En grande majorité analphabète, la population de
notre pays a conservé des valeurs socio-culturelles souvent
néfastes. L'Homme n'existe qu'en société. Il appartient
à une famille qui vit au sein d'une communauté et il
écoute mieux les membres de sa communauté. Certains de ses
comportements, ses manières de penser, de sentir et d'agir ne sont pas
indépendants des valeurs du groupe social auquel il appartient. Ces
valeurs s'imposent à lui.
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C'est ainsi que le patient pendant son séjour à
l'hôpital recevra la visite des amis, voisins et surtout des membres de
sa collectivité qui sont susceptibles d'exercer une influence sur le
choix du malade. Au cas où c'est la famille qui prend en charge le
coût du traitement, quand celle-ci décide une SCAM, alors,
certains patients ne peuvent que se résigner au verdict.
Dans le traitement des fractures, luxations, ou entorses par la
médecine moderne, certains patients ont peur du plâtre qu'ils
redoutent pour diverses raisons. Les patients craignent aussi
l'anesthésie au cours de l'intervention qu'ils comparent à une
mort ou un sommeil dont l'issue est incertaine.
Après une intervention d'ostéosynthèse sur
le membre, il reste encore une deuxième opération pour l'ablation
du matériel d'ostéosynthèse. Or, subir des interventions
chirurgicales à répétition est synonyme de s'affaiblir
physiquement. "On ne sort pas neuf d'une chirurgie" disent-elles.
Il pourrait encore s'agir d'une angoisse bien habituelle
vis-à-vis de l'hôpital, des examens nécessaires, ou d'une
appréhension tout à fait légitime vis-à-vis de la
thérapeutique et de ses effets secondaires. [15]
La consultation des oracles, les sacrifices et bien d'autres
pratiques sont des convictions culturelles qui peuvent influencer la prise en
charge d'une maladie chez un patient, ou tout au moins affecter la disposition
appropriée à prendre devant cette maladie.
Chez certains patients, les circonstances dans lesquelles se
sont produits le traumatisme et la fracture donnent lieu à des
interprétations diverses. La tendance serait donc d'orienter le malade
vers un traitement traditionnel qui pourrait expliquer les causes occultes
probables et instituer le traitement adapté.
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Le tradithérapeute, sollicité à n'importe
qu'elle heure se rend au chevet du traumatisé et partage le repas
familial, discute avec l'entourage, des causes possibles de la maladie et des
moyens à mettre en oeuvre pour la combattre. L'entourage dans son
ensemble participe à l'acte thérapeutique et aux soins.
Aussi, si le rebouteux ou d'une façon plus
générale celui ou celle qui pratique la médecine
traditionnelle est un être étrange (qui détiendrait son
savoir d'une force occulte), il n'est pas pour autant un étranger. Il
s'instaure donc entre lui et le patient une familiarité qui rompt les
résistances et établit une confiance totale.
[16]
Par ailleurs, tous les individus à tout âge sont
soumis à l'influence de leur entourage mais les patients jeunes encore
plus sous la dépendance de leurs parents semblent subir la
décision des parents de sortir contre avis médical. La vieillesse
correspond à une période où le patient est à la
charge de ses fils ou sa famille. Ces tranches d'âge constituent la
population inactive qui est composée de toutes les personnes qui ne sont
ni employées ni à la recherche d'un emploi. Dans ce cas, le chef
de ménage joue un rôle de premier plan en matière de prise
en charge de la pathologie osseuse du patient et il a pouvoir de
décision.
Comme partout ailleurs, dans nos contrées, le sexe faible
est la femme. Une étude socio anthropologique sur les connaissances,
attitudes et pratiques des populations dans le domaine de la santé
maternelle et infantile dans les provinces du Houet, Kouritenga, Sanguié
et Tapoa, en 1992 réalisée par la Direction de la Santé de
la Famille du Ministère de la Santé, a relevé que d'une
façon générale, c'est le mari qui décide des
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questions de santé maternelles. D'autres parents y sont
parfois impliqués [17]
Dans son ouvrage « les fondements de l'économie de
santé », Charles E. PHELPS cité par MUSHAGALUSA S. P. [3]
affirme que comme tout autre bien économique, la demande de soins
médicaux ou chirurgicaux dépend des revenus or, un revenu suppose
l'existence d'un ensemble de mécanismes permettant de le mobiliser. Dans
cet ensemble de mécanismes, il y a la profession qui est le processus
par lequel les ressources financières et matérielles sont
mobilisées.
Au Burkina Faso, l'exercice de l'activité agricole
demeure toutefois l'activité principale des ménages ruraux
puisque 94,3% de ces ménages la pratiquent contre seulement 23% dans les
villes. Cette agriculture est le plus souvent pratiquée de façon
artisanale avec de faibles rendements.
A l'instar de l'agriculture, l'élevage occupe bon nombre
de ménages Burkinabè. Environs 69.9% s'adonnent à cette
activité et se fait généralement en association avec
l'agriculture. [18]
En dehors de l'agriculture et l'élevage, on
dénombre une multitude d'emplois en campagne et surtout en ville.
Très souvent dans notre contexte, un emploi bien
rémunéré n'est pas toujours la garantie d'une
indépendance économique et/ou financière car le
salarié est dans bien de cas une providence pour de nombreux
collatéraux.
En outre, les traumatismes des os et ou des articulations
demandent des moyens financiers pour la prise en charge. Il faut de l'argent
pour la consultation, les frais d'hospitalisation, les examens biologiques et
radiologiques puis honorer les ordonnances en vue d'assurer les pansements en
cas de fracture ouverte. Si la fracture est ouverte, la
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fréquence des pansements est en fonction de l'état
de la plaie. Ainsi, les pansements peuvent être quotidiens, bi ou tri
hebdomadaires. Plus la fréquence des pansements est rapprochée,
plus le malade doit dépenser pour assurer le nécessaire pour les
pansements.
Les frais d'hospitalisation sont facturés par semaine
selon la catégorie de la chambre pour éviter aux patients un
cumul de frais à payer.
Lorsque le patient est programmé pour une intervention,
des bulletins d'analyses médicales pour le bilan pré
opératoire et une ordonnance médicale pré
opératoire lui sont remis. Le tarif de l'acte opératoire est
à honorer avant la réalisation de l'acte. Les frais des
ordonnances et de la tarification doivent être payés au comptant,
le paiement par tempérament n'est pas accepté. La veille ou le
matin de l'intervention, tous les produits prescrits sont
vérifiés et le matériel manquant doit être
obligatoirement complété sous peine de report de l'intervention
à une date ultérieure.
Par ailleurs, la prévention des risques thromboemboliques
nécessite l'utilisation de médicaments anticoagulants au
quotidien avant et après l'intervention et ce jusqu'à appuis
complet en cas de fracture de l'appareil locomoteur.
Parallèlement à ces dépenses, la famille
est obligée de supporter les frais pour la navette
hôpital-domicile, la restauration ainsi que d'autres efforts dont il est
difficile d'évaluer le coût.
L'importance des effets qu'exerce le coût des traumatismes
sur la situation financière et autres, des victimes et de leur famille
ont été analysés en détail dans plusieurs pays.
Une étude faite au Ghana a montré que dans plus de
40% des familles des victimes de traumatisme, il y avait une chute du revenu
familial et qu'environ 20% étaient obligées de s'endetter pour
payer le traitement
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médical. Dans la même étude, un quart des
familles dit avoir vu sa consommation alimentaire diminuée à la
suite de la prise en charge financière d'un traumatisé. [2]
2.1.3.1.1 Approche par les quintiles de niveau de
vie
Sur la base des dépenses moyennes annuelles par personne
définies comme échelle des niveaux de vie, le tableau ci-dessous
donne la distribution des individus sur les cinq quintiles des dépenses.
Sans introduire de séparation rigide et absolue entre "pauvres" et "non
pauvres", l'approche par les quintiles de niveau de vie permet
d'apprécier "en continu" le comportement des individus lorsque l'on
monte dans l'échelle des niveaux de vie.
Tableau I : Présentation des quintiles de niveau
de vie par personne.