§2 Imperfections du Système de la Charte des
Nations unies
Les postulats sur lesquels repose
le système de sécurité collective se sont
avérés erronés. Les imperfections qui en résultent
sont à l'origine de plusieurs faiblesses expliquant certaines
tentatives d'évolution de la Charte, dont le but était de rompre
avec son esprit.
1.
Faiblesses du système
Les insuffisances du
système de sécurité collective ont entraîné
une paralysie des mécanismes du chapitre VII, paralysie d'autant plus
grave qu'elle s'est accompagnée d'une absence de moyen militaires
affectés au service de la coercition collective.
A.paralysie de
mécanismes du chapitre vii
D'un point de vue historique, la
philosophie du système de sécurité collective est
fondée sur l'accord des vainqueurs de la seconde Guerre mondiale. Les
cinq Grands sont bénéficiaires d'un double
privilège : ils sont membres permanents du conseil de
sécurité et disposant du droit de veto (articles23et 27 de la
charte). Pour que l'alliance du temps de guerre puisse se poursuivre en temps
de paix, l'entente des P 5 était indispensable. Le bon fonctionnement du
système est donc tributaire de l'absence d'utilisation du veto ou de
l'unanimité des grandes puissances, le système n'étant pas
mis en oeuvre par tous. La preuve en est par exemple fournie par le vote
unanime de douze résolutions d'août à novembre 1990,
pendant le conflit Irak /Koweït, le conseil fonctionnant alors sans
accroc.
La méfiance et l'opposition
entre les Etats-Unis et l'URSS a très vite paralysé le conseil de
sécurité. La naissance de la guerre froide et la division du
monde en deux blocs politiques ont empêché le conseil d'appliquer
les dispositions du chapitre VII. En 1950, seule l'absence conjoncturelle de
L'URSS du conseil de sécurité permet de mettre entre
parenthèses momentanément leur opposition et décider d'une
intervention militaire des Nations unies en Corée. La logique bipolaire
va ensuite entraîner le développement d'une utilisation extensive
du veto, parce que les grandes puissances s'en servent dans des situations
où leurs intérêts sont indirectement en cause. Ainsi, des
Etats agresseurs protégés par un membre permanent, tout comme par
les membres permanents eux-mêmes, peuvent rester en dehors du
système de sécurité collective. Sans volonté
politique des Etats de se conformer à la charte, la
sécurité collective est en crise : « Des
Etats de se conformer à la charte, on passe ainsi à une paralysie
généralisée au gré des alliances et
clientèles établies au espérées ».
Quand elle veut protéger
ses intérêts directs, ou indirects, chaque grande puissance
utilise également parfois le droit de veto de manière plus au
moins abusive. Durant les années 50 et 60, l'Occident a
dénoncé l'abus du droit de veto par l'URSS. Dans l'affaire de
suez en 1956, la France et le Royaume-Uni ont fait de même. Suite
à la nationalisation du canal de Suez, ces deux Etats interviennent
militairement en Egypte et opposent ensuite leur veto par l'adoption d'une
résolution du conseil, saisi de l'affaire par les Etats-Unis.
L'Assemblée générale interviendra alors en se fondant sur
la résolution Acheson. Les Etats-Unis et le Royaume- Uni se sont
opposés à une proposition dont l'objet était de
sanctionner les Etats ne respectant pas les mesures imposées par le
conseil dans l'affaire rhodésienne. Les Etats-Unis ont aussi souvent
utilisé leur droit de veto pour éviter la condamnation
d'Israël et différer la reconnaissance des droits du peuple
palestinien. Le conseil de sécurité peut encore n'être
jamais saisi d'un conflit parce que des membres permanents y sont fortement
impliqués, ainsi qu'en atteste la guerre de Viêt-Nam. Ces jalons
montrent que l'utilisation du droit de veto comme instrument politique ne
pouvait qu'aboutir à la paralysie du chapitre VII.
L'après « guerre
froide » et l'activité soutenue du conseil de
sécurité pendant la guerre du Golfe ont pu laisser croire que la
voie de la coercition collective avait été retrouvée. Le
conseil a adopté jusqu'à 93 résolutions en une
année (1993), au point qu'on puisse évoquer « une sorte
de surchauffe du système de sécurité
collective », même si cet activisme n'est pas toujours synonyme
d'efficacité. Le groupe occidental avait trouvé temporairement,
sous M. Gorbatchev, un terrain d'entente et le veto russe semblait
remisé aux oubliettes.
Actuellement, le conseil de
sécurité semble de nouveau bloqué, mais par un double veto
en quelque sorte, russe et chinois. La Russie confrontée a des graves
difficultés intérieures, s'oppose aux pays occidentaux. Pour
essayer des jouer à nouveau un rôle de premier ordre au plan
international. La chine, obnubilée par la question de Taïwan et
par la crainte d'accusation de violation de droit de l'homme, multiplie les
contentieux avec les membres permanents du conseil, principalement les
Etats-Unis et refuse de coopérer.
B. absence des moyens
techniques de la coercition collective
Le fait que les articles 43 et
suivants de la charte soient restés lettre morte explique ce
défaut de moyens techniques. L'absence d'une vraie force militaire
à la disposition de conseil de sécurité trouve sa raison
dans le manque de volonté des Etats pour conclure les accords de
l'article 43 et fait qu'ils souhaitent conserver la maîtrise de leurs
contingents . Cette carence hypothèque grandement les
capacités des interventions de l'organisation mondiale, car elle est
dans l'obligation de solliciter les Etats membres pour qu'ils pour qu'ils
mettent a sa disposition des moyens militaires et /ou financiers ou de
sous-traite avec des Etats volontaires pour intervenir, comme dans le Golfe ou
en Somalie (opération « tempête du
désert » et « Restaurer l'espoir »).
En l'absence des accords spéciaux de l'article 43, le conseil n'a pas
été en mesure d'appliquer la plus coercitive des mesures,
l'action militaire prévue à l'article 42.Les régime
provisoire de l'article 106, applicable avant l'entrée en vigueur des
accords spéciaux, ne s'est jamais non plus traduit par une intervention
commune des P5.
L'ancien secrétaire de
l'ONU s'est prononcé dans son rapport intitulé Agenda de la
paix, pour renforcement des moyens de l'ONU, parce qu'il estime que des
forces armées immédiatement disponibles constituent, pour le
conseil de sécurité, un moyen de dissuasion contre un agresseur
potentiel. Avec sa proposition de création
de' « unité d'imposition de la paix », la
situation serait la suivante. Les forces prévues à l'article 43
interviendraient « en cas d'agression caractérisée, en
cours ou imminente », mais il est peu probable qu'elles existent dans
un proche avenir, malgré l'invitation à conclure les accords
spéciaux. Les unités d'imposition de la paix placée sous
la responsabilité du conseil de sécurité et
dirigées par le secrétaire général, dont le mandat
serait défini à l'avance suite a une décision du conseil,
représenteraient un moyen supplémentaire permettant le respect de
cessez-le-feu ou l'application d'un traité de paix. Elles seraient
fournies par les Etats membres, composées de militaires volontaires
préalablement entraînés et tenues en réserve. Elles
devraient être plus lourdement armées que les forces de maintien
de la paix. Ces caractéristiques laissent supposer qu'elles
s'affranchiraient des limites s'appliquant aux forces des maintiens de la paix,
notamment quant à l'utilisation des armes en cas de légitime
défense. Fondées sur l'article 40 de la charte, les unités
d'imposition de la paix sont donc des forces intermédiaires entre celles
de l'article 43et la force classique de maintiens de la paix. Leur
création permettrait certainement à l'ONU de disposer de forces
armées aptes à réaliser une opération militaire
coercitive.
L'agenda pour la paix a
reçu un accueil réservé de la part des Etats mais l'ONU
dispose tout de même depuis 1994 de ressources « en
attente ». Ces forces en « standby » sont
résultat d'accords passés entre l'ONU et chacun des Etats
membres, afin d'établir un tableau de forces susceptibles
d'intervenir.
Portant du constant que le moyens
militaires destinés à assurer le maintien de la paix ne
répondent plus en quantité et en qualité aux besoins de
l'organisation, le secrétaire général a encore
proposé la création d'une « force de réaction
rapide » constituant « la réserve stratégique
du conseil de sécurité, qui pourrait la déployer en cas de
besoin urgent de troupes de maintien de la paix ». Les conflits des
années 1990 que l'ONU prend en charge ont monté ont montrent
l'importance du pouvoir agir rapidement, afin d'éviter des pertes en
vies humaines et de limiter les souffrances des populations. Cette force
comprendrait des bataillons en provenance de plusieurs pays. Ils auraient
reçu la même instruction, opéreraient selon les mêmes
procédures, utiliseraient des matériels compatibles et feraient
régulièrement des manoeuvres communes. Stationnés dans
leurs pays d'origine, ces contingents offriraient au conseil de
sécurité possibilité de déployer, en cas d'alerte,
une force indépendante dans l'urgence. L'inconvénient est que
cette force de déploiement rapide est une initiative complexe et
onéreuse.
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