UNIVERSITE PARIS-SUD
Faculté Jean Monnet - Droit, Économie, Gestion
Année universitaire 2012-2013
LA FRATRIE
Mémoire de Master 2 - recherche
Mention Droit Privé Fondamental
présenté par
Thibaut COSSET
Sous la direction de
Madame le Professeur Sophie GAUDEMET
2
3
La Fratrie
Avertissement
« L'Université n'entend donner ni approbation
ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Celles-ci
doivent être considérées comme propres à l'auteur
»
4
La Fratrie
Liste des principales abréviations
AJDI Actualité juridique de droit immobilier
AJ Fam. Actualité juridique de droit de la fa-
mille
AN Assemblée Nationale
art. article
art. cit. article précité
Ass. plén. Assemblée plénière de la
Cour de cassation
bull. bulletin
CA Cour d'appel
C.civ. Code civil
CCTF Cahiers critiques de thérapie familiale
et de pratiques de réseaux
CE Conseil d'Etat
CEDH Cour européenne des droits de
l'Homme
Cf. supra Voir ci-dessus
Cf. infra Voir ci-dessous
CGI Code général des impôts
chron. Chronique de jurisprudence
Civ. Chambre civile de la Cour de cassa-
tion
CJCE/CJUE Cour de Justice des Communautés
européennes / de l'Union européenne
Com. Chambre commerciale de la Cour de
cassation
Comm. Commentaire
Concl. Conclusions
Cons. const. Conseil constitutionnel
Conv. EDH Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'Homme et des libertés fondamentales
CP Code pénal
CPC Code de procédure civile
CPP Code de procédure pénale
Crim. Chambre criminelle de la Cour de
5
cassation CSP Code de la santé publique
D. Recueil Dalloz
Dr. et Patr. Revue droit et patrimoine
DUDH Déclaration universelle des droits de
l'Homme
éd. édition
et alii. et autres auteurs
fasc. Fascicule
Gaz. Pal. Gazette du Palais
Ibid. Ibidem
IS Revue informations sociales
JCP G. Semaine juridique, édition
générale
JCP N. Semaine juridique, édition notariale
JO Journal Officiel
LPA Les petites affiches
n° numéro
obs. observations
op. cit. oeuvre précité
p. page(s)
préc. précité(e)
rappr. Rapprocher de
RDSS Revue de droit sanitaire et social
Rép. Répertoire
Rev. Soc. Revue des sociétés
RFDC Revue française de droit constitution-
nel
RLDC Revue Lamy de droit civil
RJPF Revue juridique personnes et famille
RSC Revue de science criminelle et de droit
pénal comparé
RTD Civ. Revue trimestrielle de droit civil
RTD H Revue trimestrielle des droits de
l'Homme
S. Recueil Sirey
somm. Sommaire
spéc. spécialement
6
7
La Fratrie
INTRODUCTION
1. L'Humanité repose sur le postulat d'une
parenté commune à chacun ses membres. « Tous les
êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en
droits [...] et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de
fraternité » (DUDH, art. 1er). La fraternité
unit ceux qui partagent un ensemble de caractéristiques communes : la
raison qui anime chaque être humain suffit à affirmer que «
tous les hommes sont frères »1. Puis,
l'exercice d'une même profession permet de se traiter en «
confrères », une alliance fait naître des «
frères d'armes », une nourrice des «
frères de lait ».
2. La fratrie désigne ainsi un ensemble de liens qui
se tissent au gré des relations qu'entretient chaque individu au sein de
l'humanité. Par l'intensité de ses liens, c'est naturellement
dans le cadre familial que la fratrie a trouvé une place
privilégiée et que le droit s'est employé à
organiser les rapports entre frères et soeurs.
3. La fratrie dans la famille - Selon les
fonctions qui lui sont dévolues - éducation, production, secours,
transmission, etc. - la famille, véritable « accordéon
»2, se déploie ou se rétracte sans qu'il
n'ait jamais été possible d'en donner une définition
unique3. Schématiquement, il serait possible d'opposer
à une famille « des temps ordinaires » réduite
aux parents ou au couple et aux enfants, une famille « des temps de
crise »4, plus élargie. La fratrie, avec les
ascendants, les alliés, voire les proches, n'interviendrait que dans le
second cas, afin de suppléer l'État dans sa mission de sauvegarde
de l'ordre public. Le frère se voit alors reconnaître des
prérogatives particulières telles que l'opposition à
mariage (C.civ., art. 174), l'organisation de mesures de protections (C.civ.,
art. 456) ou la mise en oeuvre des mesures d'assistance éducative
(C.civ., art. 375-3).
4. Or, dans la famille nucléaire, la fratrie est
dépassée par l'intérêt de l'enfant pris
isolément tandis que dans la famille élargie, elle est
absorbée par le cercle des proches auquel le droit n'accorde d'effets
qu'au regard des « sentiments exprimés » par
l'intéressé (C.civ., art. 456). L'autonomie de la fratrie semble
difficile à admettre alors que le droit n'en tient compte qu'à
travers les intérêts particuliers de ses membres. Aussi, la
fratrie est-elle, « pour l'essentiel, un empêchement à
mariage et une vocation successorale de deuxième ordre - un interdit,
une espérance -, quelques bribes d'appoint et beaucoup
Nota : le terme de frère sera employé pour
désigner indifféremment les frères et soeurs.
1 Dictionnaire de l'Académie
Française, 9e éd., 1986, v° «
frère » ; GANDHI, Tous les hommes sont frères,
Folio, 2003, 313 p.
2 Raymond LINDON, « La "famille accordéon"
», JCP, 1965, I, chron. 1965
3 Judith ROCHFELD, Les grandes notions du droit
privé, PUF, 2011, p. 110
4 Anne-Marie LEROYER, Droit de la famille,
PUF, 2011, p. 52
8
de silence »5. Il s'ensuit une
indifférence quasi-unanime à l'égard des frères et
soeur ; la fratrie étant réduite à un schéma
sommaire6, une « ligne collatérale
»7, « humiliée »8,
sinon « inutile [et] plutôt encombrante
»9.
5. Ce désintéressement pour la fratrie
résulte, semble-t-il, de deux postulats erronés. D'une part, la
fratrie n'est abordée qu'à travers un droit contraignant, sans
rechercher si des normes sociales ou des règles plus permissives ne
participent pas également de sa définition. D'autre part,
l'étude des liens fraternels est souvent limitée aux relations
entre enfants d'un même parent et fait l'économie d'une
réflexion indispensable sur la définition-même de la
fratrie. Or, toute tentative de définition de la fratrie
révèle d'emblée l'intérêt de l'histoire et du
droit pour cette institution particulière.
6. Ambiguïté de la définition -
La définition de la fratrie paraît, à
première vue, évidente10. Le droit comme le langage
courant désignent par ce terme « l'ensemble des frères
et soeurs d'une même famille »11. En revanche, le
sens de « frère » demeure
imprécis12. Le vocabulaire juridique ne le définit
qu'au pluriel, comme les « fils d'un même père et/ou
d'une même mère »13. La fratrie juridique
comprend alors sans distinction les frères germains, issus de
deux parents communs et les demi-frères, utérins - de
même mère - ou consanguins - de même
père.
Alors que le droit se contente d'un lien de filiation commun,
la sociologie intègre également la résidence de l'enfant
pour délaisser ou dépasser la consanguinité. La fratrie se
trouve alors enrichie des « quasi-frères », dont un
parent de l'un est uni à un parent de l'autre. La définition de
la fratrie dépend donc de l'importance respectivement donnée au
lien d'affection ou de filiation. L'affectif peut alors prendre une place que
le droit ignore, au risque de confondre fratrie et fraternité.
7. Fratrie et fraternité -
L'équivoque est pourtant entretenue par les définitions
juridiques de la fra-ternité14. Comme « synonyme de
la fratrie », celle-ci désigne le « lien de
parenté entre frères et soeurs » mais également
l'« idéal d'affection entre ceux qui se traitent ou devraient
se traiter comme frères »15. Le droit reste
étrangement aussi imprécis que le langage courant qui associe
à la fraternité
5 Gérard CORNU, « La fraternité.
Des frères et soeurs par le sang dans la loi civile », dans
Ecrits en l'honneur de Jean Sava-tier. Les orientations sociales du droit
contemporain, PUF, 1992, p. 29 ; L'art du droit en quête de
sagesse, PUF, 1998, p.85
6 Alain BENABENT, Droit de la famille, Domat,
2e éd., sept. 2012, p. 5
7 René MAURICE, « Les effets de la
parenté et de l'alliance en ligne collatérale », RTD
Civ., 1971, p. 251
8 Jean-Pierre MARGUENAUD, « L'affaire Burden
ou l'humiliation de la fratrie », obs. sur CEDH, Gr. ch., 29 avr.
2008, Burden c. RU, RTDH, 2009, p. 513
9 Véronique DAVID-BALESTRIERO, «
L'unité de la fratrie », dans Mélanges Gilles
Goubeaux, Dalloz, 2009, p. 71
10 Le terme est cependant récent : il est
encore absent de la 8e édition du Dictionnaire de
l'Académie Française (1932-1935)
11 Dictionnaire de l'Académie
Française, 9e éd., 1986, v° « fratrie
»
12 Evelyne FAVART, « Désigner les
frères et soeurs : différences lexicales et sémantiques
», IS, mai 2012, n° 173, p. 8
13 Gérard CORNU, Vocabulaire
juridique, (association H. CAPITANT), PUF, août 2011, v° «
frères »
14 Véronique TARDY, « Les
fraternités intrafamiliales et le droit », LPA, 2 nov.
1999, n° 218, p. 7
15 Gérard CORNU, Vocabulaire
juridique, op. cit., v° « fraternité »,
« fratrie »
9
La Fratrie
aussi bien le « lien de parenté qui unit les
enfants issus des mêmes parents » que celui « unissant
des êtres qui, sans être frères par le sang, se
considèrent comme tels » 16.
8. En effet, la fratrie a longtemps été
perçue comme un rapport humain idéal, sur le modèle de la
fraternité chrétienne. Le terme grec de phratria
désigne le groupe se rattachant un même ancêtre, un
clan organisé autour d'un culte commun, plus proche de la gens
romaine que de la fratrie actuelle. Celui de frater, en latin,
entretient la même ambiguïté. Il s'entend sous la
République des enfants nés d'un même père et d'une
même mère (Lettres de CICERON à ATTICUS, 68
av-JC), tandis que dès l'ère chrétienne, la Vulgate
l'emploie indifféremment pour désigner les frères
Caïn et Abel (Gen., 4, 9-10) ou l'ensemble des croyants
(Epître de St Paul aux romains, 8, 29). La fratrie comprend
l'ensemble des membres d'une même religion aussi bien dans la
pensée chrétienne, hindou17 que
musulmane18.
9. Par extension, la fratrie a aussi pu désigner des
rapports sans aucun caractère familial, tels que les
congrégations de moines, de francs-maçons ou des institutions
proches de l'adoption ou de la société comme le parrainage, le
compérage ou l'affrèrement19. Ces différentes
institutions ont pour propriétés communes l'égalité
entre les membres et l'organisation d'une entraide tendant à
suppléer la carence de la famille, notamment dans les classes
populaires. Elles illustrent ainsi un idéal d'égalité et
de solidarité entre les membres de la fratrie qui n'a pourtant pas
toujours été une réalité.
10. La fratrie dans l'histoire -
L'évolution historique de la fratrie est loin d'être
linéaire ; « l'histoire a ses à-coups
»20. Certaines données de fait ou, à
l'inverse, certains idéaux, perturbent la compréhension des
rapports entre frères et soeurs. Appréhendée à
travers sa composition, la fratrie a connu des évolutions qu'il convient
de relativiser21.
11. Réduction de la fratrie -D'une
part, la réduction de la taille des fratries doit être
tempérée22. Il est vrai que la natalité a
fortement décru avec le temps, et si le Moyen-âge connaissait
fréquemment des fratries de plus de dix enfants, le taux de
natalité n'était, en 2011, que de 2,02, en France. Cependant, le
fort taux de mortalité infantile réduisait autrefois le nombre
d'enfants atteignant l'âge adulte ; les fratries n'étaient, de
fait, composées que de deux à quatre membres au
Moyen-âge23. Avec la baisse
16 Dictionnaire de l'Académie
Française, 9e éd., 1986, v° «
fraternité »
17 GANDHI, Tous les hommes sont
frères, op. cit., p. 205
18 « Les croyants ne sont que des frères.
Établissez la concorde entre vos frères, et craignez Allah, afin
qu'on vous fasse miséricorde » (S. 49, V. 10, Les
Appartements)
19 Jean-Philippe LEVY, André CASTALDO,
Histoire du droit civil, Dalloz, 2e éd., 2010, p.
1524 ; Anita GUERREAU-JALABERT, « Les structures de parenté dans
l'Europe médiévale », Économies,
Sociétés, Civilisations, 1981, n° 6, p. 1028
20 Jean CARBONNIER, Flexible droit, LGDJ,
10e éd., 2007, p. 279
21 Michel ORIS et alii., Les fratries.
Une démographie sociale de la germanité, Population, famille
et société, vol. 6, 2007
22 Laurent TOULEMON, « Combiens d'enfants,
combiens de frères et soeurs depuis cent ans ? », Population et
Sociétés, déc. 2001, n° 374, p. 1
23 Didier LETT, « Les fratries dans l'histoire
», IS, mai 2012, n° 173, p. 13
10
de la mortalité infantile, un français de vingt
ans avait en moyenne 3, 6 frères et soeurs au XVIIIe
siècle24.
12. La décroissance de la fratrie ne s'est
réellement manifestée que durant la seconde moitié du
XXe siècle25 (Annexe
1). C'est ainsi qu'en 2006, plus de 45 % des
enfants de 0 à 18 ans n'avaient qu'un frère ou soeur et
près de 20 % étaient enfants uniques. La décomposition du
couple parental réduit par ailleurs le nombre de membres de la fratrie
(0-24 ans) vivant effectivement ensemble à 1,89.
13. Diversification des fratries - D'autre
part, l'hétérogénéité des fratries n'est pas
inédite. L'institution de l'adoption offrait au chef de famille,
dès l'Antiquité romaine, la faculté de modifier la
composition de la fratrie26. Par ailleurs, au gré du
décès précoce de l'un ou l'autre des époux, le
couple parental a toujours été amené à se
remodeler. Au XVIIIe siècle, dans la région
parisienne, 30 à 40 % des mariages célébrés
comprenaient au moins un veuf27. Il n'a donc jamais
été exclu que la fratrie comprenne d'autres membres que les seuls
enfants de deux mêmes parents.
14. C'est dès le XIXe siècle que
seraient apparus les termes de « demi-frères » ou
« demi-soeurs »28. Ces situations n'ont donc rien
d'inédit aujourd'hui et demeurent en une proportion significative mais
toutefois limitée, tandis que « les recompositions familiales
n'augmentent pas »29. Les fratries complexes
représentaient, en 2010, seulement 4,4 % de l'ensemble des fratries
(Annexe 3).
15. Au XXe siècle, à la suite de
l'ouverture du divorce, se joignirent aux demi-frères des frères
et soeurs par l'alliance, parfois qualifiés de «
quasi-frères », unis par l'union d'un de leurs parents
respectifs. Déjà envisageable en cas de remariage de veufs ayant
des enfants issus d'un premier lit, cette situation demeure encore assez rare
(0, 8 % des fratries, soit 1,1 % des enfants de moins de 25 ans, en 2006 ;
Annexe 3). En revanche, la multiplication des divorces
a pour conséquence le risque d'éclatement de la fratrie entre les
deux parents, situation qui ne se concevait pas en cas de décès
prématuré d'un des parents30. Toutefois, les enfants
demeurent très majoritairement avec leur mère en cas de rupture
du couple parental (78 % en 2007 ; Annexe
4)31, ce qui n'a là non plus rien
d'inédit puisque les veuves ont toujours été plus
nombreuses que les veufs.
16. Or, le rattachement de la fratrie à la mère
contredit son fondement traditionnel reposant sur la soumission au chef de
famille, et donc au père. Les évolutions les plus manifestes de
la fratrie concernent, en effet, moins sa composition que sa nature et les
fonctions qui lui sont dévolues.
24 Michel ORIS et alii,. Les fratries. Une
démographie sociale de la germanité,, p. 16
25 Fabienne DAGUET, « La fécondité
en France au cours du XXe siècle », INSEE Première,
2002, n° 873
26 Jean-Philippe LEVY, André CASTALDO,
Histoire du droit civil, Dalloz, 2e éd., 2010,
n° 134, p. 177
27 Didier LETT, « Les fratries dans l'histoire
», art. cit., p. 18
28 Dictionnaire de l'Académie
Française, 6e éd., 1832-1835, v° «
frère »
29 Catherine VILLENEUVE-GOKALP, « La double
famille des enfants de parents séparés »,
Population, 1999 n°1, p. 15
30 Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Famille
éclatées, familles reconstituées », D. 1992,
p. 133
31 Adeline GOUTTENOIRE, « Le logement de l'enfant
», AJ Fam., 2008, p. 371
11
La Fratrie
17. Soumission de la fratrie à la
parenté - La fratrie n'est jamais déterminée
qu'en référence à une parenté commune, par une
soumission, ou à l'alliance, par la prohibition de
l'inceste32 . Elle ne trouve pas, semble-t-il, de définition
propre.
18. Exemple le plus frappant, « la parenté
romaine est, de son cercle le plus étroit à son cercle le plus
large, exclusivement assise sur l'unité de puissance domestique
»33. Le cercle familial le plus étroit, la
domus, englobe indifféremment sous l'autorité du
paterfamilias les enfants, biologiques ou adoptés et leur
propre famille, l'épouse et les domestiques. Au décès du
paterfamilias, chaque frère devient à son tour
maître de sa femme et de ses enfants, ainsi que de ses soeurs. Entre
frères, subsiste un lien d'agnatio (puis de cognatio),
source de droits successoraux, d'empêchements à mariage et d'une
charge tutélaire à l'égard des agnats
incapables34. Le lien d'agnation se mue, avec les
générations, en un cercle purement social et politique, la
gens, désignant l'ensemble des personnes revendiquant un
ancêtre commun, le plus souvent mythique.
Quelle que soit l'étendue du lien familial
envisagé, celui-ci n'a donc d'existence qu'au regard de sa
dépendance à l'égard d'un auteur commun. Tout le long du
Moyen-âge, le lignage reste également l'institution familiale
prédominante. La fraternité dépend exclusivement de la
filiation, tandis que la famille se resserre autour des descendants directs du
chef de famille. Seule la fraternité spirituelle trouve une certaine
autonomie sous forme de communautés monastiques.
19. Le Code civil n'a pas rompu avec cette approche, tout en
faisant désormais prévaloir l'alliance sur la filiation. Si, en
1804, la grande famille lignagère se recentre sur un foyer conjugal plus
étroit, la fratrie demeure définie principalement à
travers l'interdiction de l'inceste. Puisque l'alliance a pris le rang de la
filiation, la fratrie du XIXe siècle, autrefois soumise au
lignage, place sa définition sous la dépendance du
couple35.
20. Son autonomie n'a finalement été
consacrée qu'avec la Loi du 30 décembre 199636, posant
un principe de non séparation des frères et soeurs (C.civ, art.
371-5). Désormais, ceux-ci ne sont plus appréhendés
uniquement à travers un lien de filiation commun ou l'interdiction d'une
alliance, mais comme entité autonome et solidaire37. La
fratrie serait alors « érigée en l'un des fondements de
la cellule familiale, afin de lui permettre de se maintenir comme entité
stable »38. Cette autonomie nouvelle
32 Elisabeth COPET-ROUGIER, « Alliance,
filiation, germanité », Sociétés
contemporaines, 2000, n°38, p.21
33 Jean-Philippe LEVY, Manuel
élémentaire de droit romain, Dalloz, 7e
éd., 2003, p. 157
34 Jean-Philippe LEVY, André CASTALDO,
Histoire du droit civil, op. cit., p. 51 ; Jean GAUDEMET,
Emmanuelle CHEVREAU, Droit privé romain, Domat, 3e
éd., 2009, p.37
35 Pierre CATALA, « Rapport de synthèse
», dans Aspects de l'évolution récente du droit de la
famille, travaux de l'association Henri CAPITANT, Economica, tome
XXXIX, 1988, p. 1
36 Jacques MASSIP, « La loi du 30 décembre
1996 », Rép. Defrénois, 1997, p. 897
37 Caroline SIFFREIN-BLANC, La parenté en
droit civil français, Thèse, PUAM, 2009, p. 524, n°
659
38 Thierry REVET, « Autorité parentale :
loi n° 96-1238 du 30 décembre 1996 », RTD Civ., 1997,
p. 229
12
est pourtant paradoxale car, parallèlement, les droits
des collatéraux, absorbés par des intérêts
individuels, tendent à s'effacer devant la prééminence du
couple ou de l'enfant39.
21. Egalité fraternelle - Si la
dépendance de la fratrie à l'égard du chef de famille est
une constante abandonnée que très récemment,
l'égalité des frères et soeurs n'a jamais
été consacrée de manière définitive.
Dès le droit romain, il a existé une stricte
égalité entre membres de la domus s'agissant de la
dévolution de la succession40. « Il est de droit
constant que les biens des pères et mères morts ab intestat
doivent être divisés également entre les fils et les
filles » (Justinien, C., 3, 36, 11). La rupture est
là totale avec de nombreux droits contemporains, tel le droit
hébraïque, prévoyant à la fois un privilège de
masculinité et un droit d'aînesse41.
L'égalité romaine cédait cependant s'agissant de la
succession des agnats, collatéraux plus éloignés, au
préjudice des femmes autres que la soeur du de cujus.
22. Le droit Franc ne connaît pas non plus de
privilège d'aînesse. « Au moins jusqu'au IX-Xe
siècle, prévaut une égalité des enfants mâles
»42. En revanche, il existe en présence
d'héritiers masculins, une exclusion des femmes des successions
foncières. La règle trouve son fondement dans la crainte que la
terre de la famille - principale richesse de l'époque - ne sorte de son
patrimoine à l'occasion d'un mariage. Sous l'Ancien-Droit, des
régimes spécifiques se développèrent, s'agissant
notamment de la transmission du fief. En fonction de l'importance
accordée au bien, l'aîné, mâle, se vit accorder une
part successorale plus grande, voire exclusive.
Finalement, l'inégalité entre frères et
soeurs procédait davantage de la diversité des coutumes, des
régimes spéciaux et de la place laissée à la
volonté du testateur dans la répartition des biens entre ses
héritiers. En outre, et la règle est constante, les enfants
naturels, considérés comme étrangers à la famille,
n'héritaient pas : « Bâtards ne succèdent point
». Tout au plus, pouvaient-ils demander des aliments à leurs
parents. L'égalité, relative entre les membres d'une fratrie
légitime, cédait chaque fois que la filiation des
héritiers était de nature différente.
23. Aussi, l'égalité, spécialement
successorale, donna-t-elle lieu à de nombreux débats sous la
Révolu-tion43. Elle fut d'abord garantie par la mise en place
d'un droit national unifié. Après la nuit du 4 août, le
Décret du 15 mars 1790 supprima tout droit d'aînesse et de
masculinité. MIRABEAU s'exclama, devant la Constituante, qu'«
il n'y [avait] plus d'aîné, plus de privilégiés
dans la grande famille nationale »44. Mieux, la loi du 12
brumaire An II assimila, du point de vue successoral, l'enfant naturel simple
à l'enfant légitime.
39 Anne-Marie LEROYER, Droit de la famille,
PUF, 2011, p. 30
40 Jean-Philippe LEVY, André CASTALDO,
Histoire du droit civil, op. cit., n°774, p. 1140
41 « Il reconnaîtra l'aîné dans le
fils [...] en lui donnant double part » (Deut. 21, 17)
42 Didier LETT, « Les fratries dans l'histoire
», IS, mai 2012, n° 173, p. 16
43 André BURGUIERE, « La Révolution
et la famille », Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations, 1991, n° 1, p. 151
44 Ibid.
13
La Fratrie
24. Si le Code civil se montra tout aussi rigoureux dans la
protection des enfants légitimes à travers l'instauration d'une
réserve héréditaire stricte, il exclut du
bénéfice de cette égalité les enfants naturels,
a fortiori adultérins ou incestueux. Ces mêmes auteurs
qui affirmaient que « tous les hommes sont égaux devant une
législation conforme à la nature »45,
défendirent ensuite une vocation successorale moindre pour les enfants
naturels (C.civ., art. 340, anc.), nulle pour ceux issus de relations
adultérines (C.civ., art. 331, anc.). La jurisprudence admit toutefois
que le mariage des parents permît de purger la filiation de son vice
originel46. Puis, malgré la résistance de certains
auteurs47, l'opinion publique, la doctrine et le législateur
se montrèrent de plus en plus favorables à une
égalité entre membres de la fratrie, quelle que soit leur
filiation.
25. Le droit ne pouvait, en effet, résister aux
données de fait : alors que les naissances hors mariage ne
représentaient que 8,5 % des cas en 1965, elles atteignaient 30 % en
199048 et 55 % en 2011 (Annexe
2). Les lois du 3 janvier 1972 et 3
décembre 2001, et enfin, l'ordonnance du 4 juillet 2005, mirent fin
à la distinction entre filiation naturelle et légitime. Sous la
seule réserve de l'interdiction pour les enfants incestueux
d'établir leur double filiation, « tous les enfants dont la
filiation est légalement établie ont les mêmes droits et
les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et
mère » (C.civ., art. 310). L'égalité juridique
entre frères et soeur ne saurait pourtant effacer un privilège
toujours patent dont jouit l'aîné49, à travers
sa réussite scolaire et sociale50.
26. Fonctions historiques de la fratrie -
Paradoxalement, l'avènement de la fratrie comme institution familiale
autonome révèle un décalage entre les fonctions qui lui
sont réellement associées et l'idéal de
fraternité51. Alors que les institutions revendiquant une
similitude avec la fratrie - affrère-ment, confréries, etc. - se
caractérisent par une solidarité et un rapprochement de leurs
membres, les fonctions de la fratrie sont tout autres.
27. Fonction d'éclatement - Sa
fonction première est, historiquement, celle d'un éclatement,
afin de garantir l'échange entre les familles52. Les mythes
fondateurs de la pensée européenne reposent d'ailleurs sur des
relations fratricides, tel le meurtre de Remus par Romulus ou l'affrontement de
Caïn et Abel53. L'anthropologie et la psychanalyse
décrivent la fratrie comme n'ayant pour seul but que l'organisation des
rapports de concurrence entre frères et soeurs, afin de garantir
l'exogamie et un affrontement pacifié. C'est cette fonction qui semble
prévaloir en droit, toutes époques confondues, à
45 CAMBACERES, dans François EWALD,
Naissance du Code civil, Flammarion, 2004, p. 367
46 Civ., 22 janv. 1867, DP, 1867, I, 5
47 Henri MAZEAUD, JCP, 1977, I. 2859, obs.
sur Civ. 1re, 16 févr. 1977
48 Jean-Louis HALPERIN, Histoire du droit
privé français depuis 1804, PUF, 2001, p. 322
49 Anne CHEMIN, « L'aîné, ce
héros », Le Monde - culture et idées, 7
févr. 2013
50 Guy DESPLANQUES, « La chance d'être
aîné », Economie et statistiques, oct. 1981, n°
137, p. 53
51 Philippe CAILLE, « Fratries sans
fraternité », CCTF., 2004, n° 32, p. 11
52 Claude LEVI-STRAUSS, Les structures
élémentaires de la parenté (extraits), Flammarion,
2010, 150 p.
53 Josy EISENBERG, Armand ABECASSIS, Moi, le
gardien de mon frère ?, Albin Michel, 322 p.
14
travers la prohibition de l'inceste - l'excès d'amour
fraternel - et du fratricide - l'absence d'amour54. La
réalité est donc très éloignée de
l'idéal de fraternité qui irrigue la pensée juridique,
jusqu'aux fondements de la Constitution française (Const., art. 2, al.
4)55.
28. Fonction de solidarité - La
fonction de solidarité de la fratrie ne saurait être
ignorée pour autant. La fratrie tend généralement à
suppléer la carence des parents56. En droit romain, le
frère dans l'opulence devait des aliments à celui dans le besoin,
y compris au profit du frère naturel (Justinien, Nov. 89, 12,6)
et assumait la charge tutélaire du cognat incapable57. Au
Moyen-âge, la différence d'âge entre membres d'une
même fratrie pouvait être considérable en raison de la forte
natalité et le taux élevé de mortalité infantile.
Il en résultait des relations « obliques
»58 entre les collatéraux dont l'écart
d'âge se rapprochait de celui existant entre générations
différentes. Dès lors, en cas de décès des parents,
l'aîné assurait naturellement une fonction de protection des
cadets. Une obligation alimentaire demeura à des conditions strictes et
se vit, dans les lignées nobles, suppléée par un devoir de
protection presque vassalique des cadets mineurs par l'aîné
majeur59. Aujourd'hui encore, l'assistance entre frères
intervient avant tout en situation d'isolement (décès des
parents, célibats) et subsidiairement à celles des parents en
enfants (Annexe 5).
29. Pourtant, ces relations n'ont pas été
consacrées par le droit français qui refusa d'établir une
obligation alimentaire entre collatéraux. Il limita l'entraide
fraternelle à un rôle secondaire dans l'organisation des tutelles
- finalement dissout par la Loi du 5 mars 2007 (C.civ., art. 449). La fratrie
aurait désormais perdu, en droit, toute dimension fraternelle.
30. Il ressort de son histoire houleuse que la fratrie, comme
la famille, connaît des constantes - dimension,
hétérogénéité, subordination à la
puissance parentale, éclatement - et des aspects plus contingents -
égalité, autonomie, solidarité. Comme la famille, la
fratrie appartient à la fois au droit et aux moeurs et ne saurait
être comprise à travers sa seule législation. Or, la loi et
le fait évoluent et exigent une analyse dynamique de cette institution,
à la marge du droit et du non-droit.
31. La fratrie dans la société
contemporaine - D'une part, l'instabilité du couple n'est plus
à dé-montrer60. L'étiolement de ce pilier
traditionnel de la famille a pour conséquence un affaiblissement des
liens de solidarité qui existaient entre alliés. Lorsque le
couple survit, il se présente avant tout
54 Agnès FINE, « Liens de
fraternité », IS, mai 2012, n° 173, p. 36 ; «
Frères et soeurs en Europe dans la recherche en sciences sociales
», CLIO, histoire, femmes et société, 2011,
n°34, p. 167
55 Marcel DAVID, « Solidarité et
fraternité en droit public français », dans La
solidarité en droit public (Jean-Claude BEGUIN, Patrick CHARLOT,
Yan LAIDIE), L'Harmattan, 2005, p. 11
56 Vivien ZALEWSKI, Familles, devoirs et
gratuité, Thèse, L'Harmattan, 2004, n° 190, p. 203
57 Jean-Philippe LEVY, André CASTALDO,
Histoire du droit civil, op. cit., n° 176, p.234
58 Didier LETT, « Les frères et les
soeurs, "parents pauvres de la parenté" »,
Médiévales, 2008, n° 54, p. 5
59 Vivien ZALEWSKI, Familles, devoirs et
gratuité, op. cit., n° 190, p. 203
60 Anne-Marie LEROYER, Droit de la famille,
op. cit., p. 25
15
La Fratrie
comme un espace d'épanouissement personnel qui ne
saurait impliquer le sacrifice de l'individu au profit de la communauté.
D'autre part, l'allongement de la durée de la vie fait peser sur les
générations actives une charge de plus en plus lourde. Les
transferts de richesses verticaux ne garantissent plus une aide suffisante aux
générations dans le besoin. Enfin, les ressources de la
solidarité nationale ne sauraient faire face à la
paupérisation de la société dans son
ensemble61. L'Etat ne peut intervenir qu'en cas de
défaillance de la famille62.
32. Déjà, lors du centenaire du Code civil,
Julien BONNECASE pouvait affirmer que « la famille entendue [comme le
groupe des ascendants et des descendants] ne se suffit pas organiquement
à elle-même ; il lui faut, pour avoir toute sa vitalité et
toute sa stabilité, un cadre de sympathie constitué par les
collatéraux »63. Or, l'instabilité du
couple, l'insuffisance de la solidarité
intergénérationnelle, le désengagement inéluctable
de l'État impliquent, aujourd'hui plus que jamais, la recherche de liens
susceptibles de se substituer aux institutions sociales et familiales
défaillantes.
33. Dans ce cadre, la fratrie, dévalorisée par
le droit positif, présente une potentialité
certaine64. Elle apparaît, premièrement, comme un lien
moderne. Le statut de frère est, certes, imposé mais il
appartient aux frères de déterminer les charges qu'ils souhaitent
supporter en cette qualité. A l'opposée de la filiation ou de
l'alliance, choisis mais liés à un statut contraignant, la
fratrie est imposée mais ouvre un espace de liberté,
privilégiant l'incitation à la contrainte, le permissif à
l'obligatoire, l'affinitaire au statutaire. « La "modernité" de
la germanité s'opposerait au "passéisme" du lien de filiation
»65.
Deuxièmement, la fratrie joue un rôle de «
substitut ». Ses liens deviennent d'autant plus étroits
que les frères et soeurs n'ont pas de conjoint ou d'enfant et
s'intensifient entre personnes âgées sans descendants, lorsque le
parent commun est décédé (Annexe
5). Les liens fraternels s'expriment,
spontanément, en cas de défaillance des autres institutions
familiales. C'est donc dans les situations nécessitant une forme
nouvelle de solidarité que la fraternité se renforce
naturellement (cf. supra, n°29).
Sans entraver la liberté et l'épanouissement de
ses membres, la fratrie pourrait alors répondre à la carence de
la famille et de la solidarité nationale en développant ses
effets encore embryonnaires66.
34. Les contradictions de la fratrie - Ce
renouveau de l'intérêt de la fratrie commande d'en rechercher son
identité. Or, une contradiction apparaît entre les fonctions qui y
sont attachées et la définition qui en est donnée.
Paradoxalement, alors qu'un statut semble découler de la seule
qualité de frères et
61 Pascal BERTHET Les obligations alimentaires et
les transformations de la famille, Thèse, L'Harmattan, 2001, p. 9,
n° 4
62 Jean HAUSER, « Une famille
récupérée », dans Mélanges Pierre
Catala, Litec, 2001, p. 327
63 Julien BONNECASE, La philosophie du Code
Napoléon appliquée au droit de la famille, RGD,
2e éd., 1928, p. 11
64 Anne-Marie LEROYER, Droit de la famille,
op. cit., p. 30
65 Emmanuelle CRENNER, Jean-Hugues DECHAUX, Nicolas
HERPIN, « Le lien de germanité à l'âge adulte. Une
approche par l'étude des fréquentations », Revue
française de sociologie, 2000, n°41-42, p. 221
66Annette LANGEVIN, « Frères et soeurs,
les négligés du roman familial », dans La fratrie
méconnue : liens du sang, liens du coeur (Brigitte CAMDESSUS), ESF
Editeur, 1998, p. 27
16
soeurs, indépendamment de toute référence
à la filiation ou l'alliance, l'identification de la fratrie reste
déterminée par le lignage. Le droit persiste à
définir la fratrie par la parenté juridique commune aux
frères et soeurs, tout en admettant qu'elle s'émancipe de la
filiation comme institution autonome.
Un paradoxe réside donc dans le fait d'attacher un
corps de règles à la fratrie, en raison des liens horizontaux, de
droit ou de fait, qui unissent les frères et soeurs, tout en la
définissant par une parenté commune, lien vertical réduit
à sa dimension juridique. Précisément, la fratrie ne
peut être définie uniquement par une parenté commune alors
que les particularités de ses liens permettent d'y attacher des effets
indépendants de la filiation.
35. Dépassement de la contradiction -
Cette contradiction ne peut donc être dépassée
qu'en recherchant les fondements des règles attachées à la
fratrie. Si son régime se justifiait par la seule parenté commune
aux frères et soeurs, la définition de la fratrie en
référence à la filiation pourrait être
ad-mise67. A l'inverse, s'il apparaît un régime propre
à la fratrie, indépendamment de tout rapport à la
filiation, sa définition doit être repensée afin de la
faire coïncider avec ses fonctions. C'est pourquoi la définition de
la fratrie ne pourra être appréciée qu'après avoir
recherché si la fratrie existe en tant qu'institution autonome. La
fonction commande la définition68.
36. Or, il apparaît que sont attachés à
la fratrie des effets, certes, lacunaires mais indépendants du lien de
filiation commun ou de la seule qualité de proches. Ces effets, en
l'absence de fondements propres, ne suffiraient pas à identifier une
institution autonome. Or, le régime de la fratrie repose sur deux
fonctions qui lui sont historiquement attachées et indépendantes
des rapports de filiation ou d'alliance : l'émancipation des
frères et soeurs et une forme originale de solidarité. La
fratrie pourvue d'effets et de finalités propres serait reconnaissable
comme institution autonome.
37. Dès lors, l'existence d'un auteur commun ne peut
plus justifier à elle seule les règles régissant les
rapports entre frères et soeurs. Admettre l'autonomie de la fratrie
comme institution commande de définir la qualité de frères
et soeurs au regard des seuls liens qui les unissent, sans le recours à
d'autres institutions familiales. Ce n'est qu'après avoir
dégagé les critères permettant de qualifier deux personnes
de frères ou soeurs qu'il sera possible d'apprécier si les
distinctions effectuées entre frères germains,
demi-frères, quasi-frères ou tiers sont justifiées.
Aussi, la découverte d'un corps de règles
particulier à la fratrie reposant sur des fonctions propres
(Chapitre Premier) permettra de déterminer quels
rapports de droit ou de fait la fratrie doit recouper (Chapitre
Second).
67 Péroline CHARLOT, « La fratrie »,
RRJ, 2001-2 (Volume I), n° XXVI - 88, p. 551
68 Rappr. comment l'atténuation de
la fonction d'engendrement du mariage a permis une redéfinition de cette
institution, y intégrant les transsexuels puis les couples de personnes
de même sexe.
17
La Fratrie
CHAPITRE I : L'existence de la fratrie en droit
38. L'existence de la fratrie en droit n'est pas certaine.
Les liens intrafamiliaux sont, le plus souvent, réduits aux rapports de
parenté ou d'alliance. Aussi, la fratrie n'est-elle définie que
par référence à une filiation commune ou la
prohibition d'une alliance entre ses membres69. A
première vue, « c'est par leurs parents que les enfants sont
unis »70. Dans d'autres cas, les frères et soeurs
seront assimilés à de simples proches.
39. Pourtant, les rapports fraternels ont une existence de
fait que le droit n'ignore pas. Ces rapports répondent à des
fonctions bien particulières que ne connaissent ni les parents, ni les
alliés. Dès lors, l'hypothèse peut être
formulée qu'il existerait des règles propres à la fratrie,
la distinguant de la pa-renté, de l'alliance ou du cercle des «
proches ». Ce corps de règles se différencierait des
autres rapports familiaux à la fois par son objet et par ses
fonctions.
40. En effet, l'organisation des rapports entre frères
et soeurs repose sur une égalité et une unité dont
certains aspects ne dépendent d'aucune autre institution familiale. Par
ailleurs, la vocation de la fratrie est de favoriser une solidarité
subsidiaire à celle des époux ou des parents ainsi que d'assurer
une indépendance suffisante entre ses membres pour qu'ils puissent,
à leur tour, fonder une famille. Or, ces fonctions sont biens distinctes
de celles qui caractérisent le couple ou la parenté.
La découverte de règles propres aux
rapports fraternels (Section 1) révèle ainsi les
fonctions particulières attachées à ceux-ci
(Section 2).
Section 1 : Les caractères autonomes de la
fratrie
41. Souvent, la fratrie est soit fondue dans les rapports de
parenté, soit assimilée aux liens entre proches. Il est donc
délicat d'identifier des règles propres à la fratrie.
Pourtant, dans les rapports entre frères et soeurs, existent des
règles détachées de toute référence à
la parenté commune des collatéraux et les distinguant de simples
proches. D'ordre extrapatrimonial plutôt que pécuniaire, ces
règles révèlent l'existence de la fratrie en droit,
à travers l'égalité (§1) et
l'unité (§2) de ses membres.
69 Elisabeth COPET-ROUGIER, « Alliance,
filiation, germanité », Sociétés
contemporaines, 2000, n°38, p.21
70 Gérard CORNU, « La fraternité.
Des frères et soeurs par le sang dans la loi civile », art.
cit.
18
§1. L'égalité fraternelle
42. L'égalité régit l'ensemble des
rapports humains (DDHC, art. 1er), notamment familiaux71,
et non seulement la fratrie. Pourtant, l'égalité fraternelle
doit, en droit, remédier aux inégalités de fait qui
peuvent exister entre frères et soeurs (A) et constitue à ce
titre une règle propre à la fratrie (B).
A/ Les manifestations de l'égalité des
frères et soeurs
43. L'égalité fraternelle se manifeste à
travers les différents liens qui constituent la fratrie72 :
elle régit à la fois les rapports des frères et soeurs
à l'égard de leurs parents et entre membres de la fratrie.
44. Egalité des frères -
L'égalité des frères et soeurs à l'égard de
leurs parents est affirmée avec force par l'article 310 du Code civil :
« tous les enfants dont la filiation est légalement
établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs
rapports avec leur père et mère ».
45. Premièrement, les frères et soeurs
bénéficient de droits égaux. En dépit
d'infléchissements récents, l'égalité successorale
des collatéraux est toujours garantie par une réserve
héréditaire, interdisant aux parents d'avantager excessivement
l'un des frères (C.civ., art. 912 s.). En outre, toute
inégalité fondée sur la nature du lien de filiation a
été vigoureusement condamnée par la décision
Mazurek rendue par la CEDH le 1er février
200173. Malgré les « embarras philosophiques
»74 du législateur, l'inégalité qui a
longtemps frappé les enfants adultérins a été
abandonnée par la loi du 3 décembre 2001 (cf. supra
n° 25). L'égalité des frères prime
désormais l'intérêt de la famille
légitime75.
46. Deuxièmement, l'égalité gouverne les
devoirs de la fratrie envers ses auteurs. A ce titre, l'enfant supporte une
obligation alimentaire envers ses parents dans le besoin (C.civ., art. 205). En
présence d'une pluralité d'enfants, aucune hiérarchie
n'existe au sein de la fratrie mais il est à craindre qu'un enfant -
notamment l'ainé - supporte la majorité, sinon
l'intégralité de cette charge76. Pragmatique, la Cour
de cassation a admis que le descendant qui s'était investi davantage que
ses collatéraux puisse exercer une action subrogatoire contre ses
frères et soeurs77, afin de rétablir
l'égalité en devoir au sein de la fratrie.
71 Jacques MASSIP, « Liberté et
égalité dans le droit contemporain de la famille »,
Rép. Defrénois, 1990, p. 149
72 Gérard CORNU, Droit civil. La
famille, Domat (Droit privé), 9e éd., 2006,
n° 66, p.143
73 CEDH 1er févr. 2000, n°
34406/97, Mazurek c. France, D. 2000, 332, note J. THIERRY,
ibid. 626, chron. B. VAREILLE, GAJC, 12e
éd., 2007, n° 99, RDSS, 2000, 607, obs. F. MONEGER ;
RTD civ., 2000, 11, obs. J. HAUSER ; ibid. 429, obs. J-P.
MARGUENAUD ; ibid. 601, obs. J. PATARIN ; rappr. CEDH, gde
ch., 7 févr. 2013, n° 16574/08, Fabris c. France, JCP
G., act. 2013, p. 425, obs. F. SUDRE, Gaz. Pal., 21 mars 2013,
n°80, p. 11
74 Jean CARBONNIER, « Isaac et Ismaël
demi-frères », dans Mélanges Sassi Ben Halima,
Tunis, CPU, 2005, p. 3
75 Marc NICOD, « La vocation successorale de
l'enfant adultérin », LPA, 30 sept. 2002, n°195, p.
29
76 René SAVATIER, « Peut-on
récupérer en droit sur ses frères et soeurs les soins et
impenses faites pour ses parents ? », Rep. Defrénois,
1963, p. 549, art. 28419
77 Civ. 1re, 21 juin 1989,
bull. n° 245 ; recours auquel a été substituée
une action en enrichissement sans cause contre la succession ; Civ.
1re, 12 juil. 1994, JCP N., 1995, II, p. 1658, note A.
SERIAUX, Rep. Defrénois, 1994, p. 1516, art. 35950, note R.
SAVATIER, Rep. Defrénois, 1996, p. 842, art. 36363, obs. B.
GELOT, Dr. Fam., oct. 1999, p. 4, obs. D. GRILLET-PONTON
19
La Fratrie
47. Egalité entre frères - Les
frères et soeurs sont également assurés d'une certaine
égalité dans leurs rapports réciproques. Là encore,
il s'agira d'une égalité en droits, à travers une
égale vocation des collatéraux à la succession du
frère ou de la soeur décédé (C.civ., art. 744). De
plus, tout rapport hiérarchique est exclu entre frères et soeurs,
comme l'illustre l'absence de circonstance aggravante des crimes sexuels commis
contre un collatéral. Malgré une tentative
avortée78, le droit pénal n'incrimine pas l'inceste en
tant que tel ; seule est prise en compte l'autorité dont pourrait
profiter un parent pour commettre une agression sexuelle ou un viol contre un
membre de sa famille (CP, art. 222-24, 222-28 et 227-27)79.
L'aggravation des peines a donc pour fondement la situation de
supériorité de l'auteur, et non le caractère amoral de la
relation80.
Exclure toute circonstance aggravante à l'encontre de
celui qui abuse de son frère ou de sa soeur revient donc à
postuler une égalité de principe dans les rapports fraternels.
Seule la preuve d'une autorité de fait de l'auteur sur la victime
permettra d'aggraver la peine qui lui sera infligée81.
48. Ainsi, les frères et soeurs jouissent d'une
stricte égalité en droits et en devoirs à l'égard
de leurs parents et dans leurs rapports réciproques. Or, cette
égalité n'est pas inédite et régit l'ensemble des
rapports humains. Que le fratricide ne soit pas davantage sanctionné
qu'un « meurtre ordinaire »82 (CP, art. 221-4) semble priver
la fratrie de toute consistance ou y assimiler l'humanité
entière. L'ambiguïté étymologique du terme de fratrie
(cf. supra n° 8) rejaillit ainsi sur son régime.
B/ Les particularités de l'égalité
des frères et soeurs
49. Egalité lignagère et universelle
- En grande majorité, l'égalité fraternelle
repose soit sur l'ignorance des relations entre frères, soit sur
l'égalité de droit attachée au lien de filiation,
notamment en matière successorale : « ce n'est pas la
fraternité que [l'égalité] célèbre, mais
l'enfant »83. Cette égalité est donc
définie en référence à la parenté -
égalité lignagère - ou par indifférence
à l'égard de la fratrie, dont les membres sont
considérés comme tiers - égalité
universelle. Finalement, la meilleure garantie de l'égalité
fraternelle serait d'ignorer la fratrie, de considérer le frère
« simplement comme un étranger »84. Or,
asseoir l'égalité fraternelle sur une indifférence
à l'égard de la qualité de frère ferait obstacle
à la découverte d'une institution autonome dans la fratrie, alors
fondue dans l'humanité toute entière.
78 Loi n° 2010-21, 8 févr. 2010, JCP
G., 2010, p. 335, obs. A. LEPAGE
79 Jean PRADEL, Droit pénal
spécial, Cujas, 5e éd., 2010, n° 744, p.
442
80 Marie-Laure RASSAT, « Inceste et droit
pénal », JCP G., 1974, I, chron. 2614 ; Danièle
MAYER, « La pudeur du droit face à l'inceste », D.
1988, chron. p. 213
81 Crim., 17 sept. 1997, bull. n° 302, Dr.
pén., 1998, comm.. n° 2, RSC, 1998, p. 325, note Y.
MAYAUD
82 Véronique TARDY, « Les
fraternités intrafamiliales et le droit », art. cit.
83 Gérard CORNU, Droit civil. La
famille, Domat (Droit privé), 9e éd., 2006,
n° 66, p.144
84 René MAURICE, « Les effets de la
parenté et de l'alliance en ligne collatérale », art.
cit.
50.
20
Egalité fraternelle - Cependant, il
arrive que l'égalité fraternelle repose sur la seule
qualité de frère, indépendamment de la filiation, sans
pour autant être fondue dans une égalité universelle.
Ainsi, la vocation successorale des collatéraux a longtemps
été attachée à la filiation qui les unissait
à leur auteur commun, par le « privilège du double lien
». En ligne collatérale, la succession était
divisée en deux parts égales correspondant aux branches
paternelles et maternelles, les germains héritant dans chacune, les
consanguins et utérins dans une seule (C.civ., anc. art.
752)85. Puis, la restriction des droits des collatéraux les
plus éloignés et l'accroissement corrélatif des droits du
conjoint, en affaiblissant le caractère lignager de la succession,
auraient privé ce mécanisme de toute
justification86.
51. Par « souci d'une plus grande
égalité entre frères et soeurs et de simplification des
règlements successoraux »87, le législateur
a alors abandonné cet « archaïsme
»88. Depuis la Loi du 3 décembre 2001, les
demi-frères ont donc, en ligne collatérale, une vocation
successorale égale à celle des germains (C.civ., art.
744)89. Les travaux parlementaires expliquent cette évolution
en raison de l'exigence d'égalité des frères et soeurs que
la Cour européenne venait de rappeler par l'arrêt
Mazu-rek90. Pourtant, la solution ancienne était
tout aussi égalitaire, puisqu'à chaque lien de filiation commun
correspondait une égale vocation successorale. L'affection
réciproque que se portent les frères, fondement classique de la
dévolution successorale, était présumée
dépendre du nombre de leurs auteurs communs.
Seulement, le fondement de l'égalité a
changé91 ; ce n'est plus le lien de filiation commun qui
permet de mesurer la vocation successorale mais la seule qualité de
frère92. La trop grande variété de situations
interdit toute hiérarchie dans l'affection présumée que se
portent les frères : dès lors, la dévolution successorale
doit être strictement égale entre frères et
demi-frères, à charge pour chacun d'avantager l'un d'eux au moyen
de libéralité93. L'égalité, filiale,
devient alors fraternelle.
52. L'égalité lignagère ou universelle
ne suffit plus à expliquer les règles qui régissent les
rapports fraternels : l'égalité qui caractérise la fratrie
est donc, en partie du moins, attachée à la seule qualité
de frère. En outre, l'unité de la fratrie confirme l'existence de
règles propres à ce groupe.
85 Sabine LEVENEUR, Leçons de droit civil.
Successions-Libéralités, Monchrestien, 5e
éd., 1999, p. 72 ;
86 Michel GRIMALDI, Droit civil. Successions,
Litec, 5e éd., 1998, p. 123
87 Nicolas ABOUT, SENAT, SO 2000-2001, Com. des lois,
Rapport n° 378, 13 juin 2001
88 SENAT, SO 2000-2001, Rapport n° 378,
préc., Annexe, audition de Pierre CATALA, 30 mai 2001
89 A l'exception, cependant, des successions
anomales ; Gérard CHABOT, « De la portée du droit de retour
légal au profit des frères et soeurs », RLDC, 2006,
p. 33
90 CEDH 1er févr. 2000, n°
34406/97, Mazurek c. France, préc.
91 Jean CARBONNIER, « Isaac et Ismaël
demi-frères », dans Mélanges Sassi Ben Halima,
Tunis, CPU, 2005, p. 3
92 La solution peut être rapprochée de
celle par laquelle le Conseil constitutionnel a refusé toute distinction
fondée sur la situation du second parent pour fixer la pension de
réversion des demi-frères au décès de leur auteur
commun ; Cons. const. n° 2010-108 QPC,25 mars 2011, RFDC, 2011,
n° 87, p. 600, obs. F. DARGENT ; RLDC, 2012, n° 90, actu L.
LADOUX
93 Nicole PETRONI-MAUDIERE, « Transmettre dans
les familles recomposées », LPA, 12 sept. 2012, n°
183, p. 72
21
La Fratrie
§2. L'unité fraternelle
53. L'unité de la fratrie repose avant tout sur la
soumission de l'ensemble de ses membres à une même autorité
parentale. Pourtant, la fratrie ne saurait être réduite à
une communauté de toit, un nom de famille unique et une vocation
successorale de second ordre. L'unité fraternelle, principalement
extrapa-trimoniale (A) révèle, à certains égards,
une communauté indépendante de la lignée (B).
A/ L'expression de l'unité de la fratrie
54. Absence d'unité patrimoniale -
L'unité patrimoniale de la fratrie est limitée. Notamment, la
vocation successorale des collatéraux est écartée par les
droits des descendants et du conjoint et limitée par ceux des parents.
Il est impossible d'y voir la trace d'un patrimoine fraternel, pendant du
patrimoine lignager qui demeure l'« effet le plus tangible de la
parenté »94. De même, les immunités
familiales relatives aux infractions contre les biens ne
bénéficient qu'aux parents et alliés, et non aux
frères95. Le cantonnement de ces règles
dérogatoires, justifiées classiquement par l'idée d'une
indivision familiale, marque bien l'absence de toute unité patrimoniale
au sein de la fratrie.
55. Manifestations de l'unité
extrapatrimoniale - L'unité de la fratrie se manifeste de
manière remarquable dans ses dimensions extrapatrimoniales. Cette
unité est tout d'abord exprimée à travers
l'identité de nom des frères et soeurs96.
Malgré le libre choix du nom par les parents, il est prévu que le
premier nom « choisi vaut pour les autres enfants communs »
(C.civ., art. 311-21). Les cadets portent donc - en principe (cf. infra
n° 60) - le même nom de famille que leur aîné
germain, extériorisant ainsi leur appartenance à une fratrie
unique.
56. Par ailleurs le logement des frères et soeurs
reste généralement commun (C.civ., art. 108-2). En cas de rupture
du couple parental, la Loi du 30 décembre 199697 a
organisé un principe de non séparation des frères et
soeurs (C.civ., art. 371-5). Ce « pâté d'écolier
alourdi d'un pavé de sénateurs »98, a
été largement critiqué pour son inconsistance et pour les
blocages qu'il risquerait d'engendrer face à la nécessaire
individualisation de l'éducation de l'enfant. Souffrant de nombreuses
exceptions, il n'ajouterait rien au droit positif qui prenait en compte,
dès avant 1996, l'intérêt pour l'enfant de ne pas
être séparé de ses frères et soeurs99. En
outre, la possible séparation de la fratrie a été
confirmée par la suite, en dépit de l'entrée en vigueur de
la loi nouvelle100, « inutile et mal venue
»101. Pourtant, il est
94 Jean CARBONNIER, Droit civil, Tome II (La
famille, l'enfant, le couple), PUF, 21e éd., 2002, p.
67
95 Pierre MOUSSERON, « Les immunités
familiales », RSC, 1998, p. 291, spéc. p. 293
96 Jacques MASSIP, « Incidences de
l'ordonnance relative à la filiation sur le nom de famille »,
Dr. Fam., 2006, étude n°8 ; Fanny VASSEUR-LAMBRY, «
Le nom de famille : réforme achevée ou casse-tête en
perspective », RJPF, 2005, p. 2
97 Jacques MASSIP, « La loi du 30
décembre 1996 », art. cit. ; Thierry REVET, «
Autorité parentale : loi n° 96-1238 du 30 décembre 1996
», art. cit. ; Pierre MURAT, « La loi du 30 décembre
1996 », Dr. Fam., mars 1997, p. 4 ; Isabelle CORPART, « La
séparation du couple parental et le choix de la résidence de
l'enfant », Recherches familiales, 2005, n°2, p. 69
98 Gérard CORNU, Droit civil. La
famille, Domat (Droit privé), 9e éd., 2006,
n° 75, p.162
99 Civ. 2e, 2 juil. 1982, Rep.
Defrénois, 1982, p. 992, obs. J. MASSIP
100 CA Paris, 7 mai 2003, Dr. Fam., 2003, comm. 144,
note A. GOUTTENOIRE-CORNUT
22
également rappelé en droit européen,
s'agissant du droit d'asile des mineurs isolés, que, « dans la
mesure du possible, les fratries ne sont pas séparées
»102. Bien que la règle apparaisse davantage comme
une incitation plus qu'une véritable prescription, elle consolide le
principe découvert en 1996 en dépit des critiques qui avaient
été formulées à son encontre.
57. Enfin, la jurisprudence protège le droit pour tout
locataire d'héberger ses frères et soeurs, même majeurs,
nonobstant toute clause contraire du bail103. Or, la Cour de
cassation ne se réfère plus à la notion de «
proches », mais bien aux « membres de la famille
». L'unité de la fratrie se trouve alors renforcée et
distinguée des rapports qui unissent les proches.
La CEDH précise également que le droit à
mener une vie familiale normale (Conv. EDH, art. 8 §1) implique la
protection des rapports entre frères et soeurs ; un détenu ne
saurait être éloigné de sa fratrie sans raisons
objectives104. Dans le même esprit, le Conseil d'État,
par un arrêt rendu en Assemblée, le 19 avril 1991, a
rappelé que l'article 8 de la Convention s'oppose à l'expulsion
d'un étranger n'ayant aucune attache avec son pays d'origine et ayant en
France la charge de sa fratrie105.
58. Résumée à une communauté de
toit durant l'enfance, l'unité de la fratrie pourrait, certes,
être critiquée pour son inconsistance. Cependant, cette
unité se manifeste à bien d'autres égards106,
attestant de la réalité et de la vigueur du principe.
B/ L'autonomie de l'unité fraternelle
59. L'unité de la fratrie est pour une grande part
attachée à la parenté commune des frères et
soeurs.
60. Unité familiale - Le nom de
famille représente principalement le lignage auquel il correspond, et
non la fratrie qui le porte107. Lorsque ses deux liens de filiation
ne sont pas établis simultanément, l'enfant porte le nom du
parent qui l'a reconnu en premier, parfois différent de celui de ses
frères et soeurs. Si l'ordonnance du 4 juillet 2005 a prévu que
les parents puissent, par déclaration conjointe, modifier le nom de
l'enfant à l'occasion de l'établissement de sa seconde filiation
afin de l'assortir à celui de son frère (C.civ., art. 311-23),
l'homogénéisation des noms de la fratrie dépend toujours
d'une volonté parentale. Si la loi du 4 mars 2002 s'est employée
à favoriser l'égalité et la liberté des parents
101 Jacques MASSIP, « La loi du 30 décembre 1996
», art. cit.
102 Dir. 2003/9/CE, 27 janv. 2003, JOUE, 6 févr.
2003, p. 18, art. 19-2
103 Civ. 3e, 10 mars 2010, D., 2010, p.
1531, note J-M. BRIGANT, RDC, 2010, n° 3, p. 913, obs. J-B.
SEUBE, AJDI, 2010, p. 808, note N. DAMAS, RTD Civ., 2010, p.
343, obs. P-Y. GAUTIER ; contra. en matière de droit d'usage et
d'habitation : Civ. 3e, 14 nov. 2007, AJDI, 2008, p. 419,
obs. V. ZALEWSKI, Dr. et patr., 2008, p. 92, obs. J-B. SEUBE et T.
REVET, RTD Civ., 2008, p. 89, obs. J. HAUSER
104 CEDH, 9 déc. 1992, n° 18632/91, Mc Cotter c.
RU , RFDA, 1993, p. 963, chron. F. SUDRE
105 CE, ass., 19 avr. 1991, Rec. Lebon, 1992, p. 152,
D. 1992, p. 291, obs. F. JULIEN-LAFERRIERE, RCDIP, 1991, p.
677, note D. TURPIN, AJDA, 1991, p. 551, obs. F. JULIEN-LAFERRIERE
106 Rappr. C. Educ., art. L. 212-8, concernant les
dérogations à la sectorisation scolaire au profit de la
fratrie
107 Véronique DAVID-BALESTRIERO, « L'unité de
la fratrie », art. cit.
23
La Fratrie
dans le choix du nom des enfants, elle s'est montrée
indifférente à l'unité onomastique de la
fratrie108. En outre, les mécanismes prévus
apparaissent bien vite inadaptés aux familles recomposées, au
préjudice de l'enfant dont l'intérêt a largement
été passé sous silence à l'occasion de la
réforme.
61. De même, la communauté de toit des
frères et soeurs dépend avant tout de leur subordination à
un même parent ou couple parental. C'est, en effet, l'interdiction qui
est faite aux enfants mineurs de quitter le domicile parental qui unit les
frères et soeurs (C.civ., art. 373-1 et 108-2). Quant au principe de non
séparation des frères et soeurs (C.civ., art. 371-5), ses
exceptions sont si souples qu'il ne garantit aucunement le maintien de
l'unité fraternelle.
62. Unité fraternelle - Toutefois, en
dépit de son caractère symbolique, le principe
énoncé à l'article 371-5 du Code civil marque une
transformation de la pensée juridique relative au « groupe des
frères et soeurs »109. En effet, «
désormais, les enfants ne sont plus unis par le seul truchement des
parents, mais aussi naturellement par eux-mêmes
»110. L'évolution atteste de la prise de conscience
de l'incapacité du référent parental à assurer la
stabilité du milieu dans lequel l'enfant se développe. Au
gré des recompositions familiales, l'enfant risque d'être
privé de ses frères et soeurs. La fratrie doit alors être
protégée pour et par elle-même, en se détachant, le
cas échéant, de l'un des auteurs communs dont elle est issue. La
jurisprudence a alors su adopter des solutions pragmatiques,
précisément motivées111, tenant compte de la
présence de demi-frères ou de l'âge des membres de la
fratrie112. La non séparation de la fratrie n'est pas
toujours souhaitable et n'impose aucunement d'éduquer les enfants «
par souche » comme certains avaient pu le craindre. En
dépit des critiques doctrinales, la Loi du 30 décembre 1996 a
produit des effets mesurables : en 1995, 21 % des fratries de plus de 3 enfants
étaient séparées à l'issue d'un divorce ou d'une
séparation de corps des parents113, tandis que la proportion
était réduite à 2,9 % en 2006 (toutes fratries confondues
; Annexe 4).
63. Le paradigme sur lequel reposait le foyer familial est
donc partiellement remis en cause par la soustraction du sort de la fratrie
à l'autorité parentale. Notamment, lorsqu'un parent commet une
agression sexuelle à l'encontre d'un de ses enfants, le juge se prononce
sur le retrait de l'autorité parentale à l'égard de
l'enfant victime, mais également de ses « frères et
soeurs » (CP, art. 222-31-2, 22727-3). La protection organisée
par le Code pénal ne vise plus seulement l'enfant mais également
la fratrie : l'atteinte à un de ses membres l'affecte dans sa
globalité. Aux liens verticaux qui unissent
108 Jacques MASSIP, « Incidences de l'ordonnance relative
à la filiation sur le nom de famille », art. cit.
109 Gérard CORNU, Droit civil. La famille, Domat
(Droit privé), 9e éd., 2006, n° 75, p.162
110 Stéphane CHARPENTIER, « Maintien des liens entre
frères et soeurs », RDHS, 1998, p. 19
111 CA Paris, 27 janv. 2011, RG n° 10/01367, JurisData :
2011-000885
112 CA Paris, 7 mai 2003, Dr. Fam., 2003, comm. 144,
préc. ; Civ. 2e, 19 nov. 1998 et CA Paris, 16 juin
1998, Dr. Fam., mars 1999, p. 17, note P. MURAT ; CA Toulouse, 28 mars
2006, RG n° 05/01556, JurisData : 2006-304845
113 Robert PAGES, SENAT, SO 1996-1997, Com. des lois, Rapport
n° 115, 3 déc. 1996 ; rappr. Claudine PRIUS, « Les
enfants et leur logement : parcours familial et contexte social »,
Recherches familiales, 2005, n° 2, p. 5
24
l'enfant à ses parents et, par la force des choses, les
enfants entre eux, se joint un lien horizontal entre les membres de la fratrie,
défendu indépendamment des évènements affectant les
rapports de filiation et de l'intérêt du couple
parental114.
64. Par l'égalité et l'unité qui
caractérisent les rapports entre ses membres, la fratrie apparaît
comme une composante autonome de la famille115, indépendante
du lien de filiation qui unit les enfants à leur auteur commun ou du
cercle des tiers. La fratrie trouve donc une place particulière entre la
parenté et l'humanité, révélant les fonctions
propres qui lui sont attachées.
Section 2 : Les fondements spécifiques de la
fratrie
65. L'existence de règles propres à la fratrie
ne suffit pas à en faire une institution autonome. En effet, ce
régime pourrait simplement résulter de la mise en oeuvre de
fonctions communes à la parenté ou au couple, tel que la
solidarité familiale ; à l'inverse, il pourrait traduire des
fonctions inédites. L'autonomie de la fratrie dépend donc
également de la finalité propre des règles qui lui sont
attachées. Or, si la fonction d'éclatement de la fratrie lui
est spécifique (§1), la solidarité qui lie
ses membres revêt un régime singulièrement différent
des rapports de parenté ou d'alliance (§2),
attestant de l'existence d'une réelle institution fraternelle.
§1. La fonction d'éclatement de la fratrie
66. La fonction d'éclatement de la fratrie n'a pas
d'équivalent dans les autres rapports familiaux. Paradoxalement, c'est
la vocation de la fratrie à disparaître qui permet le mieux de la
définir. Cet éclatement résulte, avant tout, de l'exogamie
imposée aux frères et soeurs à travers la prohibition de
l'inceste, mais également de divers mécanismes favorisant
l'indépendance et l'autonomie de chaque frère et soeur (A) qui
traduisent une fonction propre à la fratrie (B).
A/ L'organisation de l'éclatement de la
fratrie
67. La vocation à se séparer -
L'éclatement de la fratrie apparaît, historiquement, comme sa
fonction première (cf. supra n° 27). A travers le tabou
universel de l'inceste, les interdits entre frères et soeurs ont pour
but de favoriser l'échange entre les familles. En effet, les relations
sociales impliquent le développement d'échanges de biens, mais
aussi de personnes. La famille, « lieu le plus usuel des sensations
à prédominance agréable », protectrice,
refermée, retiendrait les frères et soeurs « dans la
persévérance de l'être »116 et serait
un frein au développement de relations exogames. Le droit a donc la
114 Sur la primauté de l'intérêt de la
fratrie sur celui des parents : CA Nancy, ch. civ. 3, 16 août 2005, RG
n° 05/01854, Juris-Data : 2005-303745 ; rappr. ; CA Toulouse, 28
mars 2006, RG n° 05/01556, JurisData : 2006-304845
115 Caroline SIFFREIN-BLANC, La parenté en droit civil
français, op. cit., p. 524, n° 659
116 Jean CARBONNIER, Flexible droit, op. cit., p. 255
25
La Fratrie
charge d'obliger les membres de la fratrie à se
séparer117. Ces interdits interviennent, tout naturellement,
s'agissant de l'inceste. Ignoré en droit pénal, ce tabou n'est
interdit qu'en matière civile, à travers des empêchements
dirimants au mariage (C.civ., art. 162) ou au PACS (C.civ., art. 515-2) et
l'impossibilité de faire apparaître un double lien de filiation
incestueux (C.civ., art. 310-2).
68. Unis contre leur gré en raison de leur
parenté commune, retenus par la sécurité et l'affection
inhérentes aux liens familiaux, les frères et soeurs ont
l'obligation de se séparer pour fonder une famille, une entreprise
indépendante, un projet de vie autonome. Si, en revanche, les
frères et soeurs décident de s'associer dans une activité
commune, le droit encadre les conséquences de leur mésentente sur
la poursuite de l'activité commune et favorise alors leur
séparation. Le juge peut « retenir comme justes motifs
permettant d'autoriser le retrait d'un associé, des
éléments touchant à [sa] situation personnelle
», tel que le conflit qui l'oppose à ses
collatéraux118. La collaboration des frères et soeurs
est donc une situation jugée exceptionnelle et contingente qui, par
conséquent, ne saurait être irréversible.
69. L'encadrement de la séparation -
Par ailleurs, la séparation de la fratrie n'est pas anarchique, mais au
contraire strictement encadrée. Cette fonction d'éclatement est
complétée par la mise en place d'une concurrence loyale entre les
frères et soeurs, afin qu'ils puissent s'émanciper avec une
égalité de moyens, sans assumer la charge de leurs
collatéraux. « Le naturel de la fraternité est la
concurrence »119 : il appartient au droit de l'encadrer,
de la réguler. Cette mise en concurrence s'exprime notamment par la
stricte égalité en droit et en devoir entre les membres de la
fratrie (cf. supra n° 45). Le mécanisme de
réduction des libéralités excessives (C.civ., art. 918 s.)
permet alors de rétablir, a posteriori, une allocation
égalitaire des ressources de la famille entre les frères et
soeurs120.
70. Le droit organise également une série de
mécanismes permettant de remédier à la charge qui pourrait
peser sur un des frères et soeurs et rompre en fait
l'égalité de chances et de moyens devant bénéficier
à chacun d'eux. Ainsi, la jurisprudence a-t-elle admis l'allocation de
dommages-intérêts pour compenser la naissance d'un frère
handicapé, en dépit de l'entrée en vigueur de la Loi du 4
mars 2002 (CSP, art. L.114-5). Les juges ont pu condamner le médecin
fautif à réparer les dommages subis par la fratrie tenant au
bouleversement occasionné par l'arrivée au foyer du cadet en
situation de handicap121.
C'est ainsi admettre que la survenance d'un enfant
handicapé dans la fratrie est susceptible de nuire à
l'égalité des chances de ses membres, les autres enfants risquant
de se voir priver d'une attention certaine de la part de leurs parents,
concentrés sur l'enfant souffrant du handicap, voire de devoir
assumer
117 Claude LEVI-STRAUSS, Les structures
élémentaires de la parenté, op. cit. ;
Anthropologie structurale, Agora, 1985, 478 p.
118 Civ. 1re, 27 févr. 1985, Rev.
Soc., 1985, p. 620, note M. JEANTIN
119 Gérard CORNU, « La fraternité. Des
frères et soeurs par le sang dans la loi civile », art.
cit.
120 Christian JUBAULT, Droit civil, les successions, les
libéralités, Domat, 2e éd., 2012, n°
539, p. 391
121 Isabelle CORPART, « Responsabilité
médicale pour la naissance d'une enfant trisomique », obs. sur TGI
Reims, 19 juil. 2005, RG n°05/00894, Journal des accidents et des
catastrophes, n° 59, 12 déc. 2005
26
eux-mêmes une part de la charge de ce dernier. La libre
concurrence dans les rapports fraternels, postulant une stricte
égalité de moyens, se trouverait là faussée : il
appartient dès lors au droit de rétablir cette
égalité, au moyen de l'allocation de
dommages-intérêts.
71. A travers ces différents mécanismes, le
droit prévoit la séparation des frères et soeurs, tout en
organisant l'allocation de moyens égaux une fois l'éclatement de
la fratrie réalisé. Cette fonction spécifique confirme
l'autonomie de l'institution fraternelle au sein de la famille.
B/ La signification de l'éclatement de la
fratrie
72. La fonction d'éclatement de la fratrie ne
démontre aucunement son inexistence ; au contraire, elle définit
une institution autonome.
73. Communauté d'intérêts
- D'une part, elle révèle l'existence
d'intérêts communs entre les frères et soeurs que le droit
se doit de prendre en compte chaque fois qu'ils nuiraient à
l'efficacité de la règle en cause. Les rapports affectifs qui
existent entre frères et soeurs sont, notamment, contraires à la
finalité du mariage qui est de fonder une famille nouvelle et
incompatibles avec l'impartialité exigée pour l'exercice de
certaines fonctions. Ainsi, nombre d'empêchements reposent sur la
présomption d'une communauté d'intérêts, affectifs
ou pécuniaires, au sein de la fratrie122. Le
témoignage du frère ne peut être recueilli sous serment en
matière pénale (CPP, art. 335 et 448) ; les liens de
fraternités entretenus avec une des parties sont une cause de
récusation du personnel judiciaire ou des jurés (CPP, art. 291).
Contrairement à la prohibition du témoignage des descendants,
fondés sur l'existence d'un lien de subordination, l'interdiction repose
en ligne collatérale sur la partialité présumée du
frère, qu'il veuille nuire ou protéger la personne
poursuivie123.
74. Dès lors que cette communauté affective ou
économique se heurte à l'autonomie de chaque frère et
soeur, le droit organise des empêchements et incompatibilités de
tout ordre. En revanche, lorsque ces liens ne portent aucune atteinte aux
finalités de la règle en cause, ils sont pris en compte dans
l'intérêt des membres de la fratrie, comme l'illustre la
faculté de prouver par tout moyen les obligations contractées
entre frères, en raison de l'impossibilité morale de produire un
écrit124. Les règles qui organisent la
séparation des frères et soeurs, loin de nier l'attachement qui
existent entre eux, traduisent la communauté affective qui les unit et
la combattent chaque fois qu'elle heurte l'ordre social.
75. Une mise en concurrence inédite -
D'autre part, l'organisation d'une concurrence loyale entre frères et
soeurs constitue une fonction inédite parmi les différentes
institutions familiales. En effet, la
122 René MAURICE, « Les effets de la parenté
et de l'alliance en ligne collatérale », art. cit.
123 Yves MAUSEN, « La famille suspecte. Liens familiaux
et motifs de récusation des témoins à l'époque
médiévale », dans Leah OTIS-COUR, Histoires de famille,
Cahiers de l'institut d'anthropologie juridique, juil. 2012, n° 33,
p. 161
124 CA Grenoble, 12 avr. 1967, D. 1967, p. 496, RTD
Civ., 1967, p. 814, obs. J. CHEVALLIER
27
La Fratrie
fratrie est caractérisée par deux sentiments
opposés de complicité et de rivalité, d'association et de
jalousie125. Elle favorise la construction individuelle de l'enfant
tout en constituant son premier réseau de lien social fondé sur
un mimétisme spontané, oscillant entre ressemblance et
individualisation des frères et soeurs, rapprochement et
éclatement126. Ces relations n'ont d'équivalents ni
dans l'alliance, où toute volonté d'indépendance est
exclue là où les époux cherchent à s'unir, ni dans
la filiation, caractérisée par une inégalité
naturelle entre enfants et parents. La fratrie doit ainsi faire face à
deux impératifs antagonistes : elle doit, d'une part, allouer une part
égale de ressources économiques et affectives à chacun de
ses membres et, d'autre part, veiller à favoriser le
développement de chaque identité en son sein. Elle ne peut donc
se contenter de prévoir sa disparition future : elle doit l'organiser.
Or, parmi les fonctions traditionnellement attachées à la
famille127, composée sommairement du couple et des enfants,
la régulation des rapports de concurrence entre frères et soeurs
est le plus souvent ignorée.
76. Le corps de règles impératives
attachées à la fratrie afin d'organiser la séparation et
la mise en concurrence des frères et soeurs est sans équivalent
au sein de la famille. En outre, cette fonction d'éclatement est
complétée par l'organisation d'une solidarité
particulière confirmant l'autonomie de l'institution fraternelle.
§2. La fonction de solidarité de la
fratrie
77. La solidarité caractérise, semble-t-il,
l'ensemble des rapports familiaux, à travers, notamment, l'existence
d'obligations alimentaires (C.civ., art. 205 et s.). En revanche, la fratrie
semble ignorer tout devoir de secours et d'assistance, alors que,
paradoxalement, y est attaché un idéal de fraternité.
Cette fraternité n'est en effet pas à rechercher en termes
d'obligation mais de faculté (A), ce qui la distingue d'autant des
autres formes de solidarité familiale (B).
A/ Les moyens étendus de la
fraternité
78. Si le Code de 1804 ne traite de la fratrie qu'incidemment
au titre des empêchements à mariage, il l'ignore absolument
s'agissant de l'obligation alimentaire. Cette indifférence a
été vivement critiquée par les auteurs classiques,
indignés que « le Code laissât par son silence un
individu terrassé par la destinée mourir de faim sur le seuil du
foyer de son frère aussi indifférent que favorisé par la
vie »128. En réalité, le droit organise une
réelle solidarité entre frères et soeurs, en leur
permettant d'agir, de s'abstenir, ou de consentir des sacrifices au profit de
celui dans le besoin129.
125 Philippe CAILLE, « Fratries sans fraternité
», art. cit. p. 11
126 Brigitte CAMDESSUS, La fratrie méconnue : liens du
sang, liens du coeur (dir.), ESF Editeur, 1998, p. 11
127 Dominique FENOUILLET, Droit de la famille, Dalloz,
2e éd., 2008, p. 4
128 Julien BONNECASE, La philosophie du Code Napoléon
appliquée au droit de la famille, op. cit., p.109
129 Valérie BOUCHARD, « De la solidarité en
ligne collatérale », LPA, 30 août 2001, n° 173,
p. 4
79.
28
Facultés d'abstention - En premier
lieu, le droit pénal prévoit un ensemble d'immunités au
profit de certains membres de la famille afin de leur permettre de secourir
leurs proches sans engager leur responsabilité130. Notamment,
les frères et soeurs sont dispensés de dénoncer celui qui
a commis une infraction (CP, art. 434-1)131. Mieux, le frère
ne peut être poursuivi pour recel de malfaiteur (CP, art.
434-6)132 ni pour aide au séjour d'un étranger en
situation irrégulière (CESEDA, art. L.622-4)133.
Ainsi, ce pouvoir d'abstention du frère, pouvant aller jusqu'à
héberger un délinquant ou un étranger en situation
irrégulière en toute impunité, traduit une forme de
fraternité reconnue et encouragée par le droit ; « la
solidarité familiale [l'emporte] sur les nécessités de
l'ordre public en ce domaine »134.
80. Facultés d'action - En
deuxième lieu, la solidarité fraternelle se manifeste par un
rôle actif de soutien des frères et soeurs. Une partie peut, par
exemple, être assistée par son frère devant le Tribunal
d'instance (CPC, art. 828). Mieux, les collatéraux ont la
possibilité de participer aux mesures de protection de leur frère
(C.civ., art. 449 al. 2, 456 al.2)135, d'exécuter certaines
mesures d'assistance éducative (C.civ., art. 375), de s'opposer à
une déclaration d'abandon (C.civ., art. 350) et même d'adopter
leur frère mineur en cas de décès des parents. L'adoption
fraternelle est alors favorisée par la jurispru-dence qui admet une
dérogation à l'écart d'âge de 15 ans exigé
entre l'adoptant et l'adopté136.
Le principe de non séparation de la fratrie repose
également sur cette fonction de solidarité : le maintien d'une
communauté de toit est présumée bénéfique
à l'enfant puisqu'il ne connaît d'exception que si
l'intérêt de ce dernier commande une séparation (cf.
supra n° 57).
L'aîné majeur pourrait même se voir
accorder l'hébergement de ses cadets, sur le fondement de l'article
373-3 du Code civil, en cas d'inaptitude des parents à les
recueillir137.
81. Ces prérogatives d'ordre extrapatrimonial sont
complétées par des facultés d'aide et d'assistance
pécuniaire. Certes, il n'existe en ligne collatérale aucune
obligation alimentaire138, mais la jurisprudence a reconnu de longue
date l'existence d'une obligation naturelle entre frères et soeurs,
traduisant une forme de solidarité spontanée139. Par
ailleurs, si la famille collatérale semble délaissée par
le droit des successions, elle est fortement encouragée par le droit
fiscal à s'entraider au moyen de libéralités.
130 Pierre MOUSSERON, « Les immunités familiales
», RSC, 1998, p. 291 ; Théo HASSLER, « La
solidarité familiale confrontée aux obligations de collaborer
à la justice pénale », RSC, 1983, p. 437
131 Solution étendue au délit de non obstacle (CP,
art. 223-6) ; Crim., 7 nov. 1990, RSC, 1991, p. 569, obs. G.
LEVASSEUR
132 Jean-Pierre DELMAS SAINT-HILAIRE, « "Vrai" et "faux"
recel de malfaiteur », RSC, 2004, p. 645
133 Michel REYDELLET, « Les délits d'aide à
l'étranger en situation irrégulière », D,
1998, p. 148
134 Jean-Pierre DELMAS SAINT-HILAIRE, « "Vrai" et "faux"
recel de malfaiteur », art. cit.
135 Nathalie PETERKA, « La famille dans la réforme de
la protection juridique des majeurs », JCP G, 2010, p.33
136 CA Paris, 10 févr. 1998, JCP G., 1998, II.
10130, note C. PHILIPPE, Dr. Fam., 1998, n°83, note P. MURAT
137 CA Papeete, ch. civ., 25 sept. 1997, JurisData :
1997-055551
138 Laurence MAUGER-VIELPEAU, « Les sujets et l'objet de la
dette alimentaire », LPA, 24 juin 2010, n° 125, p. 21
139 Req., 5 mars 1902, D. 1902, I. 220, S. 1902, I. 312 ;
Req., 7 mars 1911, D. 1913. I, 404 ; CA Paris, ch. 11, 25 avr. 1932,
JCP, 1932, 607, note H. Mazeaud ; et arrêts cités dans
George Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ, 4e
éd., 1949, p. 375 ; Caroline SIFFREIN-BLANC, La parenté en
droit civil français, PUAM, 2009, 679 p. 532
29
La Fratrie
L'article 796 O ter du Code général des
impôts exonère de droit de mutation à cause de mort la part
de succession du frère âgé de plus de 50 ans ou en
situation de handicap et vivant depuis au moins cinq ans avec le de
cujus. Le droit fiscal favorise ainsi les transmissions de biens aux
frères et soeurs dans le besoin, les libéralités
revêtant là un caractère alimentaire
prédominant140. L'obligation de secours purement naturelle se
traduit alors par la facilitation des transmissions du patrimoine à
cause de mort. Le frère pourrait alors, si les circonstances le
justifient, revêtir la qualité de « personne à
charge », au sens de l'article L. 361-4 du Code de la
sécurité sociale141.
82. Faculté de renoncement - En
dernier lieu, le droit permet aux collatéraux, et à eux seuls, de
consentir certains sacrifices au profit de leurs frères et soeurs dans
le besoin. Ainsi, le droit prévoit des dérogations très
strictes à l'interdiction pour tout mineur ou majeur
protégé - vivant - de consentir à des dons d'organes (CSP,
art. L. 1231-1 s.), concernant au premier chef les frères et
soeurs142. Par ailleurs, les collatéraux peuvent renoncer
à toute action en réduction des libéralités
consenties à un de leur cohéritier au cas où celles-ci
excèderaient la quotité disponible (C.civ., art.
929)143. Le mécanisme de la renonciation anticipée
à l'action en réduction permet donc à la fratrie de
consentir un sacrifice au profit de l'un des siens, sur l'initiative des
ascendants concernés.
86. En dépit de l'absence de toute obligation
alimentaire entre frères et soeurs, la solidarité fraternelle,
reconnue et encouragée par le droit, ne peut être
négligée et constitue une composante majeure des relations
collatérales.
B/ Les moyens propres de la fraternité
87. L'existence d'une solidarité propre à la
fratrie souffre de deux critiques. D'une part, sont invoquées l'absence
de juridicité des rapports fraternels et « la
spontanéité qui les caractérise »144
; les sociologues observent que la fratrie est un lien « peu
normé »145. D'autre part, est allégué
le manque de spécificité de cette fonction également
attachée à l'alliance ou à la parenté, voire
à un cercle toujours étendu de proches146. Aucune de
ces critiques ne parvient cependant à faire douter des
spécificités de la fraternité.
140 Elie ALFANDARI, « Droit alimentaires et droits
successoraux », Mélanges René Savatier, Dalloz,
1965, p.1
141 Ass.plén., 30 janv. 1970, D. 1970, somm. p.
221, concl. R. LINDON, note J-J. DUPEYROUX
142 Frédérique DREIFUSS-NETTER, « Les
donneurs vivants ou la protection des personnes en situation de
vulnérabilité », D. 2005, p. 1808
143 Nathalie LEVILLAIN, « La renonciation
anticipée à l'action en réduction », JCP N.,
2006, p. 1349 ; François SAUVAGE, « La renonciation
anticipée à l'action en réduction », AJ
Fam., 2006, p. 35
144 Valérie BOUCHARD, « De la solidarité en
ligne collatérale », art. cit.
145 Jean-Hugues DECHAUX, « La place des frères et
soeurs dans la parenté au cours de la vie adulte », art.
cit..
146 Loi du 5 mars 2007, relative à la protection
des majeurs (C.civ., art. 430) ; loi du 6 août 2004, relative
à la bioéthique, concernant les donc d'organes (CSP, art.
1231-1 s.), etc.
88.
30
Rejet de la thèse du non droit -
L'absence de règle contraignante ne saurait être assimilée
au « non-droit »147. En effet, le droit
présente diverses « textures »148, et le
critère de la contrainte n'est aucunement exclusif de toute
juridicité de la règle en cause. Or, « beaucoup de gens
[..] placent tous leurs espoirs dans le Droit pour la rénovation de la
famille »149 : cette approche de la famille repose sur un
postulat doublement erroné, selon lequel seul le droit pourrait
organiser les rapports familiaux et que ce droit ne pourrait être que
contraignant.
En réalité, il ne fait aucun doute qu'il
existe, entre collatéraux, une obligation naturelle d'assistance et de
secours que le droit reconnaît150. Les dérogations par
ailleurs apportées à des règles d'ordre public -
pénales, fiscales, successorales - ne sont concevables que par
application d'une règle de droit. La question n'est donc « pas
de savoir s'il existe une obligation à la fraternité, mais [..]
si la fraternité est une faculté »151.
Aussi, l'absence de contrainte pesant sur les collatéraux ne
saurait-elle exclure tout rapport juridique entre frères et soeurs.
89. Cependant, certains ont pu souhaiter la création
d'une obligation civile d'aliments entre frères et soeurs152
afin de permettre la défiscalisation de ces versements qui, selon une
jurisprudence constante, sont imposées au titre de l'impôt sur le
revenu du bénéficiaire sans être déductible de celui
du sol-vens153. Une telle évolution ne semble
toutefois pas souhaitable. La création d'une telle obligation aurait
également pour corollaire la faculté pour l'Etat d'exercer une
action récursoire contre les débiteurs d'aliments après
avoir acquitté une dette de nature alimentaire (CASF, art. L132-7 ; CSP,
art. L. 6145-11)154. Le frère pourrait alors être
poursuivi par son collatéral ou l'Etat créancier, ce qui romprait
l'égalité de chance devant exister au sein de la fratrie. Pour
que la fonction de solidarité fraternelle soit compatible avec la mise
en concurrence des frères et soeurs, elle doit rester une simple
faculté155.
90. Subsidiarité de la fraternité
- En dépit de l'extension de ces règles à un
cercle élargi de proches, la solidarité fraternelle conserve une
spécificité certaine résultant de son caractère
subsidiaire, distinct des autres solidarités familiales. En premier
lieu, la fraternité est strictement limitée aux situations de
147 Jean CARBONNIER, Flexible droit, op. cit., p. 25
148 Catherine THIBIERGE, « Le droit souple »,
RTD Civ. 2003, p. 599 ; Antoine JEAMMAUD, « La règle de
droit comme modèle », D. 1990, p. 199
149 Julien BONNECASE, La philosophie du Code Napoléon
appliquée au droit de la famille, op. cit., p.3
150 Vivien ZALEWSKI, Familles, devoirs et
gratuité, op. cit., n° 190, p. 203 ; Pascal BERTHET,
Les obligations alimentaires et les transformations de la famille,
op. cit., p. 83, n° 136
151 Yves GUILLON, « La fraternité dans le droit des
sociétés », Rev. Soc., 1989, p.439
152 Jean DE GAULLE, AN, XIe Lég., 17 janv. 2002,
Proposition n° 3548 ; Caroline SIFFREIN-BLANC, La parenté en
droit civil français, op. cit., p. 533, n° 672 s.
153 Frédéric DOUET, « Pension alimentaire
entre frères et soeurs », obs. sur CE, 28 mars 2012,
L'essentiel-Droit de la famille et des personnes, 15 juin 2012, n° 6, p. 7
; rappr. Marc FRANCINA, AN, XII Lég., Qu. n° 59868,
JO, 05 juil. 2005, p. 6627
154 Jean HAUSER, « Une famille
récupérée », dans Mélanges Pierre
Catala, Litec, 2001, p. 327
155 Adeline GOUTTENOIRE-CORNUT, « L'obligation
alimentaire, aspects civils », dans Luc-Henry CHOQUET, Isabelle SAYN
Obligations alimentaires et solidarités familiales. Entre droit
civil, protection sociale et réalités familiales), LGDJ,
200, p. 27 ; Elie ALFANDARI, « Droit alimentaires et droits successoraux
», Mélanges René Savatier, Dalloz, 1965, p.1
31
La Fratrie
besoin dans lesquelles pourrait se trouver un frère ;
elle est donc subsidiaire aux obligations de contribution aux charges entre
époux ou d'éducation des enfants qui dépassent largement
les seuls besoins de leur bénéficiaire156. En second
lieu, la fraternité n'intervient qu'en cas de défaillance des
débiteurs d'aliments. L'assistance du frère reste toujours
secondaire et en proportion moindre que celle des parents ou enfants : elle est
donc subsidiaire aux obligations alimentaires de nature civiles
(Annexe 5).
91. Cette subsidiarité que certains
assimileraient à une inconsistance révèle en
réalité une spécificité de la fraternité,
instituée comme un dernier recours. Elle est la condition-même de
sa compatibilité avec la fonction d'éclatement et de concurrence
de la fratrie, concourant à la cohérence d'une institution
complète.
* *
*
92. Conclusion du chapitre premier - Loin de
constituer un sous-ensemble « dans les bas-côtés de la
parenté »157, la fratrie apparaît comme une
institution autonome, présentant un corps de règles propres et
des finalités spécifiques. Le frère n'est pas «
un tiers, en droit civil » 158.
Caractérisée par une égalité et une unité
particulières, l'institution fraternelle concourt à la
séparation des frères et soeurs tout en organisant une mise en
concurrence loyale et favorisant une solidarité non contraignante. A
travers « une fonction sociale et le statut impératif qui la
régit » 159, la fratrie présente les
attributs d'une institution autonome, d'un « lien devant être
distingué des autres »160.
Or, ces caractéristiques peuvent être
détachées du lien de filiation qui unit chaque frère et
soeur à un parent commun. « Le respect de la fratrie
découle des rapports fraternels et non d'un quelconque rattachement aux
parents »161. Il est donc possible de détacher le
rapport de fraternité de la parenté, et d'apprécier la
fratrie de manière autonome au sein de la famille.
93. Pourtant, le droit ne semble définir le
frère qu'au regard d'une filiation commune. La fratrie est, en droit,
l'ensemble des « fils [et filles] d'un même père et/ou
d'une même mère »162. Or, dès lors que
l'institution fraternelle est détachée de la parenté, il
convient d'en rechercher la composition, indépendamment du
critère tenant au lien de filiation commun.
156 Emmanuelle CRENNER et alii, « Le lien de
germanité à l'âge adulte », Revue française
de sociologie, 2000, 41-42, p.211
157 Gérard CORNU, « La fraternité. Des
frères et soeurs par le sang dans la loi civile », art.
cit.
158 Véronique TARDY, « Les fraternités
intrafamiliales et le droit », art. cit.
159 Anne-Marie LEROYER, Droit de la famille, op.
cit.,, p. 23
160 Caroline SIFFREIN-BLANC, La parenté en droit civil
français, op. cit., p. 524
161 Véronique TARDY, « Les fraternités
intrafamiliales et le droit », art. cit., p. 7.
162 Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, op.
cit., v° « frères »
32
CHAPITRE II : La consistance de la fratrie en droit
94. La fratrie est soumise à un ensemble de
règles qui lui sont propres, et détachées du rapport de
filiation qui unit ses membres à un même parent. Pourtant, elle
reste définie par le droit et les sciences humaines comme l'ensemble des
enfants issus d'un ou deux auteurs communs. Une contradiction réside
donc dans le fait de détacher la fratrie de la filiation dans son
régime, tout en l'y rattachant dans sa définition. Or, la
multiplication des recompositions familiales commande une réflexion
nouvelle sur la consistance de la fratrie et impose de vérifier si
les distinctions entre les différentes fratries sont
justifiées au vu de la nature des liens qui fondent leur
régime.
En effet, à travers le régime juridique des
rapports fraternels, il est possible de déterminer ce qui justifie de
traiter telles personnes en frères et soeurs ou en simple proches. Le
fondement des règles régissant la fratrie révèle
les particularités de ce sous-ensemble familial : son caractère
imposé, l'importance de la vie commune durant l'enfance, sa
subsidiarité à l'égard des autres liens familiaux. Or, la
filiation commune n'apparaît pas comme un élément
déterminant de la qualification de frères ou soeurs. D'autres
critères sont à prendre en compte, voire à substituer
à celui de la parenté.
95. Aussi, le décalage entre les
éléments de définition et l'existence d'un régime
propre à la fratrie conduit-il à des traitements inégaux
parfois injustifiés selon les différentes situations dans
lesquelles peuvent se trouver des frères et soeur.
L'analyse des règles propres à la fratrie
révèle la nature et l'origine des liens entre collatéraux
(Section 1) et permet d'en déterminer l'étendue
exacte, parfois en contradiction avec la définition que retient
actuellement le droit positif (Section 2).
Section 1 : La nature des liens fraternels
96. Les normes et finalités attachées au
rapport de germanité s'expliquent par la particularité des liens
existant entre frères. Corrélativement, le corps de
règles régissant la fratrie permet d'en déterminer
l`étendue sans recourir à la seule référence
à un parent commun. Le régime de la fratrie s'explique par
le caractère imposé et vécu de ces liens
(§1) et suppose d'accorder à la filiation commune
des frères et soeurs une place moins déterminante dans la
définition de cette institution (§2).
33
La Fratrie
§1. Les caractères des liens fraternels
97. La fraternité est une situation subie. A
l'opposé de l'alliance et de la filiation qui sont régies dans le
but d'organiser volontairement l'avenir, la fratrie est ordonnée
à partir d'une situation imposée (A) et tournée vers le
passé (B).
A/ Des liens imposés
98. La fratrie se définit avant tout par son
caractère imposé, ce qui la distingue d'autres institutions
familiales que sont la filiation ou le mariage. « Fonder une famille
est un acte de volonté »163 : les époux
consentent à leur union, les parents désirent leur enfant.
Lorsque cette volonté cesse, un divorce peut être demandé
(C.civ., art. 229), un accouchement anonyme autorisé (C.civ., art. 326),
une adoption prononcée avec le consentement des parents (C.civ., art.
348).
99. Un état subi - De toute autre
nature, la fraternité est un état subi. La composition de la
fratrie dépend de la volonté exclusive des parents, et il est
impossible pour l'un de ses membres de la quitter. La fratrie impose «
une forme irréductible de permanence »164.
La CEDH semble avoir fait de ce caractère un
critère de distinction objectif justifiant une différence de
traitement entre la fratrie et le concubinage165. Selon la Cour,
concubinage et fratrie ne se différencient pas selon « la
durée ou le caractère solidaire de la relation », mais
en fonction de « l'existence d'un engagement public, qui va de pair
avec un ensemble de droits et d'obligations d'ordre contractuel ». Ce
critère est vivement critiqué, car l'absence d'engagement entre
frère et soeur résulte justement de l'interdiction qui leur est
faite de s'unir par le mariage ou toute autre forme de
conjugalité166 : « l'origine des liens [serait] sans
intérêt »167.
100. Il semble, bien au contraire, que l'origine des liens
qui unissent les frères et soeurs importe. En effet, une chose est de
vouloir s'assurer réciproquement une aide mutuelle ; une autre est
d'avoir été unis par une filiation commune sans le souhaiter. La
fratrie peut, dans ses effets, se rapprocher d'un concubinage mais, dans sa
formation, elle s'en distingue par l'absence de choix du frère avec qui
ces liens seront organisés.
101. Un régime justifié par son
caractère subi - Ce caractère imposé confirme et
explique la spécificité des règles applicables aux
relations fraternelles. D'une part, la fonction d'éclatement de la
fratrie répond au fait que les frères et soeurs n'ont pas
décidé de leur union : le caractère subi de la fratrie
im-
163 Jean CARBONNIER, Flexible droit, LGDJ,
10e éd., 2007, p. 292
164 Annette LANGEVIN, « Frères et soeurs, les
négligés du roman familial », dans La fratrie
méconnue : liens du sang, liens du coeur (Brigitte CAMDESSUS), ESF
Editeur, 1998, p. 19
165 CEDH, 29 avr. 2008, n° 13378/05, Burden c. RU
; JDW, 2007, chron. 5 p. 683 ; RTDH, 2009, p. 513, obs.
J-P. MARGUE-NAUD ; JCP G., 2008, I. 167, chron. F. SUDRE ; RTD
Civ., 2008, p. 459, obs. J. HAUSER
166 Jean-Pierre MARGUENAUD, « L'affaire Burden ou
l'humiliation de la fratrie », art. cit.
167 Jean HAUSER, « Pacs et concubinage : liberté,
égalité, mais pas de fraternité ! », art.
cit.
34
plique une unité imposée168,
perpétuelle, et l'impossibilité de rompre le lien fraternel par
un acte de volonté. Cette fonction n'a de raison d'être que si les
membres de la fratrie sont unis contre leur gré et ne peuvent
accéder à l'autonomie qu'en dépassant les liens
indéfectibles qui les retiennent entre eux.
D'autre part, la subsidiarité de la fonction de
solidarité s'impose également en raison du caractère subi
de la fratrie. N'existant aucun acte de volonté à l'origine des
liens fraternels ni devoir de reconnaissance entre collatéraux, il ne
saurait exister d'obligation contraignante à la charge des frères
et soeurs. Si, à l'inverse, l'union est choisie, la solidarité
devient nécessairement contraignante, car née d'un engagement
volontaire. Il appartient en revanche au législateur de favoriser ou non
la fraternité par des règles exclusivement incitatives (cf.
supra n° 77).
102. Un caractère original - La
fratrie, subie, mais dont les effets ne dépendent que de la
volonté des frères et soeurs, se distingue donc radicalement de
l'alliance ou de la filiation qui naissent d'un choix
délibéré mais d'où découle un statut
impératif. Ainsi, il convient de distinguer : « la
qualité et l'intérêt des liens qui se nouent entre germains
relèvent pour une part, du mode électif. Il n'en demeure pas
moins qu'être frère résulte en premier lieu d'une
contrainte et non d'un libre choix »169.
103. Le caractère imposé de la fratrie explique
donc en partie son régime et la distingue des autres institutions
familiales. La spécificité de l'institution fraternelle
résulte également de son rapport au temps.
B/ Des liens tournées vers le passé
104. Contrairement à la parenté et à
l'alliance reposant sur la volonté d'organiser l'avenir d'une famille en
création, la fratrie se constitue au regard d'une situation
passée sans appréhender son futur.
105. Orientation de la fratrie vers son passé
- D'une part, la fratrie n'organise pas son avenir, mais au contraire,
les modalités de sa séparation. Il ne s'agit aucunement de
prévoir quels seront les rapports à venir des frères et
soeurs mais de favoriser la rupture pacifiée des liens présents.
Le rapport au temps est radicalement opposé à celui
qu'entretiennent la parenté ou l'alliance, ayant pour finalité la
transmission d'un capital patrimonial et moral à une descendance
potentielle.
106. D'autre part, les règles permettant
l'unité de la fratrie ne concernent que les membres existants au moment
où elles s'appliquent. Notamment, le principe de non-séparation
des frères et soeurs ne tend pas à regrouper la fratrie, mais
à éviter la séparation de ceux qui sont unis à la
date de désunion des parents. Il n'est aucunement exigé, lors de
la naissance d'un enfant, que celui-ci soit rattaché au parent
hébergeant le reste de la fratrie. Ce qui est recherché, c'est le
maintien d'une communauté de vie exis-
168 Gérard CORNU, Droit civil. La famille, Domat
(Droit privé), 9e éd., 2006, n° 75, p.
162
169 Monique BUISSON, La fratrie, creuset des paradoxes,
L'Harmattan, 2003, p.59
35
La Fratrie
tante et présumée protectrice, et non la
réunion d'une fratrie au fur et à mesure de la naissance des
cadets170.
107. Enfin, la fonction de solidarité de la fratrie
peut s'exercer au préjudice des frères et soeurs à venir,
là où la réserve héréditaire interdirait
à un parent de priver un enfant futur de toute vocation successorale
à venir en avantageant ses enfants déjà
nés171. Le mécanisme de la réduction des
libéralités permet de protéger la filiation à
venir, d'éviter qu'un parent trop généreux ne porte
atteinte aux droits de sa descendance future. A l'inverse, en
privilégiant ses collatéraux existants, un frère peut
exhéréder ceux à naître sans qu'ils puissent
remettre en cause les libéralités ainsi consenties. La
fraternité ne se soucie donc pas du sort des frères et soeurs
à venir ; elle est attirée par le seul groupe des
collatéraux existants.
108. Distinction entre fratrie actuelle et future
- Toutefois, l'existence d'un traitement différencié
entre aînés et cadets a été contestée.
L'article L. 1241-1 du Code de la santé publique n'autorise ainsi le
prélèvement de cellules du cordon à destination d'une
personne déterminée qu'au profit de l'enfant ou de ses
frères et soeurs atteints, au moment de sa naissance, d'une pathologie
susceptible d'être guérie grâce à l'utilisation de
ces cellules. Manifestement, « en privant les enfants à
naître [..] de toute possibilité de bénéficier d'une
greffe [..] alors que cette faculté est ouverte aux enfants malades de
la même fratrie, ces dispositions seraient contraires au principe
d'égalité ».
Saisi de la question172, le Conseil
constitutionnel a estimé la distinction entre les enfants nés et
à naître objectivement justifiée au vu de la
finalité de la règle en cause. Le Conseil valide ainsi la
distinction entre fratrie existante et fratrie à venir, confirmant
l'attrait de cette institution pour son passé173.
109. « Le lien de fratrie [..] est involontaire,
tourné vers le passé, promis à une dissolution
»174. La relation entre ces caractères et
l'existence d'une parenté commune aux frères et soeurs n'est
toutefois pas évidente et mérite d'être
précisée.
§2. L'origine des liens fraternels
110. Les critères de définition de la fratrie
semblent être naturellement réunis du fait de l'existence d'une
parenté commune. Pourtant, il apparaît rapidement que la
qualité de frère n'est pas indissociable de la filiation (A) et
dépend également des liens de fait qui existent au sein de la
fratrie (B).
170 Véronique DAVID-BALESTRIERO, « L'unité de
la fratrie », art. cit.
171 Sophie DEVILLE, Marc NICOD, Réserve
héréditaire-Réduction des libéralités,
Répertoire Dalloz, 2012, n° 4
172 Cons. const., n° 2012-249 QPC, 16 mai 2012 ;
Constitutions, 2012, p. 474, chron. X. BIOY, E. RIAL-SEBBAG ;
RDSS, 2012, p. 851, obs. P. LOHEAC-DERBOULLLE
173 A l'inverse, en ligne directe, l'égalité
entre enfants à naître et nés est strictement garantie.
Ainsi, un enfant né après que ses frères ont
représenté leur auteur commun indigne ou renonçant
à la succession d'un ascendant pourrait obtenir au décès
de cet auteur la part à laquelle il aurait eu droit s'il était
né à la date de la représentation (C.civ., art. 754).
174 Philippe CAILLE, « Fratries sans fraternité
», art. cit., p. 13
36
A/ Le rôle de la filiation dans la construction
de la fratrie
111. Filiation et fratrie - De
manière évidente, la filiation commune aux frères et
soeurs justifie certaines règles qui leur sont applicables. Les
dérogations admises s'agissant des dons d'organes entre vifs au profit
des frères et soeurs (cf. supra n° 82) s'expliquent par la
compatibilité immunologique des donneur et receveur, découlant de
leur même parenté biologique.
En dehors de ces hypothèses où le lien de sang
est une condition patente, la place de la filiation biologique ou juridique ne
semble pas devoir recevoir l'importance que certains y attachent175.
Il arrive que l'existence d'une filiation commune ne suffise pas à
justifier l'existence d'une fratrie, et que, réciproquement, la fratrie
découle de liens non juridiques.
112. Filiation et éclatement - D'une
part, la fonction d'éclatement de la fratrie se justifie par l'existence
de liens susceptibles d'entraver l'émancipation des frères et
soeurs (cf. supra n° 73). Certainement, l'existence d'une
parenté commune peut faire présumer de tels liens, subis et
tournés vers une généalogie passée : le lien entre
fraternité et parenté semble si naturel qu'il n'est pas
discuté.
113. Toutefois, le droit n'accorde pas toujours une place
déterminante à la filiation biologique des frères et
soeurs. En effet, en dépit de l'existence d'un patrimoine
génétique identique, les enfants issus de mêmes dons de
gamètes ne peuvent établir leur filiation à l'égard
du donneur commun (C.civ., art. 311-19). Il en découle que les enfants
issus de mêmes dons, biologiquement frères et soeurs, sont
traités par le droit comme des tiers. La situation est inédite,
car le droit a toujours maintenu les empêchements à mariage entre
frères et soeurs biologiques, après une adoption
plénière (C.civ., art. 356) ou lorsque l'établissement de
leur filiation se heurtait à des obstacles de droit (C.civ., art.
342-7). Désormais, au hasard des rencontres, il se peut que les enfants
issus du même géniteur entretiennent des relations qui seraient en
principe qualifiées d'incestueuses176.
L'évolution des techniques d'assistance
médicale à la procréation rend donc la parenté
biologique impropre à justifier la prohibition de l'inceste et, plus
généralement, la fonction d'éclatement de la
fratrie177. Cette fonction semble se justifier bien davantage par
les rapports de fait existant entre frères et soeurs que par lien
juridique qui, lorsqu'il est purement abstrait, ne crée aucun obstacle
à l'autonomie des collatéraux : la filiation n'y est pas
déterminante.
114. Filiation et solidarité -
D'autre part, la fonction de solidarité dépend peu du lien de
parenté commun aux frères et soeurs. Cette fonction
résulte, en majorité, de facultés offertes aux
frères et soeurs
175 Véronique TARDY, « Les fraternités
intrafamiliales et le droit », art. cit.
176 Didier GUEVEL, « La famille incestueuse », Gaz.
Pal., 16 oct. 2004, n° 290, p. 2, spéc. n° 24
177 Agnès FINE, « Liens de fraternité
», IS, mai 2012, n° 173, p. 36, spéc. p.42-43
37
La Fratrie
en cas de défaillance des débiteurs
légaux d'obligations alimentaires, le frère se présentant
comme une « "réserve" face au manque ou à
l'adversité qui affaiblirait la famille »178.
115. La fonction de solidarité de la
fratrie repose sur la carence de la famille à laquelle appartiennent les
frères aidant et aidé179. Selon le principe de
subsidiarité (cf. supra n° 90), la justification de la
fraternité réside donc dans l'existence d'une obligation
d'assistance de la famille défaillante à l'égard du
frère dans le besoin et l'appartenance du frère aidant à
cette même famille180. Or, cette appartenance à une
même famille peut résulter d'une parenté reconnue ou non
juridiquement.
Un enfant légitime pourrait ainsi entretenir l'enfant
incestueux de son père en cas de défaillance de ce dernier. Le
frère aidé serait effectivement lésé par la carence
du parent, débiteur d'une obligation natu-relle181, et le
frère aidant appartiendrait incontestablement à la famille du
défaillant. Seraient caractérisées les conditions de mise
en oeuvre de la fraternité, en dépit de l'absence d'une fratrie
juridiquement reconnue. Là encore, la filiation juridique est
indifférente au régime de la fratrie.
117. Certainement, le critère de la parenté
commune est déterminant dans l'attribution de qualité de
frère. Toutefois, il n'apparaît ni exclusif, ni impératif,
et doit être corroboré, voire suppléé par d'autres
données plus factuelles.
B/ Le rôle des liens vécus dans la
construction de la fratrie
118. Effets d'une fraternité vécue
- Les liens affectifs ont, dans la construction de la fratrie, un
rôle déterminant et ils permettent soit de consolider la fratrie
de sang, soit de s'y substituer : « le vécu des enfants montre
que le lien fraternel ne peut se rabattre sur la filiation
génétique »182.
119. La durée de vie commune des frères et
soeurs influence nécessairement les liens qu'ils entretiendront par la
suite. Plus les liens auront été intenses durant l'enfance, plus
la fratrie restera unie et solidaire (Annexe
4). Ainsi, « une longue vie commune dans
l'enfance entraîne des relations plus suivies entre germains
»183.
L'existence d'une affection réciproque entre
frères et soeurs est juridiquement reconnue s'agissant de l'allocation
de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi
en raison du décès de l'un d'eux184 : l'indemnisation
dépendra alors nécessairement de la force des liens existant
entre la victime directe et son frère. Les liens vécus
renforcent, ici, la fraternité issue d'une filiation déjà
établie.
178 Annette LANGEVIN, « Frères et soeurs, les
négligés du roman familial », dans La fratrie
méconnue, op. cit. p. 19
179 Vivien ZALEWSKI, Familles, devoirs et gratuité,
Thèse, L'Harmattan, 2004, p. 205
180 Pascal BERTHET, Les obligations alimentaires et les
transformations de la famille, op. cit., p. 86, n° 141
181 Req., 3 avr. 1882, D. 1882, I. 250 ; George RIPERT,
La règle morale dans les obligations civiles, op.
cit., p. 389
182 Samira BOURHABA, « Singularité et
multiplicité des relations fraternelles », CCTF, janv.
2004, n° 32, p. 23, spéc. p. 28
183 Emmanuelle CRENNER, et alii, « Le lien de
germanité à l'âge adulte », art. cit.
184 Jacques BRAUD, « L'indemnité
réparatrice des blessures et de la mort : pour l'unité »,
JCP G., 1971, chron. 2372, spéc. n° 34 ; rappr.
Crim., 2 mai 1952, JCP, 1952, II. 7354
120.
38
Mieux, ces liens de fait devraient également suffire
à identifier la fratrie. Puisque la filiation n'est pas
déterminante de la fraternité, a contrario, la
qualité de frère semble pouvoir résulter de seuls liens de
fait185, tels que l'union des parents ou le placement dans une
même famille d'accueil. En réalité, il ne s'agit pas
d'asseoir la définition de la fratrie sur un choix réciproque des
frères et soeurs, qui serait contraire à son caractère
subi, mais de prendre en compte la proximité qui existe de fait entre
les enfants ayant vécu sous un même toit pour corroborer une
filiation juridique, voire la suppléer.
121. Absence d'effets d'une fraternité non
vécue - A l'inverse, l'absence de liens affectifs paraît
devoir exclure la qualification de frères et soeurs en dépit de
l'existence d'une filiation juridique commune. L'importance des liens
vécus justifie, notamment, la règle de non séparation de
la fratrie qui n'a pour objectif que de maintenir les liens de fait - une
communauté de toit - et non de protéger la filiation des
frères et soeurs. En l'absence de liens affectifs suffisants entre les
frères et soeurs, la séparation sera plus facilement admise par
le juge, qui traitera ces derniers comme des tiers186.
La parenté commune n'est là qu'un
critère secondaire, puisqu'elle n'implique pas nécessairement une
communauté de toit et que, à l'inverse, des enfants peuvent se
retrouver unis par leurs parents sans qu'il n'existe entre eux de liens de
consanguinité.
De même, la fonction d'éclatement de la fratrie
semble dépourvue d'utilité sociale lorsque les frères et
soeurs, bien qu'unis par une parenté commune, n'ont jamais vécu
ensemble. Réciproquement, il est possible de s'étonner qu'aucune
prohibition n'existe au sein des fratries de fait, unies dès la plus
jeune enfance par l'union de leurs auteurs187.
122. Ainsi, « c'est moins la place juridique dans la
parenté qui fait le frère ou la soeur que la
réalité des relations »188.
La fratrie désigne un ensemble de règles tendant
à l'éclatement et la solidarité spontanée entre
individus regroupés par des liens subis et orientés vers un
passé commun. Or, ce passé n'est pas nécessairement
constitué d'une filiation commune et peut désigner tout
événement qui a imposé aux frères et soeurs une
union de fait, important bien davantage qu'un lien de droit dépourvu de
toute effectivité189.
La remise en cause de l'importance de la patenté dans
la définition de la fratrie invite alors à discuter le postulat
selon lequel tous les enfants d'un ou deux mêmes parents, et eux seuls,
revêtent la qualité de frères.
185 Marcel RUFO, Christine SCHILTE, Frères et soeurs,
une maladie d'amour, Le Livre de Poche, 2003, chap. IX
186 CA Paris, 16 juin 1998, Dr. Fam., mars 1999, p.
17, note P. MURAT ; rappr. CA Rouen, ch. fam., 14 mai 2009, RG n°
08/01878, JurisData : 2009-003198 ; CA Nîmes, ch. civ. 2, sect. C, 28
sept. 2005, RG n° 03/03451, JurisData : 2005-285431
187 Didier GUEVEL, « La famille incestueuse », Gaz.
Pal., 16 oct. 2004, n° 290, p. 2
188 Agnès FINE, « Liens de fraternité
», IS, mai 2012, n° 173, p. 36, spéc. p.42
189 Nathalie CHAPON-CROUZET, « L'expression des liens
fraternels au sein des familles d'accueil : de la fratrie au groupe fraternel
nourricier », Devenir, mars 2005, vol. 17, p.261, spéc. p.
265
39
La Fratrie
Section 2 : L'étendue des liens fraternels
123. Par ses caractères vécus, imposés,
la fratrie peut être détachée de la référence
classique au lien de parenté partagé par ses membres. Cette
nouvelle définition impose de vérifier si l'étendue
actuelle de la fratrie est justifiée alors qu'elle reste définie
en droit par l'existence d'une filiation commune. Or, tandis que la
convergence des fratries utérines, consanguines et germaines conduit
à une mise à l'écart critiquable des quasi-fratries
(§1), le droit positif ne permet d'aménager que de
manière imparfaite des rapports de fraternité lorsqu'ils sont
ignorés par la loi (§2).
§1. La justification imparfaite du cantonnement de la
fratrie
124. Fratries germaines, consanguines et utérines sont
parfaitement assimilées par le droit. En revanche, en l'absence de
filiation commune, les rapports entre quasi-frères sont ignorés.
Si l'assimilation des demi-frères aux frères germains semble
justifiée (A), la mise à l'écart des fratries de fait
n'est pas toujours pertinente (B).
A/ La convergence des fratries germaine, consanguines
et utérine
125. Assimilation des fratries - Il n'a
jamais été contesté que les enfants issus d'un seul auteur
commun reçoivent la qualité de frères. Toutefois, les
droits des demi-frères ont longtemps été moindres que ceux
des frères germains. Notamment, le privilège du double lien
affectait la vocation successorale des frères utérins et
consanguins (cf. supra n° 50) et le principe de non
séparation avait d'abord été jugé inapplicable au
groupe des demi-frères pour des considérations d'ordre
pratique190.
126. Cette différence de traitement entre
frères germains et demi-frères semble aujourd'hui
dépassée.
Il est généralement admis que les
empêchements à mariage s'appliquent indifféremment selon
que les collatéraux sont issus d'un ou deux auteurs
communs191. En outre, la jurisprudence a rapidement étendu
l'application de l'article 371-5 du Code civil aux
demi-frères192, sous réserve de la possibilité
matérielle de réunir la fratrie sous un même toit - ce qui
vaut également pour les frères germains193. De
même, la dévolution d'un même nom aux frères et
soeurs se heurte aux mêmes obstacles de fait, qu'ils aient un ou deux
parents communs. Enfin, la réforme du 3 décembre 2001 accorde des
droits successoraux égaux aux frères, quel que soit le nombre de
leurs auteurs communs (cf. supra n° 51).
Ces quelques exemples démontrent l'assimilation
parfaite des frères germains aux frères utérins et
consanguins. L'existence d'un parent commun suffit à unir les enfants et
oriente naturellement leur
190 Jacques MASSIP, « La loi du 30 décembre 1996
», art. cit.
191 CA Rouen, 23 févr. 1982, D. 1982, IR. p. 211,
rappr. Req. 28 nov. 1877, DP. 1878, I. 1209
192 CA Paris, 7 mai 2003, Dr. Fam., 2003, comm. 144,
A. GOUTTENOIRE, RTD Civ., 2003, p. 494, obs. J. HAUSER ; Civ.
1re, 19 nov. 2009, D. 2010, p. 1904, chron. A. GOUTTENOIRE,
P. BONFILS
193 Dorothée BOURGAULT-COUDEVYLLE, « Les relations
de l'enfant avec d'autres personnes que ses père et mère »,
Droit et Patr., 2000, p. 85
40
union vers leur origine commune, passée. Elle satisfait
alors aux critères d'identification de la fratrie ; dès lors, peu
importe que la fratrie s'articule autour d'un ou deux auteurs.
127. Limites de l'assimilation - Cependant,
si l'assimilation des fratries germaines, utérines ou consanguines se
conçoit aisément lorsque les enfants sont élevés
sous un même toit, il est moins certain que l'existence d'un unique
auteur commun suffise à expliquer l'application du régime de la
fratrie194. Il est en effet douteux que l'éclatement de la
fratrie doive être encouragé et organisé par le droit ou
qu'une solidarité spontanée puisse naître entre des
demi-frères qui n'ont jamais vécu ensemble195. La
fratrie est alors réduite au partage d'une filiation biologique,
à laquelle le droit ne fait pas toujours produire d'effet (cf.
supra, n° 111).
Or, les frères qui n'ont, du fait de la
séparation de leurs parents, jamais vécu ensemble, ne partagent
pas de passé commun intrinsèque à la fratrie. Leur union
ne pourrait résulter que de la volonté de se regrouper,
d'organiser un avenir commun ; il ne s'agirait alors pas seulement de
déterminer la qualité des liens fraternels, mais de les nouer.
Les rapports ainsi envisagés seraient donc voulus et tournés vers
l'avenir, ce qui caractérise bien plus un couple qu'une fratrie.
128. Aménagements des fratries de droit
- Il semble donc discutable d'assimiler totalement les
demi-frères aux frères germains, lorsqu'ils n'ont jamais
cohabité. Toutefois, le principe d'égalité -
universelle - ferait obstacle à un traitement
différencié à l'égard des demi-frères en
raison du défaut de cohabitation : il serait inconcevable de limiter la
vocation des demi-frères à la succession de l'unique auteur
commun, droit attaché à la filiation et non à la
fraternité.
129. En revanche, les fonctions spécifiquement
attachées à la fratrie peuvent être aménagées
de telle sorte qu'elles ne concernent que certains frères. Le droit
offre là aux demi-frères les moyens suffisants d'avantager ceux
avec lesquels ils entretiennent des liens de faits corroborant leur lien de
filiation commun, notamment grâce à l'absence de réserve en
ligne collatérale. Si la qualification de frère pourrait
être discutable, elle n'entraîne aucune difficulté
sérieuse s'agissant de ses effets. Face à la diversité des
fratries de sang, une fois l'égalité instituée par la loi,
la volonté semble le meilleur moyen de faire correspondre les droits des
frères à la réalité des liens vécus, comme
le postule la Loi du 3 décembre 2001 (cf. supra n° 51).
130. A l'inverse, de réelles complications surviennent
lorsque ces facultés demeurent fermées à des personnes
juridiquement tierces vivant comme frères.
194 En 1999, si 39,2 % des enfants séparés d'un
parent avaient des demi-frères, seuls 21,9 % vivaient effectivement avec
eux. De plus, 20 % des adolescents (13-17 ans) ignoraient la situation de leur
second parent, et donc ne pouvaient connaître leurs éventuels
demi-frères. La proportion diminue avec l'augmentation de l'âge
des enfants lors de la séparation des parents ; Catherine
VILLENEUVE-GOKALP, « La double famille des enfants de parents
séparés », Populations, 1999, n° 1, p. 9
195 Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Famille
éclatées, familles reconstituées », D. 1992,
p. 133 ; rappr. CA Rouen, ch. fam., 14 mai 2009, RG n° 08/01878,
JurisData : 2009-003198
41
La Fratrie
B/ L'indifférence du droit à
l'égard des quasi-fratries
131. Diversité des quasi-fratries -
Le droit n'appréhende qu'imparfaitement les quasi-fratries, ce que
justifient la pluralité et
l'hétérogénéité des hypothèses
envisageables et l'impossibilité de procéder à une
complète « typologie des fraternités
»196. Etrangement, les quasi-fratries les moins
litigieuses sont les mieux organisées. Ainsi, l'article 356 du Code
civil régit la fratrie biologique séparée par une adoption
plénière tandis que la Loi du 11 juillet 1975 a mis fin à
tout empêchement à mariage entre alliés en ligne
collatérale, repoussant hors de la sphère juridique la fratrie
« par alliance ».
En revanche, le droit ignore totalement la situation des
enfants unis par le couple de leurs parents ou par le placement dans une
famille d'accueil. Il n'existe entre eux aucun empêchement à
mariage (C.civ., art. 161) ni, corrélativement, aucune vocation
successorale (C.civ., art. 734). En outre, le principe d'interprétation
stricte de la loi pénale (C.civ., art. 111-4) interdirait de leur
étendre les immunités pénales qui profitent aux
frères.
132. Indifférence critiquable à
l'égard des quasi-fratries - Deux lectures peuvent alors
être faites de cette différence de traitement197.
Une première approche conduit à
considérer qu'il n'y a pas de discrimination à traiter de
manière différente des situations différentes.
Objectivement, les quasi-frères ne peuvent être assimilés
aux frères par le sang, et n'ont pas à recevoir la qualité
de frères. L'ensemble serait, certes, un « groupe fraternel
», mais pas une fratrie198.
133. Une seconde lecture tient compte des finalités de
la règle en cause. Dès lors que la norme considérée
s'attache à la seule qualité de frères, rien ne justifie
d'en refuser l'application aux quasi-frères sur le fondement d'une
absence de lien de sang indifférente. Or, les enfants «
élevés comme frères alors qu'ils ne le sont pas
»199 se trouvent, de fait, dans une situation similaire
à celles des frères : leur union est subie et orientée
vers un passé constitué du couple parental200. Les
liens affectifs nés de la vie commune impliquent également la
mise en place de règles tendant à l'éclatement et la mise
en concurrence des quasi-frères, et justifieraient la reconnaissance
d'une solidarité fraternelle.
196 Véronique TARDY, « Les fraternités
intrafamiliales et le droit », art. cit.
197 Marie-Thérèse MEULDERS-KLEIN, Irène
THERY, Quels repère pour les familles recomposées ?
(dir.), Droit et société (LGDJ), n° 10, 1995, p. 26
198Nathalie CHAPON-CROUZET, « L'expression des
liens fraternels au sein des familles d'accueil », art. cit.
199 Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Famille
éclatées, familles reconstituées », art.
cit.
200 Aude POITTEVIN, « Les liens dans les fratries
recomposées. Regard sociologique sur les relations entre enfants au sein
de familles recomposées », Dossiers d'études.
Allocations Familiales, n° 47, 2003, spéc. p. 18
42
Les caractères et les fonctions de la fratrie se
retrouvent donc manifestement dans ces rapports, à condition cependant
que l'union des enfants soit intervenue à un âge suffisamment peu
avancé, de telle sorte que leur construction individuelle ait
intégré la place du quasi-frère201.
134. Dans ce cas, la distinction entre quasi-frères et
frères de sang apparaît discriminatoire, la parenté
biologique n'étant pas déterminante. Si les quasi-frères
concentrent l'ensemble des critères de définitions de la fratrie,
par le caractère subi et tourné vers le passé de leur
union, il semblerait donc pertinent de réfléchir à
l'extension, à leur égard, du statut de frères.
§2. L'évolution possible de l'étendue
de la fratrie
135. Lorsque la fratrie est ignorée par le droit,
certains mécanismes permettent d'aménager les relations existant
entre personnes se prétendant frères. Or, ces aménagements
ne doivent pas remettre en cause la nature de la fratrie, notamment son
caractère imposé. Pour concilier le régime de la fratrie
avec son étendue réelle, le droit n'offre que des moyens
limités (A), ce qui commande la création d'un statut autonome de
frère (B).
A/ Les aménagements possibles de la notion de
fratrie
136. Le juge dispose de certaines prérogatives lui
permettant d'accorder aux quasi-frères un statut comparable à
celui de frères par le sang et de limiter les effets d'une fratrie
purement biologique. L'extension du régime de la fratrie reste cependant
incomplète.
137. Extension de la fraternité -
S'agissant de la fonction de solidarité de la fratrie, le juge a la
charge de protéger la fratrie de fait lorsqu'il constate que les liens
tissés entre les enfants vivant sous un même toit correspondent
à ceux que noueraient des frères et soeurs par le sang. Ainsi,
alors que l'article 371-5 du Code civil ne trouverait pas à s'appliquer
entre quasi-frères, le juge peut, sur le fondement de l'article 373-3,
déterminer la résidence de l'enfant chez le mari de sa
mère décédé202. Sera alors garantie
l'unité d'une fratrie de fait unissant l'orphelin et les enfants du
conjoint survivant, dépassant les règles de droit commun de la
dévolution de l'autorité parentale203.
De même, le juge saurait accorder un droit de visite et
d'hébergement au beau-parent (C.civ., art. 3714), tout
spécialement pour maintenir les liens existant entre l'enfant et ceux de
son beau-parent204. Plus généralement, l'exigence
selon laquelle « le mineur doit être maintenu dans son milieu
actuel »
201 Marcel RUFO, Christine SCHILTE, Frères et soeurs,
une maladie d'amour, op. cit.,, p. 27
202 Civ. 1re, 18 déc. 1990, D.
1990, chron. 56, J. HAUSER, D. 1991, p. 433, obs. J. MASSIP ;
rappr. CA Colmar, ch. 5, sect. B, 5 oct. 2004, RG n° 03/01884,
JurisData : 2004-267456
203 Dorothée BOURGAULT-COUDEVYLLE, « Les relations
de l'enfant avec d'autres personnes que ses père et mère »,
art. cit. ; Maryline BRUGGEMAN, « Les familles recomposées
: le(s) tiers et l'enfant », AJ Fam., p. 294
204 CA Pau, Ch. 2, sect. 2, 14 sept. 2010, RG n° 09/01945,
JurisData : 2010-028725
43
La Fratrie
(C.civ., art. 375-2) devrait être
interprétée largement pour permettre de protéger de tels
liens de faits205, à l'occasion du prononcé d'une
mesure d'assistance éducative.
138. En outre, rien n'interdit aux quasi-frères de se
consentir des libéralités, puisqu'aucune réserve n'existe
en ligne collatérale et que la fiscalité y serait
égale206. De même, l'obligation naturelle d'assistance
et de secours qui existe entre frères pourrait très
aisément être étendue aux quasi-frères, puisqu'elle
ne repose que sur un devoir moral, indifférent aux rapports de droit qui
lient ses sujets207. La fonction de solidarité de la fratrie
peut donc en grande partie être étendue aux
quasi-frères.
Les lois des 4 mars 2002 et 23 juin 2006 ont par ailleurs
accru les possibilités de transmission de biens au sein des familles
recomposées, en permettant notamment d'inviter les enfants du conjoint
à une donation-partage conjonctive. En renonçant
simultanément à toute action en réduction, les membres de
la quasi-fratrie peuvent ainsi s'entendre pour que chacun d'eux
reçoivent la même part des parents non communs208.
C'est ainsi la faculté de renonciation qui serait étendue aux
quasi-frères.
139. Extension des interdits - Concernant la
fonction d'éclatement, il convient de ne pas figer les
empêchements à mariage en prohibant l'alliance entre enfants de
parents mariés. La solution serait contraire au reflux
général des empêchements209 et ne correspondrait
pas à la situation où les quasi-frères ont
été unis à un âge avancé210. En
revanche, le juge pourrait, selon la théorie de l'apparence,
étendre ces empêchements aux seuls quasi-frères ayant
été élevés dès leur plus jeune âge
comme des frères211, sur le modèle des
empêchements existants entre créanciers et débiteurs de
subsides (C.civ., art. 342-7). Sans que leur parenté ne soit
juridiquement reconnue, enfants et créanciers de subsides d'une
même personne sont assimilés, dans ce cas, à des
frères.
L'exemple, résiduel, montre que le droit admet
l'extension du régime prohibitif de la fratrie à ceux qui, sans
lien de filiation commun, sont assimilables à des
frères212. Volontairement, le « législateur
n'a pas posé avec clarté la frontière entre le licite et
l'illicite »213 : l'étendue et la force des
interdictions varient, laissant à la règle morale une place au
moins aussi importante que le droit dans la détermina-
205 Cependant, le « milieu actuel »
désigne en principe la famille biologique de l'enfant, et non sa famille
d'accueil ; Civ. 1re, 4 juil. 1978, bull. n° 249 ;
Civ. 1re, 14 févr. 1990, bull. n° 47
206 Hugues FULCHIRON, « La transmission des biens dans les
familles recomposées », Rép. Defrénois,
1994, p. 833
207 CA Paris, ch. 11, 25 avr. 1932, JCP, 1932, 607, note
H. Mazeaud
208 Nicole PETRONI-MAUDIERE, « Transmettre dans les familles
recomposées », art.cit.
209 CEDH, 13 sept. 2005, Dr. fam. 2005, n° 234,
note A. GOUTTENOIRE, M. LAMARCHE
210 Agnès MARTIAL, S'apparenter. Ethnologie des liens
de familles recomposées, Editions de la MSH, 2003, p.100
211 Didier GUEVEL, « La famille incestueuse », art.
cit.
212 Marie LAMARCHE, Jean-Jacques LEMOULAND, Mariage.
Conditions de formations, Répertoire Dalloz, 2010, n° 353 ;
Philippe Antoine MERLIN, Répertoire universel et raisonné de
jurisprudence, 4e éd., 1821, tome quatrième, p.
552, v° « empêchements » ; l'auteur faisant
également le rapprochement avec les empêchements existants entre
l'enfant baptisé et la famille des ses parrains et marraines ;
rappr. Anita GUERREAU-JALABERT, « Sur les structures de
parenté dans l'Europe médiévale », Annales.
Économies, Sociétés, Civilisations, 1981, n° 6,
p. 1028, spéc. p. 1035
213 Annick BATTEUR, « L'interdit de l'inceste, principe
fondateur du droit de la famille », RTD Civ., 2000, p. 759
44
tion des empêchements à mariage214. La
jurisprudence a d'ailleurs pu prendre l'initiative d'étendre les
empêchements à mariage en se fondant sur une parenté non
établie mais notoire215.
140. Extension de la concurrence fraternelle
- La fonction de concurrence est celle dont la transposition aux
quasi-frères est la plus délicate216.
Du fait de leur parenté distincte, les
quasi-frères risquent de se voir allouer des ressources
pécuniaires et affectives inégales, ce qui rompt
l'égalité nécessaire à une libre concurrence dans
le développement de chaque membre de la fratrie217. Le juge
pourrait alors intégrer dans les charges du mariage l'entretien et
l'éducation des enfants non communs, garantissant l'attribution de
ressources égales aux enfants des époux, indépendamment de
leur parenté218. Or, le mécanisme ferait
dépendre le régime de la fratrie de la situation matrimoniale des
parents, ce qui contredirait l'autonomie de cette institution. Il ne semble
donc pas satisfaisant de faire reposer le statut de la quasi-fratrie sur la
situation du beau-parent, laquelle se heurte déjà à des
difficultés inextricables219.
141. Le droit permet donc d'attacher aux enfants
regroupés dès leur plus jeune âge par l'union de leurs
parents des effets proches de ceux qui découlent d'une fratrie de droit.
Toutefois, des obstacles demeurent et rendent imparfaits les
aménagements actuellement possibles : dès lors que le droit ne
permet pas d'établir un régime satisfaisant au sein des
quasi-fratries, seule une redéfinition de la fratrie peut permettre une
prise en compte effective des rapports entre quasi-frères.
B/ Les aménagements souhaitables de la notion
de fratrie
142. Le droit positif permet, de manière ponctuelle,
d'étendre aux quasi-frères des droits dont
bénéficient les frères. Aussi, serait-il souhaitable de
permettre à ceux qui concentrent l'ensemble des qualités de
frère, après les avoir qualifiés ainsi, d'être
soumis au régime y afférent, notamment, afin d'organiser entre
eux des rapports de concurrence pacifiés.
143. Les enjeux d'une redéfinition de la
fratrie - L'aménagement complet de la fratrie suppose une
double évolution : permettre au demi-frère d' « abolir
le passé »220 avec une fratrie qu'il n'a jamais
connue ; reconnaître l'existence d'une fratrie entre quasi-frères
élevés ensemble. Or, ces évolutions se heurtent aux
éléments-mêmes de définitions de la fratrie :
admettre la construction d'une fratrie entre
214 Agnès MARTIAL, S'apparenter. Ethnologie des liens
de familles recomposées, op. cit., p. 76
215 Paris, 18 mars 1850, DP. 1851. 2. 30 ; T. civ.
Versailles, 13 janv. 1892, S. 1892. 3. 92
216 Aude POITTEVIN, « Les liens dans les fratries
recomposées », art. cit. p. 15
217 CA Paris, 19 mai 1992, D. 1993, somm. 127 :
l'obligation d'entretenir l'enfant ne pèse pas sur le beau parent.
218 CA Reims, Ch. civ., sect. 2, 1er mars 2013, RG n° 12/
01804, 125, JurisData : 2013-00420
219 Irène THERY, Couple, filiation et parenté
aujourd'hui, La documentation française, 1998, 413 p.
220 Marie-Thérèse MEULDERS-KLEIN, Irène
THERY, Quels repère pour les familles recomposées ?,
op. cit. p. 16 s.
45
La Fratrie
quasi-frères ne doit pas en faire un état
choisi, tandis que la destruction d'une fratrie non vécue ne doit pas
entrer en contradiction avec l'orientation consubstantielle de la fratrie vers
son passé.
La reconnaissance en droit d'une fratrie de fait ne doit pas
non plus remettre en cause les liens de filiation respectifs de ses membres,
spécialement lorsque l'hébergement de l'enfant par le tiers,
parent des quasi-frères, n'avait vocation qu'à être
temporaire221.
Il ne faudrait pas que, sous couvert de la recherche d'une
adéquation entre le régime et le contenu de la fratrie, l'essence
de cette institution ou d'autres liens familiaux soit altérée.
Ces exigences impliquent la recherche d'un délicat équilibre
entre le rôle de la volonté des frères, l'aspect
nécessairement subi de leur état et l'intangibilité de
leur filiation.
144. Solutions écartées -
Dès lors, certaines solutions offertes par le droit doivent être
écartées, car elles conduiraient à
méconnaître le caractère imposé ou égalitaire
de la fratrie. Ainsi, l'adoption simple d'un quasi-frère créerait
un lien vertical entre adoptant et adopté, contraire à
l'égalité qui existe au sein de la fratrie. De même,
l'ouverture de partenariats civils aux frères et soeurs conduirait
à confondre fratrie et couple en niant à la fois le
caractère subi de cette première institution et la dimension
élective et affective de la seconde222. En outre, un tel
partenariat limiterait à deux le nombre de frères223.
Enfin, l'adoption du bel-enfant par le second membre du couple n'est pas plus
satisfaisante car elle risquerait de remettre en cause la fratrie biologique de
l'adopté qui peut conserver un rôle important224, et
ferait, là encore, dépendre le statut de frère d'une
volonté parentale contingente225.
145. Statut autonome de frère -
Aussi, dans le cadre des familles recomposées, « semblerait-il
possible et utile de créer un statut officiel [...] des fratries
»226 ou, du moins, d'en reconnaître l'existence en
droit. Une telle qualification devrait être accordée en fonction
des critères de définition de la fratrie, indépendamment
du lien de filiation des intéressés. Une union subie du fait du
couple de leurs parents ou du placement dans une famille
d'accueil227, une communauté de toit durable, dès
l'enfance228, l'absence de volonté de fonder un
couple, seraient autant d'éléments à prendre en compte.
Seraient frères ceux qui, unis ou non par un lien
de filiation commun, auraient été regroupés dès le
plus jeune âge et auraient vécu ensemble durant une période
continue et suffisamment
221 Anne-Marie LEROYER, « L'enfant confié à un
tiers : de l'autorité parentale à l'autorité familiale
», RTD Civ. 1998 p. 587
222 Jean-Marc FLORAND, Karim ACHOUI, « Vers un nouveau
modèle d'organisation familiale : le contrat d'union civil »,
LPA, 9 avr. 1993, n° 43, p.11 ; rappr. CEDH, 29 avr.
2008, n° 13378/05, Burden c. RU ; préc.
223 Yves LEMOINE, « Mignonne allons voir si le Pacs ...
», Libération, 2 déc. 1998
224 Brigitte CAMDESSUS, « Adoption et fratrie »,
CCTF, janv. 2004, n° 32, p. 135, spéc. p. 137
225 Marie-Thérèse MEULDERS-KLEIN, Irène
THERY, Quels repère pour les familles recomposées ? op.cit.,
p. 132 et s.
226 Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Famille
éclatées, familles reconstituées », art.
cit.
227 Nathalie CHAPON-CROUZET, « L'expression des liens
fraternels au sein des familles d'accueil », art. cit., p.274
228 Sur l'effet du temps dans la construction des liens
familiaux dans une famille d'accueil ; Maryline BRUGGEMAN, « Droit au
respect de la vie familiale d'une famille d'accueil : le temps est assassin
», obs. sur. CEDH, 17 janv. 2012, n° 1598/06, Kopf et Liberda c/
Autriche, Dr. Fam., 2012, comm. 44
46
longue pour faire naître entre eux des liens
affectifs justifiant à la fois la facilitation d'une solidarité
spontanée et la nécessité d'organiser la rupture loyale de
ces liens.
La qualification des frères, et donc de la fratrie, ne
pourrait résulter que d'une simple reconnaissance par le juge et non
d'un choix constitutif, contrairement au modèle de l'affrèrement,
plus proche d'une adoption229. Au vu de ce statut, le juge pourrait
étendre de manière générale - et non ponctuelle -
les droits des frères et soeurs à l'ensemble de la fratrie, de
sang ou non, à l'exclusion de ceux liés à la filiation
(succession en ligne directe, nom de famille, etc.).
146. Cette évolution ne serait que la suite logique de
la réforme du 3 décembre 2001230. En admettant qu'une
affection égale existe entre frères germains et
demi-frères, le droit successoral a pris acte du pluralisme qui existe
parmi les fratries : le législateur ne peut hiérarchiser
l'affection des frères ni déterminer quelles fratries
méritent telle qualification au regard du critère
inopérant de la filiation.
Dès lors, il convient d'achever cette évolution
en qualifiant de frères ceux qui vivent comme tels. Le régime de
la fratrie étant avant tout permissif, il reviendrait alors à
chaque frère de moduler les effets de la fraternité à
l'égard des collatéraux avec lesquels il n'existe aucun lien
vécu, comme cela est déjà permis entre frères
germains et demi-frères.
* *
*
147. Conclusion du chapitre second -
Découvrir l'existence de caractères et fonctions propres
à la fratrie permet d'en révéler les
éléments de définition. Dans sa qualification comme dans
son régime, la fratrie peut être détachée de la
filiation. Dès lors, limiter le statut de frères aux enfants d'un
ou deux auteurs communs ne correspond plus aux critères de
définition de la fratrie, reposant essentiellement sur une union subie
et tournée vers le passé.
S'agissant des fratries juridiquement reconnues, la Loi se
refuse à établir une hiérarchie entre demi-frères
et frères germains, sur le fondement d'une présomption
d'affection liée à la filiation. Elle postule donc une stricte
égalité des frères germains, utérins et
consanguins, laissant à chacun le choix d'exercer ou non les
prérogatives attachées à cette qualité.
En revanche, le droit ignore toujours les quasi-fratries. Or,
les quasi-frères doivent, à certaines conditions, tenant
notamment à une vie commune durant l'enfance, recevoir la qualité
de frères. Les moyens qu'offre le droit pour étendre aux
quasi-frères le régime de la fratrie étant insuffisants,
c'est donc à la reconnaissance d'une qualification autonome de la
fratrie qu'il faut désormais tendre.
229 Philippe-Antoine MERLIN, Répertoire universel et
raisonné de jurisprudence, 4e éd., 1784, tome
Ier, v° « affrèrement »
230 Nicole PETRONI-MAUDIERE, « Transmettre dans les familles
recomposées », art.cit.
47
La Fratrie
CONCLUSION
148. La reconnaissance d'un statut du
frère dans les familles recomposées ne semble pas être la
priorité des recherches en droit de la famille, tant les
difficultés liées aux fonctions et rôles du beau-parent
présentent des enjeux pratiques bien plus importants. Toutefois, si
l'aspect symbolique de la création d'un statut de frère
l'emporterait sur ses utilités pratiques, une telle évolution
permettrait d'affirmer en droit l'existence d'une solidarité autre que
conjugale ou parentale parfois inadaptée231, et de renforcer
corrélativement la spécificité du couple uni par un
partenariat ou vivant en concubinage.
La fratrie est une institution autonome et originale, qui
présente la particularité d'ouvrir un régime plus
permissif que contraignant découlant d'un statut imposé et
immuable, de liens subis et tournés vers un passé commun. Les
spécificités d'une telle institution permettent d'y
découvrir des potentialités certaines en termes de
solidarité, d'assistance ou de secours. En somme, il apparaît
possible de définir, avec la fratrie, un « troisième pan
dans le système de parenté »232, concurrent
des classiques rapports conjugaux et filiaux.
Alors que la famille semble fragilisée par
l'avènement d'un individualisme que doit servir le groupe, l'institution
fraternelle apparaît comme une alternative aux liens purement
électifs de la parenté et de l'alliance. Aussi, appartient-il au
droit de confirmer l'autonomie de l'institution fraternelle, de la
détacher du référent parental qui masque encore sa nature
profonde, afin de favoriser une solidarité spontanée qui serait
plus que bienvenue dans une société en proie à un
individualisme et une précarité croissante233.
231 Michel CHAUVIERE, « Les solidarités familiales
comme espace de tensions entre droits et devoirs », RDSS, 2009 p.
53
232 Anita GUERREAU-JALABERT, « Sur les structures de
parenté dans l'Europe médiévale », art.
cit.
233 Marcel DAVID, « Solidarité et fraternité
en droit public français », art. cit., p. 31
48
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La Fratrie
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- HAUSER (Jean), « Pacs et concubinage : liberté,
égalité, mais pas de fraternité ! », obs. sur CEDH,
Gr. ch., 29 avr. 2008, Burden c. RU, RTD Civ., 2008, p.
458
- GARE (Thierry), « Le partage d'une fratrie après
divorce », note sous Toulouse, 1re ch., 28 nov. 1995 ; C. c/ Mme C,
.JCP G, 1997, II 22759,
- LOHEAC-DERBOULLE (Philippine), «
Constitutionnalité de l'interdiction du prélèvement des
cellules du sang de cordon dans un but égoïste », note sous
Cons. const., QPC n°2012-249 16 mai 2012, RDSS, 2012, p. 851
- MARGUENAUD (Jean-Pierre), « L'affaire Burden ou
l'humiliation de la fratrie », obs. sur CEDH, Gr. ch., 29 avr. 2008,
Burden c. RU, RTDH, 2009, p. 513
- ZALEWSKI (Vivien), « Droit d'habitation : les
collatéraux ne font pas partie de la famille du titulaire du droit
», obs. sur Civ. 3e, 14 nov. 2007, AJDI, 2008, p.
419
II- Histoire et religion
· Ouvrages
- BART (Jean), Histoire du droit privé, de la chute
de l'empire romain au XIXe siècle, Domat, 1998, 537 p. v
- BONNECASE (Julien), La philosophie du Code Napoléon
appliquée au droit de la famille, Revue générale de
droit, 2e éd., 1928, XXIV-343 p.
- EISENBERG (Josy), ABECASSIS (Armand), Moi, le gardien de
mon frère ?, Albin Michel, 322 p.
- EWALD (François), Naissance du Code civil,
Flammarion, 2004, 409 p.
- GANDHI, Tous les hommes sont frères, Folio,
2003, 313 p.
- GAUDEMET (Jean), CHEVREAU (Emmanuelle), Droit privé
romain, Domat, 3e éd., 2009, p.37
- HALPERIN (Jean-Louis), Histoire du droit privé
français depuis 1804, PUF, 2001, p. 322
- LEVY (Jean-Philippe), Manuel élémentaire de
droit romain, Dalloz, 7e éd., 2003, XVI-1223 p.
- LEVY (Jean-Philippe), CASTALDO (André), Histoire du
droit civil, Dalloz, 2e éd., 2010, IX-1619 p.
53
La Fratrie
· Articles
- BURGUIERE (André), « La Révolution et la
famille », Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations, 1991, n° 1, p. 151
- CHASSAING (Jean-François), « Famille romaine,
famille chrétienne », dans La famille, L'Harmattan, 2006,
p.187
- GUERREAU-JALABERT (Anita), « Sur les structures de
parenté dans l'Europe médiévale », Annales.
Économies, Sociétés, Civilisations, 1981, n° 6,
p. 1028
- LETT (Didier), « L'histoire des frères et soeurs
», CLIO, histoire, femmes et société, 2011,
n°34, p. 182 - LETT (Didier), « Les fratries dans l'histoire »,
Informations sociales, mai 2012, n° 173, p. 13
- LETT (Didier), « Les frères et les soeurs,
"parents pauvres de la parenté" »,
Médiévales, 2008, n° 54, p. 5
III- Sociologie et anthropologie :
· Ouvrages
- BUISSON (Monique), La fratrie, creuset des paradoxes,
L'Harmattan, 2003, 161 p.
- CAMDESSUS (Brigitte), La fratrie méconnue : liens
du sang, liens du coeur (dir.), ESF Editeur, 1998, 189 p.
- LEVI-STRAUSS (Claude), Les structures
élémentaires de la parenté (extraits), Flammarion
(Les livres qui ont changé le monde), 2010, 150 p.
- LEVI-STRAUSS (Claude), Anthropologie structurale,
Agora, 1985, 478 p.
- MARTIAL (Agnès), S'apparenter. Ethnologie des liens
de familles recomposées, Editions de la maison des sciences de
l'homme, 2003, 308 p.
- MEULDERS-KLEIN (Marie-Thérèse), THERY
(Irène), Quels repère pour les familles recomposées ?
(dir.), Droit et société (LGDJ), n° 10, 1995, p. 217
- ORIS (Michel), BRUNET (Guy), WIDMER (Eric), BIDEAU (Alain),
Les fratries. Une démographie sociale de la germanité
(dir.), Peter Lang, Population, famille et société, vol. 6,
2007, 363 p.
- RUFO (Marcel), SCHILTE (Christine), Frères et
soeurs, une maladie d'amour, Le Livre de Poche, 2003, 283 p.
- THERY (Irène), Couple, filiation et parenté
aujourd'hui. Le droit face aux mutations de la famille et de la vie
privée (Rapport à la Ministre de l'emploi et de la
solidarité et au Garde des sceaux), La documentation
française (Odile Jacob), 1998, 413 p.
· Articles
- BOURHABA (Samira), « Singularité et
multiplicité des relations fraternelles. Voyage en terre fraternelle
», Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de
réseaux, janv. 2004, n° 32, p. 23
- CAILLE (Philippe), « Fratries sans fraternité
», Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de
réseaux, janv. 2004, n° 32, p. 11
- CAMDESSUS (Brigitte), « Adoption et fratrie »,
Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de
réseaux, janv. 2004, n° 32, p. 135
- CHAPON-CROUZET (Nathalie), « L'expression des liens
fraternels au sein des familles d'accueil : de la fratrie au groupe fraternel
nourricier », Devenir, mars 2005, vol. 17, p.261
- COPET-ROUGIER (Elisabeth), « Alliance, filiation,
germanité. Entre vérités biologiques et
métaphoriques », Sociétés contemporaines,
2000, n°38, p.21
- CRENNER (Emmanuelle), « Famille, je vous aide »,
INSEE Première, 1999, n°631, p.211
- CRENNER (Emmanuelle), DECHAUX (Jean-Hugues), HERPIN (Nicolas),
« Le lien de germanité à l'âge adulte. Une approche
par l'étude des fréquentations », Revue française
de sociologie, 2000, n°41-42, p.211
- DAGUET (Fabienne), « La fécondité en France
au cours du XXe siècle », INSEE Première, 2002,
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- DECHAUX (Jean-Hugues), « La place des frères et
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54
- DESPLANQUES (Guy), « La chance d'être
aîné », Economie et statistiques, oct. 1981, n°
137, p. 53
- FINE (Agnès), « Liens de fraternité. De
quelques orientations de recherche en sciences sociales »,
Informations sociales, mai 2012, n° 173, p. 36
- FINE (Agnès), « Frères et soeurs en
Europe dans la recherche en sciences sociales », CLIO, histoire,
femmes et société, 2011, n°34, p. 167
- POITTEVIN (Aude), « Les liens dans les fratries
recomposées. Regard sociologique sur les relations entre enfants au sein
de familles recomposées », Dossiers d'études.
Allocations Familiales, n° 47, 2003
- PRIUS (Claudine), « Les enfants et leur logement :
parcours familial et contexte social », Recherches familiales,
2005, n° 2, p. 5
- TOULEMON (Laurent), « Evolution des fratries : les
enseignements de la démographie », Informations sociales,
mai 2012, n° 173, p. 24
- TOULEMON (Laurent), « Combiens d'enfants, combiens de
frères et soeurs depuis cent ans ? », Population et
Sociétés, déc. 2001, n° 374, p. 1
- VILLENEUVE-GOKALP (Catherine), « La double famille des
enfants de parents séparés », Populations, 1999,
n° 1, p. 9
IV- Jurisprudence
· CEDH :
- CEDH, 9 déc. 1992, n° 18632/91, Mc Cotter c.
RU ; n° 190585/91, X. c. RU, RFDA, 1993, p. 963,
chron. F. SUDRE
- CEDH 1er févr. 2000, n° 34406/97,
Mazurek c. France, D. 2000, 332, note J. THIERRY, ibid.
626, chron. B. VAREILLE, GAJC, 12e éd., 2007,
n° 99, RDSS, 2000, 607, obs. F. MONÉGER ; RTD
civ., 2000, 11, obs. J. HAUSER ; ibid. 429, obs. J-P.
MARGUÉNAUD ; ibid. 601, obs. J.. PATARIN
- CEDH, 29 avr. 2008, n° 13378/05, Burden c. RU,
JDI, 2007, chron. 5 p. 683, RTDH, 2009, p. 513, obs. JP.
MARGUÉNAUD, JCP G., 2008, I. 167, chron. F. SUDRE, RTD
Civ., 2008, p. 459, obs. J. HAUSER
- CEDH, 17 janv. 2012, n° 1598/06, Kopf et Liberda c/
Autriche, Dr. Fam., 2012, comm. 44, obs. M. BRUGGEMAN
- CEDH, gde ch., 7 févr. 2013, n° 16574/08,
Fabris c/ France, JCP G., act. 2013, p. 425, obs. F. SUDRE,
Gaz. Pal., 21 mars 2013, n°80, p. 11
· Conseil constitutionnel :
- Cons. const. n° 2010-108 QPC, 25 mars 2011,
RFDC, 2011, n° 87, p. 600, obs. F. DARGENT ; RLDC, 2012,
n° 90, actu L. LADOUX
- Cons. const., n° 2011-163 QPC, 16 sept. 2011, JCP
G., 2011, p. 1160, note A. LEPAGE, JCP G., 2011, p. 1372, chron.
B. MATHIEU
- Cons. const., n° 2012-249 QPC, 16 mai 2012 ;
Constitutions, 2012, p. 474, chron. X. BIOY, E. RIAL-SEBBAG ;
RDSS, 2012, p. 851, obs. P. LOHEAC-DERBOULLLE
· Cour de cassation :
- Req., 3 avr. 1882, DP. 1882, I. 250
- Req., 5 mars 1902, DP. 1902, I. 220, S.
1902, I. 312
- Civ. 7 mars 1911, DP. 1913, I. 404
- Crim., 2 mai 1952, JCP, 1952, II. 7354
- Ass.plén., 30 janv. 1970, D. 1970, somm. p.
221, concl. R. LINDON, note J-J. DUPEYROUX
- Civ. 2e, 2 juil. 1982, Rep.
Defrénois, 1982, p. 992, obs. J. MASSIP
- Civ. 1re, 27 févr. 1985, Rev. Soc.,
1985, p. 620, note M. JEANTIN
- Civ. 1re, 21 juin 1989, bull. n°
245
55
La Fratrie
- Crim., 7 nov. 1990, RSC, 1991, p. 569, obs. G.
LEVASSEUR
- Civ. 1re, 18 déc. 1990, D. 1990,
chron. 56, J. HAUSER, D. 1991, p. 433, obs. J. MASSIP
- Civ. 1re, 12 juil. 1994, JCP N., 1995, II,
p. 1658, note A. SÉRIAUX, Rep. Defrénois, 1994, p. 1516,
art. 35950, note R. SAVATIER, Rep. Defrénois, 1996, p. 842,
art. 36363, obs. B. GELOT, Dr. Fam., oct. 1999, p. 4, obs. D.
GRILLET-PONTON
- Civ. 3e, 6 mars 1996, D, 1997, p. 167, note B. DE
LAMY
- Crim., 17 sept. 1997, bull. n° 302, Dr.
pén., 1998, comm.. n° 2, RSC, 1998, p. 325, note Y.
MAYAUD - Civ. 2e, 19 nov. 1998, Dr. Fam., mars 1999, p. 17,
note P. MURAT
- Civ. 3e, 14 nov. 2007, AJDI, 2008, p. 419,
obs. V. ZALEWSKI, Dr. et patr., 2008, p. 92, obs. J-B. SEUBE et T.
REVET, RTD Civ., 2008, p. 89, obs. J. HAUSER
- Civ. 3e, 10 mars 2010, D., 2010, p. 1531,
note J-M. BRIGANT, RDC, 2010, n° 3, p. 913, obs. J.-B. SEUBE,
AJDI, 2010, p. 808, note N. DAMAS, RTD Civ., 2010, p. 343,
obs. P-Y. GAUTIER
- Civ. 1re, 19 nov. 2009, D. 2010, p. 1904,
chron. A. GOUTTENOIRE, P. BONFILS
· Conseil d'État :
- CE, ass., 19 avr. 1991, Rec. Lebon, 1992, p. 152,
D. 1992, p. 291, obs. F. JULIEN-LAFERRIERE, RCDIP, 1991, p.
677, note D. TURPIN, AJDA, 1991, p. 551, obs. F. JULIEN-LAFERRIERE
- CE, 28 mars 2012, L'essentiel-Droit de la famille et
des personnes, 15 juin 2012, n° 6, p. 7, obs., F. DOUET
· Juridictions du fond :
- CA Paris, ch. 11, 25 avr. 1932, JCP, 1932, 607, note
H. MAZEAUD
- CA Grenoble, 12 avr. 1967, D. 1967, p. 496, RTD
Civ., 1967, p. 814, obs. J. CHEVALLIER
- CA Rouen, 23 févr. 1982, D. 1982, IR. p. 211
- CA Paris, 19 mai 1992, D. 1993, somm. 127
- CA Papeete, ch. civ., 25 sept. 1997, JurisData : 1997-055551
- CA Paris, 10 févr. 1998, JCP G., 1998, II.
10130, note C. PHILIPPE, Dr. Fam., 1998, n°83, note P. MURAT
- CA Paris, 16 juin 1998, Dr. Fam., mars 1999, p. 17,
note P. MURAT
- CA Paris, 7 mai 2003, Dr. Fam., 2003, comm. 144, A.
GOUTTENOIRE, RTD Civ., 2003, p. 494, obs. J.
HAUSER
- CA Colmar, Ch. 5, sect. B, 5 oct. 2004, RG n° 03/01884,
JurisData : 2004-267456
- TGI Reims, 19 juil. 2005, RG n°05/00894, Journal des
accidents et des catastrophes, n° 59, 12 déc. 2005,
obs. I. CORPART
- CA Nancy, Ch. civ. 3, 16 août 2005, RG n° 05/01854,
JurisData : 2005-303745
- CA Nîmes, Ch. civ. 2, sect. C, 28 sept. 2005, RG n°
03/03451, JurisData : 2005-285431
- CA Toulouse, 28 mars 2006, RG n° 05/01556, JurisData :
2006-304845
- CA Rouen, ch. fam., 14 mai 2009, RG n° 08/01878, JurisData
: 2009-003198
- CA Pau, Ch. 2, sect. 2, 14 sept. 2010, RG n° 09/01945,
JurisData : 2010-028725
- CA Paris, 27 janv. 2011, RG n° 10/01367, JurisData :
2011-000885
- CA Reims, Ch. civ., sect. 2, 1er mars 2013, RG n° 12/
01804, 125, JurisData : 2013-00420
56
57
La Fratrie
Table des matières
Avertissement 3
Liste des principales abréviations 5
INTRODUCTION 7
CHAPITRE I : L'EXISTENCE DE LA FRATRIE EN DROIT
17
Section 1 : Les caractères autonomes de la fratrie
17
§1. L'égalité fraternelle 18
A/ Les manifestations de l'égalité des
frères et soeurs 18
B/ Les particularités de l'égalité des
frères et soeurs 19
§2. L'unité fraternelle 21
A/ L'expression de l'unité de la fratrie 21
B/ L'autonomie de l'unité fraternelle 22
Section 2 : Les fondements spécifiques de la
fratrie 24
§1. La fonction d'éclatement de la fratrie 24
A/ L'organisation de l'éclatement de la fratrie 24
B/ La signification de l'éclatement de la fratrie 26
§2. La fonction de solidarité de la fratrie 27
A/ Les moyens étendus de la fraternité 27
B/ Les moyens propres de la fraternité 29
CHAPITRE II : LA CONSISTANCE DE LA FRATRIE EN DROIT
32
Section 1 : La nature des liens fraternels
32
§1. Les caractères des liens fraternels 33
A/ Des liens imposés 33
B/ Des liens tournées vers le passé 34
§2. L'origine des liens fraternels 35
A/ Le rôle de la filiation dans la construction de la
fratrie 36
B/ Le rôle des liens vécus dans la construction de
la fratrie 37
Section 2 : L'étendue des liens fraternels
39
§1. La justification imparfaite du cantonnement de la
fratrie 39
A/ La convergence des fratries germaine, consanguines et
utérine 39
58
B/ L'indifférence du droit à l'égard des
quasi-fratries 41
§2. L'évolution possible de l'étendue de la
fratrie 42
A/ Les aménagements possibles de la notion de fratrie
42
B/ Les aménagements souhaitables de la notion de
fratrie 44
CONCLUSION 47
BIBLIOGRAPHIE 49
I- Droit 49
II- Histoire et religion 52
III- Sociologie et anthropologie : 53
IV- Jurisprudence 54
TABLE DES MATIERES 57
ANNEXES 59
ANNEXE 1 : Le rétrécissement de la fratrie
60
ANNEXE 2 : enfants nés hors mariage 62
ANNEXE 3 : la complexification des fratries 63
ANNEXE 4 : la vie commune des fratries 64
ANNEXE 5 : le rôle de substitut de la fratrie 65
Annexes
La Fratrie
59
1- De 1975 à 2008235
:
60
ANNEXE 1 : Le rétrécissement de la
fratrie
1- De 1992 à 2006234 :
234 Claudine PIRUS, « Les conditions d'habitat des
enfants : poids des structures familiales et de la taille des fratries »,
France, portrait social, 2011, p.173
235 Laurent TOULEMON, « Évolution des fratries : les
enseignements de la démographie », IS, mai 2012 n°
173, p. 24
La Fratrie
3- De 1930 à 1960236 :
61
236 Ibid.
62
ANNEXE 2 : enfants nés hors mariage237
Année
|
Total
|
|
Dans le mariage
|
Hors mariage
|
Hors mariage pour 100 enfants nés
vivants
|
Total
|
Dans le mariage
|
Hors mariage
|
Hors mariage pour 100 enfants nés sans
vie
|
1901
|
917
|
075
|
836
|
891
|
80
|
184
|
8,7
|
32
|
410
|
|
.
|
|
.
|
.
|
1910
|
828
|
140
|
756
|
278
|
71
|
862
|
8,7
|
28
|
566
|
|
.
|
|
.
|
.
|
1915
|
482
|
968
|
428
|
859
|
54
|
109
|
11,2
|
16
|
275
|
|
.
|
|
.
|
.
|
1920
|
838
|
137
|
754
|
844
|
83
|
293
|
9,9
|
30
|
808
|
26
|
401
|
4
|
407
|
14,3
|
1925
|
774
|
455
|
707
|
876
|
66
|
579
|
8,6
|
24
|
591
|
21
|
562
|
3
|
029
|
12,3
|
1930
|
754
|
020
|
691
|
304
|
62
|
716
|
8,3
|
21
|
977
|
19
|
274
|
2
|
703
|
12,3
|
1935
|
643
|
870
|
598
|
701
|
45
|
169
|
7,0
|
18
|
586
|
16
|
559
|
2
|
027
|
10,9
|
1940
|
561
|
281
|
521
|
143
|
40
|
138
|
7,2
|
15
|
719
|
13
|
997
|
1
|
722
|
11,0
|
1945
|
645
|
899
|
578
|
023
|
67
|
876
|
10,5
|
14
|
901
|
12
|
306
|
2
|
595
|
17,4
|
1950
|
862
|
310
|
801
|
880
|
60
|
430
|
7,0
|
16
|
866
|
15
|
140
|
1
|
726
|
10,2
|
1955
|
805
|
917
|
754
|
308
|
51
|
609
|
6,4
|
14
|
075
|
12
|
801
|
1
|
274
|
9,1
|
1960
|
819
|
819
|
770
|
043
|
49
|
776
|
6,1
|
14
|
155
|
12
|
925
|
1
|
230
|
8,7
|
1965
|
865
|
688
|
814
|
479
|
51
|
209
|
5,9
|
13
|
319
|
12
|
096
|
1
|
223
|
9,2
|
1970
|
850
|
381
|
792
|
227
|
58
|
154
|
6,8
|
11
|
469
|
10
|
354
|
1
|
115
|
9,7
|
1975
|
745
|
065
|
681
|
636
|
63
|
429
|
8,5
|
8
|
225
|
7
|
217
|
1
|
008
|
12,3
|
1980
|
800
|
376
|
709
|
261
|
91
|
115
|
11,4
|
6
|
942
|
5
|
906
|
1
|
036
|
14,9
|
1985
|
768
|
431
|
617
|
939
|
150
|
492
|
19,6
|
5
|
658
|
4
|
272
|
1
|
386
|
24,5
|
1990
|
762
|
407
|
533
|
300
|
229
|
107
|
30,1
|
4
|
488
|
2
|
900
|
1
|
588
|
35,4
|
1995
|
729
|
609
|
455
|
399
|
274
|
210
|
37,6
|
3
|
859
|
2
|
273
|
1
|
586
|
41,1
|
2000
|
774
|
782
|
444
|
667
|
330
|
115
|
42,6
|
3
|
559
|
1
|
900
|
1
|
659
|
46,6
|
2005
|
774
|
355
|
407
|
561
|
366
|
794
|
47,4
|
6
|
964
|
3
|
464
|
3
|
500
|
50,3
|
2010
|
802
|
224
|
368
|
063
|
434
|
161
|
54,1
|
8
|
206
|
2
|
934
|
5
|
272
|
64,2
|
2011
|
792
|
996
|
356
|
906
|
436
|
090
|
55,0
|
7
|
649
|
3
|
107
|
4
|
542
|
59,4
|
237
http://www.ined.fr/fr/france/naissances_fecondite/naissances_hors_mariage/
(mise à jour 16 janv. 2013)
1- De 2006 à 2010 et 2012239
:
63
La Fratrie
ANNEXE 3 : la complexification des fratries
1- En 1999238 :
238 Catherine VILLENEUVE-GOKALP, « La double famille des
enfants de parents séparés », Population, 1999
n°1, p. 9
239 Laurent TOULEMON, « Évolution des fratries : les
enseignements de la démographie », art. cit.
64
ANNEXE 4 : la vie commune des fratries
1- La résidence des enfants fixée par le
jugement du divorce240
|
Tous divorces
|
Requête con- jointe
|
Demande accep-
tée
|
Faute
|
Conv. de sép. de corps
|
Toutes décisions sur la mère
|
2 306
|
100
|
1 200
|
100
|
264
|
100
|
821
|
100
|
21
|
100
|
Résidence chez la mère
|
1 810
|
78,5
|
905
|
75,4
|
202
|
76,5
|
682
|
83,1
|
21
|
100
|
Résidence en alternance
|
265
|
11,5
|
193
|
16,1
|
38
|
14,4
|
34
|
4,1
|
|
|
Résidence chez le père
|
165
|
7,1
|
75
|
6,3
|
17
|
6,4
|
73
|
8,9
|
|
|
Fratrie séparée
|
66
|
2,9
|
27
|
2,2
|
7
|
2,7
|
32
|
3,9
|
|
|
|
|
Source : L. CHAUSSEBOURG, D. BAUX, L'exercice de
l'autorité parentale après le divorce ou la séparation des
parents non mariés, Min. Justice, oct. 2007
2- Le rôle de la vie commune dans la construction
des liens fraternels241 :
240 Adeline GOUTTENOIRE, « Le logement de l'enfant »,
AJ Fam., 2008, p. 371
241 Emmanuelle CRENNER, Jean-Hugues DECHAUX, Nicolas HERPIN,
« Le lien de germanité à l'âge adulte. Une approche
par l'étude des fréquentations », Revue française
de sociologie, 2000, n°41-42, p.211
2- Proportion de personnes ayant aidé un
proche243 :
4- Contacts avec la parenté selon l'âge
:
65
La Fratrie
ANNEXE 5 : le rôle de substitut de la fratrie
1- Fréquentations des frères et soeurs selon
la situation de couple242 :
242 Ibid.
243 Emmanuelle CRENNER, « Famille, je vous aide »,
INSEE Première, 1999, n°631, p.211
66
|
|