Dedollarisation : enjeux, regard et perspectives( Télécharger le fichier original )par Espoir KAHENGA KALEMBO BUTALELE Université de Lubumbashi - Licence 2014 |
CHAPITRE TROISIEME : ANALYSE DE LA DEDOLLARISATION CONGOLAISEIII.1. REGARD SUR LA DOLLARISATION DE L'ECONOMIE CONGOLAISELe dollar (monnaie américaine) est la devise la plus utilisée dans le commerce international. Ainsi pour toutes ses importations, la RDC utilise plus la devise américaine. Cette situation influence directement le prix de revente des biens importés. Dans un pays qui importe presque tout, et le comportement du prix dépend très étroitement de la santé du billet vert (le dollar). Pour la population congolaise, le dollar américain c'est une monnaie fiduciaire (une monnaie dont la valeur repose sur la confiance du public) d'un usage très répandu dans le monde. Par rapport à ceci, la RDC dont l'économie dépend plus des importations se retrouve otage de cette monnaie américaine, d'autant plus que la monnaie nationale n'a pas une valeur internationale et ne s'utilise qu'au niveau de l'entendue nationale. La RDC ne produit pas assez et accuse une énorme faiblesse des exportations. D'où la difficulté de faire des recettes au niveau international. C'est ce qui fragilise toutes les reformes monétaires du pays. La dollarisation, constitue voilà plusieurs années, l'une de caractéristiques principales de l'économie congolaise. Ce phénomène a vu le jour pendant la décennie 90. Cette période marque une crise économique due aux faits constatés sur terrain, à savoir les pillages de 1991 et 1993, les politiques monétaire et budgétaire, les guerres, etc. ces éléments ont contribué à la désintermédiation financière profonde. La politique budgétaire du passé consistait à financer les déficits de l'Etat. Cette création monétaire sans contrepartie a provoqué le dérapage du taux de change ainsi qu'une inflation très prononcée. Au plan monétaire, la fixité du taux des réserves obligatoires élevés et le plafonnement des crédits par la BCC ont conduit à la marginalisation des banques dans leur rôle d'intermédiation financière. Comme constat : le manque de liquidité et l'insolvabilité des banques. D'où, une forte préférence de la monnaie fiduciaire au détriment de la monnaie scripturale, une méfiance du publique vis-à-vis du système bancaire... ces différents faits ont imprimé l'hyperinflation. Sur le marché, les congolais (Zaïrois à l'époque) ont assisté à une augmentation imprévisible et exponentielle du niveau générale des prix, une désorganisation du marché (tous les signaux sont floués), une fuite devant la monnaie nationale, etc. Face à cet état de choses, les agents économiques, pour se prémunir contre la perte de leur pouvoir d'achat, se détachent de la monnaie nationale en vue de se rattacher à une monnaie étrangère stable (dollar). Cette longue période de la hausse des prix intérieurs couplés de la perte de confiance du système bancaire ont poussé les agents économiques à constituer leurs économies en devises et sous matelas « la thésaurisation ». Or, cette dernière bloque le circuit bancaire, puis rend la marge de manoeuvre de la politique monétaire réduite. Car il est difficile de contrôler le flux en devises dans une période élargie du taux d'inflation à trois chiffres. Ainsi, cette inflation très déclarée a nui à la croissance économique. Les données ci-dessous illustrent l'évolution du taux d'inflation et celle de la croissance économique de 1990 à 2000 (en %) Cette évolution du taux d'inflation enregistrée, de 1990 à 2000, démontre une crise de confiance des agents économiques vis-à-vis des dirigeants. Ce qui a dilué, de fil en aiguille, les espoirs des agents face à la politique menée par les autorités publiques. Ainsi, une forte préférence du dollar s'affiche à tous les niveaux. De 13,7% en 1997, ce taux faible s'explique par le refus d'émissions de billets avec l'effigie de Mobutu ; sans variation de la masse monétaire. A cela s'ajoute l'effet psychologique à l'entrée de l'AFDL avec M'Zee Laurent-Désiré Kabila. Le pic de l'hyperinflation est atteint en 1994 avec un taux de 9796,9%. De ce fait, la croissance économique a été amputée à l'emballement de l'inflation durant cette décennie. Rappelons que pendant la période de l'hyperinflation, la prime sur le marché de change parallèle reste constamment au-dessus de 50%. Pour l'économie congolaise, en mai 2006, le taux de change fixe était de 52 FC le dollar contre 313,85 FC sur le marché de change parallèle. D'où, une prime sur le marché de change parallèle est de 503,5% avant l'application du régime de change flottant.57(*) Différentes leçons peuvent être tirées de l'expérience congolaise en matière de l'hyperinflation apparaît rarement du jour au lendemain : elle est généralement précédée d'une longue période d'inflation élevée et variable ; le processus de stabilisation peut prendre des années si la politique budgétaire n'est pas correctement ajusté. Même lorsque les reformes budgétaires sont opérées, le retour à une inflation faible prend du temps, surtout lorsque la monnaie sert de point d'ancrage nominal. Une forte réduction du déficit budgétaire est toujours une composante essentielle d'un programme de stabilisation, quel que soit le point d'ancrage monétaire. L'unification des marchés des changes est souvent un facteur de stabilisation essentiel, quel que soit le principal point d'ancrage nominal. L'autre constat est que la production s'est effondrée pendant et parfois avant l'hyperinflation : les mesures de stabilisation parviennent certes à contenir l'implosion de l'activité économique, mais ne semblent pas capables de relancer vigoureusement l'activité économique. Dans la plupart des cas, l'hyperinflation s'accompagne d'une contraction brutale de l'intermédiation financière. Tout compte fait, mettre fin à une hyperinflation ne suffit pas à ramener la demande de la monnaie nationale et d'avoirs monétaires intérieurs au niveau d'avant l'hyperinflation. Les capitaux rentrent au pays lorsque l'hyperinflation cesse, mais la dollarisation et d'autres formes d'indexation dominent l'intermédiation financière pendant de nombreuses années. Cependant, un délai de réaction est indispensable pour réduire le taux de dollarisation. Le Brésil et l'Argentine ont pris plus de 10 ans pour lutter contre la dollarisation, tandis que, le Liban, quand à lui, a pris plus de 20 ans.58(*) Mais il faut qu'au Congo, la dollarisation a pris davantage la forme d'une substitution pure de monnaies, la substitution d'actifs étant marginale. Les marchés financiers congolais sont en effet rudimentaires. Ils n'offrent pas assez d'alternatives de placement. Il n'y a pas de marché des titres publics. Les marchés d'actions et d'obligations du secteur privé n'existent pas. Vu le sous-développement et le degré très faible d'intégration de l'économie domestique avec les marchés internationaux, le public résident n'accède pas aisément aux actifs financiers étrangers. La dollarisation de la fonction de réserve de valeur a donc pris la forme la plus rudimentaire : il s'agit d'une simple thésaurisation des billets en devises dans des coffres privés. L'effondrement du système bancaire domestiquea poussé le public résident à détenir son épargne hors des circuits bancaires. Certes, la dollarisation des dépôts bancaires est très importante. Mais elle ne représente qu'une très faible fraction par rapport à la masse flottante des devises hors banque. En outre, alors que partout ailleurs la dollarisation des dépôts s'accompagne souvent d'une dollarisation des crédits. En ce qui concerne la dollarisation des fonctions d'unité de compte et d'intermédiaire d'échange, au Congo, depuis longtemps, la monnaie locale est devenue moins compétitive par rapport au dollar ou à l'euro (qui a pris la place du franc belge), les devises les plus couramment utilisées comme monnaie de référence dans la fixation des prix et dans les contrats. Le public résident a donc pris l'habitude de facturer les produits ou les services en devises même au niveau de petites transactions. Les frais scolaires, les honoraires des médecins, les frais de communication téléphonique (au sein d'un même réseau urbain), en fait les prix d'un grand nombre de biens et services sont soit libellés en devises, soit indexés fréquemment à l'évolution du taux de change du marché parallèle. À l'exception de la période où les transactions en devises ont été interdites (de janvier 1999 à fin janvier 2001), le dollar américain a servi de façon généralisée dans toutes les transactions intérieures, même celles impliquant de très faibles montants. La dollarisation des transactions intérieures est arrivée à un niveau tel que même l'État acceptait le paiement des taxes, impôts, redevances et droits de douane en devises. À défaut, les taxes et impôts étaient payables en monnaie locale, mais au taux de change en vigueur au jour. Ceci illustre une pratique exceptionnelle par rapport à d'autres économies dollarisées où l'État n'encourage pas les résidents à lui payer les taxes en devises. L'État congolais est arrivé, à une certaine époque, à négliger lui-même son privilège de battre monnaie, renonçant ainsi en partie au seigneuriage. Comme moyen de paiement, la monnaie locale a donc vu son rôle dans les transactions intérieures se réduire sensiblement, au point parfois de ne servir plus que de monnaie divisionnaire au dollar. La Banque Centrale du Congo a réussi à contenir l'hyperinflation en 2001 dans le cadre du Programme Intérimaire Renforcé (PIR), mis en oeuvre entre Mai 2001 et Mars 2002. En combinat une série d'instruments de politique monétaire, la Banque Centrale est parvenue à lisser les fluctuations du taux de change à partir de 2001 à 2003. De 313, 85 FC/USD en 2001, les taux des changes ont atteint 388,89FC le dollar et 372,76 FC/USD respectivement en 2002 et 2003. En ce qui concerne le taux d'inflation, le ralentissement a été observé pendant la même période. Il a quitté 135,1% en 2001 pour être sous la barre de 10%, soit 4% en 2003 en passant par 15,8% en 2002.En théorie, le taux de dollarisation au sens strict est les dépôts en devises sur la masse monétaire. A fin décembre 2007, le taux de dollarisation, a atteint 58,1% contre 51% en 2008. Son intensification à 65,8% à fin septembre 2009 s'explique par la dépréciation monétaire et l'instabilité des prix.59(*) Conjoncturellement, la stabilisation du cadre macroéconomique par les politiques monétaire et budgétaire permettra à la monnaie nationale de recouvrer son pouvoir d'achat. Structurellement, la production et sa diversification via l'industrialisation constituent un élément clé pour constituer un matelas de devises afin de lutter contre la dépréciation monétaire, et en vue d'une stabilité des prix. * 57 Noel K. TSHIANI,La bataille pour une monnaie nationale crédible, P. 56. * 58 NoelK. TSHIANI, Vision pour une monnaie forte, P. 67. * 59 NoelK. TSHIANI, Vision pour une monnaie forte, P. 69. |
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