b. Des élus démunis et
dépossédés
Pierre Alphandéry qualifie le Grenelle de
l'environnement de « dispositif complexe »257
caractérisé par différents niveaux d'intervention, une
volonté nationale de cadrer, et le caractère
indéterminé des mesures et outils à mettre en oeuvre au
plan local. Cette volonté nationale de cadrer est mal-vécue par
les élus locaux qui ont le sentiment d'être
dépossédés. En effet, avec le développement du
concept de Trame verte et bleue, la logique intercommunale est
prépondérante car ce dispositif nécessite une
homogénéisation des règlements, « on quitte alors
les enjeux très locaux et personnels, la décision est plus dans
le bien commun que dans la particularité locale
»258.
De plus, pour Laure Cormier, les élus sont
démunis car « trop d'échelles s'impliquent, il y a un
empilement de tous les niveaux. Entre le SRCE, le PLU, et le SCOT, comment les
élus s'y
253 Entretien avec Laure Cormier, géographe, le 5 mars
2015 à Paris
254 Entretien avec Rodastina Ivanova, responsable Structure
territoriale à l'Agence de Développement et d'Urbanisme de Lille,
le 19 mars 2015 à Lille
255 Schéma Directeur de Développement et
d'Urbanisme de Lille Métropole, élaboré par le Syndicat
mixte du Schéma Directeur de Lille Métropole et approuvé
le 6 décembre 2002
256 Entretien avec Pierre Dhenin, directeur d'Espace Naturel
Lille Métropole, le 27 février 2015 à Lille
257 Pierre Alphandéry, Agnès Fortier et Anne
Sourdril, « Les données entre normalisation et territoire : la
construction de la trame verte et bleue », Développement
durable & territoires, Vol. 3, n°2, juillet 2012
258 Entretien avec Laure Cormier, géographe, le 5 mars
2015 à Paris
67
retrouvent pour mettre en place ? Et avec la couche Natura
2000259, les ZNIEFF260, l'élu est démuni
»261. A ce problème de superposition des politiques
et des niveaux de gouvernance, il y a un enjeu financier. La trame verte est
bleue est « inscrite à l'échelle locale seulement d'un
point de vue réglementaire et il n'y a pas de subvention
»262. Pour Laure Cormier, « le zonage
réglementaire suggère des territoires figés et
dépossédés par les politiques centrales, sachant que c'est
fiscalement moins avantageux sur un territoire »263. En
effet, le rendement immobilier non-bâti est inférieur à 2%.
Pour faire face à l'imposition fiscale, « il s'avère
nécessaire d'accroître leurs rendements, et d'en changer la
substance, ou d'en amputer une partie c'est-à-dire de morceler les
espaces naturels ou de s'en défaire »264. Ainsi,
c'est en partie à cause de la fiscalité que les espaces naturels
sont morcelés, et la politique de TVB ne propose aucune mesure de
compensation auprès des élus. La réglementation
paraît être la seule mesure gouvernementale pour forcer
l'inscription de ce concept dans les documents d'urbanisme.
Pierre Dhenin nuance la problématique des financements.
D'après lui, les politiques de biodiversité sont très peu
coûteuses, il s'agit d'un « problème de volonté.
Les échangeurs autoroutiers correspondent à plusieurs
années d'investissement dans la TVB. La TVB ne coûte cher ni
à la conception, ni à l'entretien. Le grand stade a
coûté 700 millions d'euros. Au quotidien, bien plus de citadins
ont besoin de la TV que du stade, et ce besoin ira en grandissant
»265.
Si la Trame verte et bleue apparaît comme une
réglementation contraignante, elle est également difficile
à mettre en oeuvre, car emprunte du répertoire scientifique
parfois trop complexe pour les non-initiés, ce qui explique la mauvaise
réaction des maires à son égard.
259 Le réseau Natura 2000 est un ensemble de sites
naturels européens identifiés pour la rareté ou la
fragilité des espèces sauvage et de leurs habitats.
260 Les ZNIEFF, Zones Naturelles d'Intérêt
Ecologique, Faunistique et Floristique, sont des espaces naturels
labellisés par le ministère chargé de l'environnement
depuis 1982.
261 Entretien avec Laure Cormier, géographe, le 5 mars
2015 à Paris
262 Ibid.
263 Ibid.
264 Guillaume Sainteny, « L'étalement urbain »,
Annales des Mines - Responsabilité et Environnement, n°
49, 2008, pp. 7-15
265 Entretien avec Pierre Dhenin, directeur d'Espace Naturel
Lille Métropole, le 27 février 2015 à Lille
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3.3.Un concept difficile à appliquer
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