DISCUSSION & CONCLUSION GÉNÉRALE
Ce travail consistait à mener une analyse spatio -
temporelle afin de déceler les causes principales du ravinement à
Kinshasa en se servant de la télédétection et du SIG. Nous
avons préconisé que la structure urbaine était à
l'origine du phénomène par le fait qu'elle a conduit à un
changement du régime hydrologique sur les versants de cours d'eau. Il
s'agissait d'établir au préalable un inventaire
systématique des ravins qui parsèment les collines de Kinshasa
dans la période allant de 1957 en 2007 et de les caractériser.
Dans un premier temps, nous avons retenu que beaucoup de
problèmes environnementaux auxquels Kinshasa est confrontée sont
dus à l'installation de la ville dans les collines. Si la ville
s'était limitée dans la plaine, le ravinement et les ensablements
ainsi que inondations corrélatifs en basse ville n'auraient pas eu lieu.
Un autre problème se dessine également avec l'installation des
gens dans les cirques d'érosion situés en majorité au sud
du cordon des collines et qui sont des formes de relief actives. Pourtant les
cirques d'érosion se dégradent par glissements de terrain qui
sont des phénomènes beaucoup plus catastrophiques que le
ravinement.
Les techniques de la télédétection et du
SIG nous ont permis de constituer une bonne base de données en
photographies aériennes, images et cartes disponibles. Mais aussi de
mener cette étude diachronique sur l'expansion urbaine de Kinshasa et
d'établir notre inventaire des ravins. S'agissant de l'inventaire, la
télédétection et le SIG se sont avérés comme
étant des outils non négligeables d'analyse spatio-temporelle
afin de suivre l'évolution de la dégradation du milieu urbain
à l'instar de la ville de Kinshasa entre 1957 et 2007. Grâce
à l'image SPOT 5 avec une précision de 5 m, 307 grands ravins
sont identifiés qui déchirent la haute ville en 2007.
Contrairement à l'inventaire de 1976 - 77 établie par M. Xavier
VAN CAILLIE, cet inventaire montre des ravins incisant des zones situées
bien au-delà de ses observations. Pourtant ces zones situées au
sud et à l'ouest étaient loties bien avant qu'il
n'établisse sa carte. Nous avons estimé une perte
d'investissements dans le secteur de l'habitat à environ 1 200 000 euros
par an. Pourtant, le pays n'investit plus dans les logements depuis plus de
deux décennies.
Cherchant à déceler la cause principale du
ravinement à Kinshasa et à établir un lien direct entre la
structure urbaine notamment les routes et le ravinement, l'outil SIG nous
montre que 291 sur 307 ravins identifiés représentant 94,8% sont
aux abords d'une route ou que c'est la route elle-même qui a
été ravinée. Aussi, nous remarquons la présence de
ravins dès la pente de 5% contrairement à VAN CAILLIE (1990) qui
les prévoit à partir de 12,5% : ce qui signifierait un changement
dans les conditions de la genèse de l'érosion hydrique dans ce
milieu. Alors, il existe non seulement un véritable problème de
drainage d'eau dans la ville mais aussi les routes sont des lieux de
prédilection de l'origine et de concentration des eaux de ruissellement
pluvial. Le système de drainage par caniveau étant
dépassé ou défectueux ou encore inexistant, de fortes
quantités d'eau se concentrent le long des routes. Par
76
débordement, elles s'écoulent sur les versants
qu'elles ravinent créant ainsi un paysage de bad land. Nous
avons démontré l'inefficacité de multiples techniques
employées dans la lutte anti-érosive. Tant que l'eau de
ruissellement arrive dans le ravin, la densité de couverture
végétale étant faible et les caniveaux implantés
seront sous-dimensionnés, non curés et incomplets, la gestion du
ravinement restera toujours un frein pour le développement de la ville
de Kinshasa. Pourtant des sommes colossales évaluées à des
millions des dollars américains sont engagées sans succès
de temps à autre.
Par ailleurs, nous savons par les travaux de DE PLOEY &
SAVAT (1968) que la forme convexe des collines s'est développée
essentiellement par le splash accompagné de peu ou pas de ruissellement
dans un environnement ouvert. Nous avons aussi pu constater sur les anciennes
photographies aériennes de 1957 que la plus grande partie du territoire
occupé aujourd'hui par la ville, étant encore sous bois naturel
ou sous plantation de palmiers, connaissait peu ou pas de traces de
ruissellement. Mais à l'heure actuelle, le coefficient de ruissellement
dans la ville de Kinshasa est de 13% par la suite de constructions de surfaces
peu ou pas perméables dans le processus de l'urbanisation (NTOMBI &
MAKANZU, 2006). Nous avons travaillé sur base des données allant
de 1971 à 2000. Cette précédente étude a
démontré qu'entre 1971 et 1980, le taux de ruissellement
était presque nul dans la ville de Kinshasa et en particulier dans le
bassin versant de la Lukunga. Au cours de cette période, le taux le plus
élevé était de 28,1% au cours de l'année
hydrologique 1973 - 74 avec 2.092,9 mm d'eau bien au delà de la normale
calculée soit 1.506,7 mm. Si l'on soustrayait cette année qui
semble être exceptionnelle, le taux de ruissellement le plus
élevé au cours de cette période reste d'environ 4,6% des
précipitations. On peut actuellement s'attendre à un taux
beaucoup plus élevé pour une ville où il y a beaucoup de
surfaces imperméabilisées. En plus, l'évolution des
précipitations dans le sens d'une contribution croissante des grands
orages (NTOMBI et al., 2004) nous fait croire que les
intensités de pic vont aussi en augmentant. Le débit de pic du
ruissellement aurait suivi les intensités des pluies et par
conséquent l'augmentation de l'érosivité.
On voit que le paysage urbanisé contrairement à
celui d'avant, contient beaucoup d'aires de grande production de ruissellement.
Si l'urbanisation n'avait pas d'impact sur le drainage superficiel, on pourrait
encore espérer que la forme convexe et divergente des collines
étalerait les eaux de ruissellement en largeur de façon à
ce qu'elles perdent de leur potentiel érosif. Aussi, on sait bien que
les routes, les égouts, ... concentrent les eaux des nappes diffuses.
Comme le signale STEVENS (2006), l'administration coloniale
avait classé les zones collinaires comme non aedificandi et
où la végétation était protégée et le
développement urbain interdit. L'aléa « ravinement »
était prévisible à Kinshasa. Cela est dû à
son type de relief collinaire à forme convexe. Ce relief est
combiné à un sol sableux sur de fortes pentes et recevant des
précipitations orageuses et ce, surtout avec l'augmentation de la
vulnérabilité créée suite à
l'imperméabilisation du sol due à l'urbanisation en
général et les infrastructures routières ainsi que les
parcelles d'habitations en particulier. Cette vulnérabilité s'est
accrue
77
lorsque l'Etat congolais a cessé de réglementer
le lotissement de nouveaux terrains laissant libre cours aux chefs coutumiers
d'une part et d'autre part par le manque d'éducation mésologique
de la population. Les versants de collines de la ville de Kinshasa ont
été envahis par une auto-construction qui désarticulent la
structure urbaine et a exposé aux risques de ravinement des quartiers
autrefois structurés et planifiés qui sont sur les sommets des
collines. Sur ces versants des collines à forte pente, le plan des rues
en damier a été calqué au modèle de la ville basse
favorisant ainsi de fortes concentrations de ruissellement d'eau des pluies.
Comme le dit PAIN (1984), les rues ont découpé les flancs des
collines dans le sens de la plus grande pente engendrant des érosions
catastrophiques. Cette urbanisation non contrôlée est due à
l'ambigüité de la loi foncière dite Loi BAKAJIKA, au non
respect du Schéma Directeur d'Aménagement Urbain de Kinshasa,
à un exode rural massif entrainant une démographie galopante et
au besoin manifeste d'être propriétaire d'une parcelle.
L'approche cartographique par la
télédétection et le SIG s'est avérée
être un outil d'aide à la décision dans la recherche de
solutions au problème d'aménagement du territoire en
général et de la restructuration des bassins versants
ravinés à travers la ville de Kinshasa en particulier.
La ville ne pourrait s'en sortir que par une cartographie
participative des risques aboutissant à un zonage selon le degré
de vulnérabilité des populations qui se sont installées
sur ce site. L'amélioration du réseau d'égouttage
intégrant des dispositifs qui puissent favoriser l'absorption maximale
des eaux de pluies. Le surplus du ruissellement pourrait rejoindre le
réseau de drainage qui pour être efficace devrait
bénéficier d'un concours des habitants. Ces derniers devraient
gérer les eaux des pluies à partir de leurs parcelles en
installant des puits d'eau et des fossés d'infiltration parcellaires ou
des citernes d'eau des pluies. Ainsi, le taux de ruissellement serait
réduit sensiblement à travers les infrastructures
routières (pistes piétonnes, ruelles, rues, avenues et routes).
Car l'érosion hydrique et le ravinement associé sont dus au
ruissellement des eaux de pluies au détriment de l'infiltration dans
sols et de leur drainage jusque dans la vallée.
Cela nous conduirait à maitriser le processus
dès son origine ; à savoir : « étudier le
développement du ruissellement des eaux de pluies et ses effets à
Kinshasa » dans une étude plus approfondie à travers surtout
des travaux de terrain, des simulations au laboratoire (géomorphologie
expérimentale) et peut-être des modélisations.
DE MAXIMY R., 1974. Site général de Kinshasa.
In : Atlas de Kinshasa, Planche 1, B.E.A.U/T.P.A.T, IGN - Paris.
78
|