CHAPITRE III : Le mainstreaming de l'écologie et
ses conséquences
Les conséquences de l'artificialisation sur la
biodiversité conduisent à l'apparition de la politique de Trame
verte et bleue qui ambitionne de rétablir les continuités
écologiques pour lutter contre l'érosion de la
biodiversité locale. Pourtant, ce concept s'éloigne de cette
visée écologique, et on peut parler de « mainstreaming
de l'écologie »276. De plus, le terme de
biodiversité peut être remis en question, et ainsi que la
légitimité de l'écologie de la restauration. Finalement,
peut-on dire que la Trame verte et bleue lilloise est une réussite ?
1. La TVB consensuelle au nom du développement
durable
Le concept de développement durable qui apparaît
au début des années 1980 cherche à associer trois aspects,
économique, social et environnemental. Ce qu'on a appelé les
trois piliers du développement durable se sont vus ajouter la notion de
gouvernance d'après le modèle de la concertation. La Trame verte
et bleue, en poursuivant l'objectif de concilier un aspect social et
économique ainsi qu'écologique, devient un outil de
concertation.
1.1.La TVB, un outil de concertation
a. L'impératif du dialogue
La Trame verte et bleue est un outil qui a pour but de
corriger les effets de la fragmentation des territoires. Si elle revendique, du
fait de son officialisation avec la loi de Grenelle, un aspect
écologique qui a du mal à fédérer les acteurs du
territoire, elle est également, et peut-être surtout, un moyen de
mettre ces acteurs autour de la table, et de brasser les connaissances afin
d'aboutir à un projet de territoire. Marie-Christine Blandin,
sénatrice verte en 2009, le souligne : « la trame n'est pas
seulement un but en soi. Il s'agit d'une opportunité pour que des gens
qui ne se parlent pas d'habitude se rencontrent, échangent leurs buts,
leurs connaissances, leurs contraintes et arrivent à accoucher de
quelque chose »277.
276 Andrew Dobson, Green Political Thought,
4e éd., London-New York, Routledge, 2007 (1990)
277 Pierre Alphandéry, Agnès Fortier et Anne
Sourdril, « Les données entre normalisation et territoire : la
construction de la trame verte et bleue », Développement
durable & territoires, Vol. 3, n°2, juillet 2012
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Laure Cormier partage ce point de vue, « la trame
verte met autour de la table différents partis qui commencent à
réaliser un savoir commun de prise en compte »278.
Dans le cas de la métropole lilloise, le syndicat mixte ENLM souligne
également son rôle de générateur de dialogue. Pour
son directeur, « la première mission d'ENLM reste la
concertation, la nature représente un domaine sensible, la bataille sur
l'usage des terres de la métropole lilloise est telle que nous avons
à convaincre de l'intérêt de la métropole verte
»279. La concertation semble être indispensable pour
mener à bien les opérations de restauration de la nature dans la
métropole, et la diffusion de l'information occupe une place
prépondérante dans la mise en oeuvre du concept de TVB.
Pierre Dhenin assure que la « mise en oeuvre de la
trame verte c'est d'abord la concertation »280, et
illustre son propos, « il y a une chose difficile à faire,
c'est d'abattre les arbres. Dans la métropole, il y a des peupliers car
c'est intéressant économiquement, mais après 40 ans, c'est
dangereux et il n'y a pas d'intérêt paysager
»281. A Haubourdin, il y a deux ans, le syndicat s'engage
à abattre 20 hectares de peupliers, et durant un an, il diffuse «
des informations pour expliquer la vie de l'arbre, il y a un comité
de suivi avec les forestiers »282. Toutefois, les
riverains sont attachés aux charmes et aux ormes qui poussent entre les
peupliers, bien qu'il soit « très compliqué de les
garder. Finalement, on a fait le premier abatage avec des chevaux de traie,
c'était un spectacle. Aujourd'hui, il y a une nouvelle forêt qui
pousse »283. Ainsi, « il y a eu 20 hectares
d'arbres qui tombent et aucune protestation »284.
Compte-tenu de cette réussite, il apparaît que le
dialogue est indispensable, et que la « trame verte est une oeuvre
collective »285 et l' « appropriation des lieux
»286 est essentielle. De même, si les documents
d'urbanisme qui implémentent cette trame verte, « la
réglementation doit être le fruit d'une information
»287 . L'élaboration du SCOT, et d'après
278 Entretien avec Laure Cormier, géographe, le 5 mars
2015 à Paris
279 Entretien avec Pierre Dhenin, directeur d'Espace Naturel
Lille Métropole, le 27 février 2015 à Lille
280 Ibid.
281 Ibid.
282 Ibid.
283 Ibid.
284 Ibid.
285 Entretien avec Rodastina Ivanova, responsable Structure
territoriale à l'Agence de Développement et d'Urbanisme de Lille,
le 19 mars 2015 à Lille
286 Ibid.
287 Ibid.
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Ivanova Rodastina, son intérêt, est « de
réunir élus et décideurs pour élaborer un projet
commun, une occupation des sols autour d'une ambition
»288.
La TVB semble donc être le fruit d'une concertation
complexe, que ce soit avec les résidents, ou avec les élus,
autour d'une vision du territoire, qu'elle soit à l'échelle du
citoyen comme à celle du décideur. Le dialogue est engagé
par le concept, et la « réussite de la Trame verte et bleue
repose sur l'implication de l'ensemble des acteurs qu'ils soient
décideurs, gestionnaires ou usagers de l'espace
»289. Il convient donc de « sensibiliser,
concerter et co-construire autour de la TVB »290 et «
d'identifier les clés de réussite pour faciliter le dialogue
territorial »291. Toutefois, si la concertation est
indispensable, le dialogue n'est pas évident.
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