mêmes dispositions.
De l'autre côté, l'article 101-2 alinéa 3
dispose que « si le juge-commissaire n'a pas statué à
l'expiration du délai visé à l'alinéa 4 de
l'article 101-1 ci-dessus, la juridiction compétente peut être
saisi dans les mêmes conditions, à la demande de l'une des parties
ou du Ministère public ». Cette disposition permet au
créancier de ne pas être pénalisé par le silence du
juge-commissaire. Elle s'avère plus souple pour le réservataire
que celle de l'article 40. Le législateur aurait-il omis de sursoir
à la disposition dudit article?
En tout état de cause, lorsque le juge-commissaire ne
reste pas silencieux et qu'il statue, ses décisions sont
immédiatement déposées au greffe qui les communique sans
délai à la juridiction compétente et les notifie aux
parties par lettre au porteur contre récépissé ou tout
autre moyen laissant trace écrite165.
L'ordonnance du juge commissaire est susceptible de recours.
Le créancier réservataire comme tout intéressé peut
faire opposition 166 contre cette ordonnance dans les huit (08)
jours qui suivent son dépôt ou sa notification ou suivant le
délai prévu à l'article 40 alinéa 1
précité. Pendant
164 SOUPGUI Eloie, « la protection du
créancier réservataire contre les difficultés de
l'entreprise dans l'espace juridique OHADA », penant n° 870,
janvier-mars 2010, p 75
165 Art.40 al.2 AUPCAP nouveau 166Art.40 al.3 AUPCAP
nouveau
54
55
56
ce même délai, la juridiction compétente
peut se saisir d'office en vu reformer ou d'annuler les décisions du
juge-commissaire167. La juridiction saisie, statue à la
première audience utile168.
La demande de revendication emporte de plein droit demande en
restitution169. Si elle est admise, le syndic et le débiteur
doivent procéder sans délai à la restitution du bien
réservé au réservataire. Mais dans certaines conditions,
le propriétaire peut être dispensé de l'exercice de
l'action en revendication.
Paragraphe 2: La dispense de la demande en
revendication
Cette dispense est une innovation du nouvel Acte uniforme
portant organisation des procédures collectives, qui prévoit en
son article 101-3 que le propriétaire peut demander la restitution de
son bien, sans procéder par une demande en revendication. Pour ce faire
il doit remplir certaines conditions (A) qui produisent leurs
effets à son égard (B).
A- Les conditions
« Le propriétaire d'un bien est dispensé de
faire connaitre son droit de propriété lorsque le contrat portant
sur ce bien a fait l'objet de publicité », dispose l'article 103-1
al.1 du nouvel Acte uniforme relatif aux procédures collectives.
Cette disposition est une innovation du droit OHADA des
procédures collectives d'autant plus que dans l'ancien texte, le
créancier réservataire ne pouvait faire connaitre son droit de
propriété que s'il engageait une action en revendication.
L'action en revendication était la seule voie à suivre s'il
voulait récupérer son bien. L'avènement du
167Idem
168Art.40 al.4 AUPCAP nouveau
169LAMY DROIT COMMERCIAL, op cit, n°3791
nouveau texte lui ouvre une deuxième voie en lui
accordant la possibilité d'être dispensé de l'action en
revendication. Il s'agit de la demande en restitution.
Pour se prévaloir de cette prérogative, le
créancier réservataire doit avoir fait la publicité du
contrat portant sur le bien réservé. Cette publicité doit
pour des raisons d'opposabilité intervenir avant le jugement d'ouverture
de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des
biens.
B- Les effets
Sur le plan procédural, le propriétaire qui
remplit les conditions requises, doit réclamer la restitution de son
bien au syndic. Sa demande est adressée au syndic par lettre au porteur
contre récépissé ou tout autre moyen laissant trace
écrite170. Suite à la demande qui lui est
adressée, le syndic « peut acquiescer »171. Cette
option lui permet de faire ou non droit à la demande du
réservataire. S'il acquiesce à la demande du propriétaire,
il doit tout mettre en oeuvre afin de lui restituer son bien.
À défaut d'accord du syndic dans le délai
de trente jours ou en cas de contestation de ses droits, le propriétaire
peut saisir le juge-commissaire pour statuer sur la restitution172.
Il a été prévu qu'à défaut de demande
préalable en restitution du créancier réservataire, le
juge-commissaire peut également être saisi à cette
même fin par le syndic. Cette dernière disposition sécurise
le créancier défaillant qui aurait omis de faire sa demande en
restitution.
170 Article 101-3 al.2 AUPCAP nouveau
171Idem
172 Article 101-3 al.3 AUPCAP nouveau
La demande en restitution tout comme celle en revendication
sont des procédures avantageuses pour le créancier
réservataire, qui pourra obtenir restitution de son bien.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Au terme de cette partie, il convient de retenir que le
législateur a pris des mesures importantes pour la protection du
créancier réservataire. De l'ancien droit des procédures
collectives qui reconnaissait au créancier réservataire son droit
de revendication en cas de défaillance de débiteur, à la
nouvelle qui consolide ce droit, on peut voir que le créancier
bénéficie d'une protection qui le fait primer sur les autres
créanciers du débiteur en difficulté.
En effet, sa clause de réserve de
propriété173 est désormais opposable à
la masse. Cette prérogative lui permet d'exercer son action en
revendication ou sa demande en restitution afin d'obtenir son bien ainsi de se
soustraire à la discipline collective imposé par le droit des
procédures collectives.
Au vu de ce qui précède, on pourrait
prétendre que le réservataire bénéficie d'une
protection totale. Cependant une analyse approfondie de cette protection montre
qu'elle comporte des failles, surtout dans sa mise en oeuvre.
173RIPERT G / ROBLOT R. par DELEBECQUE Philippe et
GERMAIN Michel, op.cit., p.1164
SECONDE PARTIE : UNE
PROTECTION FRAGILISEE DANS
SA MISE EN OEUVRE
57
58
L'ouverture d'une procédure collective, n'est plus un
obstacle à la réalisation de la garantie du créancier muni
d'une clause de réserve de propriété. Le créancier
réservataire bénéficie d'une protection spéciale
lui permettant de récupérer son bien par le biais du droit de
revendication qui lui est reconnu.
Si le législateur OHADA reconnaît au
créancier réservataire le droit de revendiquer son bien lorsque
son débiteur est en difficulté, il subordonne néanmoins
l'exercice de l'action en revendication à l'existence du bien dans le
patrimoine du débiteur à l'ouverture de la procédure.
Cette condition peut paralyser l'action du créancier.
En effet, rien n'empêche le débiteur de disposer
du bien réservé, de sorte que le bien réservé peut
ne plus se retrouver dans son patrimoine au moment où le
créancier réservataire exerce son action en revendication ou sa
demande en restitution. De plus, le bien réservé peut être
altéré ou modifié par le débiteur, rendant ainsi
difficile son individualisation. Ces situations constituent des obstacles
à la revendication du bien réservé (Chapitre
I) et à la revendication du prix de revente dudit bien
(Chapitre II).
59
CHAPITRE I : LES OBSTACLES A LA REVENDICATION
DUBIEN RESERVE DANS LE PATRIMOINE DU DEBITEUR
Le créancier réservataire, en vertu de son droit
de revendication, peut récupérer son bien, afin de le faire
échapper à la convoitise des autres créanciers. Cependant
cette revendication n'est possible que si le bien se trouve toujours dans le
patrimoine du débiteur au moment de la revendication. Ce qui n'est pas
évident. La difficulté du propriétaire réside dans
le fait qu'il doit, à la fois établir que le bien
réservé existe dans le patrimoine du débiteur en
difficulté (Section 1) et pouvoir l'identifier
(Section 2).
Section 1 : De l'existence du bien dans le patrimoine
du débiteur
La revendication du bien réservé implique que ce
bien puisse exister dans le patrimoine du débiteur. Pour
apprécier l'existence du bien, il faut se placer au jour du jugement
d'ouverture et non au moment de l'action en revendication174. La
non- existence du bien dans le patrimoine du débiteur était un
obstacle175 à la revendication du bien réservé.
L'existence du bien se révélait donc une question délicate
pour le créancier qui était susceptible de perdre son action. La
notion d'existence du bien réservé dans le patrimoine du
débiteur a évolué à la faveur des nouveaux textes
relatifs aux procédures collectives176. Le législateur
procède donc à l'élargissement du domaine du droit de
revendication du propriétaire (Paragraphe 1).
Cependant, cette évolution peut être source de contraintes pour le
réservataire (Paragraphe 2).
174
Cass. com., 15 mars 2005 n°03-20.332,
D.2005 p.641, obs. Lienbard A.
175 SOUPGUI Eloie, op. cit., p. 75
176 L'AUPCAP adopté le 15 septembre 2015 remplace l'AUPCAP
adopté le 10 avril 1998
60
Paragraphe 1 : De l'évolution la notion
d'« existence du bien réservé dans le patrimoine du
débiteur »
L'existence du bien réservé dans le patrimoine
du débiteur, est une condition sine qua non177
à sa revendication. Dans l'AUPCAP antérieur, le
législateur OHADA exigeait que les biens réservé, se
trouvent en « nature » dans le patrimoine du débiteur pour
pouvoir être revendiqués (A). Cette exigence
était très souvent difficile à respecter dans la mesure
où le bien réservé pouvait être modifié,
transformé ou incorporé par le débiteur. Pour y
remédier, le nouvel AUPCAP apporte dans son sillage des changements en
supprimant le terme « en nature »(B).
A- La notion d'existence du bien en « nature »
dans l'ancien droit des
procédures collectives
L'exigence de l'existence du bien réservé entre
les mains178 du débiteur, comme condition de revendication
des biens vendus avec une clause de réserve de propriété,
est posée par l'article 103 alinéa 3 de l'ancien AUPCAP. Ce texte
disposait que, le bien réservé ne peut faire l'objet de
revendication que, « s'il se retrouve en nature » dans le patrimoine
du débiteur en redressement judiciaire ou liquidation des biens. La
condition d'existence en nature suppose que le bien n'a subi aucune
altération. Il doit demeurer dans l'état initial depuis le moment
de la vente jusqu'à la date du jugement d'ouverture. Ce qui pose
très souvent problème179 dans la mesure où la
condition d'existence du bien en nature peut être influencée par
une éventuelle altération du bien réservé.
177RIPERT G / ROBLOT R. par DELEBECQUE Philippe et
GERMAIN Michel, op. cit.,p.1167
178 Idem
179 SOUPGUI Eloie, op. cit.,p.76
61
En effet, il est possible qu'entre les mains du
débiteur, le bien dont la restitution est demandée ait subi une
altération tellement grave que toute remise matérielle du bien
réservé au propriétaire devient compromise180.
Or, la condition d'existence en nature exige que les biens revendiqués
n'aient été ni transformés ni incorporés. Toutefois
de légères atteintes, comme l'usure181 ou une petite
amélioration182, sont tolérées et n'influent
pas sur la condition d'existence en nature du bien. La revendication reste
alors possible tant qu'une modification substantielle n'est pas
constatée. Sur ce point, une cour d'appel a relevé que les
alevins, livrés entre dix mois et quelques jours avant l'ouverture de la
procédure collective, ont pris du poids, sans que cette prise de poids
en ait modifié la substance. L'arrêt a relevé encore que le
cycle de maturation d'un alevin est de l'ordre de dix-huit à
vingt-quatre mois et qu'une daurade est commercialisable au poids de 220
grammes, correspondant à dix-huit mois environ de maturation. Par
conséquent cette transformation ne faisait pas obstacle à
l'action en revendication de l'entreprise bénéficiant d'une
clause de réserve de propriété183.
L'incorporation ou la transformation du bien empêchait
sa revendication. Le droit de revendication du créancier était
donc subordonné à l'existence du bien en nature. Cette situation
a conduit certains auteurs à qualifier la réserve de
propriété d'un « billet de loterie gratuit
»184. Le créancier réservataire était
gagnant quand il retrouvait ses biens en nature dans les locaux de son
débiteur, ou dans d'autres lieux,
180
Cass. com. 22 mars 1994 (ne sont plus
considérés comme présents en natures des boeufs
livrés sur pied, abattus puis découpés par
l'acquéreur), bull. civ. IV ,n°121
181
Cass. com. 29 janvier 1991, Rev. Poc.
coll. 1991 n°2p. 255,
obs. B. SIONNE.
182Cass. Com. 17 mai 1988, bull. civ. IV ,n°166
183Com. 11 juin 2014, no 12-28.761, D. 2014. Actu.
1325
184 CABRILLAC (M.) et MOULY (C.), cité par SOUPGUI Eloie,
in, op. cit.,p.78
62
détenus par son représentant
légal185, le cas échéant il était
perdant. L'exigence d'identité du bien réservé pouvait
donc vouer à l'échec la revendication du réservataire.
Le noeud du problème186 étant
déterminé, le législateur OHADA a essayé d'y
remédier. La nouvelle législation du droit des procédures
collectives ne fait plus état du terme « en nature
»187 qui a été supprimé. Cette
évolution de la loi, vise à rendre plus pratique le droit de
revendication du propriétaire.
B- La notion d'existence du bien réservé
dans les nouveaux textes relatifs aux procédures collectives
Le nouveau droit des procédures collectives
élargit le champ de revendication du créancier
réservataire en faisant référence à l'AUS pour la
revendication des biens réservés. Ainsi l'article 103
alinéa 3 dispose que « peuvent également être
revendiqués les marchandises et objets mobiliers faisant l'objet d'une
clause de réserve selon les conditions et avec les effets prévus
par l'Acte uniforme portant organisation des sûretés ».
Désormais, en vertu de l'AUS il est permis au
créancier réservataire de revendiquer le bien
réservé incorporé et aussi les biens fongibles.
En ce qui concerne les biens incorporés, l'AUS
prévoit en son article 76 alinéa 1 que « l'incorporation
d'un meuble faisant l'objet d'une réserve de propriété
à un autre bien ne fait pas obstacle aux droits du créancier
185Com. 10 mai 2012, no 11-17.626, V.
Répertoire de droit commercial, D. 2015
186 L'existence du bien réservé « en nature
» dans le patrimoine du débiteur.
187 AUPCAP nouveau, art.103 al.4
63
64
lorsque ces biens peuvent être séparés
sans subir de dommage ». Cette disposition renforce le droit du
créancier réservataire.
L'incorporation n'est donc plus, en principe, un obstacle
à l'exercice de son droit de revendication. Le réservataire doit
rapporter la preuve qu'au jour du jugement d'ouverture188, son bien
existe dans le patrimoine du débiteur et qu'il est incorporé
à un autre bien. La condition est que les deux biens puissent être
dissociés sans dommage pour l'un comme pour l'autre. La loi n'est
cependant pas précise sur que l'on doit comprendre par le terme «
dommage ». Une interprétation très large du terme est
à éviter. Car, la dissociation de certains meubles cause
forcement de petits dommages aux biens auxquels ils sont
rattachés189. C'est le cas par exemple d'un moteur
monté dans un véhicule190. Le critère semble
être une altération matérielle marquée du bien
réservé191.
Qu'en est-il, si le bien réservé a
été attaché par le débiteur à
perpétuelle demeure, de sorte à devenir immeuble par destination
? Le créancier pourra-t-il valablement le revendiquer ? La jurisprudence
donnait une réponse négative jusqu'à un récent
arrêt de la cour de cassation française.
En effet, dans un arrêt de la cour de cassation
française192, une société mise en redressement
judiciaire avait au préalable acheté des éléments
de cuisine professionnelle pour l'exploitation de son restaurant,
188REINHARD DAMMANN, BENJAMIN GALLO, La notion
d'existence « en nature » en matière de revendication de biens
meubles, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 45, 6
Novembre 2014,1562, p.25
189 LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit., n°3773
190REINHARD DAMMANN, BENJAMIN GALLO, op. cit., p.
26
191F. PEROCHON, in, REINHARD DAMMANN,
BENJAMIN GALLO, op. cit., p. 26
192Cass. com., 10
mars 2015, pourvoi n° 13-23.424, commentaire de JULIETTE
SENECHAL, in, Revue Trimestrielle de Droit Immobilier / RTDI N° 2
- 2015, p.50
éléments dont le prix n'avait été
que partiellement payé. Le vendeur (réservataire) avait, de ce
fait, revendiqué lesdits éléments dès lors que
ceux-ci avaient été vendus avec réserve de
propriété. La cour d'appel avait fait droit à cette
demande et l'avait autorisé à récupérer les biens
réservés.
Cependant, l'acquéreur (le débiteur) dans son
pourvoi reprochait à la cour d'appel d'avoir violé les articles
524 du code civil193 et L. 62416194 du code de commerce
relatif à la clause de réserve de propriété en
procédure collective qui dispose que « l'incorporation d'un meuble
faisant l'objet d'une réserve de propriété à un
autre bien ne fait pas obstacle au droit du créancier lorsque ces biens
peuvent être séparés sans subir de dommage ».
En effet, selon l'auteur du pourvoi, les matériels
revendiqués portaient sur des éléments de cuisine
professionnelle affectés à l'exploitation commerciale du
restaurant. Des lors, ces éléments devaient perdre la
qualification de meubles au profit de celle d'immeubles par destination. Cette
nouvelle qualification, selon l'auteur du pourvoi, permettait alors de faire
échec à l'action en revendication du vendeur, dès lors que
celle-ci n'est admise que pour des meubles et non des immeubles. Mais, cette
argumentation ne réussit pas à convaincre la cour de cassation
qui rejette le pourvoi en refusant l'inclusion de la notion d'immeuble par
destination dans le champ d'application de la revendication.
L'élargissement du champ d'application de l'action en
revendication du réservataire soulage ce dernier dans les
procédures collectives de son
193 Cet article fait référence aux immeubles par
destination
194Cet article du code de commerce français est
l'équivalent de l'article 76 alinéa 1 de l'AUS
65
débiteur. Mais, ces changements apportés par les
nouveaux textes ne sont pas sans risques.
Paragraphe 2 : Les contraintes de
l'évolution de la notion d'existence du bien réservé dans
les nouveaux textes relatifs aux procédures collectives
Les nouveaux textes relatifs aux procédures collectives
sont porteurs d'espoir pour le créancier réservataire. Les
obstacles qu'il rencontrait pendant la revendication de son bien semblent
s'être amoindris. Le champ d'application de la revendication qui
était restreint à l'existence du bien réservé«
en nature » s'est désormais étendu. Toutefois, la pratique
de ce nouveau droit pourrait être source de contraintes pour le
créancier réservataire tant en matière des biens
incorporés (A) que des biens transformés
(B).
A- Les biens incorporés
L'AUS auquel l'AUPCAP fait
référence195 en matière de revendication des
biens réservés pose le principe de la revendication des biens
incorporés. En effet, les biens incorporés peuvent être
restitué au propriétaire si leur dissociation ne cause pas de
dommages considérables196 au bien concerné ou meuble
dans lequel il est incorporé. Si la disposition est avantageuse pour le
propriétaire, sa condition de mise en oeuvre peut poser des
difficultés. En effet, l'utilisation de certains équipements
nécessite une solide implantation au sol ou une incorporation à
d'autres appareils. Ces biens sont attachés à perpétuelle
demeure formant avec le reste du matériel ou le fonds de commerce un
bloc indivisible. Dans ces
195 AUPCAP nouveau art.103 al.3
196 REINHARD DAMMANN, BENJAMIN GALLO, op. cit.,p.26
66
67
68
conditions, quelle attitude doit adopter le
propriétaire qui veut revendiquer son bien ?
L'article 76 AUS alinéa 2 répond en disposant
qu'à défaut d'une séparation du bien sans dommage, «
le tout appartient au propriétaire de la chose qui forme la partie
principale, à charge pour lui de payer à l'autre la valeur,
estimée à la date du paiement, de la chose qui y a
été unie ». Cette solution du législateur OHADA ne
pose pas de problème quand la partie principale appartient au
débiteur. Le débiteur ou le syndic doit procéder au
paiement du créancier. Toutefois, des difficultés peuvent
naître lorsque la partie principale des biens incorporés
appartient au réservataire ou à un tiers.
Lorsque la partie principale des biens incorporés
appartient au créancier réservataire, il pourra certes
récupérer son bien mais il devra payer au débiteur la
partie secondaire. Il se retrouve donc à être contraint à
verser une somme d'argent ou à garder un bien qui peut ne pas lui
être utile.
De plus, une question qui se pose, est de déterminer la
faisabilité de cette transaction pendant la procédure collective
du débiteur. Le syndic qui doit veiller à l'égalité
entre les créanciers197 réunis dans la masse
permettra-t-il au créancier réservataire de
récupérer plus que ce qui lui est dû ? En principe, c'est
ce que les textes proposent, quitte au réservataire de payer à
l'autre le surplus. La situation peut devenir critique quand le
réservataire n'a pas de liquidité disponible pour payer. Dans ce
cas, lui sera-t-il permis de payer en fonction d'un échéancier ?
Autant de questions
197SAWADOGO FILIGA Michel, OHADA, Droit des
entreprises en difficulté, édition Bruylant, Bruxelles 2002,
p.5
qui traduisent les difficultés que le créancier
réservataire peut rencontrer du fait de l'incorporation de son bien
à un autre bien.
Une autre difficulté peut apparaître, lorsque la
partie principale du bien appartient à une personne autre que le
débiteur c'est-à-dire un tiers et que ce dernier a
déjà payé le bien au débiteur. Le créancier
est ainsi exposé aux risques de perte de sa garantie. Quid les biens
transformés ?
B- Les biens transformés
En se dessaisissant de son bien, un propriétaire ne
prend pas seulement le risque de voir son bien incorporé, il l'expose
aussi à une transformation suffisamment grave, empêchant ainsi sa
revendication. La question de la transformation des biens
réservés est une réalité à laquelle le
créancier réservataire doit faire face lorsqu'il désire
que son bien lui soit restitué.
La transformation résulte d'une modification
substantielle du bien. Le bien ne se trouve plus dans son état initial,
non en raison de son incorporation mais du fait d'un changement inhérent
au bien ou émanant de l'utilisation fait par le débiteur. Le
nouvel acte uniforme relatif aux procédures collectives ne
prévoit pas la situation des biens réservés
transformés. L'AUS auquel il renvoie en matière de revendication
des biens objet de réserve de propriété, n'en fait pas non
plus cas.
Ce silence des textes peut être compréhensible,
la transformation des biens réservés étant délicate
à déterminer et à définir. En effet, il s'agit
très souvent de cas d'espèces198 tel que : le tissu
transformé en vêtement,
198REINHARD DAMMANN, BENJAMIN GALLO, op.
cit.,p.25
de caoutchouc transformé en pneumatique. C'est la
raison pour laquelle, elle est organisée par la jurisprudence qui y est
abondante199.
En matière de revendication des biens
transformés, la jurisprudence est formelle, « la revendication
n'est pas possible en cas de transformation matérielle qui lui fait
perdre sa nature c'est-à-dire lorsque ses caractères et ses
propriétés ont été
modifiés»200. Qu'en est-il lorsque la transformation du
bien réservé est partielle? Ou encore lorsque la transformation
résulte d'une évolution normale de la chose vendue avec
réserve de propriété ?
Cette problématique a été posée
pour la première fois, semble-t-il, en 1984, à la Cour d'Appel de
Rennes au sujet de la revendication de poussins « d'un jour » et de
poulettes dites « démarrées »201. La Cour a
refusé la revendication des poussins « d'un jour », qui ont
été élevés par l'acheteur pendant plusieurs
semaines. Elle a considéré qu'il y a eu transformation desdits
poussins, même si cette transformation était conforme au processus
naturel de l'évolution de la vie. À l'inverse, la Cour d'Appel de
Rennes a admis la revendication de poulettes dites «
démarrées », car celles-ci étaient âgées
de vingt-et-une semaines au moment de la livraison. La Cour a
considéré que qu'il y avait eu une simple croissance desdites
poulettes qui n'a pas changé sa nature.
Par la suite, la jurisprudence s'est montrée plus
libérale en faveur du créancier revendiquant202.
Ainsi, un viticulteur, qui avait livré des raisins à
199Com. 22 mars 1994, no 92-11.223 ;
Cass. com., 27 mai 1986, n° 85-10.956
: Bull. civ. 1986, IV, n° 102.- CA Toulouse, 27 nov.1984 : D. 1985, inf.
rap., p. 185, note J. Mestre ;
Cass. com., 22 mars 1994, n°
92-11.223 : Bull. civ. 1994, IV, n° 121 ; D. 1996, p. 219, obs. F.
Pérochon ; V. aussiRev. proc. coll. 1995, p. 206, obs. B. Soinne, V.
REINHARD DAMMANN, BENJAMIN GALLO, op. cit.,p.25
200Com. 22 mars 1994, no 92-11.223, V. ibid.
201CA Rennes, 12 sept. 1984 : D. 1986, inf. rap., p.
169, obs. F. Derrida
202F. Pérochon, Entreprises en
difficulté : LDGJ, 9e éd., 2012, n° 1426
69
70
une coopérative, a pu les revendiquer sous forme de vin
en fin de vinification. La Cour de cassation française
considérait que « l'incorporation des moûts les uns aux
autres et le processus d'évolution et de vinification des
récoltes apportées n'avaient pas transformé leur substance
»203.
Un arrêt récent de la chambre commerciale de la
Cour de cassation française204 s'inscrit dans le prolongement
de cette jurisprudence. En l'espèce, les alevins livrés, puis
revendiqués, ont été transformés en poissons de
poids plus importants par engraissement.
En effet, livrés en l'état de larves, ils ont
acquis, au jour de l'ouverture de la procédure collective, un poids
moyen de 292,21 grammes. Or un alevin peut être considéré
comme ayant été transformé en une daurade royale
commercialisable à partir d'un poids de 220 grammes. La Cour
après avoir relevé que « le cycle de maturation d'un alevin
est de l'ordre de dix-huit à vingt-quatre mois et qu'une daurade est
commercialisable au poids de 220 grammes, correspondant à dix-huit mois
environ de maturation », retient que « les alevins livrés
entre dix mois et quelques jours avant l'ouverture de la procédure
collective, ont pris du poids, sans que cette prise de poids, en ait
modifié la substance ».
Etant entendu que l'exigence de l'existence du bien en nature
a été supprimé par le législateur communautaire,
peut-on en conclure que cela conduirait à la revendication des biens
transformés? Si l'on se base sur le fait que, le droit OHADA ne fait
plus obligation au propriétaire de
203Cass. com., 11
juill. 2006, n° 05-13.103
204
Cass. com., 11 juin 2014, n°
13-14.844, P+B, Sté Aquanord c/ Sté Ferme marine du Douhet :
JurisData n° 2014-012799
retrouver son bien « en nature » dans le patrimoine
du débiteur avant de le revendiquer, la réponse doit être
affirmative. Mais, cette affirmation pourrait entrainer d'autres
conséquences importantes pour le débiteur défaillant.
L'interprétation que les juges communautaires feront en la
matière permettra certainement une meilleure compréhension de ces
dispositions.
Pour récupérer son bien, le revendiquant ne doit
pas seulement établir que ce bien existe dans le patrimoine du
débiteur, il doit l'identifier.
Section 2: De l'identification du bien
réservé dans le patrimoine du débiteur
L'identification du bien réservé est une
étape importante pour le propriétaire. Il s'agit pour lui de
reconnaître son bien parmi les biens du débiteur. Cette
épreuve peut être facile s'il arrive à individualiser son
bien (Paragraphe 1) sans trop de difficultés. Les
choses se compliquent lorsque ce bien est devenu une chose fongible dans le
patrimoine de son débiteur. Comment reconnaître et identifier son
bien parmi des biens fongibles ? C'est ce à quoi le réservataire
doit faire face. La problématique des biens fongibles
(Paragraphe 2) est toujours d'actualité même
s'ils ne font plus obstacle205 à la revendication du
propriétaire dans les procédures collectives.
Paragraphe 1: De l'individualisation des biens
réservés
Pour pouvoir revendiquer ou demander la restitution de son
bien, le propriétaire doit pouvoir reconnaître son bien parmi les
autres biens présents dans le patrimoine du débiteur en
difficulté. Sa tâche devient
205SOUPGUI Eloie,op. cit.,p.77
71
facile206 s'il a été établi un
inventaire des biens du débiteur par le syndic
(A).L'établissement de l'inventaire doit permettre de
déterminer les biens se trouvant au jour du jugement d'ouverture dans le
patrimoine du débiteur. L'absence d'inventaire (B)
rendrait donc certainement plus difficile l'identification.
A- La nécessité d'un inventaire
L'inventaire consiste en général à faire
une liste exhaustive des biens contenus dans le patrimoine du débiteur.
Pour le créancier réservataire, cet inventaire lui permettra de
faire la preuve de l'existence de son bien entre les mains du débiteur.
En droit commun, en application de la règle actori incumbit
probatio207, c'est en principe, le revendiquant qui supporte la
charge de la preuve de l'existence du bien livré avec clause de
réserve de propriété.
Cependant, en droit des procédures collectives,
l'AUPCAP rend l'inventaire obligatoire208. Le débiteur doit
remettre à la personne désignée pour dresser l'inventaire
la liste de tous les biens qu'il détient, de sorte que la charge de la
preuve devrait dépendre de l'existence ou non d'un inventaire. Cette
répartition de la charge de la preuve est parfaitement
compréhensible et doit s'appliquer en cas de livraison d'un corps
certain individualisé.
Ainsi, le caractère obligatoire de l'inventaire
dressé à l'ouverture de la procédure, est de nature
à faciliter la tâche du revendiquant. Car, ce
206Pierre-Michel Le Corre, in, REINHARD
DAMMANN, BENJAMIN GALLO, op. cit.,p.27 207« La charge de la
preuve incombe au demandeur »
208 Article 63 AUPCAP nouveau
72
dernier n'a plus à établir que le bien
revendiqué existait au jour de l'ouverture de la procédure
dès lors que celui-ci figure à l'inventaire209.
Sur le plan procédural, c'est le syndic qui est
chargé de faire l'inventaire. Dès la décision d'ouverture
de la procédure collective du débiteur, en présence du
débiteur ou de ses héritiers210 ou du ministère
public, il dresse la liste des biens de ce dernier ainsi que les
sûretés qui les grèvent211. Le syndic peut, sur
autorisation du juge-commissaire, se faire assister par toute personne qu'il
juge utile pour établir l'inventaire et réaliser la prisée
des biens212. Il revient au débiteur de remettre au syndic la
liste213 de ses créanciers indiquant le montant de leurs
créances, leurs noms et adresses, et la liste des contrats en cours. Il
l'informe des procédures judiciaires en cours auxquelles il est
partie214.
Pendant qu'il est procédé à l'inventaire,
il y a lieu de prendre en compte des objets mobiliers ayant
échappé à l'apposition des scellés ou ayant
été extraits de ceux-ci215.Les marchandises
placées sous sujétion douanière font l'objet, si le syndic
en a connaissance, d'une mention spéciale. L'inventaire est
dressé en double exemplaire : l'un est immédiatement
déposé au greffe de la juridiction compétente, l'autre
reste entre les mains du syndic216.
209 LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit., n°3733
210 Celui-ci ou ses héritiers doivent être
dûment appelés par lettre au porteur contre
récépissé ou tout autre moyen laissant trace
écrite, cf., Art. 63 al.1 AUPCAP nouveau
211 Art. 63 al.1 AUPCAP nouveau
212 Art. 63 al.6, ibid.
213Ce point mérite qu'on s'y attarde. En
effet, des difficultés pourraient subvenir, si le débiteur
décide de donner une liste erronée au syndic. Le syndic dispose
dans les faits de peu de prérogatives pour découvrir les biens
que le débiteur ne serait pas disposé à laisser
appréhender par des tiers, si bien que l'inventaire peut se
révéler très souvent décevant. L'efficacité
de l'inventaire serait donc tributaire du bon vouloir de débiteur et de
sa bonne foi.
214 Art. 63 al.3, ibid.
215 Art. 63 al.4, ibid.
216 Art. 63 al.10, ibid.
73
74
S'il est régulièrement établi,
l'inventaire doit permettre de connaître tous les biens du
débiteur en particulier ceux qui sont grevés d'une réserve
de propriété. L'inventaire est donc une opération
importante pour le créancier réservataire car il conditionne la
suite de la procédure à son égard. Son absence ne serait
donc pas souhaitable.
B- L'absence de l'inventaire
L'inventaire est bénéfique pour le
réservataire. Il facilite
l'indentification de son bien. C'est pourquoi dès
l'ouverture de la procédure collective, le syndic, aidé par le
débiteur, doit procéder à l'inventaire. Cet inventaire met
en lumière tous les biens dont le débiteur est le
détenteur précaire217. L'absence d'inventaire rendrait
donc difficile la preuve de l'existence du bien du créancier, par
conséquent son action en revendication.
Le législateur OHADA a remédié à
cet état de fait dans ses dispositions relatives au droit des
procédures collectives. Désormais, « l'absence d'inventaire
ne fait pas obstacle à l'exercice des actions en revendication ou en
restitution»218. Cette disposition protège le
créancier contre la négligence du syndic ou du débiteur.
Il appartiendra donc à ces derniers de prouver que le bien
réservé n'existe pas dans les locaux du débiteur. C'est le
principe qu'a retenu la cour de cassation quand elle indique que « la
charge de prouver que les biens revendiqués, restés en la
possession du débiteur lors du redressement judiciaire et de
l'exécution du plan de continuation, n'existaient plus en nature au jour
du prononcé de la liquidation judiciaire, incombait au liquidateur,
représentant la société
217Marc Sénéchal, « L'effet
réel de la procédure collective: Essai sur la saisie collective
d'un gage commun des créanciers »,Bibliothèque de droit
de l'entreprise, F.N.D.E., LITEC 2002, p. 44
218Art.63 al. dernier
débitrice, en l'absence de réalisation de la
formalité obligatoire de l'inventaire»219. Un tel
renversement de la charge de la preuve est très favorable pour le
créancier revendiquant car les organes de la procédure doivent
alors prouver un fait négatif220, ce qui est, par principe,
difficile.
Il faut noter toutefois que même si l'absence
d'inventaire ne présente pas un danger majeur pour le créancier
réservataire, des contraintes surviennent souvent en dépit de
l'inventaire. C'est le cas où il y a un inventaire mais le bien du
créancier est difficile à identifier parce qu'il est une chose de
genre. Comment individualiser son bien parmi les autres biens de même
nature ?
Paragraphe 2 : La problématique des biens
fongibles
L'identification du bien est nécessairement requise en
matière de revendication car le propriétaire s'appuie sur un
droit réel dont la caractéristique est d'avoir un effet direct et
immédiat sur la chose221. La revendication peut
s'avérer délicate pour le propriétaire d'une chose de
genre. La situation du bien fongible a considérablement
évolué dans la procédure collective. Pour mieux cerner
cette évolution, il convient de voir d'abord, la situation
antérieure des biens fongibles dans les procédures
collectives(A), ensuite sa situation actuelle
(B).
A- La situation antérieure des biens fongibles
Selon la Cour de Cassation, les biens sont fongibles
lorsqu'ils sont interchangeables en raison de leur identité, nature,
origine, conditionnement ou marque. Du fait de leur difficile
individualisation, les
219
Cass. com., 1er déc. 2009, n°
08-13.187 : Bull. civ. 2009, IV, n° 156 ; RLDC 2010, n° 68 s., obs.
J.-J. Ansault ; D. 2010, p. 12, obs. A. Lienhard ; RTD civ. 2010, p. 361, obs.
P. Crocq
220 REINHARD DAMMANN, BENJAMIN GALLO, op. cit.,p.28
221Marc Sénéchal, op. cit., p. 51
75
biens fongibles constituaient un obstacle à la
revendication222. On considérait alors que la remise d'une
chose fongible entraînait la disparition de la propriété du
remettant.
La fongibilité du bien modifiait la nature juridique de
l'action du propriétaire: il ne disposait plus d'une action
réelle, mais plutôt d'une action personnelle. Par
conséquent, en cas de faillite du débiteur, ce dernier
n'était qu'un simple créancier chirographaire soumis à la
loi de concours. Le propriétaire dont le bien réservé
était une chose de genre ne pouvait donc bénéficier du
privilège que pouvait lui offrir la réserve de
propriété. En cas de défaillance du débiteur, il
perdait sa garantie et devait juste déclarer sa créance. A part
quelques cas isolés, par exemple, des valeurs mobilières relevant
d'une même série d'émission223, le
législateur n'admettait pas la revendication des biens fongibles, de
sorte que, même si le bien était identifié, la clause de
réserve de propriété était inopposable à la
masse en cas de procédures collectives.
Cette situation était très difficile pour le
créancier réservataire qui perdait sa garantie et pouvait aussi
ne pas obtenir paiement si la procédure collective se clôturait
pour insuffisance d'actif. Les législations contemporaines ont pris en
compte cette difficulté du créancier muni d'une clause de
réserve de propriété et ont essayé d'y
remédier.
B- La situation actuelle des biens fongibles
Désormais, fongibilité, individualisation et
revendication sont compatibles224 dans les procédures
collectives. Le législateur OHADA a renforcé la protection du
créancier réservataire à ce niveau. La
fongibilité
222 LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit., n°3774
223 Idem
224Marc Sénéchal, op. cit.,
p.51
76
étant opposable à la masse, le revendiquant peut
valablement porter sur un bien fongible.
L'AUS dispose à cet effet que « la
propriété réservée d'un bien fongible peut
s'exercer, à concurrence de la créance restant due, sur des biens
de même espèce et de même qualité détenus par
le débiteur ou pour son compte »225.
L'opposabilité de la fongibilité à la procédure
collective est une innovation importante du législateur. Elle permet de
protéger davantage le réservataire. La jurisprudence en la
matière est abondante226 consolidant ainsi les
intérêts du propriétaire.
Cependant, le fait que l'action en revendication du
réservataire puisse porter sur n'importe quel bien du débiteur
peut soulever d'autres difficultés. C'est le cas lorsqu'une
pluralité de réservataires revendique le même bien
fongible. Lequel d'entre eux sera reconnu le véritable
propriétaire du bien ? Doit-t-on procéder par critère
d'antériorité, étant entendu que le plus ancien
créancier n'est pas forcément le véritable
propriétaire du bien.
Ces questions démontrent, que même si le
législateur OHADA a pris des mesures importantes afin que la
revendication des biens fongibles soit opposable à la masse, il n'en
demeure pas moins qu'elle n'est pas toujours aisée. Leur
individualisation demeure un problème difficile à
résoudre227.
225 Art. 75
226Com. 5 mars 2002, Bull. civ. IV, no 48, D. 2002,
AJ 1139, obs. A. Lienhard; CA Rouen, 4 avr. 1996, RJDA 1996, no 1543 ; CA
Paris, 26 juin 1998, D. 2000, somm. 69, obs. D. Mainguy ; CA Paris, 3 avr.
1998, D. 2000, somm. 69, obs. D. Mainguy, V. LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit.,
n°3774
227LAMY DROIT COMMERCIAL, op. cit.,
n°3775
77
CHAPITRE II : L'INCIDENCE DE LA REVENTE DU BIEN
RESERVE SUR LE DROIT DE REVENDICATION DU CREANCIER RESERVATAIRE
Dans la procédure collective de son débiteur, la
clause de réserve de propriété est la principale garantie
du propriétaire du bien réservé. A défaut d'obtenir
son paiement, il espère pouvoir reprendre ses biens, à la suite
d'une action en revendication ou d'une demande de restitution228.
En revanche, le bénéficiaire de la clause se
trouve dans l'impossibilité de revendiquer les biens s'il en a perdu la
propriété du fait de leur revente à un tiers de bonne foi
qui en est devenu propriétaire en application de l'article 2279 du code
civil. Mais, dans cette hypothèse, en pratique fréquente, il
résulte de l'article 78 de l'AUS qu'il peut revendiquer «la
créance du débiteur à l'égard du
sous-acquéreur lorsque le bien est vendu». Si cette revendication
du prix de revente aboutit, elle place le réservataire dans une
situation très avantageuse par rapport aux autres créanciers de
la procédure collective229.
Cependant, le report du droit du réservataire sur le
prix de revente bien réservé, le confronte à des questions
propres à ce nouvel objet. Sien vertu de la subrogation réelle,
il est créancier du sous-acquéreur, il n'en demeure pas moins que
celui-ci n'a de relations d'affaires qu'avec son fournisseur,
l'acheteur-revendeur du bien réservé. Cette situation n'est pas
sans incidence sur le droit du réservataire. La revendication de la
créance du prix de revente du bien réservé peut donc
s'avérer difficile pour le réservataire. La gravité de la
difficulté varie selon que le sous-acquéreur
228Le propriétaire d'un bien est en effet
dispensé de faire reconnaître son droit de propriété
lorsque le contrat portant sur ce bien a été publié
(Art.101-1 AUPCAP nouveau).
229Marc Sénéchal,op. cit.,
p.68
78
est in bonis230(Section
1) ou qu'il se trouve en procédure collective (Section
2).
Section 1 : La difficile mise en oeuvre de la
revendication du prix chez le sous-acquéreur in
bonis
Par la revente du bien réservé par le
débiteur, le réservataire est subrogé dans les droits ce
dernier. Le sous-acquéreur ne saurait valablement évoquer
à son égard les exceptions qu'il aurait soulevées contre
l'acheteur-revendeur231.
L'inopposabilité des exceptions du
sous-acquéreur relève de la volonté légitime du
législateur de préserver la situation d'exclusivité du
réservataire. Cependant, cette protection se trouve très souvent
fragilisée dans la pratique, en raison des difficultés de
recouvrement de la créance auxquelles le réservataire doit faire
face (Paragraphe 1). D'autres contraintes se
révèlent lorsque le sous-acquéreur bénéficie
d'une sûreté grevant le bien initialement vendu avec une clause de
réserve de propriété à l'acheteur-revendeur
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les difficultés dues aux
modalités de recouvrement de la créance du prix de
revente
La bonne foi du sous-acquéreur fait obstacle à
la revendication du bien réservé par le créancier
réservataire. En revanche, il lui est permis de revendiquer le prix de
revente de ce bien232. Cette solution résultait de l'ancien
AUPCAP qui prévoyait en son article 103 alinéa 4 qu'« en cas
d'aliénation de ces marchandises et objets mobiliers, peut être
revendiqué,
230 Idem
231 Carole SOUWEINE, op. cit., p.2621
232Idem
79
contre le sous-acquéreur, le prix ou la partie du prix
dû si celui-ci n'a été payé ni en valeur, ni
compensé en compte courant entre le débiteur et le
sous-acquéreur ». Cet article posait les conditions dans lesquelles
la revendication du réservataire était impossible.
Le nouvel AUPCAP par contre, ne reprend plus les conditions
sus-évoquées. L'AUS de son côté, se contente juste
de dire qu'en cas de revente du bien réservé, le
réservataire a droit au prix de revente qui devait revenir au
débiteur. Qu'en est-il si le prix a déjà été
payé ou compensé par le sous-acquéreur ? Comment
interpréter ce silence du législateur OHADA ? S'agit-il d'un
oubli, ou ce silence traduit que le sous-acquéreur qui a
déjà valablement payé doit le faire deux fois? Opter pour
la thèse de l'oubli est la meilleure des solutions pour le
sous-acquéreur. Le cas échéant, ce dernier, qui ne peut
déjà pas soulever les exceptions qu'il aurait normalement
soulevées dans son contrat avec son débiteur, serait
sévèrement désavantagé.
En tout état de cause, si le législateur OHADA
reste silencieux sur la question, la jurisprudence en la matière est
abondante233, et cette dernière s'aligne sur la thèse
de l'ancien AUPCAP. L'on ne saurait occulter l'hypothèse des paiements
effectués par le sous-acquéreur, car, il est admis que, de la
même façon qu'il n'est pas interdit à l'acheteur de
transformer les marchandises, ce qui prive pourtant le réservataire de
la possibilité de les revendiquer, il ne lui est pas interdit
d'encaisser la créance de leur prix de revente234. Ces
paiements pourraient altérer la situation du réservataire et
faire ainsi obstacle à son droit. Ces difficultés
résultent souvent de la date
233Com. 17 mars 1998, Bull. civ. IV, no 108, JCP E
1998, p. 1398, no 13, obs. Ph. Pétel, Dalloz Affaires 1998. 803, obs.
V.-A. R., D. 2000, somm. 75, obs. D. Mainguy,in,Carole SOUWEINE, op.
cit., p.2621
234M. Cabrillac et B. Teyssié, obs. RTD com.
1988. 267, n° 9, ibid.
80
du paiement effectué par le sous-acquéreur
(A). En outre le réservataire pourrait se retrouver en
conflit avec d'autres créanciers de l'acheteur-revendeur sur la
même créance (B).
A- La date du paiement effectué par le
sous-acquéreur
Le paiement effectué par le sous-acquéreur peut
avoir des incidences plus ou moins grave, selon qu'il soit intervenu avant ou
après la date du jugement d'ouverture de l'acheteur-revendeur. Cette
solution ne résulte pas expressément de la loi, mais étant
donné que par l'effet de la subrogation réelle, la créance
est subrogée au bien réservé, elle jouit du même
régime juridique que ce dernier dans les procédures
collectives235. Le point de départ de la revendication ou de
la demande en restitution est le jugement d'ouverture de la procédure
collective.
La distinction entre paiements effectués avant et
après le prononcé de la procédure collective de
l'acheteur-revendeur se comprend aisément. D'une part, le jugement
d'ouverture cristallise la situation des créanciers, qu'ils soient
chirographaires ou titulaires de sûretés, ce qui est le cas du
bénéficiaire d'une clause de réserve de
propriété. D'autre part, c'est à la date du jugement
d'ouverture que les conditions de la revendication doivent s'apprécier,
qu'elles portent sur les biens vendus ou sur la créance du prix de
revente.
Si le prix a été versé à
l'acquéreur avant la date d'ouverture de la procédure collective,
la revendication n'est pas possible236. L'action du créancier
réservataire ne pourra pas aboutir parce qu'elle n'aura pas
235 Laurent SAENKO, op. cit., p.25
236 Carole SOUWEINE, op. cit.,p.2622
81
d'objet. Le paiement effectué par le
sous-acquéreur aura donc pour conséquence de faire perdre au
créancier sa garantie. A l'ouverture de la procédure collective
du débiteur, il ne sera admis qu'en tant que créancier
chirographaire.
Si donc le paiement n'a pas eu lieu avant l'ouverture, un
paiement a posteriori ne saurait remettre en question le droit à
revendication du réservataire237qui, en dehors de toute
concurrence des autres créanciers, doit pouvoir effectuer un
prélèvement dans l'actif de l'acheteur-revendeur. Cela signifie
que les sommes payées par le sous-acquéreur après
l'ouverture de la procédure doivent être versées par le
débiteur au mandataire judiciaire238. Le syndic remet alors
le prix versé au créancier revendiquant à concurrence de
sa créance. Cette solution peut se comprendre dans la mesure où
c'est le syndic qui est chargé du bon déroulement de la
procédure collective du débiteur239. A ce titre, il
assiste ou représente ce dernier et peut prendre des décisions
idoines pour le bon déroulement de la
procédure240.Ainsi, le paiement effectué par le
sous-acquéreur, ne constitue pas un grand danger pour le
réservataire qui peut obtenir cette créance des mains du
syndic.
Outre les cas susmentionnés, il peut arriver que le
bien n'ait pas été vendu au sous-acquéreur dans son
état initial. C'est l'hypothèse où le bien
réservé a été transformé avant sa revente.
Dans ce cas, le vendeur initial est-il fondé à revendiquer la
créance du prix de revente du bien réservé ?
237 C'est au vendeur exerçant l'action en revendication
de la créance du prix de revente qu'il appartient de prouver que le
paiement a été effectué après l'ouverture de la
procédure
collective. Com. 2 nov. 1993, Bull.
civ. IV, n° 375
238Com. 20 sept. 2005, Bull. civ. IV, no 177, D. 2005,
AJ 2445, obs. A. Lienhard
239 Art.43 AUPCA nouveau
240 Art.137 ibid.
82
De notre avis, la revendication du prix de revente
connaîtra le même dénouement que celle du bien
transformé.
Par ailleurs, le créancier réservataire peut ne
pas être le seul créancier du débiteur à revendiquer
la créance de prix.
B- Le concours des tiers
Pendant la revendication du prix de revente contre le
sous-acquéreur, le réservataire n'est pas à l'abri de
situations où des tiers revendiquent la même créance du
prix de revente du bien réservé. Le créancier titulaire
d'une réserve de propriété peut entrer en conflit avec un
autre créancier du débiteur auquel ce dernier a
cédé sa créance de prix sur le sous-acquéreur. Deux
hypothèses sont à distinguer :
La première est celle où, au jour de la
revendication, le cessionnaire de la créance n'a pas été
payé par le sous-acquéreur, mais le débiteur l'a
été par le cessionnaire. Dans ce cas, la revendication est
possible. En effet, la revendication s'exerce sur le prix qui se trouve
subrogé aux biens réservés, de sorte que le droit acquis
par le cessionnaire sur la créance ne peut faire échec à
la revendication241.
La seconde est celle où, au jour de la revendication,
le prix de revente des biens réservés a été
payé par le sous-acquéreur entre les mains du cessionnaire : dans
ce cas, il n'y a pas de revendication possible. Le réservataire ne peut
donc plus obtenir paiement du sous-acquéreur242, peu importe
que le paiement ait eu lieu avant ou après le jugement d'ouverture. Il
faut toutefois réserver le cas où le paiement a eu lieu
après le jugement
241 Com. 20 juin 1989, D. 1989. 431, note F. Pérochon,
JCP E 1990. 15668, n° 15, obs. M. Cabrillac, Banque 1989.760, note J.-L.
Rives-Lange.
242Com. 10 juill.2001, Bull. civ. IV, no131, 11
déc. 1990, Bull. civ. IV, no 322, JCP E 1991. I. 102, no 10, obs. M.
Cabrillac, Rev. proc. coll. 1991, no 2, p. 229, obs. B. Soinne.
83
d'ouverture de la procédure, le propriétaire
pouvant revendiquer le prix auprès du cessionnaire de la créance.
Il lui faut néanmoins prouver que le paiement a bien eu lieu
après le jugement ouvrant la procédure
collective243.
Le conflit avec les tiers risque de faire perdre au
créancier réservataire son droit à la créance du
prix de revente du bien réservé. Il doit donc user de prudence
pour espérer obtenir paiement. D'autres, conflits peuvent intervenir
lorsque le bien réservé a fait l'objet de sûreté en
faveur du sous-acquéreur.
Paragraphe 2 : De la constitution de
sûretés sur le bien réservé
Les relations entre le débiteur et le
sous-acquéreur impliquant le bien objet de clause de réserve de
propriété, ont très souvent des incidences graves sur le
droit du réservataire. L'acheteur-revendeur dans ses relations
d'affaires avec le sous-acquéreur peut lui consentir des
sûretés ou garanties. L'objet de ces sûretés et
garanties peut être le bien initialement vendu avec une clause de
réserve de propriété. Dans ces conditions, il pourrait
donc y avoir conflit entre le créancier réservataire qui
revendique le prix et le sous-acquéreur qui entend faire jouer sa
garantie. Ce conflit a pour conséquence de porter atteinte au droit du
propriétaire, surtout lorsque le sous-acquéreur
bénéficie d'un droit de rétention.
C'est l'hypothèse où le débiteur qui est
le l'acheteur-revendeur, dans ses relations d'affaires avec un tiers qui est le
sous-acquéreur, donne le bien initialement vendu avec une clause de
réserve de propriété à ce dernier pour garantir son
paiement. Le droit du réservataire pourra-t-il être
243 Com. 24 avr. 2007, no 06-10.599, Lexbase hebdo no 261, 23
mai 2007, N1642BBG, note E. Le Corre-Broly.
84
opposable au rétenteur ? Les textes en la
matière donnent une réponse négative.
En effet, l'AUS dispose en son article 67 alinéa1 que
« le créancier qui détient légitimement un bien
mobilier de son débiteur peut le retenir jusqu'au complet paiement de ce
qui lui est dû, indépendamment de toute autre
sûreté...».
Selon le professeur Pierre CROCQ, le droit de rétention
est une prérogative accordée par la loi à certains
créanciers de conserver un objet mobilier qui leur a été
remis en vue de l' exécution d'une prestation, et ce, jusqu'à ce
qu'ils soient payés des sommes qui peuvent leur être dues en vertu
du contrat à l'occasion de l'exécution duquel il est
exercé244. Ce contrat peut être attaché à
un gage avec dépossession245.
Lorsque le sous-acquéreur détient donc
légitimement le bien, il bénéficie d'un privilège
opposable aux créanciers qui ne peuvent faire valoir leurs droits sur la
chose tant qu'elle reste entre les mains de la personne qui exerce son droit de
rétention. Avec son droit, le rétenteur peut faire obstacle
à toute autre sûreté246. Cette disposition
s'applique aussi au droit de propriété du créancier
réservataire. Le sous-acquéreur qui est ici le créancier
rétenteur peut valablement opposer son droit de rétention au
véritable propriétaire247 qui est le créancier
réservataire. Cette
244 Pierre CROCQ,« Les sûretés
fondées sur une situation d'exclusivité et le projet de reforme
de l'acte uniforme sur les sûretés », Dossier,
bientôt un nouveau droit des sûretés dans l'OHADA, in Droit
et Patrimoine n°197, novembre 2010, p.79
245 Ibid., p.80
246 « Sous réserve de l'application de l'article 107
alinéa 2, du présent Acte uniforme » V. art 67 al.1
247 ADJITA AKRAWATI Shamsidine,« Le droit de
rétention comme sûreté en droit uniforme OHADA »,
Penant, n°844, juillet-septembre 2003, p.313
85
prérogative reconnue au droit de rétention ouvre
la brèche sur l'inefficacité de la réserve de
propriété en face d'une autre propriété
d'exclusion248.
Confronté au créancier rétenteur, le
réservataire perd son droit de revendication du prix et par
conséquence sa garantie à l'égard du
sous-acquéreur. Le réservataire devra se retourner contre son
débiteur pour obtenir paiement, ce qui pourrait être difficile si
ce dernier est en procédure collective. Dans ces conditions, il sera
considéré comme un créancier chirographaire.
La revendication du prix de revente à l'encontre du
sous-acquéreur in bonis présente des contraintes pour le
créancier réservataire. Son sort pourrait s'aggraver avec la
procédure collective du sous-acquéreur.
Section 2 : L'incidence de la procédure
collective du sous-acquéreur
La procédure collective du sous-acquéreur, est
une étape très difficile pour le créancier
réservataire. Si, pour la Cour de cassation, la revendication de la
créance du prix de revente donne lieu à une dualité
d'actions249, la nécessité de distinguer celle
dirigée contre l'acheteur-revendeur de celle exercée à
l'encontre du sous-acquéreur apparaît en particulier lorsque ce
dernier est, lui aussi, soumis à une procédure collective. C'est
en effet le régime de la revendication qui s'applique dans la
procédure de l'acheteur-revendeur alors que, dans celle du
sous-acquéreur, l'action, de nature personnelle, est assujettie aux
contraintes applicables aux actions en paiement de somme d'argent. Le sort
du
248 Pierre CROCQ, op. cit.
249 Carole SOUWEINE, op. cit., p.2623
86
créancier sera différent selon que le
sous-acquéreur est en redressement judicaire (Paragraphe
1) ou en liquidation des biens (Paragraphe2).
Paragraphe 1 : Le redressement judiciaire du
sous-acquéreur
Dans la procédure de redressement judiciaire du
sous-acquéreur, le créancier réservataire ne
bénéficie pas de garantie. Cette solution résulte du fait
qu'il n'est pas en relation directe avec le sous-acquéreur. La
procédure collective du sous-acquéreur fait perdre au
réservataire son droit de revendication. Il devient créancier
titulaire d'une simple créance.
Soumis à la procédure collective du
sous-acquéreur, le réservataire, qui avait un avantage
considérable par rapport aux autres créanciers dans la
procédure collective de son débiteur, ne bénéficie
plus de cette prérogative. La créance du prix de revente
étant antérieure au jugement d'ouverture, le réservataire
est soumis tant à l'interdiction des paiements, qu'à
l'arrêt des poursuites individuelles. Autant, le sous-acquéreur
n'est pas autorisé à lui verser une quelconque somme d'argent,
autant il lui est interdit de poursuivre personnellement ce dernier.
En outre, la créance doit être
déclarée dans la procédure collective du
sous-acquéreur. Cela lui permet de se faire connaître des organes
de la procédure collective. Etant donné que le
réservataire n'est pas personnellement en relation d'affaires avec le
sous-acquéreur, il ne fait pas partie des créanciers connus que
les organes de la procédure doivent informer de l'obligation de produire
leurs créances. Parfois, il n'apprendra donc que tardivement et de
façon simultanée l'existence de sa créance et de la
procédure collective du sous-acquéreur250. Dans ce
cas, il risque d'être
250 Idem
87
hors du délai251 de déclaration
prévu par l'AUPCAP pour la déclaration des créances. Il
sera par conséquent forclos. Cette situation serait d'autant plus
contraignante dans la mesure où il risque de ne pas recouvrer sa
créance. Cependant, il peut bénéficier d'un relevé
de forclusion252 s'il démontre que sa défaillance
n'est pas de son fait, mais du f ait du juge-commissaire. Il pourra sans doute
obtenir ce relevé de forclusion s'il remplit les conditions
posées par les textes en la matière253.
Par ailleurs, il a été jugé que les
conséquences du défaut de déclaration par
l'acheteur-revendeur ne peuvent être opposées au
réservataire revendiquant le prix de revente254. A l'inverse,
il ne devrait pas pouvoir bénéficier de la déclaration
irrégulière effectuée par celui-ci. La décision du
juge montre à quel point le réservataire est livré
à lui-même dans la procédure collective du
sous-acquéreur. La situation est doublement complexe pour le
réservataire qui se trouve confronté à deux
procédures collectives, celle de son débiteur et celle du
sous-acquéreur. Cela est de nature à amenuiser les chances de
recouvrement de sa créance.
Si le réservataire a pu passer outre ces contraintes et
a réussi à produire sa créance dans la procédure de
redressement judicaire du sous-acquéreur, il sera admis à la
masse des créanciers de ce dernier. Etant donné qu'il a
été admis in extremis à la procédure, il
peut arriver que le concordat de redressement ait déjà
été voté. Il sera certainement soumis aux mêmes
délais consentis par les autres créanciers comme exigé par
l'AUPCAP pour les créanciers qui n'ont pas fait connaitre leur
délai pendant l'élaboration du concordat.
251 Art.78 al.1
252 Art.83 AUPCAP nouveau
253 Idem
254Com. 21 févr. 2006, Bull. civ. IV, n°
43 ; D. 2006 .718, obs. A. Lienhard.
88
Paragraphe 2 : La procédure de liquidation
des biens du sous-acquéreur
La procédure de liquidation des biens du
sous-acquéreur est une situation assez grave pour tous ceux qui sont
concernés. En particulier le réservataire qui s'est
retrouvé dans une procédure qui en principe ne devait pas le
concerner directement. Etant devenu un simple créancier sans garantie
dans la procédure collective du sous-acquéreur, il ne
bénéficie pas d'une place enviable dans l'ordre de paiement des
créanciers de ce dernier ce qui diminue les chances de recouvrement de
sa créance (A). Le réservataire peut obtenir
paiement si les deniers sont suffisants pour apurer le passif du
sous-acquéreur. Il perdrait toutes les chances de recouvrement de sa
créance si la procédure de liquidation des biens est
clôturée pour insuffisance d'actif (B).
A- L'amenuisement des chances de recouvrement de
créances du créancier réservataire
Soumis à la procédure de liquidation des biens
du sous-acquéreur, le créancier réservataire perd sa
garantie et devient par là un créancier chirographaire. En tant
que tel il subit le sort qui est réservé aux créanciers
chirographaires dans les procédures collectives : incertitude de
recouvrement de leurs créances.
En effet, le réservataire comme les autres
créanciers de sa catégorie sont les derniers à être
payés, selon l'ordre de paiement255 établi par le
législateur OHADA. Ils n'obtiennent paiement que si les
créanciers munis de sûreté et de privilège ont
obtenu paiement. Dans la plupart des cas, il ne reste plus assez de denier pour
les créanciers chirographaires qui sont
255 Art.167 AUPCAP nouveau
89
payés au marc le franc. Le créancier
réservataire n'obtiendra donc pas la totalité de la
créance.
Cependant, son sort empire lorsque la procédure de
liquidation des biens du sous-acquéreur est clôturée pour
insuffisance d'actif.
B- L'aggravation du sort du créancier
réservataire confronté au cas d'insuffisance d'actif du
sous-acquéreur
La clôture pour insuffisance d'actif est l'une des pires
choses qui puisse arriver à un créancier dont le débiteur
est en procédure de liquidation des biens. Cela signifierait
inéluctablement que l'entreprise débitrice disparaîtra et
qu'il n'obtiendra pas de paiement, en tout cas, pas de si
tôt256. Pour le créancier réservataire, il
n'obtiendra pas de paiement de sa créance de la part du syndic.
De plus, s'il espérait par la clôture de la
procédure recouvrer ses droits personnels à l'égard du
débiteur, il ne le pourra pas. Le nouvel AUPCAP ne fait pas un lien
direct entre clôture pour insuffisance d'actif et recouvrement des
actions individuelles des créanciers qui n'ont pas obtenu paiement.
En effet, la loi antérieure relative aux
procédures collectives disposait en son article 174 que « la
décision de clôture pour insuffisance fait recouvrer à
chaque créancier l'exercice individuel de ses actions ». Ainsi les
créanciers n'ayant pas obtenu gain de cause, pouvaient tenter d'obtenir
paiement en mettant en jeu leurs droits personnels. Cependant, plusieurs
auteurs se sont interrogés sur la portée de cette disposition,
parce que comme le nom l'indique, la clôture pour insuffisance d'actif
signifie
256 Jl faudra pour cela que le débiteur revienne à
meilleur fortune.
90
que le débiteur n'a plus de deniers pour
désintéresser les créanciers restant. Il se trouve dans un
état d'insolvabilité presqu'irrémédiable.
De plus, par la procédure de liquidation des biens
l'entreprise débitrice a été dissoute. Il serait donc
difficile d'exercer son droit personnel et de surcroît obtenir gain de
cause. Quoi qu'il en soit, la volonté du législateur était
de protéger le créancier en lui permettant de recouvrer ses
droits personnels. Certainement, le législateur voulait lui laisser une
chance, aussi infime soit-elle, de pouvoir recouvrer sa créance si
d'aventure, le débiteur revenait à meilleure fortune.
Le nouveau droit des procédures collectives se veut
plus rigoureux à l'égard des créanciers en cas de
clôture pour insuffisance d'actif. Désormais, tous les
créanciers ne sont pas admis à recouvrer leurs droits personnels
à l'égard du débiteur. Seulement, certains
créanciers, remplissant les conditions prévues par l'article 174
de l'AUPCAP le pourront. Le législateur opte donc pour l'effacement des
dettes de certains créanciers257. Si par malchance le
réservataire se retrouve parmi ces créanciers, il n'aura plus
aucune chance de recouvrer sa créance par l'exercice de ses droits
individuels à l'égard du sous-acquéreur et perdra donc sa
créance.
Confronté à la malchance des procédures
collectives en chaîne de son client et du sous-acquéreur, le
créancier réservataire aura du mal à obtenir sa
créance, du moins à bref délai. En effet, si la
subrogation réelle maintient son droit exclusif face à la
procédure collective de l'acheteur-revendeur, dans celle du
sous-acquéreur, il perd sa sûreté et ne peut faire valoir
qu'un simple droit de créance.
257 Les dettes de ceux qui ne remplissent pas les conditions de
l'art. 174 AUPCAP nouveau
91
Conclusion de la deuxième partie
Le droit de revendication reconnu au réservataire
protège le créancier de la loi de concours. Elle lui permet
d'obtenir restitution de son bien ou le paiement de sa créance.
Cependant, dans la mise en oeuvre de ce droit, le réservataire peut
rencontrer des contraintes qui sont de nature à fragiliser sa garantie
et même la lui faire perdre.
La première difficulté que le créancier
réservataire peut rencontrer dans l'exercice de son droit concerne le
bien réservé lui-même. En effet, le bien
réservé peut subir des modifications ou transformations qui
pourraient faire obstacle au droit de revendication du réservataire.
Même si avec l'avènement du nouvel AUPCAP, les choses semblent
s'améliorer pour lui, car il lui est désormais permis de
revendiquer un bien incorporé et la question de la revendication des
biens fongibles a été résolue. Il n'en demeure pas moins
que des contraintes existent. La question des biens transformés reste en
suspend et n'a pas été totalement résolue malgré
les solutions de la jurisprudence258.
La seconde difficulté intervient lorsque le bien a
été aliéné par le débiteur. La loi a certes
admis que, par l'effet de la subrogation réelle, le créancier
réservataire pouvait revendiquer la créance du prix de revente
due par le sous-acquéreur au débiteur (l'acheteur-revendeur),
cependant cette revendication se révèle très souvent
difficile. Le créancier risque de ne pas obtenir paiement du
sous-acquéreur si ce dernier a déjà payé la
créance de prix au débiteur. Des tiers peuvent aussi
réclamer la même
258REINHARD DAMMANN, BENJAMIN GALLO,« La
notion d'existence en nature en matière de revendication de biens
meubles », La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 45, 6
Novembre 2014, 1562
92
créance voulue par le créancier
réservataire rendant ainsi difficile le recouvrement de la
créance de prix. La situation du créancier devient grave lorsque
le sous-acquéreur se retrouve lui aussi en procédure collective.
Il ne sera que titulaire d'une simple créance et devra se soumettre
à la discipline collective en tant que créancier chirographaire.
Cette situation se révèle très difficile pour le
créancier réservataire qui pourrait perdre sa créance
à l'issue de la procédure collective du sous-acquéreur.
Les difficultés que rencontre le créancier dans
l'exercice de son droit de revendication sont de nature à rendre moins
efficace sa garantie. C'est pourquoi, certains auteurs ont comparé la
réserve de propriété à un « ticket de loterie
gratuit »259. Le réservataire est gagnant lorsqu'il
arrive à obtenir son bien chez le débiteur ou paiement.
259 SOUPGUI Eloie, « la protection du
créancier réservataire contre les difficultés de
l'entreprise dans l'espace juridique OHADA », penant n° 870,
janvier-mars 2010, p.78
93
CONCLUSION GENERALE
Cette étude s'est proposée de faire une analyse
sur l'efficacité de la clause de réserve de
propriété dans les procédures de redressement judiciaire
et de liquidation des biens. A la lumière des textes en vigueur, il
convient de relever que le droit de revendication dont bénéficie
le créancier réservataire lui permet d'être
protégé et d'obtenir la restitution de son bien à l'issu
d'une action en revendication ou d'une action en restitution.
Cette protection qui lui est accordé par le
législateur OHADA, peut se justifier dans le sens où le
créancier réservataire est demeuré propriétaire de
son bien. C'est donc à juste titre qu'il peut revendiquer le bien
réservé chez le débiteur en difficulté.
Cependant, la revendication du bien peut s'avérer
difficile en raison, soit des changements ou modifications dont le bien
réservé peut être sujet, soit de l'aliénation du
bien par le débiteur. Ces situations ont très souvent pour
conséquence de fragiliser et de mettre à mal la mise en oeuvre du
droit du créancier réservataire allant jusqu'à lui faire
perdre sa garantie dans les procédures collectives de son
débiteur.
Certes, des difficultés de mise en oeuvre du droit de
revendication subsistent, mais l'on ne peut nier la volonté du
législateur de protéger le créancier
bénéficiant d'une clause de réserve de
propriété. Cette volonté du législateur OHADA se
concrétise d'abord dans l'ancien Acte Uniforme portant organisation des
Procédures Collectives d'Apurement du Passif260 qui
reconnaissait officiellement au créancier réservataire le droit
de
260 Cet Acte Uniforme a été adopté le 10
Avril 1998
94
revendiquer son bien en cas de procédure collective de
son débiteur. Ces textes apportaient une innovation qui était
l'opposabilité de la clause de réserve de propriété
à la procédure collective.
Ensuite, le législateur OHADA, à travers le
nouvel Acte Uniforme portant organisation des Procédures Collectives
d'Apurement du Passif261, consolide et renforce les droits du
créancier réservataire.
Toutefois, si ces nouveaux textes renforcent la protection du
réservataire, certains changements qu'ils apportent pourraient poser
problème dans la pratique surtout en ce qui concerne l'assiette de
revendication.
En effet, article 103 alinéa 2 de l'ancien AUPCAP
disposait que « Peuvent être également revendiqués les
marchandises et les objets mobiliers, s'ils se retrouvent en nature, vendus
avec une clause subordonnant le transfert de propriété au
paiement intégral du prix, lorsque cette clause a été
convenue entre les parties dans un écrit et a été
régulièrement publiée au Registre du Commerce et du
Crédit Mobilier ». En vertu de cette disposition, le
réservataire devait absolument retrouver son bien « en nature
» dans le patrimoine du débiteur afin de pouvoir le revendiquer.
Cette condition restreignait le champ d'application du droit de revendication
du réservataire. Cela a certainement conduis le législateur
communautaire à y remédier.
L'un des changements apportés par le nouvel AUPCAP est
donc la suppression du terme « en nature » dans dispositions
concernant la revendication des biens réservés. Cette suppression
est certes bénéfique
261 Cet Acte Uniforme a été adopté le 10
Septembre 2015 à Grand Bassam (COTE D'IVOIRE) et a été
publié dans le journal Officiel numéro spécial du 25
Septembre 2015
95
pour le créancier réservataire car elle
élargie le champ d'application de son droit de revendication. Mais, il
n'en demeure pas moins qu'elle puisse être source de polémique
surtout en matière de revendication des biens transformés. Le
créancier réservataire peut-il revendiquer valablement un bien
réservé qui a été matériellement et
profondément transformé?
BIBLIOGRAPHIE
96
I- OUVRAGES GENERAUX
§ ANOUKAHA François, CISSE-NIANG Aminata, ISSA
SAYEGH Joseph, MESSANVI Foli, NDIAYE Isaac Yankhoba, SAMB Moussa,
Sûretés, Bruylant, Bruxelles, Collection Droit Uniforme
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§ CROCQ Pierre, BLACK YONDO Lionel, BRIZOUA BI Michel,
FILLE LAMBIE Olivier, LAISNEY Louis-Jérôme, MARCEAU-COTTE Ariane,
Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, la
reforme du droit des sûretés de l'OHADA, Collection «
Axe Droit », Lamy, 2012, 406 p.
§ DE WOOT Philippe, Pour une doctrine de
l'entreprise, seuil 1968, 284p.
§ GUYON Yves, Droit des affaires, Entreprises en
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édition. Economica, septembre 2003, 484 p.
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OHADA, Harmonisation du droit des affaires, Bruylant Bruxelles,
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§ PEROCHON Françoise, Entreprises en
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17e édition, LGDJ, 1960, 452p.
§
97
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édition, L.G.D.J., Paris, 2000
§ SAINT-ALARY-HOUIN Corinne, Droit des entreprises en
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§ SAWADOGO FILIGA Michel, OHADA, Droit des entreprises
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lumière du droit français, thèse Toulouse1, 4 juillet
2007, publiée chez l'Harmattan, 2009
§ ANCEL Marie Elodie, repenser le droit des
suretés mobilières, LGDJ 2005, tome 7, 160 p.
§ MONSÉRIÉ Marie-Hélène,
Les contrats dans le redressement et la liquidation judiciaires des
entreprises, Litec, 1994
§ RIZZI Aldo, La protection des créanciers
à travers l'évolution des procédures collectives,
bibliothèque de droit privé, Tome 459, L.G.D.J., 2007
§ SENECHAL Marc, « L'effet réel de la
procédure collective: Essai sur la saisie collective d'un gage commun
des créanciers », Bibliothèque de droit de
l'entreprise, F.N.D.E., LITEC 2002, p.989
III-ARTICLES
§ ADJITA AKRAWATI Shamsidine, « Le droit de
rétention comme sûreté en droit uniforme OHADA »,
Penant, n°844, juillet-septembre 2003, p.279
§ BROU Kouakou Mathurin, « La protection des
vendeurs de biens avec clause de réserve de propriété dans
les procédures collectives:
98
l'apport du traité» OHADA, Penant
n°837, septembre-décembre 2001, p.300
§ CROCQ Pierre,« Les sûretés
fondées sur une situation d'exclusivité et le projet de reforme
de l'acte uniforme sur les sûretés », Dossier,
bientôt un nouveau droit des sûretés dans l'OHADA, in Droit
et Patrimoine n°197, novembre 2010
§ DAMMANN Reinhard, GALLO Benjamin,« La notion
d'existence en
nature en matière de revendication de biens
meubles », La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 45, 6
Novembre 2014, p.1562
§ DERRIDA Fernand
-« La clause de réserve de
propriété et le droit des procédures collectives
», Dalloz1980, chronique, p. 294
-« La revendication du prix de revente »,
Dalloz Affaires 1996, p.1402
§ GHESTIN Jacques, « Réflexions d'un
civiliste sur la clause de réserve de propriété
», D. 1981, Chron. 1
§ ISSA-SAYEGH Joseph, «présentation des
projets d'Actes uniformes de l'OHADA portant sur procédures
simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, du droit
des suretés et des procédures collectives d'apurement du passif
», Penant, n°827, mai-aout, p.204
§ ISSA-SAYEGH Joseph, « le droit de
rétention en droit sénégalais », Penant,
n°810, octobre-décembre 1992,p.261
§ KACOU Alain, « le nouveau droit des
procédures collectives, communication au 1er colloque de
l'Association Ivoirienne Henri Capitant (Abidjan, 2 avril 2001), sur le nouvel
environnement juridique des entreprises dans la zone franc. Quel bilan
?», Acte du colloque, p.140
§
99
KANE EBANGA Paul, « la nature juridique du concordat
de redressement judiciaire dans le droit des affaires OHADA »,
Juridis n°20, P.109
§ MAINGUY Daniel, « De la revendication de
biens fongibles en vertu d'une clause de réserve de
propriété », D.2000, p.69
§ MARTIN Didier R., « Réserve de
propriété : le cas d'école », Dalloz du 15 Mai
2014, n°18, p.1083
§ MODI KOKO BEBEY (H.-D.), «L'action en
revendication dans les procédures collectives du droit français
et de l'OHADA (étude de droit comparé) », RTDJA
n°002 de juillet-août-septembre 2009, p32
§ SAENKO Laurent, « réserve de
propriété et privilège : quand une sûreté
chasse une autre », Recueil Dalloz du 23 Janvier 2014, n°3
§ SENECHAL Juliette, « Indifférence de
la notion d'immeuble par destination en matière de clause de
réserve de propriété invoquée à l'encontre
d'une entreprise en difficulté », Revue Trimestrielle de Droit
Immobilier / RTDI N° 2 - 2015
§ SOUPGUI Eloie, « la protection du
créancier réservataire contre les difficultés de
l'entreprise dans l'espace juridique OHADA », penant n° 870,
janvier-mars 2010, p.66
§ SOUWEINE Carole, « la revendication du prix
de revente par le bénéficiaire d'une clause de réserve de
propriété : à la recherche d'une cohérence du droit
des entreprises en difficulté », Dalloz du 3 nov.2011
IV-ARTICLES NUMERIQUES
§ ALILI Steve Marian, « la reprise des entreprises
en difficulté dans l'espace OHADA », Ohadata D-06-38.
§
100
BROU Kouakou Mathurin, « le nouvel acte uniforme
portant organisation des suretés et l'accès au crédit dans
l'espace OHADA », Ohadata D-13-23.
§ DIALLO Bakary, « la cessation des paiements
du débiteur en OHADA, note sous cours d'appel de Ouagadougou,
arrêt n°52 du 16/04/2004 Ch.
civ. et com. (BATEC-SARL et
ent. DAR-ES-SALAM c/SOSACO) », Ohadata D-10-64.
§ KANTE Alassane, « Réflexion sur le
principe de l'égalité entre les créanciers dans le droit
des procédures collectives d'apurement du passif (OHADA) »,
Ohadata D-06-47.
§ MEUKE Bérenger Yves, « quelques
précision sur la notion de cessation des paiements dans l'OHADA »,
Ohadata D-08-13.
§ SOUOP Sylvain, « la réalisation des
garanties : mission impossible ? », Ohadata D-08-11.
§ TSAGUE Donkeng Hubert, « Le traitement de
l'insuffisance d'actif dans les procédures collectives OHADA »,
mémoire soutenu publiquement en vu de l'obtention du Diplôme
d'Etude Approfondie (D.E.A), Ohadata D-09-01.
V-MEMOIRES ET THESES
§ BOUGEROL-PRUD'HOMME Laetitia, «
exclusivité et garantie de paiement », thèse en vue
de l'obtention du doctorat, Université Panthéon-Assas (Paris II),
2010.
§ GROSSEMY Juliette, « le recouvrement de la
créance face à la faillite du débiteur »,
mémoire soutenu en vue de l'obtention du Diplôme d'Etude
Approfondie (DEA) en droit privé, université de Lille II,
2002.
§ KARFO Steve Thomas, « Paiement des
créanciers, sauvetage de l'entreprise : Étude comparative des
législations OHADA et française de sauvegarde judiciaire des
entreprises en difficulté », thèse en vue de
l'obtention du doctorat, l'université de Toulouse, 2014.
§
101
MANIÉ Véronique, Le sort des
créanciers dans les plans de sauvegarde, de redressement et de cession
de l'entreprise, thèse en vue de l'obtention du doctorat,
l'université Toulouse, 2006.
§ SOUPGUI Eloie, « Les sûretés
conventionnelles à l'épreuve des procédures collectives
dans l'espace OHADA », thèse en vue de l'obtention du
doctorat, 2008.
§ TSAGUE Donkeng Hubert, « le traitement de
l'insuffisance d'actif en droit des procédures collectives OHADA
», mémoire soutenu en vue de l'obtention du Diplôme
d'Etude Approfondie (DEA) en droit privé, Université de
Yaoundé II, 2006, Ohadata D-09-01.
VI-TEXTES
§ Actes Uniformes relatif aux Procédures Collectives
Apurement du Passif adopté le 10 avril 1998
§ Actes Uniformes relatif aux Procédures Collectives
Apurement du Passif adopté 15 septembre 2015
§ Actes Uniformes relatif aux Sûretés
adopté le 15 décembre 2010
§ Code civil de 1804
VII- NOTES DE JURISPRUDENCE
§ CABRILLAC Michel et PETEL Philippe :
-Obs. Com. 13 mars 2007, no 05-17.571,
Dalloz du 15 Mai 2014, p1083, n°18
-Obs. Cass.com, du 5 juillet 2005,
n°04-11.132, Dalloz du 23 Janvier 2014 n°3
CROCQ Pierre :
-Obs. Cass. com., 1er déc.
2009, n° 08-13.187 : Bull. civ. 2009, IV, n° 156 ;
-Obs. Cass. com., 11 juin 2014,
n° 13-14.844, Droit et Patrimoine n°197, novembre 2010
§
102
LE CORRE-Broly:
-
Obs. Com. 4 janv.2000, Dalloz 2000. 533,
-Obs.Cass. Com. 01 jan. 2004,
n°01-01.893
-Obs. Cass. Com. 22 oct.1996,
n°94-17.768, Dalloz 2000, p.69
§ LIENHARD Alain
-Obs. Com. 12 mars 2013, no 11-24.729, D.
2013. Actu. 768,
-Obs. Cass. com., 15 mars 2005
n°03-20.332, D.2005 p.641,
-Obs. Cass. Com. 17 mai 1988, bull.
civ. IV ,n°166
-Obs. Com. 10 mai 2012, no 11-17.626 D.,
du 15 Mai 2014, p1083, n°18
-Obs. Com. 6 mars 2001, Bull. civ. IV, no
50, D. 2001, AJ 1099
-Obs. Com. 7 févr. 2006, Bull. civ.
IV, no 31, D. 2006, AJ 576
§ MAINGUY Daniel :
-Cass. Com., 11 juillet 1995,
n°93-11.393, Dalloz 2000, p.69
-Cass. Com., 03 mai 2006,
n°05-11.943, Dalloz du 23 Janvier 2014 n°3 -Com. 31 Janvier 2012,
n°10-28.407, Dalloz 16 février 2012 n°7/75000e
§ MARTIN-SERF Arlette:
-obs. Com. 15 févr. 2000, Act.
proc. coll. 2000-7, no 75, RTD com. 2001. 517
§ PEROCHON François:
-Obs. sous
Cass. Com., 13 oct.1998,
n°96-10.861,cah. D. aff. 2000, som., p.65
-Obs. com.3 janv. 1995, Bull. civ. IV, no
3, D. 1996, somm. 221
-note sous Com. 27 mai 2007, no 06-11.861, Gaz. Pal. 2007, no
202, p. 53
§ REGNAUT-MOUTIER Corinne :
-Obs. Com. 4 févr. 2003, Act. proc.
coll. 2003-10, no 128 -Note Com. 20 sept.2005, JCP 2005.IV. 3240
§
103
SENECHAL Juliette :
-Com. Cass. com., 10 mars 2015,
pourvoi n° 13-23.424, RTDI N° 2 - 2015
-Obs. Cass. com., 11 juill. 2006,
n° 05-13.103, RTDI N° 2 - 2015
§ SAWADOGO FILIGA Michel :
-Com. De l'affaire n°847 du 8 avril 2005, PROFCOPE c/
Alliou Faye et Abdoulaye Dramé
§ SIONNE Bernard
-Obs. Cass. com. 29 janvier 1991,
Rev. Poc. coll. 1991 n°2p. 255
-CA Paris, 20 sept.1996, JCP E 1996, panor. 1147, Rev. proc.
coll. 1998. 188
§ CCJA, arrêt n°018/2008,24 avril 2008,
Docteur Amon Anaud c/Distribution Pharmaceutique de Côte d'Ivoire dite
DPCI-SA
VIII-SITES INTERNET VISITES
§ Le site internet de Légifrance,
https://www.legifrance.gouv.fr
§ Le site internet de OHADA,
http://www.ohada.com
§ Le site internet de Juriscope,
http://www.juriscope.org
§ Le site internet de Ohada legis,
http://www.ohadalegis.com
§ Le site internet de Unidroit,
http://www.unidroit.org
§ Le site internet de Dalloz,
http://www.dalloz-etudiant.fr
§ Le site internet du tribunal de commerce
d'Abidjan,
http://www.tribunalcommerceabidjan.org
104
TABLE DE MATIERES
Introduction 1
Première partie : Une protection particulière
reconnue et organisée par le
législateur ohada 14
Chapitre I : La reconnaissance du droit de revendication du
créancier
réservataire 15
Section 1 : les conditions d'acquisition du droit de
revendication par le
créancier 16
Paragraphe 1 : L'existence d'une clause de réserve de
propriété 16
A- Le consentement des parties 17
B- L'exigence d'un écrit ad probationem 19
Paragraphe 2 : L'obligation de publicité 23
A- La procédure de publicité au Registre du
Commerce du Crédit
Mobilier 23
B- Les effets de cette publicité 25
Section 2 : L'assiette du droit de revendication du
créancier 26
Paragraphe 1 : Le bien objet de la clause de réserve de
propriété .... 27
A- La nature du bien 27
B- L'existence du bien au jour du jugement d'ouverture 29
Paragraphe 2 : La créance du prix de revente du bien et
l'indemnité
d'assurance 31
A- La créance du prix de revente du bien
réservé 32
105
B- L'indemnité d'assurance 34
Chapitre II : La mise en oeuvre du droit de revendication 35
Section 1 : Les conditions préalables à l'action en
revendication 35
Paragraphe 1 : La production de la créance 36
A- La procédure de production de la créance 37
B- La forclusion du créancier réservataire 38
Paragraphe 2 : l'observation des délais de production
41
A- Les délais de production de la créance 42
B- Les délais de revendication du bien
réservé 44
Section 2: L'exercice de l'action en revendication 46
Paragraphe 1 : La demande en revendication 47
A- La demande amiable 48
1- La saisine du syndic 48
2- De l'acquiescement du syndic 49
B- La demande contentieuse 50
1-La saisine du juge-commissaire 51
2-L'issue de la saisine 51
Paragraphe 2: La dispense de la demande en revendication 54
A- Les conditions 54
B- Les effets 55
Conclusion de la première partie 56
Deuxième partie : Une protection fragilisée dans sa
mise en oeuvre 57
106
Chapitre I : Les obstacles à la revendication du bien
réservé dans le patrimoine
du débiteur 59
Section 1 : De l'existence du bien dans le patrimoine du
débiteur 59
Paragraphe 1 : De l'évolution la notion d'«
existence du bien réservé
dans le patrimoine du débiteur » 60
A- La notion d'existence du bien en « nature » dans
l'ancien droit
des procédures collectives 60
B- La notion d'existence du bien réservé dans les
nouveaux
textes relatifs aux procédures collectives 62
Paragraphe 2 : Les contraintes de l'évolution de la
notion d'existence du
bien réservé dans les nouveaux textes relatifs aux
procédures collectives 65
A- Les biens incorporés 65
B- Les biens transformés 67
Section 2: De l'identification du bien réservé dans
le patrimoine du débiteur 70
Paragraphe 1: De l'individualisation des biens
réservés 70
A- La nécessité d'un inventaire 71
B- L'absence de l'inventaire 73
Paragraphe 2 : La problématique des biens fongibles 74
A- La situation antérieure des biens fongibles 74
B- La situation actuelle des biens fongibles 75
Chapitre II : L'incidence de la revente du bien réserve
sur le droit de
revendication du créancier réservataire 77
Section 1 : La difficile mise en oeuvre de la revendication du
prix chez le sous-
acquéreur in bonis 78
Paragraphe 1 : Les difficultés dues aux modalités
de recouvrement de la
créance du prix de revente 78
A- La date du paiement effectué par le
sous-acquéreur 80
107
B- Le concours des tiers 82
Paragraphe 2 : De la constitution de sûretés sur le
bien réservé 83
Section 2 : L'incidence de la procédure collective du
sous-acquéreur 85
Paragraphe 1 : Le redressement judiciaire du
sous-acquéreur 86
Paragraphe 2 : La procédure de liquidation des
biens du sous-
acquéreur 88
A- L'amenuisement des chances de recouvrement de
créances
du créancier réservataire 88
B- L'aggravation du sort du créancier réservataire
confronté au cas
d'insuffisance d'actif du sous-acquéreur 89
Conclusion de la deuxième partie 91
Conclusion générale 93
Bibliographie 96
Table de matières 104
|