b. Un discours pragmatique
La Trame verte est bleue peine à se faire accepter par
les acteurs du territoire, qui la voit comme un concept citadin mettant en
péril l'agriculture périurbaine, ou une contrainte
supplémentaire empêchant le développement économique
des communes. Face à ces réticences, le concept cherche à
s'imposer, en mettant en avant son aspect transcourant.
Pierre Dhenin a donc un « discours logique et
pratique, il doit produire de l'espace naturel et le gérer tel que
défini dans le champ de compétence de la métropole. Pour
en acquérir et en gérer, il doit lutter face à des enjeux
bien plus forts que lui »307. Il s'agit de promouvoir la
TVB comme le moteur d'une activité économique, et ENLM «
s'en sert car il y a des tensions sur les marches fonciers et les zones
vertes sont moins rentables. Pierre Dhenin sort un discours masqué pour
pouvoir faire son travail correctement »308. Ce discours
est effectivement tourné vers l'aspect économique, « Le
jour où on montrera que la trame verte est économiquement
efficiente, on aura tout gagné »309. Pour ce
dernier, il s'agit de « trouver ce qui est rentable pour un
industriel, pour un lotisseur, et de faire entrer la TVB dans leurs
conceptions. [...] Il faut encourager les efforts privés ou publics qui
vont dans le même sens. Les zones d'activités sont les plus
puissantes, mais on veut aussi des zones plus naturelles. Casino intervient
pour la sauvegarde du jardin des géants car l'espace vert fait partie de
l'image, les commerçants sont conscients de l'importance de l'image
».310
306 Entretien avec Pierre Dhenin, directeur d'Espace Naturel
Lille Métropole, le 27 février 2015 à Lille
307 Entretien avec Guillaume Schmitt, géographe, le 2
avril 2015 à Lille
308 Ibid.
309 Entretien avec Pierre Dhenin, directeur d'Espace Naturel
Lille Métropole, le 27 février 2015 à Lille
310 Ibid.
77
Il s'agit d'arriver à un « rapport
gagnant-gagnant »311 pour assurer la
pérennité de la trame verte. Et cela passe par la conciliation
des intérêts privés et publics, pas le biais
économique. Ainsi, la TVB lilloise, élaborée à son
origine dans un objectif d'améliorer l'image de la ville, reste
fidèle à cet engagement. La toute-puissance du discours
économique est également utilisée pour promouvoir un objet
qui use de propos également écologiques. Le syndicat mixte ENLM
met en avant l'aspect transversal de la TVB, et cette position est reprise par
l'agence d'urbanisme et de développement. Pour Ivanova Rodastina, «
la TVB est forcément multifonctionnelle, elle ne sert pas seulement
à protéger la biodiversité »312.
Ainsi, la position pragmatique de Pierre Dhenin permet de faciliter le dialogue
avec les élus, mais également les entrepreneurs. Jean-Michel
Lebot et François Philip s'interroge sur cet aspect consensuel, et se
demande si « l'objet trame verte concoure à l'hybridation du
discours et au compromis ».313
|