I.5.2.4. DIFFICULTÉS DE L'ACTION HUMANITAIRE
Jusqu'à la fin de la guerre
froide, l'action des ONG a été favorisée par les
États occidentaux, dans la mesure où elle prenait la forme d'une
critique des pays du bloc communiste en matière de violation des droits
de l'homme. Par la suite, les ONG ont tenté de prendre leurs distances
avec les États, par souci de ne pas être assimilées aux
politiques gouvernementales, de préserver leur neutralité et de
protéger ainsi leurs volontaires des risques de vengeances ou de prises
d'otages.
Pour autant, la tendance à la
séparation n'exclut pas une certaine confusion ; nombre d'ONG
vivent en effet de subventions publiques, au moins indirectes, par le biais des
avantages fiscaux accordés aux donateurs privés. En outre, elles
n'ont pas toujours la possibilité de se passer des États. La
notion de droit d'ingérence humanitaire, revendiqué par des ONG
dans les années 1970, est à cet égard
éclairant. En effet, le droit d'ingérence tend à affirmer
un droit d'intervention supérieur à la souveraineté
nationale, mais il ne peut être mis en oeuvre qu'avec l'aide de
l'État maître du terrain.
L'action des ONG s'inscrit souvent d'ailleurs,
dans les pays en guerre, sous la protection des forces armées. Les
États aussi agissent dans ce contexte humanitaire militarisé
(c'est le cas, par exemple, de l'opération française Turquoise au
Rwanda, en 1994), et les ONG ne sont plus les seuls acteurs de l'aide
d'urgence.
Du côté gouvernemental, certaines
instances internationales comme l'Union européenne et l'ONU tentent
d'associer les ONG à leurs travaux dans le cadre d'une meilleure
gouvernance internationale et dans un souci de crédibilité
démocratique. Il faut toutefois nuancer cette affirmation ; les
représentants des États nient parfois la
représentativité des ONG qui n'affrontent ni le suffrage des
électeurs ni la responsabilité liée à l'exercice du
pouvoir. Cette tendance à la distinction peut être
illustrée par la procédure judiciaire initiée par le
gouvernement néerlandais en 2005 afin de demander le remboursement d'une
rançon versée pour la libération d'un otage
néerlandais volontaire de Médecins sans frontières (MSF)
en Tchétchénie.
I.5.2.5. DE L'HUMANITAIRE À LA VOLONTÉ
D'INCARNER LA SOCIÉTÉ CIVILE INTERNATIONALE
Les difficultés de l'humanitaire
conduisent les ONG à se tourner progressivement vers d'autres
activités, comme les échanges scientifiques, mais aussi et
surtout les droits de l'homme ou l'environnement ; elles y obtiennent des
succès indéniables, comme la création de la Cour
pénale internationale (CPI), la résistance aux organismes
génétiquement modifiés (OGM) ou les accords en vue de
limiter le recours aux mines antipersonnel (à l'initiative de
l'organisation Handicap International).
De nombreuses ONG sont également
engagées dans la dénonciation des excès de la
mondialisation. Leurs dénonciations, qui les poussent à nier
parfois la légitimité des représentations traditionnelles
du pouvoir (États, ONU, Banque mondiale, etc.), leur valent un important
courant de sympathie auprès de l'opinion publique et contribuent au
discrédit de l'action politique classique. Dans ce contexte, les ONG
prennent paradoxalement le risque de contribuer à la mondialisation
sauvage qu'elles dénoncent, en appelant à restreindre le
rôle de ceux qui produisent des normes, c'est-à-dire les
États.
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