Emancipation et représentations sexuées des femmes dans le système fédéral du tennis français( Télécharger le fichier original )par Baptiste Jalleau Université Paris-Est Créteil - Licence STAPS Management du Sport 2013 |
II/ Observations des loisirs traditionnelsCette partie est consacrée à l'analyse descriptive des observations effectuées en club. Pour des raisons évidentes, l'identité des enseignants et des élèves observés et décrits ci-après ne sera pas dévoilée, ainsi que les clubs dans lesquels se sont déroulées les observations... Comme pour la première partie, nous verrons pour chaque observation, les points importants dégagés dans l'entrainement d'hommes, puis de femmes, et enfin nous essayerons d'établir des liaisons et/ou contre-liaisons qui peuvent apparaître avec le discours de la Fédération Française de Tennis. Pour des raisons de temps, seules deux observations de club ont pu être retranscrites. Quatrième observation : L'observation ici était celle d'un jeune enseignant, tout juste diplômé d'état, âgé de 20 ans. Celui-ci enseigne dans une moyenne structure, club comprenant environ 350 adhérents. J'ai dans un premier temps, observé une séance d'entrainement de quatre hommes âgés de 30 ans environ, dans le cadre d'un cours collectif adulte hebdomadaire d'une heure. Les joueurs sont au niveau perfectionnement, ils sont non-compétiteurs. Ce jour-là, les objectifs étaient essentiellement tactiques. L'enseignant a un volume de voix normal, assez dynamique. Les consignes sont données entre les phases de jeu et de manière collective, jamais pendant. J'ai constaté beaucoup de feedbacks positifs et d'encouragements pendant les phases de jeu (« c'est bien ça », « parfait », « bien joué, continues »...). Les exercices observés étaient basés sur des phases « au panier » en début de séance, puis surtout des points. L'enseignant favorise la continuité du jeu plutôt que les aspects techniques, on pourrait interpréter cela comme une adaptation au public « loisir » observé. Les élèves participent activement et engagent même parfois des conversations extérieures au tennis. L'enseignant garde une certaine distance relationnelle avec les élèves. Celui-ci est majoritairement placé derrière les joueurs, assez éloigné d'eux. Le regard est porté sur le jeu, la distance prise avec les joueurs pourrait être interprétée comme si l'enseignant souhaitait avoir une vision plus globale du jeu et du terrain. Je constate peu d'individualisation dans les consignes, davantage pour les encouragements. J'ai par la suite, observé ce même enseignant sur un groupe de six femmes âgées entre 30 et 45 ans, jouant à un niveau perfectionnement, début de compétition. Celles-ci étant joueuses d'équipe pour le club, l'entrainement observé avait pour objectif la préparation de matchs. Comme pour les hommes, le volume de voix est normal, mais cette fois-ci un peu plus dynamique. Les consignes sont davantage individualisées. Celles-ci apparaissent, même pendant les phases de jeu, et marquent un suivi des joueuses permanent de l'enseignant. J'ai constaté beaucoup d'encouragements également. Là encore, l'enseignant souhaite une continuité du jeu, que les joueuses puissent frapper le plus de balles possibles. La participation des femmes est moins active que les hommes, on décèle plus de conseils de l'enseignant par rapport aux joueurs observés auparavant. De manière générale, l'encadrement est plus marqué, notamment sur le plan technique. L'enseignant est placé derrière les joueuses, relativement proche pour avoir l'occasion de corriger si besoin. Plusieurs points importants sont à relever concernant les parallèles louables avec la FFT. En effet, l'encadrement des femmes est plus marqué, plus dynamique que celui des hommes. L'enseignant conseille davantage les joueuses, individualise plus. Le comportement des femmes correspond au discours tenu par la fédération, en ce sens qu'elles sont plus « effacées », davantage sujettes à l'anxiété et au doute, davantage en besoin d'encouragements que les hommes. Néanmoins, subsistent beaucoup de similitudes, à tel point qu'une observation sans grille de critères et sans un oeil averti, pourrait ne rien donner à dire concernant les différences qui apparaissent. Les différences observables apparaissent bien plus nettes dans les séances d'entrainement de la Ligue de l'Essonne de Tennis. Cinquième observation : L'entraineur observé ici est un homme de 50 ans, directeur sportif et technique d'un club comprenant environ 350 adhérents, donc moyenne structure. L'enseignant dispose d'une grande expérience, puisque il a été directeur technique d'un autre club auparavant. Il est titulaire du Diplôme d'Etat Supérieur, équivalent au BE2. Dans un premier temps, l'entrainement d'un cours collectif adultes hommes a été observé, cinq élèves étaient présents, tous âgés d'environ 40 ans et pratiquant le tennis à un niveau perfectionnement, non compétiteurs. La séance observée est hebdomadaire, une heure par semaine. L'enseignant a un volume de voix normal, très dynamique. Il apparaît un flow continu de paroles. L'enseignant fait beaucoup de blagues mais reste très exigent sur les consignes techniques. Il exige une écoute quasi permanente. Les exercices sont d'une difficulté particulièrement élevée proportionnellement au niveau des joueurs. Les termes employés sont généraux, bien que spécifiques parfois sur quelques situations d'exercice. Les élèves sont très actifs, discutent beaucoup entre eux et avec l'enseignant. Celui-ci est systématiquement placé sur le côté du terrain, toujours très proche des joueurs avec des interventions très fréquentes voire continues. Le regard est porté sur le jeu, le saut de balles est toujours à proximité comme pour montrer une disponibilité et une implication permanente aux élèves. Ce même enseignant a été observé sur un groupe de trois dames âgées de 20, 30, et 50 ans, toutes pratiquantes au niveau initiation, débutantes. L'entrainement est hebdomadaire, une heure par semaine. Cette fois-ci l'enseignant parle fort, toujours aussi dynamique. Le langage verbal employé est familier. Beaucoup d'informations et de consignes sont données en dehors et pendant le jeu. L'enseignant fait des blagues, on pourrait même y déceler une dimension « d'animation » avec un discours parfois extérieur au tennis. Les termes employés par l'enseignant sont très généraux, très imagés, afin de permettre la compréhension des consignes techniques par toutes. Les consignes sont générales, une individualisation apparaît durant le jeu, celle-ci n'étant pas répartie également entre les joueuses. Les situations d'exercice sont dîtes « au panier »52(*), les joueuses passent chacune leur tour. Quelque soit la situation d'exercice, l'enseignant engage toujours le jeu. Celui-ci questionne beaucoup les joueuses, il est d'une grande exigence. Contrairement aux hommes, les élèves sont très « effacées » et participent peu sur le plan verbal. On pourrait penser à un certain manque de confiance en elles. Celles-ci acquiescent la plupart des consignes, elles expriment un besoin de jeu. L'enseignant utilise fréquemment des exercices correctifs, relatifs à la notion de « tennis évolutif » mise en place par la Fédération Française de Tennis. Comme pour les joueurs, l'enseignant est toujours placé sur le côté du terrain, proche des joueurs. Il est très présent aussi bien physiquement que verbalement. Comme pour les hommes, l'enseignant a toujours le saut de balles à proximité, prêt à engager. Les élèves ne sont jamais en autonomie. Si d'une manière globale, peu de différences d'attitude chez l'enseignant sont visibles de l'entrainement des hommes à celui des femmes, quelques points spécifiques font l'objet d'une différenciation. En effet, avec les femmes l'enseignant utilise davantage des exercices correctifs relatifs au tennis évolutif, fortement conseillé par la FFT. Une individualisation des consignes techniques pendant le jeu est visible, mais peu ou pas répartie de manière égale sur chacune d'entres elles. On décèle dans les observations, une dimension « d'animation » plus importante chez les femmes avec un souhait de l'enseignant d'amener un côté ludique dans la séance. Les termes employés par l'enseignant avec les femmes sont plus généraux, compréhensibles par tous, même les plus novices. J'ai pu constater que les femmes sont moins participatives que les hommes, plus sujettes à un manque de confiance en elles. Il me semble tout de même important de souligner que peu de différences apparaissent dans le comportement général de l'enseignant, quelque soit le sexe des élèves, celui-ci se place et déplace de la même manière, toujours sur le côté du terrain, proche des joueurs avec le saut de balles à proximité. Le fait que l'enseignant ait une cinquantaine d'années, avec une expérience solide, suggère une méthode de travail et un code de conduite déjà bien acquis et difficilement transposable et/ou modifiable. * 52 La notion d'exercices « au panier » signifie que l'enseignant engage la balle pour débuter le jeu et les élèves passent chacun leur tour pour une individualisation des consignes techniques. |
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