B. Le respect de la
présomption d'innocence par les illustrations dans Le Pays
Au journal Le Pays, tout comme dans les deux autres
journaux, la photo demeure la seule forme d'illustration des articles. Le
nombre des articles illustrés par les photos des personnes poursuivies
n'est pas élevé. En tout cas, nous n'avons recensé que
deux articles dont les photos, à notre avis, ont été
traitées de manière à sauvegarder la présomption
d'innocence des individus concernés.
Le premier article a été publié dans le
Pays numéro 5 143 du jeudi 21 juin 2012, à la page 2. A la une
de ce numéro est affichée la photo de quatre individus
accusés, selon les termes du journal, de « trafic de faux
billets de banque ». La même photo est reprise dans
l'article. En face des suspects, sont exposés un certain nombre de biens
saisis entre leurs mains.
Rien n'indique que le journal a obtenu ou non l'autorisation
des personnes mises en cause avant de les photographier. Mais si l'on s'en
tient à l'une des exceptions du principe de l'autorisation
préalable, qui permet de passer outre ce consentement si la ou les
personne(s) photographiée(s) se trouve(ent) au centre d'une
actualité, il est difficile de reprocher au journal une quelconque
atteinte.
Mais le traitement que le journal fait de la photo est la
manifestation de son souci ou de son insouciance vis-à-vis du principe
de la présomption d'innocence. Dans la photo publiée dans
l'article ci-dessus évoqué, le journal a posé des bandes
noires sur les visages des personnes photographiées. Cette technique de
traitement des photos n'empêchera pas que des proches des individus
suspectés de la commission d'une infraction les identifient. Et
même dans ce cas, ajoutons qu'en l'absence même d'une publication
quelconque par un journal, il est rare que l'entourage de la personne
poursuivie ne soit pas informé de son arrestation ou de son
inculpation. C'est dire que cette possibilité pour les proches de
reconnaître l'un des leurs sur une photo est peu attentatoire à
l'innocence présumée.
Mais en bandant les visages des personnes
photographiées, si le grand public n'arrive pas à
reconnaître les intéressés, on doit reconnaître un
effort dans la protection de l'innocence. Le Pays, dans l'article de
la page 2 du numéro 5 138 du jeudi 21 juin, en plus du traitement de
l'image, écrit la légende
suivante : « Les présumés faussaires
devant leur butin et le matériel ». L'emploi du terme
« butin » dans la légende est tendancieux
parce que par définition, le butin est le produit d'un vol. Mais en
parlant de « présumés faussaires »,
le journal demeure dans une logique de protection de l'innocence.
On perçoit la même logique dans le traitement des
photos dans l'article de la page 28 du numéro 5 143 du jeudi 28 juin
2012. Il s'agit de la photo d'individus accusés de
« fraudes de ciment ». Sur les visages des trois
présumés faussaires, le journal a placé des bandes noires.
A l'instar des autres journaux, dans le quotidien Le
Pays le nombre des articles assortis des photos des personnes
arrêtées ou poursuivies et respectant le principe de la
présomption d'innocence n'est pas élevé. Cela s'explique
d'une part par le fait que certaines informations sur l'actualité
judicaire ne sont pas illustrées et d'autre part par la non-publication
des photos des suspects dans les comptes rendus d'audience.
S'agissant des articles respectant la présomption
d'innocence mais non illustrés, ils sont publiés dans les
rubriques telles que « On en parle » (exemple de
l'article de la page 6 du numéro 5 246 du mardi 27 novembre) ;
« Confidences du week-end » (exemple de l'article
de la page 33 du numéro 5 207 du lundi 1er octobre 2012)
Concernant les comptes rendus non illustrés par les
photos des personnes poursuivies, on peut citer l'article paru à la page
31 du numéro 5 240 du lundi 19 novembre. Ce compte rendu d'audience sur
le « Conflit intercommunautaire de Passakongo »
montre deux photos avec les légendes
suivantes : « Pour avoir la vie sauve, certains membres
de la communauté ont fui Passakongo » et
« Plusieurs habitations comme celle-là ont
été soit détruites, soit saccagées ou
incendiées ». Les photos des personnes poursuivies n'ont
pas été publiées.
C'est le cas de l'article sur le procès dit de la
« Manifestation de Tonkar » publié à
la page 26 du numéro 5 227 du mardi 30 octobre 2012. Une seule photo qui
n'est pas celle des prévenus illustre l'article avec la légende
suivante : « Une partie du public suivait le procès
hors de la salle grâce à la sonorisation ».
Même certains comptes rendus de présentations de
personnes arrêtées par les officiers de police judicaire, quoique
illustrés, ne comportent pas les photos des suspects. A titre d'exemple,
on peut relever l'article de la page 25 du numéro 5140 du lundi 25 juin
2012. L'article qui fait état du démantèlement d'une
fabrique de liqueurs frelatées au secteur 30 de Ouagadougou n'affiche
pas les photos des personnes arrêtées. Les deux illustrations sont
composées de deux photos. L'une est celle du commissaire de police dont
les agents ont arrêté les suspects. L'autre présente
« les cartons de boissons (Pastis et Gin) et quelque
matériel saisi par la police », selon les termes du
journal.
L'absence de photos des personnes poursuivies dans certains
articles du quotidien Le Pays peut être comprise comme une autre
manière de préserver leur innocence. Toutefois, il nous a paru
judicieux de ne pas regrouper ces articles dans une catégorie à
part, à côté de ceux protégeant l'innocence
présumée par la terminologie et le traitement des illustrations.
La raison est que presque tous ces articles ont été
répertoriés comme respectant la présomption d'innocence
par la terminologie. On évite ainsi de les comptabiliser doublement.
Dans le quotidien privé Le Pays, le respect de
la présomption d'innocence est assuré dans le traitement de
l'information. A travers les articles sélectionnés, on constate
de la part du journal un usage adéquat des termes pour désigner
les personnes poursuivies. En plus, les photos des suspects, lorsqu'elles sont
publiées, sont traitées de façon à réduire
la possibilité d'identifier les personnes photographiées.
L'observance du principe de la présomption d'innocence
est une réalité dans la presse quotidienne burkinabè, du
moins dans les journaux qui ont fait l'objet de notre étude, à
savoir Sidwaya, L'Observateur Paalga et Le Pays.
Toutefois, il subsiste dans ces journaux des atteintes à la
présomption d'innocence.
Tableau récapitulatif des articles respectant
la présomption d'innocence dans la presse quotidienne
burkinabè
|
Sidwaya
|
L'Observateur Paalga
|
Le Pays
|
Nombre d'articles respectant la présomption
d'innocence par la terminologie
|
27
|
14
|
17
|
Pourcentage
|
90
|
87,5
|
89,47
|
Nombre d'articles respectant la présomption
d'innocence par l'image
|
3
|
2
|
2
|
Pourcentage
|
10
|
12,5
|
10,53
|
Total des articles respectant la présomption
d'innocence
|
30
|
16
|
19
|
Pourcentage total
|
100
|
100
|
100
|
Source : Conçu par l'auteur
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