Sous-section 2 : Passage
à l'acte entrepreneurial : goulots d'étranglement
L'entrepreneuriat ou la création d'entreprises
crée de l'emploi et de la richesse pour les nations. Il faut cependant
souligner que personne n'est prédestiné à entreprendre ou
non. Le phénomène entrepreneurial n'est pas inscrit sur le code
génétique des humains (Firlas, 2012).
La création d'entreprises est intimement liée au
développement de la culture entrepreneuriale. Siomy (2007) expliquait
que la prospérité des entreprises dépend de la mise en
place de conditions-cadres favorables conséquentes.
Les conditions-cadres de l'éclosion de la
vitalité entrepreneuriale résident dans le développement
de la culture entrepreneuriale ou de l'esprit d'entrepreneurial. Ce
développement entraine nécessairement la création
d'entreprises. Ruel (2006) cité par Siomy (2007) résumait cela en
indiquant que la culture entrepreneuriale permet aux entrepreneurs de
naître et favorise le développement de l'entrepreneurship (la
création d'entreprises).
Pour Fortin (2002) c'est l'intensité entrepreneuriale
qui permet de mesurer la culture entrepreneuriale, tandis que la
vitalité, elle, mesure l'entrepreneurship. La vitalité
entrepreneuriale correspond à une augmentation quantitative et
qualitative d'entreprises, d'emplois et d'entrepreneurs à un moment
donné. L'intensité entrepreneuriale quant à elle, est la
mesure à un moment donné de la culture entrepreneuriale.
Vue sous cet angle, la culture entrepreneuriale se traduirait
en deux réalités, le désir (l'intention) d'entreprendre et
le passage à l'acte de création. À la limite des deux, la
croyance en la possibilité de passer à l'action dès la
première occasion.
Les jeunes guinéens ont une vision positive de
l'entrepreneuriat. Une proportion non négligeable des sondés
préfère créer une entreprise que d'être
employé. Ils traduisent cette volonté en préférant
pour la plupart choisir l'entrepreneuriat comme le meilleur choix de
carrière et première option dès que les moyens financiers
seront à leur disposition.
Cependant, il faut noter qu'avoir une opinion positive de
l'entrepreneuriat ne détermine pas de facto que l'on dispose d'une
culture entrepreneuriale développée. Comme nous l'avons
développé plus haut, la culture entrepreneuriale et
l'entrepreneuriat se mesurent respectivement à travers
l'intensité et la vitalité entrepreneuriales (Siomy, 2007).
Pour déterminer qu'une couche de la population dispose
d'une forte culture entrepreneuriale, il faut voir au-delà de l'opinion
positive qu'elle a de l'entrepreneuriat et intégrer à l'analyse
de cette opinion, la dimension du passage à l'action
entrepreneuriale.
Analyser sous cet angle, il faut reconnaître que les
jeunes de Conakry ont à la fois une opinion positive de
l'entrepreneuriat et désirent ardemment créer leur entreprise
à la première occasion. À cette envie de créer une
entreprise se greffe une autre dimension très importante dans le
développement de la culture entrepreneuriale. Il s'agit de l'état
d'esprit développé par le futur entrepreneur. S'il veut
créer une entreprise et qu'il se fixe un objectif à court terme
de passage à l'action, il y a de fortes chances que son idée se
matérialise.
La quasi-totalité des jeunes qui se sont
prêtés à nos questions pensent pouvoir créer leurs
entreprises d'ici les cinq prochaines années. Cette volonté
accrue de passer à l'action est en partie tributaire de l'influence de
l'environnement immédiat des jeunes. Comme le soutient Jaziri (2009),
l'origine sociale est l'un des facteurs déclencheurs de l'envie
entrepreneuriale.
Cependant, bien qu'animés d'un fort désir de
créer et ayant une vision positive de l'entrepreneuriat, certains
facteurs limitent le passage des jeunes à l'acte entrepreneurial. En
réalité, une bonne partie d'entre eux ne parvient pas à
faire de leur envie de créer une véritable création
(Borges, Filion, et Simard, 2010).
Le manque de motivation suffisante, l'absence de moyens
financiers, la complexité du processus de création d'entreprises,
le manque d'expérience et/ou de qualifications amènent plus d'un
jeune guinéen à penser ne jamais pouvoir devenir entrepreneur. La
nature de l'entreprise créée par les jeunes, les
difficultés à avoir des clients, le développement des
produits/services, le manque de compétences en gestion d'entreprise et
les difficultés à appréhender le processus de
création sont autant d'obstacles que les jeunes créateurs doivent
surmonter pour créer et faire vivre leurs entreprises.
Contrairement aux entrepreneurs les plus âgés,
les jeunes qui désirent entreprendre et ceux qui sont déjà
dans les affaires ciblent principalement le secteur tertiaire qui ne
nécessite pas un investissement important et, est à ce titre
généralement moins porteurs : dans la prestation de services
par exemple où le chiffre d'affaires est généralement
insignifiant. Ils préfèrent ce domaine car ils n'ont souvent pas
accès à des ressources importantes (Borges, Filion, et Simard,
2010) pour se lancer dans un secteur à gros investissement et
générant plus de flux financiers.
Bénéficier d'un accompagnement contribue
à la réussite de certains entrepreneurs. En effet, les
entreprises qui bénéficient d'un accompagnement pendant leur
création sont plus durables que les autres. Cet accompagnement a un
effet positif sur le développement et la rentabilité d'une jeune
entreprise (Leger-Jarniou, 2008b).
En Guinée, il existe des structures d'accompagnement
à la création d'entreprises. Grâce à sa
collaboration avec ses partenaires (institutions internationales et les
établissements financiers), le gouvernement guinéen a
réussi à mettre en place des projets/programmes d'appui à
l'entrepreneuriat jeune. Ces projets/programmes visent à réduire
le chômage des jeunes. Nonobstant cela, le nombre de jeunes sans-emploi
reste fortement élevé.
Cela s'explique par le fait que la création ou la mise
en place des programmes et des fonds financiers pour appuyer l'entrepreneuriat
ne conduit pas automatiquement les jeunes à s'y engager ''(Dougnon et
al., 2013). Dans la réalité, les jeunes ne font, en
général, pas recours à ces structures (Leger-Jarniou,
2008b) ou le font très rarement.
Ce non-recours qui s'explique par le fait qu'ils ne sont pas
informés de l'existence de telles structures, les pousse à
considérer le processus d'accès à l'accompagnement
complexe, en plus de manquer confiance aux structures d'aide à la
création.
Les jeunes interviewés pendant nos investigations
reprochent aux structures étatiques d'aide à la création
d'entreprises le manque de sérieux dans leur travail. Ils sont en
conséquence pessimistes pour ce qui est de la réussite des
programmes/projets d'appui à l'entrepreneuriat jeune en Guinée.
Les structures d'appui à l'entrepreneuriat jeune quant à elles
reprochent aux jeunes porteurs de projets d'un manque de
persévérance, de vision, de courage et ne comprennent pas ce que
signifie se lancer dans la dynamique entrepreneuriale.
Nous retiendrons que, de par leurs déclarations, les
jeunes de Conakry souhaitent se réaliser à travers
l'entrepreneuriat et le considèrent comme leur option prioritaire.
Malgré cela, le constat est que peu de jeunes passent à l'action.
La nature de leurs entreprises qui sont généralement de petites
tailles, évoluant dans un secteur à faible investissement et
rentabilité pour la plupart, employant moins de personnes et manquant
d'innovation et de créativité empêche le
développement et conduit à l'échec des entreprises
créées par les jeunes à la différence de celles
créées par leurs ainés.
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