Le régime fiscal des fusions et opérations assimilées.( Télécharger le fichier original )par Mang Sabin FAYE Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Master Recherche Droit des Affaires 2013 |
B - Les effets du régime fiscal sur la situation des associésPour analyser les effets du régime fiscal de faveur sur la situation des associés il faut distinguer selon la situation des associés de la société absorbée (1) ou celle des associés de la société absorbante (2). 1- La situation des associés de la société absorbée En rémunération de l'apport de fusion, la société bénéficiaire émet des titres qui sont attribués aux actionnaires ou associés de la société absorbée. L'application du droit commun entrainerait perception de l'impôt sur les distributions.41(*) L'attribution est considérée comme une opération neutre et n'emporte pas perception de l'impôt sur les revenus.Ce que nous verrons en détails selon l'imposition personnelle des associées de la société absorbée et celle des associées de la société absorbante. Les associées de la société absorbée deviennent, à la faveur d'un échange de titre, associés de la société absorbante. Les titres anciens sont annulés et sont remplacés par des titres nouveaux émis par la société absorbante dans le cadre de l'augmentation de son capital. Cette substitution de titres peut mettre en relief une plus-value qui jusque-là n'était que latente. D'emblée il semble être nécessaire d'apporter des précisions sur la nature de ces gains d'échanges. Car cette distribution gratuite de titres de la société absorbante aux associés de la société absorbée n'est pas considérée comme une distribution de revenus imposables puisqu'il n y a eu échange et qu'elle ne dégage aucune liquidité chez le bénéficiaire. Cela trouve sa base légale dans l'article 115-1 CGI42(*)qui prévoient de façon expresse que dans le régime de faveur des fusions, « l'attribution gratuite des titres représentatifs de l'apport aux membres de la société apporteuse n'est pas considérée comme une distribution de revenus mobiliers ». De ce point de vue, la disparition de la société absorbée n'est pas traitée comme une dissolution et le gain réalisé par les associées n'a pas la nature d'un boni de liquidation, qui est le résultat positif qui peut apparaître à l'issue des opérations de liquidation c'est-à-dire que, de l'actif social, vont être soustraites un certain nombre de dettes de la société, il constitue l'ultime dividende qui est distribué par la société.43(*)Il est à distinguer de plusieurs notions voisines telles le boni, le mali et prime de fusion. La prime de fusion qui provient, lors de la rémunération, de la différence existant entre la valeur nominale des actions et leur valeur réelle supérieure est comme toute prime distribuable. Quant au boni de fusion, qui est inclus même dans la prime, il correspond à la différence entre le montant d'actif net apporté et la valeur comptable des titres détenus par l'absorbante chez l'absorbée.A l'inverse le mali de fusion correspond à un écart d'acquisition dépassant l'actif net apporté. Dans le jargon fiscal, le mali est « vrai » si l'apport a été consenti à de justes valeurs et le mali « faux » si l'apport a été effectué à la valeur nette comptable.44(*)Fiscalement le boni de fusion comme le boni de liquidation n'est pas considéré comme de revenus distribué. Alors si le gain d'échange n'est pas qualifié de revenu distribué, il est normalement imposé en tant que plus- value de cession de titres. Selon SERLOOTEN45(*) une telle imposition des plus-values est tout à fait naturelle si l'on relie ce phénomène à celui des amortissements. En effet la cession d'un bien amortissable à un prix supérieur à sa valeur résiduelle au bilan démontre l'excès d'amortissement. L'amortissement excessif étant venu en déduction du bénéfice imposable, l'imposition de la plus-value vient compenser cette déduction injustifiée. Mais une telle justification ne peut concerner que les biens amortissables et d'autre part, elle n'est valable qu'autant que les prix et la monnaie restent stables. En période de dépréciation monétaire, le profit révélé par la cession d'un élément de l'actif immobilisé n'est ni un gain, ni un amortissement exagéré, il provient simplement de la monnaie et son imposition est alors anomale. Ces considérations contradictoires expliquent le régime actuel du principe de l'imposition des plus-values corrigé par son aménagement en fonction de la durée de détention du bien qui amène à distinguer les plus- values à long terme et les plus -values à court terme. En réalité, l'associé n'est pas immédiatement inquiété du fait qu'il peut revendiquer le régime de sursis d'imposition46(*).Le régime du sursis d'imposition s'applique en cas d'apport de titres d'une société assujettie à l'impôt sur les sociétés à une autre société assujettie à l'impôt sur les sociétés. Un régime de sursis d'imposition s'applique et il est de droit. La différence entre le régime du sursis d'imposition et celui du report d'imposition est valable à l'étude des personnes physiques qui réalisent des plus-values sur cession de droits sociaux, mais aussi aux personnes morales. Dans un régime de report d'imposition, il y a nécessairement une option du contribuable. Ce dernier effectue une opération à l'occasion de laquelle est constatée une plus-value. Si le contribuable le demande et remplit les conditions, sa plus-value ne sera pas imposée et sera en report d'imposition. La plus-value en report d'imposition est toujours constatée, mais ne sera imposable qu'ultérieurement, lorsque l'un des événements mettant fin au report interviendra. Le régime de report d'imposition s'applique notamment pour les apports d'entreprise individuelle en société. Lorsqu'un entrepreneur décide de se mettre en société, il peut se placer sous un régime de report d'imposition. Ce régime a pour finalité d'inciter les entrepreneurs individuels à passer en régime de sociétés. Le sursis d'imposition, à la différence du report, n'est pas une option pour le contribuable. Il s'applique automatiquement. La plus-value latente n'est pas constatée fiscalement au moment de l'opération. La plus-value imposable du contribuable ne sera déterminée qu'ultérieurement, lorsque le contribuable cèdera les titres qui lui ont été remis lors de l'opération ouvrant droit au sursis. Le sursis d'imposition est justifié par l'absence de liquidité. Seule une soulte de faible importance est tolérée.47(*)L'imposition de la soulte peut bénéficier du régime fiscal des plus-values à long terme lorsque les titres de la société absorbée remplissent les conditions pour bénéficier du taux réduit.48(*)Le sursis d'imposition se caractérise par son caractère intercalaire. Plusieurs opérations d'échange de titres peuvent se succéder sans remise en cause du sursis d'imposition. 2- La situation des associés de la société absorbante Naturellement, la fusion laisse inchangée la situation des associés de la société absorbante puisqu'ils ne participent pas à l'augmentation du capital de celle-ci. Néanmoins, il existe une exception dans le cas général d'échange de titres particulièrement lorsque l'absorbante détient une participation dans l'absorbée. Cette hypothèse vise celle où la société mère absorbe sa filiale ; en principe, la société mère, en qualité d'associé de la société absorbée devrait recevoir aux lieux et place des titres de l'absorbée, des titres de la société absorbante.Cette dernière est interdit de recevoir ses propres actions en échange de la participation qu'elle détient dans l'absorbée à moins de recourir à la fusion-allotissement49(*) ou à l'opération de la fusion renonciation50(*). Quel que soit le procédé juridique retenu, les titres que détenait la société mère dans la société absorbée sont annuléssans remise de titres en échange etle sursis d'imposition n'a donc pas de raison d'être.51(*) * 41 Impôt sur le revenu si les attributaires sont des personnes physiques, impôt sur les sociétés s'ils sont des sociétés passibles de cet impôt. * 42 Cette disposition expresse du code général des impôts français sur la détermination de la nature des titres reçus par les associés de la société absorbée ne trouve pas de pendant dans la législation fiscale sénégalaise. Néanmoins le NCGI prévoit le sursis d'imposition de tels revenus. * 43SERLOOTEN. (P.), Op. Cit., p 650. * 44Lamy fiscal op. cit., p 814. * 45SERLOOTEN. (P.), op. Cit. p 306. * 46 Dans le régime du sursis, la plus-value n'est ni constaté ni imposée dans l'immédiat. Pour le cédant il s'agit d'une exonération définitive puisque la charge fiscale latente est transférée sur la tête du cessionnaire. Celui-ci devra en effet payer l'impôt correspondant lorsque le sursis prendra fin, par exemple en cas de revente du bien ou des titres. En revanche en cas de changement de régime fiscal d'une société ou d'apport de titres à une société, c'est bien le propriétaire originaire qui subira au final l'imposition de la plus- value. * 47 OUDENOT (Ph.) fiscalité approfondie des sociétés Litec 2?? éd 2001 p 635. * 48 Instruction administrative 41-1-93, 11 aout 1993 n 80. * 49 Elle consiste à attribuer à la société absorbante la fraction du patrimoine correspondant à ses droits puis d'émettre des titres qui seront remis aux autres associés de la société absorbée en contrepartie des droits sociaux qu'ils détiennent dans cette société. * 50 Dans cette hypothèse, la société absorbante renonce à émettre les titres qui devraient lui revenir et ne crée que les actions nécessaires à la rémunération des associés de la société absorbée qu'elle-même. En pratique la société absorbante déclare dans le traité de fusion « renoncer » au montant de l'augmentation de capital correspondant à ses droits dans la société absorbé. * 51OUDENOT. (Ph), opt, cit. p 639. |
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