CONCLUSION
Le fonctionnement de l'expression peut paraître parfois
très simple, mais lorsqu'on étudie plus précisément
son fonctionnement, le lien entre signe, signification et signifié
devient plus obscur. Dans la première édition des Recherches
Logiques, Husserl propose une définition de l'expression qui serait
un indice qui peut mener à la signification. Husserl la considère
alors comme une sous catégorie de signe qui peuvent signifier un contenu
idéalement. Cependant, dans les réécritures, il
redéfinit grandement les limites du concept du signe et d'indice.
Le domaine du signe est le domaine de la logique et des
significations idéales, qui crée une correspondance avec le
domaine de la phénoménologie. Mais la correspondance, même
dans le discours, n'est pas véritablement totale. Entre le locuteur et
le destinataire, il y a une intentionnalité, une notification et une
prise de sens qui n'existe pas dans une relation égalitaire.
Malgré cette inégalité, l'expression est possible et
s'approche de la vérité logique, dans l'espace intersubjectif du
discours. L'expression, c'est le caractère effectivement signifiant du
signe, c'est le signe qui mène au signifié. C'est une transition
entre un son et un objet qui n'ont en apparence, rien en commun. Ce qui
apparaît comme nouveau dans les réécritures des
Recherches, c'est bien la nouvelle perspective que Husserl adopte
vis-a-vis du signe. Les signes ne sont plus des signes sémiologiques, il
y a une possibilité de signes non catégoriaux, de signes en
dehors des langues naturelles mais qui posséderaient le même
fonctionnement que le signe autrefois traité dans la première
édition.
La distinction entre les signes et les marques
s'éclaircit dans les réécritures, ce qui permet de
nouvelles précisions en matière de signification. La marque,
comme le signe est porteuse d'une tendance, mais ce n'est pas la même
tendance que celle qui apparaît comme une nécessité dans
l'expérience de la signification.
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La tendance de l'attente, c'est celle qui régit le
fonctionnement de la marque. La marque fait un lien associatif lié
à nos expériences entre un objet et l'anticipation d'une
présence. Le signe lui, provoque un lien de nécessité
lorsqu'il est actuellement connu du sujet, il y a une correspondance, et plus
encore, le signe n'existe pas pour lui même ; il existe pour quelque
chose d'autre : le signifié. Mais l'expression existe dans un espace
intersubjectif, et c'est dans cet espace qu'elle prend tout son sens.
Les travaux de Bühler paraissent en 1909 et Husserl
étudie consciencieusement ses Recensions sur Marty, où
il s'interroge sur la possible fonction d'influence du locuteur. Si cette
fonction existe telle que Marty la décrit, il n'est pas possible
d'attribuer au signe dans le discours une fonction objective, puisqu'il est
teinté de l'importance des vécus psychiques du locuteur. Or pour
Husserl, le lien entre le signe et la signification est un lien idéal,
il ne change pas, il y a une conscience de l'intentionnalité du locuteur
chez le destinataire qui ne lui laisse pas simplement une place passive dans la
réception des messages. C'est une notification de sens, mais ce sens ne
sera jamais le même si il est destiné à plusieurs
destinataires. La signification est alors le produit d'un signe arbitraire que
le locuteur et le destinataire connaissent et reconnaissent. Mais qu'est ce que
le signe en soi, qu'est ce qui provoque la présence d'un signifié
? Lorsqu'on observe l'expérience phénoménologique, il
paraît alors évident que le fondement même de toute
transition vers le signifié est la présence d'un
Wortlaut, d'un son, sur lequel se base les différents actes
intentionnels qui le lient au signe. Mais comment une telle chose est possible
? C'est bien parce qu'il existe une tendance du devoir qui lie strictement un
signe à son signifié, une tendance de connaissance
singulière. Mais cette tendance n'est pas comparables aux actes
catégoriaux et l'acte de signification devient alors obscur, puisqu'il
n'est pas vraiment un acte, si il n'est pas intentionnel.
Le lien entre le Wortlaut et le signifié n'a
rien de subjectif, il s'impose à une conscience dans une association de
vécus de manière nécessaire, de manière infra-
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intentionnel. On peut alors conclure que certainement, sous
les fondements capitaux de l'intentionnalité dans le domaine de la
phénoménologie, il existe en matière de signification des
nécessités liées à l'idéalité de la
signification. La signification devient alors quelque chose qui n'est plus dans
l'acte de vouloir d'une conscience, mais dans l'acte de pouvoir : si le signe
est l'objet d'une reconnaissance actuelle, je suis alors capable de
connaître son signifié, mais même si la signification
paraît intentionnelle dans la Kundgabe et la Kundnahme,
l'association fondamentale entre signe et signifié est une tendance,
visiblement indépendante de toute intentionnalité.
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