Comprendre le concept de conscience en classe de philosophie au lycée : approche phénoménologique.( Télécharger le fichier original )par Sylvère Gildas NGOMO École Normale Supérieure de Libreville - Master 2 2016 |
II-Enjeu de l'étude du concept de conscience en philosophie1-Comprendre la conscience, c'est comprendre l'Homme « Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais. 9(*)» Dans cet aperçu de texte, Descartes montre comment il aboutit au fondement ultime de la métaphysique, c'est-à-dire, au premier principe de la philosophie : « je pense, donc je suis ». Pour Descartes, il ne suffit pas de douter de toutes les opinions reçues, il ne suffit pas d'abattre « le logis où on demeure » : encore faut-il le rebâtir ensuite en s'appuyant sur des principes clairs et distincts, si clairs et si distincts qu'ils ne soient contestables par personne. De ce fait, le principe fondamental sur lequel Descartes part pour construire sa métaphysique, c'est l'évidence du Cogito. « Je pense, donc je suis », telle est la certitude première de l'ordre de la métaphysique cartésienne. Ce que nous voulons montrer ici, c'est que le « je pense, donc je suis » est la première vérité ou la conscience s'apparait à elle-même comme sujet, sujet libre et sujet existant. Descartes n'emploie certes pas le mot conscience, mais plutôt celui de pensée. Mais, on peut pourtant les identifier si l'on remarque que cette pensée est essentiellement réflexive, comme l'indique son caractère intuitif. En effet, le « donc » n'est pas ici un terme déductif. La pensée n'est pas déduite du doute, et l'être n'est pas déduit de la pensée. Il s'agit d'une intuition, d'une saisie immédiate de l'esprit, d'une évidence ponctuelle. Au moment où le sujet se saisit doutant, il se saisit pensant et étant. C'est donc au vu du caractère intuitif du Cogito cartésien, que nous nous sommes proposé de l'identifier à la conscience. Le « je pense, donc je suis » étant identifié à la conscience, ce principe signifie donc que l'Homme est conscient et qu'il n'existe que parce qu'il est conscient. Le « je pense, donc je suis » pourrait naturellement aussi s'écrire, « je suis conscient, donc j'existe ». L'essence de l'Homme est donc la conscience. A bien comprendre, être Humain, c'est donc avoir conscience de soi. De plus, pour être humain, il faut être conscient d'être humain. De ce fait, pour comprendre l'Homme, il faudrait comprendre la conscience, d'où l'enjeu de l'étude du concept de conscience en philosophie, car à travers l'étude du concept de conscience, nous comprenons en même temps ce qu'est l'Homme. La question « qu'est ce que la conscience ? » serait donc une question philosophico-anthropologique ; philosophique parce qu'il s'agit de questionner la conscience en tant que concept, et anthropologique, parce qu'il s'agit de questionner la conscience en tant qu'elle renvoie à l'Homme. Tout ceci pour finalement dire que, la conscience n'est pas seulement de l'ordre de l'abstraction, mais qu'elle peut aussi être appréhendée dans l'ordre du réel, de l'existant, car la conscience renvoie à l'Homme : d'où l'enjeu de son étude en philosophie. Mais, si la conscience renvoie à l'Homme, et que l'enjeu de son étude en philosophie se situerait en cela, reste à savoir, en quoi l'étude et compréhension de l'Homme serait centrale en philosophie. 2-La question de l'Homme est au centre de la philosophie Dans sa Logique, Kant circonscrit le domaine de la philosophie à partir de quatre questions. 1- Que puis-je savoir? 2- Que dois-je faire? 3- Que m'est-il permis d'espérer? 4- Qu'est-ce que l'homme? « A la première, poursuit Kant, répond la métaphysique, à la seconde la morale, à la troisième la religion, à la quatrième l'anthropologie. Mais, au fond, on pourrait tout ramener à l'anthropologie, puisque les trois premières questions se rapportent à la dernière.10(*) » Se demander ce qu'est l'homme, c'est tout à la fois s'enquérir de ce qu'il peut savoir, doit faire, peut espérer, mais aussi de ce vers quoi il tend, de ce dont il a besoin, etc. On saisit alors que « qu'est-ce que l'homme ? », c'est une question englobante dont toute autre qui viserait quelque aspect de l'homme ne serait qu'un démembrement. Et, si cette interrogation contient les autres, elle ne peut plus renvoyer à une subdivision de la philosophie; elle traduit bien plutôt le tout, la philosophie elle-même. Ainsi, cette citation permet de retrouver les grandes composantes classiques de la philosophie en même temps qu'ils insistent sur le privilège donné à l'homme en philosophie. Gaétan Saint-Pierre semble donc avoir raison lorsqu'il écrit : « Qu'en est-il de l'homme?» Il n'est pas de problèmes philosophiques hors celui-là. Les autres en découlent et y trouvent leur solution.11(*)». Nous comprenons très bien ici que l'Homme est au centre de toute la philosophie, et que toutes les autres questions philosophiques trouvent inévitablement leurs réponses en celle de l'Homme. * 9 DESCARTES R., Discours de la méthode, quatrième partie, Paris, Gallimard, 1953, pp.147-148. * 10 KANT E., Logique, Paris, Vrin, 1965, p. 25. * 11GAETAN S.P., «Mort et Survie d'une Philosophie», dans Pourquoi la Philosophie?, Les Cahiers de l'Université du Québec, P.U.Q., 1970, p. 30. |
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