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La présomption d'innocence dans la presse quotidienne burkinabè

( Télécharger le fichier original )
par Ouaogarim Roger SANKARA
Institut des sciences et techniques de l'information et de la communication ( ISTIC ) de Ouagadougou - Conseiller en sciences et techniques de l'information et de la communication 2013
  

Disponible en mode multipage

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    AVERTISSEMENT

    Les opinions émises dans ce mémoire sont propres à son auteur. Elles n'engagent en rien l'Institut des sciences et techniques de l'information et de la communication.

    DEDICACE

    A mon père qui a quitté ce monde, il y a maintenant 20 ans.

    REMERCIEMENTS

    Nous adressons notre gratitude à tous ceux qui, par leurs soutiens multiformes, ont contribué à l'élaboration de ce mémoire.

    Nous remercions très particulièrement le docteur Seydou Dramé, notre directeur de mémoire qui, en dépit de ces nombreuses occupations, nous a toujours prêté une oreille attentive et nous a prodigué de précieux conseils pour la réalisation de cette étude.

    Nous traduisons toute notre reconnaissance au rédacteur en chef du quotidien Sidwaya, Alassane Karama, pour son soutien. Nous remercions également le rédacteur en chef de L'Observateur Paalga, Boureima Diallo ainsi que le journaliste du quotidien Le Pays, Séni Dabo pour leur disponibilité.

    Nous remercions l'administration et le corps enseignant de l'Institut des sciences et techniques de l'information et de la communication(ISTIC) pour la formation reçue.

    A notre famille et à nos amis, nous demandons de considérer ce mémoire comme le fruit de leurs efforts.

    SOMMAIRE

    SOMMAIRE 1

    INTRODUCTION GENERALE 3

    PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL DE L'ETUDE 6

    CHAPITRE I : LE CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE 6

    SECTION I : Intérêt et objectifs de l'étude 6

    Section II : Problématique et hypothèses 7

    Section III: Méthodologie 8

    Section IV- Revue de littérature 10

    CHAPITRE II : CADRE CONCEPTUEL DE L'ETUDE 16

    Section I : La notion de présomption d'innocence 16

    Section II : La notion de presse quotidienne 17

    Section III : Autres concepts 17

    DEUXIEME PARTIE : LA PRESSE QUOTIDIENNE BURKINABE ET LA PRESOMPTION D'INNOCENCE 24

    CHAPITRE I : LE PRINCIPE DE LA PRESOMPTION D'INNOCENCE ET LA PRESENTATION DES QUOTIDIENS BURKINABE 24

    Section I : La présomption d'innocence 24

    Section II : La presse quotidienne burkinabè 30

    CHAPITRE II : LES PRATIQUES RESPECTANT LA PRESOMPTION D'INNOCENCE DANS LA PRESSE QUOTIDIENNE BURKINABE 39

    Section I. Les pratiques de Sidwaya 40

    Section II : Les pratiques de L'Observateur Paalga 45

    Section III : Les pratiques du quotidien Le Pays 53

    CHAPITRE III : LES ATTEINTES A LA PRESOMPTION D'INNOCENCE DANS LA PRESSE QUOTIDIENNE BURKINABE 62

    Section I : Les atteintes à la présomption d'innocence dans Sidwaya 64

    Section II : Les atteintes à la présomption d'innocence dans L'Observateur Paalga 68

    Section III : Les atteintes à la présomption d'innocence dans Le Pays 73

    TROISIEME PARTIE : LA PRESOMPTION D'INNOCENCE ET LE DROIT A L'INFORMATION 80

    CHAPITRE I : DEUX DROITS FONDAMENTAUX EN CONCURRENCE : LA PRESOMPTION D'INNOCENCE ET LE DROIT A L'INFORMATION 81

    Section I : La présomption d'innocence ou l'obligation de silence 81

    Section II : Le droit à l'information ou l'obligation d'informer 85

    CHAPITRE II : LES SOLUTIONS AU CONFLIT ENTRE LA PRESOMPTION D'INNOCENCE ET LE DROIT A L'INFORMATION 92

    Section I : Les tentatives de résolution du conflit entre la présomption d'innocence et le droit à l'information par les professionnels des médias 92

    Section II : Les solutions juridiques au conflit entre la présomption d'innocence et le droit à l'information 97

    CONCLUSION 112

    BIBLIOGRAPHIE 114

    TABLE DES MATIERES 116

    INTRODUCTION GENERALE

    La presse a pour vocation, selon Francis Balle, « d'ouvrir les espaces à la libre parole et présider dans ces interstices, à la circulation des idées, à la présentation des oeuvres et des actions, qu'elles soient médiocres ou remarquables1(*) ». A la presse burkinabè, en particulier, on peut reconnaître aussi tout ou partie de ces ambitions. Dans ses parutions quotidiennes, elle offre aux lecteurs des sujets relevant d'une panoplie de thématiques : politique, économie, environnement, sécurité, justice, culture, sport, etc.

    On remarque dans la presse burkinabè un certain engouement pour les sujets portant sur l'actualité judiciaire, peut-être parce qu'ils laissent souvent apparaître des situations conflictuelles ou le sensationnel dont le public raffole. Ainsi, les présentations de délinquants par les services de la police ou de la gendarmerie, et les comptes rendus d'audiences, surtout celles des juridictions pénales, sont souvent rapportés dans les colonnes des journaux. Comment ne pas alors se demander si les journalistes, en relatant de telles affaires, prennent toutes les précautions imposées par la nature de ces sujets ?

    L'une de ces précautions consiste à garder à l'esprit que la personne poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie par une juridiction compétente. Il s'agit ici du respect du principe de la présomption d'innocence, un principe de procédure pénale, inscrit en bonne place dans les droits de l'Homme. Il est prévu à l'article 4 al. 2 de la Constitution burkinabè. Son but est de garantir les droits de la personne poursuivie, très souvent fragilisée par une procédure judiciaire à dominance accusatoire qui confère une prépondérance à la partie poursuivante.

    Le principe de la présomption d'innocence a une portée générale. Il s'impose à tous, même aux médias toujours portés à tout montrer ou à tout dire au public. C'est dire que les journalistes sont tenus, dans le traitement de l'information, de préserver la présomption d'innocence des personnes poursuivies dont ils relatent les histoires. D'ailleurs, s'il y a des manquements à ce principe de la part de la presse, ceux-ci ne peuvent se produire qu'à l'occasion du traitement de l'information, suivi de sa diffusion.

    Ce principe exige de la presse un traitement précautionneux de l'information à caractère judiciaire. Cet impératif est imposé par les textes juridiques internationaux ratifiés par notre pays ainsi que la loi fondamentale burkinabè.

    En même temps que la loi impose aux journalistes d'observer l'innocence des personnes poursuivies, elle leur donne le pouvoir ou leur impose l'obligation d'informer le public sur les faits de l'actualité. La Déclaration française des droits de l'Homme et du citoyen de 17892(*) a proclamé la liberté d'expression, reprise par la loi du 29 juillet 18813(*) en France et dans de nombreux systèmes juridiques dont le nôtre. La presse est alors confrontée à la conjugaison de ces deux droits fondamentaux (présomption d'innocence et liberté de presse).

    Notre étude dont le thème est « La présomption d'innocence dans la presse quotidienne burkinabè », s'articule autour de trois parties :

    -La première partie porte sur le cadre théorique et conceptuel de l'étude.

    Le cadre théorique comprend la problématique, les hypothèses, la méthodologie, l'intérêt et l'objectif de l'étude ainsi que la revue de littérature.

    La cadre conceptuel définit les concepts et notions clés de cette étude.

    -La deuxième partie concerne la présomption d'innocence et la presse quotidienne burkinabè. Cette partie est destinée d'une part à cerner le contenu de la présomption d'innocence et à présenter la presse quotidienne burkinabè. D'autre part, elle vise à rechercher et à mettre en exergue les pratiques respectant la présomption d'innocence ainsi que les atteintes audit principe dans la presse quotidienne burkinabè.

    -La troisième partie est relative à la concurrence entre la présomption d'innocence et le droit à l'information.

    PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL DE L'ETUDE

    Dans cette première partie, nous fixerons le cadre théorique (Chapitre I) et conceptuel (chapitre II) de l'étude.

    CHAPITRE I : LE CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE

    Le cadre théorique de l'étude comprend les objectifs et l'intérêt de l'étude (Section I), la problématique et les hypothèses (Section II) ainsi que le choix méthodologique (Section III) opéré pour mener à bien cette étude. Puis une revue de littérature (Section IV) nous a permis d'avoir une idée sur la compréhension du thème d'étude par certains auteurs.

    SECTION I : Intérêt et objectifs de l'étude

    A. L'intérêt de l'étude

    L'intérêt de cette étude se situe à un triple niveau.

    D'abord, aux professionnels des médias, cette étude pourra permettre de prendre exemple les uns sur les autres en matière de pratiques respectant la présomption d'innocence. Elle peut également leur faire prendre conscience de l'impact du traitement de l'information sur la présomption d'innocence des justiciables.

    Ensuite, les personnes dont la présomption d'innocence est atteinte par les médias pourront trouver dans cette étude les résolutions proposées par le législateur, la jurisprudence et les professionnels des médias.

    Enfin, par les développements suivants, le public devra savoir à quel moment il peut exiger du journaliste l'exécution de son obligation d'informer et quand est-ce cette créance n'est pas exigible.

    B. Les objectifs de l'étude

    L'objectif principal de cette étude est de jauger le principe de la présomption d'innocence à l'aune de la pratique journalistique des quotidiens burkinabè. En clair, il s'agit de voir si la presse quotidienne burkinabè en tient compte dans le traitement de l'information.

    En outre, notre ambition est que les différents quotidiens dans lesquels des atteintes à la présomption d'innocence ont été relevées prennent la mesure des efforts à fournir pour préserver les droits fondamentaux des personnes dont ils parlent dans leurs colonnes.

    Enfin, un autre objectif de cette étude est de contribuer à la réflexion sur la nécessaire conciliation entre le droit à l'information d'autre part et les autres droits de la personnalité et particulièrement la présomption d'innocence d'autre part.

    Section II : Problématique et hypothèses

    Il s'agit de poser un certain nombre de questions (A) auxquelles l'étude ambitionne de répondre. Pour ce faire, nous émettrons quelques hypothèses (B).

    A. Problématique

    Les journalistes sont très souvent accusés, à tort ou à raison, de porter atteinte au principe de la présomption d'innocence de personnes poursuivies par la Justice. Dans l'affaire d'Outreau4(*), on a reproché à la presse française d'avoir vite présenté les personnes mises en cause comme des coupables, mettant la pression sur le jeune juge d'instruction, M. Burgaud, qui ne s'apercevra que trop tard des erreurs judiciaires.

    Les journalistes se trouvent face à la conciliation de deux droits fondamentaux: d'une part, le droit à l'information qui veut que tout soit porté à la connaissance du public et d'autre part, la présomption d'innocence qui impose aux médias et à leurs professionnels soit le silence, soit une certaine délicatesse dans le traitement des informations liées aux affaires pénales.

    Quelle est alors l'attitude de la presse quotidienne burkinabè à l'égard de la présomption d'innocence ? Autrement dit, les quotidiens burkinabè respectent-ils la présomption d'innocence de personnes poursuivies dont les histoires sont relatées dans leurs colonnes ? L'information étant une denrée périssable, les journalistes peuvent-ils, à l'occasion d'affaires pénales, ajourner sa publication dans l'attente d'une décision judiciaire ? Le respect de la présomption d'innocence n'est-il pas un obstacle à la liberté d'informer, et partant au droit à l'information ?

    Pour répondre à ces questions, nous émettons un certain nombre d'hypothèses.

    B. Hypothèses

    Nous émettons une hypothèse principale et deux hypothèses secondaires.

    -Hypothèse principale :

    Dans la presse quotidienne burkinabè, la pratique tend au respect de la présomption d'innocence.

    -Hypothèses secondaires :

    Des cas d'atteinte à la présomption d'innocence subsistent encore dans la presse quotidienne burkinabè.

    Le respect de la présomption d'innocence est une entrave à la liberté d'informer et au droit à l'information du public.

    Section III: Méthodologie

    La méthode de recherche retenue est l'analyse de contenu. Selon le Pr Serges Théophile Balima et Véronique Duchenne, « l'analyse de contenu vise à dégager les caractéristiques significatives d'un message véhiculé par un moyen de communication sociale5(*) ». Pour ces auteurs, l'analyse de contenu peut aller au-delà du texte, pour s'intéresser aux traces de l'auteur, du lecteur, de la réalité extérieure, etc., contenues au sein même du texte.

    Notre étude porte sur les parutions des quotidiens suivants : Sidwaya, L'Observateur Paalga et Le Pays. La période d'étude s'étend de juin à décembre 2012. L'analyse de contenu a consisté à relever dans les journaux sélectionnés les articles respectant la présomption d'innocence ou les cas d'atteintes à la présomption d'innocence. Il s'est agi de préciser en quoi les articles concernés respectent ou violent la présomption d'innocence.

    Les articles traitant d'arrestation d'individus par les forces de sécurité, de poursuites pénales et de jugement devant les juridictions ont été sélectionnés pour constituer l'échantillon final ou le corpus. Le corpus est composé de 97 articles (36 pour Sidwaya, 25 pour L'Observateur Paalga et 36 pour Le Pays).

     L'unité d'échantillonnage est l'article. L'article ici s'entend de la brève, du compte rendu, du filet, du reportage, etc. Dans un souci de simplification, nous n'avons retenu que les articles relevant des genres dits informatifs et traitant de l'actualité nationale.

    Les articles présentant des caractéristiques communes forment des catégories. « Les catégories désignent des groupes de messages possédant des attributs communs différents des attributs que possèdent les autres groupes de messages6(*) ». Pour Théophile Balima et Véronique Duchenne, il s'agit de « faire émerger des catégories qui ne soient ni trop générales ni trop affinées, et surtout qui aient de l'intérêt par rapport aux questions posées par la recherche 7(*)».

    L'analyse de contenu exige dans la détermination du corpus, la pertinence, l'exhaustivité, l'exclusivité, l'objectivité et l'homogénéité. La pertinence signifie qu'il doit avoir un équilibre entre les particularités du corpus et la problématique de la recherche. L'exhaustivité veut dire que tout le corpus doit se retrouver dans la grille finale. L'exclusivité signifie qu'un même élément ne peut pas appartenir à deux catégories. L'objectivité impose au chercheur de s'assurer que d'autres codeurs auraient enregistré les unités du corpus dans la même catégorie que lui. L'homogénéité commande que les catégories ne soient pas disparates et éclatées.

    Nous estimons que notre corpus répond à ces critères.

    Pour mieux exprimer les résultats de cette étude, les approches quantitatives et qualitatives ont été utilisées.

    Outre l'analyse de contenu, nous avons procédé à des entretiens avec les rédacteurs en chef des quotidiens concernés par l'étude. Il s'agit là d'un entretien à usage complémentaire. Il n'est donc pas la technique de base de l'étude. L'objectif est de connaître la compréhension de la notion de présomption d'innocence des responsables des rédactions sur lesquelles porte notre étude. Nous leur avons demandé entre autres, s'ils la respectent, s'ils ont déjà été interpellés pour sa violation, s'ils accepteraient de taire une affaire au nom de la présomption d'innocence de la personne mise en cause. Nous avons abordé avec eux le conflit entre la présomption d'innocence et le droit à l'information.

    Enfin, nous avons recouru à la doctrine et à la jurisprudence pour étayer nos propos ou trancher certaines questions.

    Section IV- Revue de littérature

    Il est vrai que tout mémoire se veut original. Toutefois, cette quête d'originalité n'empêche pas de s'inspirer d'auteurs qui ont déjà exploré la même matière. Ainsi, nous avons pris appui sur des auteurs tels Emmanuel Derieux, Charles Debbasch, Emmanuel Dreyer et Bruno Ravaz ainsi que Stéphane Reterer.

    Dans son oeuvre intitulée Droit des médias, parue à Dalloz, Emmanuel Derieux aborde la présomption d'innocence sous l'angle du droit de la responsabilité des médias. On apprend avec cet auteur que c'est par la loi du 4 janvier 1993 qu'a été mis en place un mécanisme judiciaire de garantie de la présomption d'innocence. Il écrit : « Basé sur le même principe que celui de la protection de la vie privée, l'article 9-1 du Code civil pose que «  chacun a droit au respect de la présomption d'innocence8(*) ». ».

    L'auteur ajoute que l'alinéa 2 du même article a été modifié par la loi du 15 juin 2000, laquelle précise qu'il y a atteinte à la présomption d'innocence « lorsqu'une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire ». Pour Emmanuel Derieux, il n'est pas interdit aux médias de publier certaines informations, mais seulement de présenter, alors, une personne comme «  coupable ».

    M. Derieux considère qu'en cas de violation, l'action civile plus que celle pénale est mieux indiquée pour la réparation du préjudice subi par l'individu dont la présomption d'innocence a été bafouée. Au titre de la réparation, Derieux indique que les dispositions légales prévoient la réouverture du droit de réponse, du délai de prescription, l'insertion de décisions de Justice, ou de communiqué dans le journal fautif et ce, même par voie de référé.

    Emmanuel Derieux traite également dans Droit des médias de l'obligation pour les médias de respecter la vie privée et les autres droits de la personnalité. Pour lui, « les médias sont parmi les principaux moyens par lesquels de telles atteintes à l'intimité de la vie privée sont portées. Il n'y a donc aucune raison de les faire échapper à de telles mesures, pas plus d'ailleurs qu'à celles de même nature que permet, de façon générale, le Code de procédure civile ».

    Dans Droit des médias paru également à Dalloz, sous la direction de Charles Debbasch, les auteurs affirment que le principe de la présomption d'innocence existait bien avant la loi de 1993.

    Pour eux, « la consécration d'un nouveau droit (à travers la loi du 15 juin 2000 ayant modifié le Code de procédure pénale français) peut sembler à priori de nature à lui conférer un deuxième souffle. Si ce n'est que la lecture des nouvelles dispositions appelle une interprétation restrictive et que le champ d'application de ce droit au respect se trouve être aujourd'hui particulièrement réduit9(*) ».

    Les auteurs de Droit des médias ont énuméré les conditions de la protection de la présomption d'innocence. Ainsi, d'après eux, la victime d'une atteinte à la présomption d'innocence n'est pas tenue de justifier de l'existence d'un acte spécifique de procédure. Il suffit qu'elle ait été présentée publiquement, avant toute condamnation, comme coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire. En plus, la personne doit avoir été présentée publiquement comme étant coupable des faits faisant l'objet de l'enquête ou de l'instruction judiciaire.

    A l'instar de Emmanuel Derieux, Charles Debbasch et ses co-auteurs admettent que la réparation pour violation de la présomption d'innocence peut s'obtenir soit par le biais d'une action en diffamation ou du droit de réponse, soit par la mise en oeuvre, sous certaines conditions tenant à la notion de faute civile et à la prescription, des règles de la responsabilité civile.

    Le groupe d'auteurs dirigé par Charles Debbasch a aussi indiqué les limites juridiques à la mise en oeuvre de la protection de la présomption d'innocence. La première limite, selon ces auteurs, tient à l'édiction d'une condamnation définitive. En effet, écrivent-ils, une personne qui se plaint d'une atteinte à sa présomption d'innocence, perd le droit à la protection une fois qu'une décision de Justice devenue définitive confirme sa culpabilité. Charles Debbasch et autres estiment qu' « il n'est pas interdit de diffuser par voie de presse l'arrestation d'un individu présenté comme suspect, voire la commission d'un crime, la limite doit tenir de la part du journaliste, à l'absence de toutes conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité de l'intéressé10(*)».

    Sur ce point, Charles Debbasch et ses co-auteurs ont pris appui sur un jugement du Tribunal de grande instance(TGI) de Paris, rendu le 7 juillet 199311(*) à propos d'une émission télévisée sur une affaire de moeurs dans un collège. Cette limite à la protection tenant à l'absence de toutes conclusions définitives, de l'avis de M. Debbasch, empêche que face à la liberté d'informer les lecteurs, la protection de la présomption d'innocence ne devienne un « verrou automatique ». En se référant à une autre jurisprudence du TGI de Paris, les co-auteurs mentionnent : «  De manière plus générale, concernant le compte rendu d'affaires judiciaires en cours, dès l'instant où le journaliste n'abuse pas du droit qui est le sien d'informer les lecteurs en n'assortissant pas ses propos d'un commentaire anticipant ses certitudes quant à l'issue de la procédure ou en ne cherchant pas à persuader le lecteur de la culpabilité de la personne mise en cause, il n'y a pas atteinte portée à la présomption d'innocence12(*) ».

    Toutefois, les auteurs reconnaissent que le but légitime d'information du public ne dispense pas le journaliste du respect de la présomption d'innocence ainsi que de devoirs de prudence et de d'objectivité dans l'expression de la pensée. Du moins, M. Debbasch et autres reprennent à leur compte un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation française en date du 22 octobre 199613(*).

    Au titre des modes de protection de la présomption d'innocence, Charles Debbasch et autres énumèrent la rectification ou la diffusion d'un communiqué pour faire cesser toute atteinte. Ils invitent à ne pas confondre cette rectification qui peut être ordonnée en référé, avec le droit de réponse. Cette insertion, précisent les auteurs, est ordonnée aux frais de la personne physique ou morale responsable de l'atteinte à la présomption d'innocence. Enfin, ajoutent-ils, cette insertion n'exclut pas l'action en réparation des dommages subis.

    Dans Droit de l'information, Emmanuel Dreyer insiste sur la responsabilité pénale des médias. Il souligne que la volonté du législateur de protéger la présomption d'innocence s'est manifestée par l'interdiction de publication d'un certain nombre d'informations. Certaines sont liées au procès. Les autres sont étrangères à tout procès.

    L'interdiction de publication des informations liées au procès, selon Emmanuel Dreyer, doit permettre de protéger, entre autres, la présomption d'innocence, la discrétion des débats et l'autorité de la Justice.

    S'agissant de la protection de la présomption d'innocence, l'auteur attire l'attention sur l'interdiction de reproduction des actes de procédure d'une part, et d'autre part sur l'interdiction de diffusion de certaines atteintes à l'honneur de la personne par l'image ou par sondage.

    On retient que l'article 38 al.1 de la loi du 29 juillet 1881 interdit « de publier les actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience publique ». M. Dreyer ajoute que d'une certaine façon, cette disposition vient corroborer le principe du secret de l'instruction, posé par l'article 11 du Code de procédure civile. Pour lui, ces dispositions ont pour but de faire respecter la présomption d'innocence.

    A propos des images susceptibles de menacer l'innocence, Emmanuel Dreyer rappelle que la loi interdit l'image d'une personne « faisant apparaître, soit que cette personne porte des menottes ou entraves, soit qu'elle est placée en détention provisoire14(*) ».

    Par ailleurs, Dreyer relève la possibilité pour les sondages de porter atteinte à la présomption d'innocence. D'où l'incrimination de tout « fait, soit de réaliser, de publier ou de commenter un sondage d'opinions ou tout autre consultation, portant sur la culpabilité d'une personne mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale ou sur la peine susceptible d'être prononcée à son encontre, soit de publier des indications permettant d'avoir accès à des sondages ou consultations... ». L'auteur pense qu'il s'agit là d'éviter tout « lynchage médiatique ».

    Emmanuel Dreyer note également les interdictions de comptes rendus de procès en matière de diffamation et en matière familiale. Les comptes rendus de débats et la publication des pièces de procédure concernant les questions de filiation, les actions à fins de subside, les procès en divorce, les séparations de corps et nullités de mariage et les procès en matière d'avortement sont interdits, conformément à la loi. Seulement, le dispositif des décisions peut être publié et les publications techniques doivent respecter l'anonymat des parties.

    Bruno Ravaz et Stéphane Retterer sont les auteurs de Droit de l'information et de la communication. Pour eux, la présomption d'innocence s'applique en principe à l'Etat lui-même et à ses organes et non aux médias et aux journalistes. Toutefois, ces auteurs proposent d'en admettre le principe dans la déontologie journalistique. En effet, expliquent-ils, la presse, à défaut de convaincre les juges professionnels, peut influencer l'opinion publique par sa façon de résumer tels faits ou présenter telle personne comme coupable.

    Bruno Ravaz et Stéphane Retterer pensent que, parce que le journaliste ne peut se montrer totalement discret et que le public a le droit d'être informé, la prise en considération de la présomption d'innocence passe par un usage contrôlé de la publication de l'identité des personnes accusées.

    En somme, les deux co-auteurs en appellent au sens de la responsabilité aussi bien du journaliste dans le traitement de l'information et dans son comportement sur le terrain que du lecteur dans le choix de ce qu'il lit.

    CHAPITRE II : CADRE CONCEPTUEL DE L'ETUDE

    Dans ce chapitre, il s'agit de clarifier certaines notions telles que la présomption d'innocence (Section I) et la presse quotidienne (Section II) et bien d'autres concepts comme la liberté d'expression, le traitement de l'information, etc. (Section II).

    Section I : La notion de présomption d'innocence

    Le petit Robert définit la présomption comme une opinion fondée seulement sur des signes de vraisemblance.

    Pour sa part, Le petit Larousse définit la présomption comme l'action de présumer de quelque chose, de tenir pour vraisemblable ce qui n'est que probable.

    Selon le Lexique des termes juridiques, la présomption désigne un mode de raisonnement juridique en vertu duquel, de l'établissement d'un fait on induit un autre fait qui n'est pas prouvé. La présomption est dite de l'homme lorsque le magistrat tient lui-même et en toute liberté ce raisonnement par induction.

    La présomption est légale lorsque le législateur tire lui-même d'un fait établi un autre fait dont la preuve n'est pas apportée. La présomption légale est simple lorsqu'elle peut être combattue par la preuve contraire. Lorsque la présomption ne peut être renversée, elle est dite irréfragable ou absolue.

    Les présomptions simples sont dites juris tandum tandis que les présomptions absolues sont désignées par l'expression latine juris et de jure.

    Selon Le petit Larousse, l'innocence est synonyme d'absence de culpabilité. Toujours selon ce dictionnaire, l'innocence désigne la qualité de quelqu'un qui ignore le mal : la pureté.

    Dans Le petit Robert, l'innocence est l'état de l'être qui n'est pas souillé par le mal ou incapable de le commettre.

    Par présomption d'innocence, le Lexique des termes juridiques propose d'entendre, un principe selon lequel, en matière pénale, toute personne poursuivie est considérée comme innocente des faits qui lui sont reprochés, tant qu'elle n'a pas été déclarée coupable par la juridiction compétente.

    Selon Le petit Robert, la présomption d'innocence est un principe selon lequel tout justiciable doit être tenu pour innocent tant que sa culpabilité n'est pas prouvée.

    Section II : La notion de presse quotidienne

    Le terme presse est polysémique. Selon Le petit Larousse, la presse est une machine équipée d'un dispositif permettant de comprimer, d'emboutir ou de fermer ce qu'on y introduit. C'est également une machine à imprimer. C'est aussi l'ensemble des journaux, l'activité ou le monde du journalisme. Ce sont ces dernières acceptions du mot presse qui intéressent notre étude.

    Selon Le petit Robert, la presse est l'ensemble des publications périodiques et des organismes qui s'y rattachent.

    Par presse quotidienne, on voit tout de suite la presse écrite et particulièrement les journaux paraissant tous les jours, à l'exception des jours non ouvrables ou fériés. La presse quotidienne se distingue en partie des autres publications par le caractère journalier de sa périodicité. Dans la presse, la périodicité est l'intervalle de temps auquel parait une publication. Cet intervalle doit être régulier.

    Section III : Autres concepts

    Cette section est réservée à la définition de certains concepts évoqués dans cette étude. Ce sont : la liberté d'expression, le droit à l'information et le droit à l'image(A). Des notions telles que la communication, l'information et le traitement de l'information ont également été définies (B).

    A. Liberté d'expression, droit à l'information et droit à l'image

    1. La liberté d'expression

    Consacrée par la Déclaration française des droits de l'Homme de 1789 et proclamée par la loi du 29 juillet 1889, la liberté d'expression s'entend du droit d'opinion et de la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence des autorités publiques et sans considération de frontière.

    2. Le droit à l'information

    Le droit à l'information désigne le droit de tout un chacun à être informé. Il requiert des pouvoirs publics un certain interventionnisme dans le but de rendre l'information accessible au plus grand nombre. Dans Lexique d'information communication, on peut lire ceci : « Droit à l'information : Conception ou théorie qui voudrait, dans les systèmes démocratiques les plus avancés, constituer le principe d'information comme l'un des fondements du droit applicable aux activités d'information et de communication. Il s'agit notamment de faire du principe de liberté d'expression ou de communication, au-delà du privilège de quelques-uns (éditeurs, journalistes), ou d'une simple conception formelle, un droit pour le plus grand nombre, sinon pour tous. Sans remettre en cause les valeurs et les acquis des régimes de liberté d'expression, la théorie du droit du public à l'information vise à les conforter 15(*)».

    3. Le droit à l'image

    Le droit à l'image est le droit pour tout un chacun d'autoriser ou de s'opposer à la fixation et à la diffusion de son image. C'est un droit de la personnalité au même titre que le droit au respect de la vie privée. Le droit à l'image est un droit inaliénable puisque rattaché à la personne; il ne peut pas être cédé. On peut être autorisé à fixer et à diffuser l'image d'autrui, mais en aucun cas on ne saurait être titulaire de son droit à l'image. L'autorisation dont il est question est nécessaire quel que soit le lieu (public ou privé) dans lequel l'intéressé a été photographié ou filmé et quelle que soit la partie de son corps reproduite et diffusée. Il est en outre interdit de faire de l'image d'autrui un usage autre que celui consenti.

    Toutefois, l'autorisation n'est pas requise lorsque l'on fixe et publie l'image d'une personne ayant une vie publique si l'image y est liée. Il est également permis que soit diffusée sans l'autorisation de l'intéressé, une image prise lors d'un évènement d'actualité, à la seule condition que l'image s'y rapporte. Enfin, il est possible de passer outre l'autorisation si l'image porte sur un groupe de personne sans centrer l'attention sur l'une ou l'autre d'entre elles.

    En tout état de cause, la publication de l'image ne doit pas être dévalorisante. La sanction de la violation du droit à l'image peut consister en une interdiction de diffusion, en une condamnation pénale ou au paiement de dommages-intérêts pour le préjudice causé.

    B. Communication, information et traitement de l'information

    1. La communication

    Etymologiquement, le mot communication vient du latin communicare qui signifie « mettre en commun ». Le mot s'est ensuite enrichi de multiples significations telles que « entrer en relation », «  être en relation », « mettre en relation » ou bien encore « faire connaître ».

    Francis Balle définit la communication dans Lexique d'information Communication comme : « l'action consistant, pour les Hommes, à échanger des messages, en face ou bien à distance, avec ou non le secours d'un média, et quelle que soit la forme ou la finalité de cet échange ». La communication désigne donc à la fois une action et le résultat de cette action : communicare et communitas16(*) » (p. 82).

    La communication est couramment définie comme l'action de communiquer, d'établir une relation avec autrui, de transmettre quelque chose à quelqu'un. Elle désigne aussi l'ensemble des moyens et techniques permettant la diffusion d'un message auprès d'une audience plus ou moins vaste et hétérogène. C'est également l'action d'une organisation qui poursuit la promotion de son activité ou l'entretien de son image auprès d'un public par tout procédé médiatique.

    La communication s'entend d'un échange de messages entre un émetteur et un récepteur et ce, par l'intermédiaire d'un canal. La communication implique une interactivité entre l'émetteur et le récepteur.

    Au sein des organisations, il existe plusieurs types de communication. La communication interne est destinée aux membres de l'organisation tandis que la communication externe est orientée vers le public, les usagers ou les clients. On parle également de communication institutionnelle par laquelle une organisation cherche à faire connaître ses missions, ainsi que de la communication commerciale qui a pour but de « vendre » l'entreprise, ses marques et ses produits. Mentionnons enfin la communication de crise qui regroupe les actions de communication engagées par une structure en période de difficultés. La tragédie du Titanic en 1912, ce paquebot de 52 310 tonnes, marque de l'avis de certains auteurs comme Thierry Libaert, le point de départ de la communication de crise.

    2. L'information

    Le mot information découle du latin « informare » : façonner, former ou encore donner forme. L'information, elle aussi, est un terme polysémique. Dans le contexte de notre étude, l'information désigne la nouvelle d'actualité. Le Lexique d'information communication indique que l'information est une institution singulière avec ses techniques, ses professionnels et ses disciplines, née avec les journaux quotidiens au XIXe siècle. L'information désigne encore un texte qui, à partir d'un évènement, met en scène le plus efficacement possible les faits nouveaux, intéressants et significatifs en les plaçant dans leur contexte de signification.

    3. Le traitement de l'information

    Le traitement de l'information est l'ensemble des procédures mises en oeuvre pour passer des informations « brutes », reçues de différentes sources, à la production de textes, illustrés ou non, prenant des formes rédactionnelles variées et remplissant les colonnes des journaux et périodiques, ou les séquences d'information des chaînes de radios et de télévisions.

    Dans le cadre de cette étude, nous utilisons les termes « brève », « filet », « reportage » et « compte rendu » qui désignent des genres journalistiques.

    La brève, comme son nom l'indique, est un article qui donne l'essentiel de l'information en quelques lignes. La brève répond aux questions : qui, quoi, où et quand ? En principe, elle ne doit pas être titrée mais il existe dans la pratique des déviations à ce principe.

    Le filet est une brève plus ou moins développée. Elle reprend l'essentiel de la brève et s'allonge sur 10, 30 ou 50 lignes. Elle est titrée.

    Le reportage est un article de presse qui donne à voir, à entendre, à sentir ou à vivre un évènement. Le reportage fournit la réponse aux questions : qui fait quoi, où, quand, comment, pourquoi et pour quoi ? Les anglais parlent de cinq W plus ,1 à savoir : who, what, where, when, why et how.

     « Le reportage révèle l'âme du journal parce que le reporter, c'est un oeil, un nez et une oreille branchés sur un stylo17(*) », disait Jean Luc Lagardette.

    Le compte rendu, lui, se contente de donner à voir ou à entendre un évènement. Mais il ne fait pas vivre ou sentir l'évènement en ce sens qu'il ne fait pas ressortir l'ambiance de la manifestation.

    Dans l'étude, nous utilisons parfois les mots « titre », « chapeau », « intertitre », « attaque », « chute » et «  légende ».

    Le titre est défini comme « le visage de l'article », permettant d'attirer l'attention et de délivrer un message.

    Le chapeau est un court texte qui permet au lecteur de connaître l'essentiel de ce qu'il va lire. Il est composé sur une autre largeur que le texte et dans des caractères différents de taille, de genre.

    L'intertitre est un titre placé entre les colonnes de l'article pour en faciliter l'approche et la lecture. Il est parfois le résumé de la partie de l'article qu'il précède. Il a pour rôle de reposer l'oeil, de casser la grisaille et la masse du texte.

    L'attaque est constituée de la première phrase ou du premier paragraphe de l'article. Il est servi en apéritif au lecteur et doit lui donner l'envie de lire.

    La chute, c'est les derniers mots, la dernière phrase ou le dernier paragraphe de l'article. Il est adapté à chaque genre journalistique. Pour les papiers informatifs, à l'exception des commentaires d'opinion, la chute est la dernière chose que le journaliste a à dire.

    En journalisme, la légende est un texte qui accompagne une photo illustrant un article. En principe, son but est d'apporter une information qui n'existe pas dans le corps de l'article.

    Le commentaire d'opinion et l'analyse ne sont pas concernés par cette étude. Ces genres rédactionnels ont ceci de particulier qu'ils ne se contentent pas de donner une nouvelle d'actualité. Leur propre est de livrer aux lecteurs l'opinion du journal sur un fait d'actualité.

    L'interview, l'enquête, la chronique, le courrier des lecteurs et maintenant le forum ou la tribune des internautes ne sont pas pris en compte dans la présente étude.

    DEUXIEME PARTIE : LA PRESSE QUOTIDIENNE BURKINABE ET LA PRESOMPTION D'INNOCENCE

    Avant de relever les pratiques respectant la présomption d'innocence (Chapitre II) et les atteintes audit principe (Chapitre III) dans la presse quotidienne burkinabè, il est judicieux de s'appesantir d'abord sur le principe de la présomption d'innocence et sur la présentation de la presse quotidienne burkinabè (Chapitre I).

    CHAPITRE I : LE PRINCIPE DE LA PRESOMPTION D'INNOCENCE ET LA PRESENTATION DES QUOTIDIENS BURKINABE

    Dans ce chapitre, il est question d'approfondir la notion de la présomption d'innocence (section I) et de présenter la presse quotidienne burkinabè en mettant l'accent sur les journaux concernés par cette étude (Section II).

    Section I : La présomption d'innocence

    Quels sont la définition et les implications (A), les fondements juridiques(B) ainsi que les sanctions de la violation (C) de la présomption d'innocence ? Cette section est destinée à répondre à cette question.

    A. Définition et implications de la présomption d'innocence

    Par la définition, nous préciserons d'une part ce qu'il faut entendre par présomption d'innocence (1) et d'autre part ce qu'elle implique(2).

    1. Définition

    Dans sa définition commune, la présomption d'innocence signifie qu'un individu, même suspecté de la commission d'une infraction, ne peut être considéré comme coupable avant d'en avoir été jugé comme tel par un tribunal compétent.

    Dans Lexique d'information et communication, Francis Balle et ses co-auteurs définissent la présomption d'innocence en ces termes : «  Principe selon lequel, tant que la culpabilité d'une personne n'a pas été formellement constatée par la juridiction compétente, cette personne doit être considérée et traitée comme si elle n'avait pas aucune responsabilité dans les faits qui sont l'objet de l'enquête ou de la poursuite judiciaire. Le respect de ce principe s'impose aussi à tous ceux qui sont appelés à s'exprimer, à informer sur les affaires dont la police et la justice ont pris connaissance. Mais il n'est pas interdit aux médias d'informer sur une enquête ou une instruction en cours, ni même de mentionner le nom de la personne mise en examen et de faire état des soupçons qui pèsent sur elle, mais ils ne peuvent avant tout jugement la présenter « comme coupable », sous peine d'engager leur responsabilité18(*) ».

    La présomption d'innocence est un principe de procédure pénale. Il est inscrit en bonne place dans les droits de l'homme. Son but est d'assurer la protection de la personne humaine et surtout les droits de la défense devant les juridictions pénales où les éléments accusatoires de la procédure tendent à fragiliser la personne poursuivie. On pouvait lire dans les exposés de motifs de la loi française du 15 juin 2000 ayant renforcé la protection de la présomption d'innocence dans le Code de procédure pénale français : «  Les autres principes directeurs qui gouvernent la procédure pénale sont la conséquence du principe de la présomption d'innocence 19(*)».

    2. Les implications de la présomption d'innocence

    La présomption d'innocence est avant tout une règle de preuve. En vertu de cette présomption, la charge de la preuve de la culpabilité d'un individu incombe à la partie poursuivante. En cas d'insuffisance de preuve, le doute doit profiter à l'accusé (in dubio proreo).Toutefois, il faut noter qu'en cas de délit de presse, la charge de la preuve incombe toujours au journaliste dont la mauvaise foi est présumée. C'est à lui de prouver sa bonne foi. En outre, pour d'autres infractions telles que le proxénétisme, la culpabilité est plutôt présumée.

    Une autre implication concrète de la présomption d'innocence est la limite qu'elle apporte à la liberté d'expression. Elle confère ainsi le droit à toute personne non encore condamnée mais présentée comme coupable par la presse un droit de rectification publique et la possibilité d'obtenir de l'organe de presse fautif une insertion d'une décision de justice le condamnant pour la faute ainsi commise. Par ailleurs, l'atteinte à la présomption d'innocence ouvre à la victime la voie à une plainte pour diffamation ou pour injure ou encore pour une atteinte au droit à l'image avec en sus une possibilité de se faire indemniser.

    B. Les fondements juridiques de la présomption d'innocence

    La présomption d'innocence est un droit de la personnalité. Il fait partie des attributs que la loi reconnaît à tout être humain. Sa protection est assurée au même titre que celle des droits à la vie et à l'intégrité corporelle, à l'intimité de la vie privée, à l'image, à l'honneur et à la considération. Ces droits visent à préserver la personne humaine dans toute sa dignité. Ils sont en principe hors du commerce juridique et dotés d'une opposabilité absolue.

    A l'origine, tous ces droits ont été dégagés par la jurisprudence. A ce propos, l'éminent juriste français, Raymond Lindon a parlé de la «  construction prétorienne des droits de la personnalité ». Telle est d'ailleurs le titre d'un de ses ouvrages. Mais de nos jours, le législateur est intervenu dans la protection des droits de la personnalité. C'est à travers de nombreux textes aussi bien nationaux qu'internationaux que le principe de la présomption d'innocence a été affirmé.

    Le principe selon lequel « toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie » est énoncé à l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, à l'article 6 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, à l'article 14 § 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 et à l'article 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.

    La Loi fondamentale française de 1958, parce qu'elle reprend dans son préambule le premier texte cité, donne une valeur constitutionnelle à la présomption d'innocence. Au plan législatif, le Code de procédure pénale français, précisément la loi du 15 juin 2000 qui l'a modifié, prévoit la présomption d'innocence. Le Code civil français en son article 9-1 dispose : «  Chacun a droit au respect de la présomption d'innocence ».

    Lorsqu'une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l'insertion d'une rectification ou la diffusion d'un communiqué, aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence, et ce au frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte ».

    En droit burkinabè, la présomption d'innocence est essentiellement conventionnelle et constitutionnelle. En effet, certains instruments juridiques internationaux ratifiés par le Burkina Faso défendent la présomption d'innocence. Il s'agit, entre autres, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 (art. 14 § 2), de la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 (art. 11-1) et de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 (art. 7-1-b).

    Le préambule de la Constitution burkinabè fait allusion à ces textes juridiques internationaux. Bien plus, son article 4 consacre la valeur constitutionnelle de la présomption d'innocence en des termes plus explicites. « Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie », dit l'article 4 al 2.

    Mais au plan législatif, les textes traitant de la présomption d'innocence sont quasi-inexistants. On retrouve tout de même dans la législation burkinabè des dispositions qui se présentent comme les conséquences directes ou indirectes de la présomption d'innocence. Il en est ainsi de l'article 11 du Code de procédure pénale burkinabè. Il dispose : « Sauf dans les cas où la loi dispose autrement et sans préjudicier des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète. Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions ou sous les peines prévues par les dispositions du Code pénal relatives au révélations de secrets ».

    C. Les sanctions de la violation de la présomption d'innocence

    La violation de la présomption d'innocence peut faire naître du même coup une infraction pénale et une faute civile. Par conséquent, les sanctions de cette violation sont à la fois pénales et civiles.

    1. Les sanctions pénales

    La sanction est déterminée par le juge répressif à la suite d'une action en diffamation, ou en injure qui ne peut être mise en oeuvre qu'après une plainte formulée par la victime. La sanction peut également s'assimiler à celle d'une atteinte au droit à l'image. La répression de la violation de la présomption d'innocence, comme celle de tous les délits de presse, entraîne une responsabilité en cascade définie à l'article 117 de notre Code de l'information de 1993.

    Peuvent être tenus responsables d'une atteinte à la présomption d'innocence, les directeurs de publication ou éditeurs quelle que soit leur profession ou leur dénomination et dans le cas où le directeur de publication jouit d'une immunité, les codirecteurs de publication ; à défaut de ceux-ci les auteurs, à défaut des auteurs, les imprimeurs.

    La diffamation est définie par les articles 109 du Code de l'information de 1993 et 361 du Code pénale comme : « Toute allégation ou imputation qui porte atteinte à l'honneur et à la considération d'autrui ». La diffamation est difficile à distinguer de l'injure définie comme : « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait ». La diffamation peut valoir à son auteur une peine d'amende et d'emprisonnement.

    L'action publique pour la poursuite d'une violation de la présomption d'innocence se prescrit par trois mois à compter du jour de l'article publié. L'atteinte à la présomption d'innocence étant assimilée à une diffamation, à une injure ou à une atteinte au droit à l l'image, sa répression est soumise à la prescription trimestrielle applicable à tous les délits de presse.

    Les peines sanctionnant une violation de la présomption d'innocence, si celle-ci est assimilée à un délit de diffamation, sont variables en fonction des institutions protégées ou de la qualité de la personne qui en est victime.

    En cas de diffamation contre un membre du gouvernement, des corps constitués, des personnes chargées d'un service public ou mandat public, jurés ou témoins, l'auteur encourt un emprisonnement de deux mois à un an et une amende de 50 000 à 300 000 F CFA ou l'une de ces deux sanctions.

    Cependant, lorsque l'atteinte, synonyme de diffamation, est causée à un particulier, le coupable écope d'un emprisonnement de deux à six mois et d'une amende de 50 000 à 150 000 F CFA ou l'une de ces deux peines, conformément à l'article 364 du Code pénal.

    Le débat sur la dépénalisation, ce que d'aucuns appellent la « déprisonnalisation », reste encore d'actualité. Au Burkina, les délits de presse continuent d'être réprimés au pénal. Si dans un passé encore récent, d'illustres auteurs à l'instar du Dr Seydou Dramé ont pu se réjouir du fait qu' « il n'y a pas de prisonnier d'opinion au Burkina Faso depuis l'adoption du Code de l'information de 1993, encore moins de prisonnier pour délit de presse...20(*) », tel n'est plus le cas à ce jour. En effet, le directeur de publication de L'Ouragan purge actuellement une peine d'emprisonnement pour diffamation.

    2. Les sanctions civiles

    La victime d'une atteinte à la présomption d'innocence peut se constituer partie civile au procès pénal et obtenir du juge qu'il condamne l'auteur de l'infraction à lui verser une indemnité réparatrice du préjudice subi.

    Il s'agit là d'une application des articles 1382 et suivants du Code civil aux délits de presse. L'applicabilité de l'article 1382 a d'abord été controversée avant que la Cour de cassation française ne tranche définitivement la question. La Cour de cassation française admet que l'action en réparation d'une atteinte à la présomption d'innocence peut être exercée conjointement lors d'une action en diffamation (Cass. Civ, II, 8 juillet 2004).

    Le Code de l'information burkinabè dispose en son article 140. «L'action publique et l'action civile résultant des crimes ou délits et contravention prévus par la présente la loi se prescrivent après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte de poursuite s'il en a été fait ».

    Mais outre l'indemnisation, la victime peut, obtenir du juge une ordonnance en référé contraignant l'auteur de la violation à insérer dans le journal fautif, à ses propres frais, une rectification ou un communiqué annonçant sa propre condamnation pour cette atteinte ou visant à mettre fin à l'atteinte. Il est également prévu en droit burkinabè la saisie préventive qui peut également être décidée par le juge des référés conformément à l'article 90 al 3 de notre Code de l'information.

    Section II : La presse quotidienne burkinabè

    La presse quotidienne désigne les titres paraissant chaque jour à l'exception des jours non ouvrables ou fériés. Au Burkina, le rapport 2011 du Conseil supérieur de la communication (CSC) fait état de cinq quotidiens, (L'Observateur Paalga, Sidwaya, Le Pays, L'express du Faso et Le Quotidien). Mais, il faut ajouter à ces titres deux nouveaux venus : Le Soir et Journal Actualité.

    En France, Jean-Marie Charon a écrit dans son ouvrage intitulée Presse quotidienne : « Aujourd'hui, cette presse, que les Britanniques qualifient de « quotidiens de qualité »21(*), se trouve représentée par trois titres : Le Figaro, Libération et Le Monde ». Sans procéder à un classement des quotidiens burkinabè, admettons qu'il existe dans la presse quotidienne nationale cette trilogie. Elle serait composée de L'Observateur Paalga, de Sidwaya et du quotidien Le Pays. Ne sont-ils pas les quotidiens qui paraissent les plus lus et les plus connus du public ?

    A. L'Observateur Paalga

    C'est le doyen de la presse privée écrite burkinabè. Porté sur les fonts baptismaux le 28 mai 1973, il a d'abord été appelé L'Observateur. Sous la période révolutionnaire, L'Observateur va « laisser des plumes22(*) », pour reprendre la célèbre formule d'Enock Kindo. En effet, dans la nuit du 10 au 11 juin 1984, un incendie mystérieux ravage les locaux du journal. La reprise de ses activités prévue par ses promoteurs pour le vendredi 27 janvier 1989 n'a pas eu lieu. L'édition a été saisie ce jour-là et les locaux mis sous scellés quelque temps après. Il a fallu attendre le 15 février 1991 pour que L'Observateur renaisse de ses cendres. Le journal prend alors le nom de L'Observateur Paalga (Nouvel Observateur).

    Nous nous intéresserons à son organisation (1), à sa fabrication et à sa diffusion (2).

    1. L'organisation de L'Observateur Paalga

    Dans l'organigramme, il y a le directeur de publication, un coordonnateur, un chef du service administratif et des ressources humaines et la rédaction dirigée par un directeur des rédactions ainsi que l'imprimerie et le laboratoire.

    Le directeur de publication est le premier responsable de la publication. Il assume la responsabilité des articles publiés par le journal. Il pose au nom du journal les actes de la vie civile ou délègue à cet effet ses pouvoirs à d'autres mandataires. Le directeur de publication du journal s'appelle Edouard Ouédraogo. Il est également son fondateur.

    A côté du directeur de publication, on retrouve le coordonnateur. Il assure le lien entre les différents compartiments de l'entreprise. Il a une vue d'ensemble sur l'activité de celle-ci.

    En outre, il y a le chef du service administratif et des ressources humaines. Comme son nom l'indique, il pilote l'activité administrative de l'organe de presse et assure le volet ressources humaines. En effet, il occupe une place de choix dans le recrutement du personnel. Il est également chargé de la gestion des carrières des employés.

    Par ailleurs, le journal dispose de services financiers tels que le service de la comptabilité et celui des annonces et abonnement.

    La rédaction, l'imprimerie et le laboratoire interviennent dans la fabrication du journal

    2. La fabrication et la diffusion de L'Observateur Paalga

    Il s'agira d'énumérer les organes participant aux différentes étapes de la fabrication du journal (1) avant d'aborder comment le produit final est diffusé(2).

    a. La fabrication de L'Observateur Paalga

    Elle est en partie l'oeuvre de la rédaction dirigée par un rédacteur en chef secondé par deux adjoints, tous coiffés par un directeur des rédactions. Le terme directeur des rédactions fait allusion à l'existence de deux rédactions animant les deux produits de l'Agence Paalga. En plus du quotidien, le journal édite un hebdomadaire appelé L'Obs Dim réservé à l'actualité culturelle et sportive.

    Concernant le quotidien L'Observateur Paalga, son menu est déterminé au cours d'une conférence de rédaction qui se tient du lundi au vendredi à partir de 9h. Elle connaît la participation de tous les journalistes à qui sont confiées des tâches pour la confection du journal. Elle est également une instance où la rédaction critique ses productions antérieures afin d'améliorer son contenu.

    La rédaction est organisée en desk, au nombre de trois. Il y a les desks politique, juridique et sport dont les noms des premiers responsables sont mentionnés dans l'ours du journal. L'Observateur Paalga est le seul quotidien à avoir créé le poste de grand reporter au profit d'un journaliste dont le nom est également mentionné dans l'ours.

    A la rédaction sont rattachés des services comme le secrétariat de rédaction, la cellule de correction, le service PAO (Publication assistée par ordinateur) et celui de la saisie, contribuant chacun à sa manière à la fabrication du journal.

    Le montage est l'oeuvre des infographes et autres opérateurs relevant de la PAO. Une fois montées, les pages sont traitées au laboratoire pour tenir compte des options de coloration et transmises à l'imprimerie pour impression. Le chef de l'imprimerie et du laboratoire coordonne cette étape de la fabrication du journal.

    Toutes ses opérations se déroulent sous l'oeil vigilant d'un chef de fabrication. Celle-ci s'achève par le pliage et la mise en colis effectuée par les agents chargés du routage.

    b. La diffusion du journal

    Diffusé dans les 45 provinces du Burkina, L'Observateur Paalga dit être un « journal populaire ». Tiré parfois à 1000 exemplaires, le journal est diffusé à la criée, par abonnement, par dépôt dans les supermarchés et autres points de vente. Il est également acheminé en province.

    B. Sidwaya

    Comment Sidwaya est -il organisé ? Comment le journal est-il fabriqué et comment est-il diffusé ? Nous répondrons à ces questions dans les développements suivants.

    1. L'organisation de Sidwaya

    Les Editions Sidwaya ont été créées en 1984 en pleine Révolution. Le quotidien Sidwaya participe aux côtés de l'agence d'information du Burkina(AIB), de Sidwaya Sport, de Sidwaya Magazine et de Carrefour africain à la réalisation du service public de l'information. Au plan administratif, les Editions Sidwaya ont le statut d'Etablissement public de l'Etat(EPE). Sidwaya a un Conseil d'administration, une direction générale et des services centraux érigés en directions.

    Le conseil d'administration est composé de neufs membres dont un administrateur représentant l'Etat au titre de la présidence du Faso, d'un représentant du Premier ministère, d'un représentant du ministère de la Communication, d'un représentant du ministère des Finances, d'un représentant du ministère des Postes et de deux représentant du personnel. Le conseil d'administration assure la responsabilité de l'administration de l'établissement. Il examine et approuve le budget et les conditions d'émissions des comptabilités administratives et de gestion. Il autorise le directeur général à contracter tout emprunt.

    La direction générale, elle, détient les pouvoirs les plus étendus pour agir au nom du Conseil d'administration. Le directeur général assume la responsabilité de la direction technique, administrative et financière ou de toute autre direction qu'il représente dans les actes de la vie civile. Co-directeur de publication avec le ministre de la Communication, il répond de toutes les publications des Editions Sidwaya devant les instances compétentes. L'actuel directeur général des Editions Sidwaya s'appelle Rabanki Abou Bakr Zida.

    L'organigramme de la direction générale de Sidwaya est en pleine modification.

    Le projet d'organigramme prévoit 9 directions et services centraux qui s'ajoutent à la cellule des conseillers techniques, au Secrétariat particulier, au contrôle interne et au secrétariat général.

    La direction de l'Administration et des finances est chargée de préparer, d'élaborer et suivre l'exécution du budget et du compte administratif. Elle est aussi chargée de la gestion des crédits budgétaires et de l'entretien des biens meubles et immeubles de Sidwaya.

    La direction des ressources humaines a pour missions de concevoir et de mettre en application les dispositions visant à accroître le rendement du personnel des Editions Sidwaya.

    La direction commerciale et du markéting a pour missions de définir et de mettre en oeuvre les stratégies en matière commerciale.

    En outre, il y a l'agence comptable, l'agence d'information du Burkina ainsi que les directions régionales de Sidwaya.

    Enfin, la direction des rédactions et la direction de l'imprimerie et de la maintenance participent techniquement à la confection du journal. La direction des rédactions couvre les rédactions de Sidwaya quotidien, de Sidwaya Sport, de Carrefour africain. La rédaction Internet, le service de photojournalisme et celui des Archives et de la documentation relèvent aussi de la direction des rédactions.

    2. La fabrication et la diffusion du quotidien Sidwaya

    La fabrication du quotidien Sidwaya(a) est l'oeuvre de la rédaction de ce journal. Une fois le journal confectionné, s'ensuit sa diffusion (b).

    a. La fabrication de Sidwaya

    La fabrication du journal fait intervenir la direction des rédactions, celle de l'imprimerie et de la maintenance puis bien d'autres maillons de la chaîne. Selon le directeur de l'imprimerie, Sidwaya quotidien tire à 5000 exemplaires.

    Une équipe de journalistes, de photographes et de techniciens mettent ensemble leurs efforts pour permettre la confection du journal. Le rédacteur en chef qui a reçu mandat du directeur des rédactions pour le traitement de l'information ainsi que pour sa conception technique préside la conférence de rédaction. Au cours de celle-ci, les journalistes déterminent le menu du journal. En clair, ils procèdent au choix des sujets et des angles de traitement puis à la critique des productions antérieures.

    Au sein de la rédaction, les journalistes sont organisés en desk. Sidwaya en comporte trois : le desk politique et actualité internationale, le desk Economie et développement et le desk Société et culture. Il existe un quatrième desk, Sport, qui publie parfois des informations sportives dans le quotidien. Mais, ce desk est autonome et chargé de l'animation de Sidwaya Sport.

    Chaque desk a un chef. Celui-ci est chargé de réceptionner et de corriger les articles des journalistes placés sous son autorité, avant de les transmettre au rédacteur en chef. Après lecture, le rédacteur en chef achemine à son tour les papiers reçus des chefs de desk au secrétariat de rédaction.

    Dans la fabrication de l'information, intervient le secrétariat de rédaction qui regroupe outre les secrétaires de rédactions proprement dits, les correcteurs, le service de la saisie et celui du montage. Son rôle est de corriger les fautes qui ont échappé à la vigilance des autres maillons de la chaîne et de vérifier les maquettes avant tirage. Les secrétaires de rédactions sont, entre autres, chargés de perfectionner les titres proposés par les journalistes et de trouver des intertitres aux différents articles pour en faciliter la lecture.

    Entre le traitement de l'information et sa production, se trouve l'imprimerie. Sa tâche consiste en l'impression des journaux de Sidwaya. Mais, elle peut fournir des prestations à titre onéreux à tout client.

    b. La diffusion

    Sidwaya dit s'adresser à tous les Burkinabè. D'où son slogan : « Le journal de tous les Burkinabè ». Sidwaya tire à 5000 exemplaires et est diffusé sur tout le territoire national. Sa diffusion se fait à la criée, par abonnement, par dépôt dans divers points de vente.

    C. Le Pays

    Les Editions Le Pays ont été créées le 3 octobre 1991 par Boureima Jérémie Sigué. En plus du quotidien Le pays, cet organe de presse édite un hebdomadaire culturel et sportif appelé Evasion et un mensuel, le magazine Votre Santé. Nous nous intéresserons à l'organisation du journal, à sa fabrication et à sa diffusion. Puis, nous aborderons ses sources de revenus.

    1. L'organisation des Editions Le Pays

    A côté du fondateur, il y a un directeur général qui joue le rôle de directeur de publication. C'est donc le directeur général qui assume, en principe, la responsabilité des articles publiés dans le journal. Il coordonne également les activités administratives du journal. L'actuel directeur de publication s'appelle Cheick Beld'Or Sigué. En dehors de la direction générale, l'administration comprend une direction des affaires administratives et financières, une direction des ressources humaines et un contrôleur général.

    La direction des affaires administratives et financières est composée des services financier et comptable. Les services de la régie, des abonnements, des recouvrements, et de gestion des stocks relèvent du contrôleur général.

    La direction des ressources humaines est chargée du recrutement et de la gestion des carrières des agents.

    Par ailleurs, il y a une direction de l'imprimerie qui, avec la rédaction, intervient dans la fabrication du journal.

    2. La fabrication et la diffusion du quotidien Le Pays
    a. La fabrication

    Au centre de la fabrication du journal se trouve la rédaction. Elle est dirigée par un rédacteur en chef, assisté du secrétaire général des rédactions, chargé des provinces et du rédacteur en chef délégué chargé des reportages.

    Le rédacteur en chef dirige la conférence de rédaction au cours de laquelle le menu du journal est déterminé et les productions de la veille critiquées. Il n'y a pas de desk à proprement parler aux Editions Le Pays. En dehors des informations sportives dont le traitement est généralement confié à des journalistes considérés comme des spécialistes de la matière, les autres types d'informations sont collectées et traitées par tous les journalistes de la rédaction indifféremment de la matière concernée.

    A la rédaction, sont rattachés les services de saisie et de montage. Toutefois, le service des corrections relève de l'imprimerie dont le rôle est déterminant dans la fabrication du journal.

    b. La diffusion

    Les responsables du journal estiment « qu'il s'adresse à toutes les catégories socioprofessionnelles, allant de l'agent de liaison au ministre ». Le Pays est également diffusé à la criée, par abonnement et par dépôt dans les différents points de vente. Grâce aux sociétés de transport, le journal est acheminé en province.

    Ses responsables disent tirer au moins 10 000 exemplaires par jour. Le tirage évolue selon que l'on est en début ou en fin de semaine, en pleine semaine, en début ou en fin de mois. Le nombre de pages varie en fonction de l'abondance de l'actualité.

    CHAPITRE II : LES PRATIQUES RESPECTANT LA PRESOMPTION D'INNOCENCE DANS LA PRESSE QUOTIDIENNE BURKINABE

    De l'analyse de contenu, il ressort que dans la presse burkinabè il y a des pratiques respectant la présomption d'innocence. Le respect de la présomption d'innocence a été observé dans 65 articles dont 30 dans Sidwaya, 16 dans L'Observateur Paalga et 19 dans Le Pays.

    Très généralement, dans les quotidiens burkinabè, le respect de la présomption d'innocence découle de la terminologie utilisée par les journalistes pour désigner les personnes poursuivies.

    Il y a respect de la présomption d'innocence lorsqu'un article de presse présente la personne poursuivie comme un présumé coupable, un inculpé, un prévenu ou un accusé.

    L'inculpé est une personne soupçonnée d'une infraction pendant la procédure d'instruction. En France, le législateur a estimé que l'inculpation, l'acte par lequel le juge d'instruction signifie à la personne poursuivie qu'une enquête sera ouverte contre elle, n'est pas neutre. Il a donc remplacé l'inculpation par la mise en examen, considérée comme étant moins tendancieuse, par la loi de 1994 ayant réformé le Code de procédure pénale. Ainsi en France, on ne désigne plus la personne poursuivie au stade de l'enquête par le terme « prévenu », mais plutôt par l'expression «personne  mise en examen ». Tel n'est pas encore le cas en droit positif burkinabè.

    Le prévenu est une personne contre laquelle est exercée l'action publique devant les juridictions de jugement en matière correctionnelle et contraventionnelle. L'accusé, lui, est une personne poursuivie devant les juridictions criminelles.

    Outre la terminologie utilisée par les journalistes pour désigner les personnes poursuivies, on constate dans certaines illustrations d'articles traitant des affaires pénales une volonté de protéger la présomption d'innocence.

    C'est donc à travers la terminologie et les illustrations que nous aborderons tour à tour dans Sidwaya (Section I), L'Observateur Paalga (Section II) et Le Pays (Section III) les pratiques respectant la présomption d'innocence. Mais, nous tiendrons compte de la spécificité de chaque journal.

    Section I. Les pratiques de Sidwaya

    De tous les journaux étudiés, Sidwaya se distingue par une certaine régularité dans le traitement et la diffusion de l'actualité judiciaire. En effet, il tient une rubrique dénommée « Au coin du palais », qui se fait l'écho des affaires pénales tous les mercredis.

    En plus des informations publiées dans cette rubrique, Sidwaya traite des affaires judiciaires au gré de l'actualité. Ainsi, il publie, entre autres, des comptes rendus de présentations de présumés délinquants  faites par les services de la police et de la gendarmerie.

    Dans le quotidien d'Etat, nous avons recensé trente (30) articles traitant d'affaires pénales et qui, de notre humble avis, respectent la présomption d'innocence des personnes mises en cause. Ce respect tient à l'usage de mots appropriés pour désigner les personnes poursuivies, à l'emploi des initiales des personnes poursuivies, à la relation des faits après le jugement et enfin à l'illustration des articles.

    Des trente (30) articles retenus, vingt sept (27) observent le principe de la présomption d'innocence soit par la terminologie employée, soit par l'utilisation des initiales des personnes poursuivies et par la relation des faits après jugement (A). Les trois (03) autres le font à travers leurs illustrations (B).

    A. Le respect de la présomption d'innocence par la terminologie dans Sidwaya

    Dans son numéro 7227 du 3 au 6 août 2012 à la page 37, un article intitulé « Sofitex : Le chef d'usine de Banfora déféré à la Maison d'arrêt », Sidwaya prend le soin de ne pas traiter la personne mise en cause comme un coupable. Le journal a préféré utiliser le mot « prévenu ». On peut lire dans la chute dudit article : «  Cette affaire rocambolesque intervient au moment où le prévenu vient d'être relevé de ses fonctions de chef d'usine et muté à Bobo- Dioulasso ».

    Dans le numéro 7229 du mercredi 8 août 2012 à la page 37, Sidwaya se garde non seulement de citer les noms des parties au procès mais également la relation des faits n'intervient qu'après le jugement. L'information judiciaire ainsi traitée présente deux avantages du point de vue de la protection de la présomption d'innocence. D'abord, l'identification par le public de la personne poursuivie, si elle reste possible, n'est pas à la portée de tout le monde. Ensuite, la relation des faits s'achève par une décision du juge sur la culpabilité ou non de la personne poursuivie. Dans l'article ci-dessus cité, Sidwaya écrit : « De l'avis du procureur, les actes de SM étaient posés au regard du contrat qui liait les deux. Il a été condamné à 6 mois de prison ferme ». 

    Ce mode de traitement est encore perceptible dans le numéro 7262 du mercredi 26 septembre 2012 à la page 32. L'article raconte : « MK, un particulier, a réussi à escroquer une somme de près de 16 000 000 de F CFA à un Nigérian. Ce dernier, arrivé au pays pour sans doute faire des affaires au Burkina Faso, est tombé dans le piège de MK qui s'est habillé en homme d'affaires pour appâter sa victime. ». Le journal ajoute : «  MK a été condamné aux dépens, avec une obligation de rembourser plus de 20 millions dont les 16 millions de la victime, une amende de 1 500 000 F CFA, 2 000 000 F CFA de dommages et intérêts... ».

    L'usage de la terminologie appropriée pour désigner les personnes poursuivies est de rigueur dans le numéro 7291 du jeudi 8 novembre de Sidwaya à la page 32. Dans ledit article traitant de trafic d'enfants, le journal, en publiant le compte rendu d'un point de presse donné par la police, préfère, à ce stade de la procédure, au mot auteur l'épithète « présumé ». Le rédacteur de l'article donne à lire : « Les enquêtes ont permis d'interpeller 73 auteurs présumés de traite des enfants parmi lesquels 16 seront conduits devant le procureur du Faso pour répondre de leurs actes ». Dans une des légendes de cet article, il est dit : « Selon le commissaire principal de police, Idrissa Séré, tous les présumés coupables seront conduits devant le procureur du Faso ». Ici, l'emploi du mot « présumé » est révélateur de toute l'attention portée à la présomption d'innocence.

    Dans la relation du procès sur l'affaire dite de Passakongo où un conflit ethnique avait opposé Peulhs et Bwaba, Sidwaya exprime son attachement à la présomption d'innocence par l'emploi du mot « présumé » pour qualifier les justiciables appelés à la barre. L'affaire dite de Passakongo a été publiée dans Sidwaya numéro 7295 du 14 novembre, à la page 35, dans sa rubrique « Au coin du Palais ». Le journal annonce : «  Ce jour-là, on procédait à l'audition des présumés coupables de la crise dite de Passakongo ». Par ailleurs, dans le même article, le journal emprunte un autre terme au procureur, lequel terme est également protecteur de la présomption d'innocence. Il s'agit du mot « inculpé » qui désigne comme indiqué plus haut que la personne poursuivie s'est vu signifier l'infraction dont on l'accuse. Le journal cite le procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Dédougou : « Pour l'instant, le dossier est à sa phase d'enquête, et c'est pour éviter des fuites au regard du nombre important des inculpés, que nous avons pris toutes ces dispositions ». 

    Le terme prévenu est encore utilisé dans l'article publié à la page 4 du numéro 7 306 du 29 novembre 2012. Dans cet article intitulé «  Mutineries de 2011 au Burkina, dix gendarmes à la barre », le journal affirme : «  A la barre, chacun des présumés s'est défendu, tout en demandant la clémence du tribunal. ».

    En dehors du choix terminologique et de l'utilisation des initiales, le respect de la présomption d'innocence dans Sidwaya tient à l'illustration des articles traitant d'affaires pénales.

    B. Le respect de la présomption d'innocence par les illustrations des articles dans Sidwaya

    Lorsque l'on parle d'illustrations dans la presse, il s'agit de photographies, de gravures, de caricatures et de dessins de presse. Sidwaya utilise des photographies.

    La protection de l'image est fondée sur un impératif : celui de préserver la dignité humaine. Cette protection est accordée au suspect au nom de la présomption d'innocence. Mais pour toute victime qui n'est pas suspectée de la commission d'une infraction,   la protection est due au nom de la dignité humaine. C'est du moins l'avis exprimé par Christine Lazergès dans sa chronique législative publiée dans la Revue de science criminelle et droit pénal de janvier-mars 201123(*).

    Comme déjà indiqué plus haut, le droit à l'image impose que l'image d'une personne ne soit pas fixée et diffusée sans son consentement. Si l'on se tient à cette prescription, on ne parlera que rarement de respect de la présomption d'innocence par l'image dans Sidwaya et dans la presse de façon générale. La raison est que les personnes poursuivies et surtout celles présentées à la presse par la police judiciaire donnent rarement leur consentement à être photographiées.

    Mais au vrai, en publiant de telles images, Sidwaya et les autres quotidiens ne tombent pas forcément sous le coup de la loi. En effet, des exceptions existent au principe de l'autorisation préalable. Ainsi, une personne qui se trouve dans un lieu public à l'occasion d'un évènement peut être photographiée sans son consentement, à condition que la photo soit liée à l'actualité en question. La cérémonie de présentation des présumés délinquants n'est-elle pas un évènement ?

    Il reste que la publication par la presse de photos de personnes en porte à faux avec la loi peut conforter au sein du public de la presse l'idée de leur culpabilité. Consciente de cette réalité, la rédaction de Sidwaya traite ainsi l'image des personnes poursuivies de manière à rendre difficile, voire impossible, leur indentification.

    Dans Sidwaya, nous n'avons recensé que trois (03) articles dont les illustrations, plus précisément des photographies, nous paraissent respecter la présomption d'innocence. Cette faiblesse du nombre des illustrations s'explique par le fait que l'information judiciaire rapportée dans la rubrique « Au coin du Palais » n'est pas assortie d'image. En plus, bien des articles traitant d'affaires pénales sont des brèves, donc non illustrées.

    Parmi les photos, l'une ne présente pas le visage des personnes arrêtées par la gendarmerie. Une autre présente les visages en les cachant. Dans le jargon journalistique, on dit que les images sont floutées.

    La première image illustre un article du numéro 7 305 du mercredi 28 novembre 2012, à la page 19. L'article est intitulé « Arrestation de bandits : Avec de fausses immatriculations, ils détournaient des marchandises ».

    L'image présente quatre présumés faussaires en prenant le soin de « couper » la tête de chacun d'eux. Le traitement de cette photo rend impossible l'identification des personnes mises en cause. On peut alors considérer ces photos comme quelque peu respectueuses de la présomption d'innocence. En effet, l'impossibilité d'identifier les individus photographiés ne tient que pour des personnes n'ayant jamais connu les intéressés. Cela est d'autant plus vrai que l'article lui-même cite nommément les personnes interpellées, facilitant ainsi leur reconnaissance sur la photo par leur entourage.

    En dépit de ce manquement, admettons qu'il y a de la part du journal un effort dans la protection de l'innocence. C'est donc un exemple de traitement des images qui pourrait faire école.

    Dans son numéro 7 196 du jeudi 21 juin 2012, Sidwaya a présenté à la page 13, les présumés auteurs d'une contrefaçon en cachant leur visage avec une légère bande noire. C'est ce que les journalistes appellent une image floutée. Cette photo illustre un article intitulé : « Lutte contre la contrefaçon : Plus de 36 millions de faux billets de banque saisis par la police ».

    Pour la presse, cette technique atténue la possibilité pour le public d'identifier les personnes poursuivies. Force est de reconnaître que les membres de l'entourage d'une personne n'ont pas de difficulté à reconnaître l'un des leurs sur une image, soit-elle floutée. C'est dire que ce procédé est insuffisant à garantir la présomption d'innocence. Toutefois, son utilisation dénote de la volonté de l'organe de presse de ne pas sacrifier l'innocence des personnes non encore jugées coupables. Cette pratique, quoiqu'insuffisante, tend au respect de la présomption d'innocence.

    Dans l'article ci-dessus cité, Sidwaya a accompagné la photo d'une légende qui, elle aussi, répond à un souci de protection de la présomption d'innocence. Ainsi, on peut lire au bas de l'image : «  Ces quatre(4) présumés coupables seront présentés au procureur.».

    Par le traitement des illustrations, que nous jugeons d'ailleurs insuffisant, Sidwaya s'emploie tout de même à préserver la présomption d'innocence des personnes poursuivies dont il parle dans ses colonnes. Cette ambition de protéger l'innocence est beaucoup plus marquée dans le corps des articles du journal. Elle se perçoit dans la terminologie choisie pour désigner les justiciables. Le quotidien d'Etat fait usage de mots comme présumé, inculpé, prévenu et accusé. Par l'emploi de ces termes, le journal admet que les personnes mises en cause ne sont pas encore coupables et qu'elles peuvent être innocentées par le juge. C'est en principe cette conception du principe de la présomption d'innocence que le journal envoie à ses lecteurs.

    Mais qu'en est-il du respect de la présomption d'innocence dans le doyen des quotidiens burkinabè, L'Observateur Paalga ?

    Section II : Les pratiques de L'Observateur Paalga

    A la différence de Sidwaya, L'Observateur Paalga ne traite pas dans une rubrique précise les affaires pénales. Toutefois, le doyen des quotidiens burkinabè offre à ses lecteurs aussi bien des comptes rendus d'audience que des articles portant sur des présentations de présumés délinquants. Le fait de rendre compte des affaires pénales alors que le jugement de condamnation n'a pas encore été prononcé n'est pas synonyme d'atteinte à la présomption d'innocence.

    Bruno Ravaz et Stéphane Retterer, dans Droit de l'information et de la communication, énumèrent les conditions dans lesquelles une telle publication est admise. Selon ces auteurs, « quelle que soit l'approche, la publication d'informations complètes , incluant l'identité des personnes, est assurée dans l'ensemble des situations sur lesquelles le public devrait être informé : lorsque l'accusé est investi d'une fonction publique et qu'il est poursuivi pour des actes contradictoires avec sa charge, lorsqu'il jouit d'une renommée indiscutable et qu'il existe une relation entre les actes qui lui sont reprochés et les activités auxquelles il doit d'être connu, lorsque l'identité de l'accusé a été révélée publiquement par une instance officielle, que lui-même l'a dévoilée ou qu'il a accepté qu'elle le soit et enfin lorsqu'un intérêt public important le justifie24(*) .».

    Le traitement de l'information judiciaire par L'Observateur Paalga répond à certaines de ces conditionnalités. En effet, la plupart du temps les affaires judiciaires sont ébruitées ou mises à la connaissance des médias par les autorités judicaires elles-mêmes. Très souvent, les journalistes ne font que relayer ce que la police, la gendarmerie, le ministère public ou les juges du siège ont rendu public au cours d'une conférence de presse ou d'une audience. Ce sont donc des instances officielles dont parlent Bruno Ravaz et Stéphane Retterer qui « vendent la mèche » aux journalistes.

    Même informé de la commission d'une infraction par des structures officielles, L'Observateur Paalga prend un certain nombre de précautions afin de respecter la présomption d'innocence de la personne suspectée.16 articles recensés confirment notre propos. Dans ces articles, le respect de la présomption d'innocence est constaté à travers la terminologie employée par le journaliste pour désigner les personnes poursuivies ainsi que par les illustrations des articles.

    Parmi ces articles, 14 respectent la présomption d'innocence par la terminologie et 02 le font par les illustrations.

    A. Le respect de la présomption d'innocence par la terminologie employée par L'Observateur Paalga

    Dans sa livraison n° 8147 du mardi 12 juin 2012 à la page 2, L'Observateur Paalga rend compte d'une manifestation des taximen, solidaires à 11 de leurs collègues déférés à la Maison d'arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). Le journal rapporte que les 11 taximen avaient été arrêtés à la suite d'une manifestation de protestation contre l'incarcération de l'un d'entre eux. Celui-ci a eu une altercation avec un autre usager de la route après un accident et est accusé d'avoir proféré des propos outrageants aux agents de police. A son sujet, le journal s'est écarté de tout propos qui donnerait à croire que la personne mise en cause est coupable de ce dont elle est reprochée. Il a plutôt précisé : « C'est dans le strict souci d'apaiser la situation que le procureur aurait accédé à l'exigence des taximen, mais l'action juridique n'est pas éteinte ; l'enquête se poursuivrait, a -t-on entendu du côté de la Justice ». En mentionnant que l'enquête se poursuivrait, le journal donne à lire à ces lecteurs que même détenu, l'intéressé n'est pas encore coupable et que la Justice elle-même n'est pas encore convaincue des chefs d'accusation qui pèsent sur lui. C'est la raison pour laquelle elle entend poursuivre l'enquête pour mieux fonder sa religion.

    Dans sa parution n° 8 151 du lundi 18 juin 2012, à la page 10, L'Observateur Paalga traite d'une affaire pénale avec la tiraille suivante : « Prison de Ouahigouya : La foule libère un détenu ». Le journal raconte qu'un marabout provisoirement détenu à la Maison d'arrêt et de correction de Ouahigouya et soupçonné d'avoir commis un outrage à magistrat, lors d'un prêche sur les ondes de la radio Wend-Panga émettant de la même ville, a été libéré par une foule.

    En aucun moment, le journal ne présente le marabout libéré comme coupable. Il a seulement relevé que pour les faits à lui reprochés, il était jusqu'au moment de sa libération en détention provisoire, suite à un mandat de dépôt délivré à son encontre.

    Mieux, dans cette affaire, le respect de la présomption d'innocence se manifeste à travers un traitement équilibré de l'information. Si les journaux ouvrent rarement leurs colonnes aux personnes poursuivies, L'Observateur Paalga, lui, a, dans cette affaire, donné la parole au plaignant et à la personne poursuivie.

    Dans sa version des faits, le procureur du tribunal de grande instance de Ouahigouya explique que le marabout avait d'abord été convoqué en Justice avec d'autres personnes à propos d'une question d'autorité parentale. Lors de son prêche sur la radio Wend-Panga, le marabout a évoqué l'affaire. « Il a donné une version tout à fait personnelle. C'est là qu'il a commis ce qu'on appelle outrage à un magistrat. Il a qualifié le substitut Ouédraogo d'homme complètement bête, de quelqu'un qui se croit au-dessus d'eux (...) ». Par ailleurs, le procureur a estimé que la radio Wend-Panga a fourni au marabout les moyens de l'outrage et de l'injure en ouvrant ces ondes. Par conséquent, il a dit la poursuivre pour complicité. Cette lecture de faits vient remettre en cause une vieille logique qui voudrait que les médias et leurs responsables soient tenus pour auteurs principaux des délits commis par voie de presse et les auteurs des propos pour complices.

    Dans sa livraison n° 8 159 du jeudi 28 juin 2012 à la page 8, L'Observateur Paalga est revenu sur le dénouement de la même affaire. L'article portait le titre suivant : « Un an avec sursis pour le marabout de You ». On apprend que le prévenu a reconnu les faits et a écopé d'une peine d'emprisonnement avec sursis d'un an et d'une amende de 100 000 F CFA. Mais le journal ne dit pas si la complicité de la radio, comme le prétendait le procureur, a été établie ou non.

    On retiendra qu'il n'y a pas eu, dans cette affaire, de la part du journal un choix terminologique ni des commentaires qui faisaient penser que le prévenu était coupable. Ce n'est qu'après le jugement que le journal a fait état de la culpabilité du marabout, rendant compte d'une décision de Justice que la personne condamnée n'a pas contestée.

    Dans sa publication n° 8 175 du vendredi 20 au dimanche 22 juillet 2012, à la page 6, et dans la rubrique « Une Lettre pour Laye », L'Observateur Paalga annonce la mise en liberté provisoire de l'ex-Directeur général des Douanes, Ousmane Guiro, arrêté et placé en détention provisoire en janvier 2012 pour enrichissement illicite et bien d'autres griefs. C'est par la terminologie que le journal fondé par Edouard Ouédraogo se montre respectueux de la présomption d'innocence de l'intéressé. « On se souvient qu'un mandat de dépôt fut décerné contre lui par le procureur du Faso. Et depuis janvier 2012, plus rien dans le volet judiciaire sauf que le suspect déféré à la Maison d'arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), toutes les icônes de l'administration douanière seront déboulonnées sous le règne de K. Sylvestre Sam. Mais quid du prévenu Guiro ? », a écrit L'Observateur Paalga. Les termes « prévenu » et « suspect » employés par le journal signifient que l'innocence de l'intéressé est toujours intacte et seul le juge répressif pourrait la remettre en cause.

    Dans sa livraison n° 8 256 du lundi 19 novembre 2012, à la page 3, L'Observateur Paalga rend compte du « Procès de la crise intercommunautaire de Passakongo ». Dans ce compte rendu d'audience, le journal préfère au nom des parties, leurs initiales dans le but de ne pas révéler leur identité, malgré le fait que la publication des identités semble tolérée par certains auteurs. Le journal donne à lire ceci : «  C.J. et soixante-sept autres, prévenus poursuivis pour dégradations volontaires de biens et immobiliers, abattage d'animaux domestiques sans nécessité, coups et blessures volontaires au préjudice de D.M. et cinquante-cinq autres ont comparu à la barre les 15 et 16 novembre 2012. ».

    Outre l'emploi des initiales, le mot « prévenu » est utilisé à plusieurs reprises dans l'article. C'est le cas dans le passage suivant : «  En répression, vingt-deux prévenus ont été, par contre, condamnés à une peine d'emprisonnement de six (06) mois assortie du sursis à exécution chacun. Onze(11) ont écopé d'une peine d'emprisonnement de trois (03) mois fermes chacun, six (06) autres ont pris six (06) mois fermes chacun ».

    Le compte rendu de procès, comme c'est le cas de l'article ci-dessus cité, à l'opposé des textes rapportant les présentations de présumés délinquants par les officiers de police judiciaire, a l'avantage de rendre publique une décision du juge, lui qui a le monopole de la condamnation ou de la relaxe. Ainsi, lorsque l'article de presse indique que le suspect a été relaxé, il divulgue l'idée de son innocence au sein du lectorat, restaurant à grande échelle son honneur et sa considération quelque peu entamés par l'interpellation ou l'inculpation.

    De même, lorsque le journal diffuse une information sur la condamnation du prévenu ou de l'accusé, il ne viole pas non plus la présomption d'innocence puisqu'en réalité celle-ci n'existe plus. Et le journal tient cette vérité du juge à qui la loi a donné le pouvoir de dire si tel prévenu ou accusé est innocent ou coupable.

    Dans son numéro 8 275 du lundi 17 décembre 2012, à la page 23, L'Observateur Paalga annonce : «  Commune rurale de Pobé Mengao : Un conseiller municipal UPR froidement abattu ». Dans la relation des faits, L'Observateur Paalga n'a pas jugé nécessaire de taire les identités ni de l'auteur présumé de l'assassinat ni de celle de la victime.

    Mais comme nous l'avons mentionné plus haut, cette révélation des identités n'est pas forcément attentatoire à la présomption d'innocence. Bien plus, le journal n'a pas fait fi de ce droit fondamental dans le traitement de cette affaire. Alors que peu de gens auraient douté de la culpabilité du sieur Issouf Konfé au regard des faits, L'Observateur Paalga s'efforce de le désigner comme un présumé assassin et non pas déjà comme un assassin. Le journal écrit : « Alertés par les coups de feu, les gens ont accouru vers le lieu du drame pendant que le présumé assassin démarrait son véhicule en trombe (...). Le véhicule du fuyard a été retrouvé en panne vers Bourzanga. Selon notre source, le présumé assassin qui serait présentement entre les mains des forces de l'ordre n'est pas un enfant de choeur ».

    Le fait d'ajouter que le présumé auteur n'est pas un enfant de choeur n'est pas moins tendancieux. Mais, ce bout de phrase ne devrait pas altérer la volonté du journal de protéger l'innocence de la personne mise en cause. En considérant cette dernière comme un présumé assassin, le journal voudrait-il nous rappeler que la vérité judiciaire n'est pas toujours la vérité tout court ?

    En effet, il existe en droit une panoplie d'arguments (que l'on peut tirer des faits justificatifs, des causes de non-imputabilité) qui peuvent éviter à une personne dont le sort paraît scellé, la prison ou d'autres peines plus sévères (la peine capitale par exemple). En justice, il se produit parfois des retournements de situation spectaculaires où le plaignant devient le coupable et vice-versa. Il est donc toujours bon de faire montre de précaution dans l'expression des opinions et le choix des termes pour désigner les personnes poursuivies. C'est peut-être la leçon que L'Observateur Paalga a voulu donner dans le traitement de l'article précité.

    En sus du respect de la présomption d'innocence par la terminologie utilisée pour rendre compte des affaires pénales, il existe dans L'Observateur Paalga un traitement des illustrations des articles que l'on peut considérer comme protecteur de l'innocence présumée.

    B. La protection de l'innocence par l'image dans L'Observateur Paalga

    La protection de la présomption d'innocence se décline de diverses façons. La protection du droit à l'image des personnes poursuivies constitue un aspect de la protection de leur innocence. Le principe est de ne pas fixer et diffuser la photo d'un suspect sans son consentement. C'est généralement lors des présentations de présumés délinquants que ces images sont prises. Puisque, s'agissant des comptes rendus d'audience, la possibilité pour un journaliste d'effectuer des prises de vue lors d'un procès est minime, la loi l'interdisant.

    Même concernant les photos prises à l'occasion de présentation de suspects par les officiers de police judiciaire, il est difficile d'accuser le journaliste d'atteinte à la présomption d'innocence. Celui-ci pouvant se prévaloir d'une exception au principe : lorsque la personne photographiée se trouvait dans un lieu public, son autorisation n'est pas requise si la photo prise est relative à l'actualité.

    Qu'à cela ne tienne, une certaine opinion continue de considérer que la publication des photos à visage découvert de personnes poursuivies constitue une atteinte à leur innocence.

    A travers les articles étudiés, on voit que L'Observateur Paalga procède à un traitement des photos qui tient compte de ce droit fondamental de l'Homme. Deux articles comportent des photos qui corroborent nos propos.

    La technique utilisée par L'Observateur Paalga consiste à cacher les visages des personnes interpellées par une bande noire. Dans le numéro 8 280 du lundi 10 septembre 2012, à la page 4, le journal fait état de l'arrestation de deux réseaux de présumés délinquants. Les photos des deux groupes de suspects sont placées côte à côte, le visage de chacun d'eux étant traversé par une bande noire. Il est vrai que malgré une telle disposition, les personnes photographiées peuvent être identifiées par leur entourage. Toutefois, cette identification demeure presque impossible à toute personne étrangère aux intéressés.

    Dans son numéro 8 820 du lundi 24 décembre 2012, L'Observateur Paalga rapporte que des cybercriminels ont escroqué la somme de 18 millions. La photo du groupe d'individus arrêtés par la gendarmerie présente huit personnes difficiles à identifier. Cela est dû à la bande noire placée sur chaque visage.

    C'est seulement dans les deux articles cités que nous avons pu constater un traitement de l'image respectueux de l'innocence dans L'Observateur Paalga.

    Ce nombre s'explique par le fait que certains articles, notamment les faits divers et les brèves contenus dans la rubrique « Une lettre pour Laye» et même les comptes rendus des audiences ne sont pas illustrés. La plupart des articles illustrés portent sur des présentations de présumés délinquants par les services de police et de gendarmerie. Même pour ce type d'articles, bon nombre d'illustrations ne montrent pas les personnes poursuivies. La plupart des photos sont soit celles des premiers responsables de forces de sécurité dont les agents ont réussi à mettre aux arrêts les suspects, soit celles montrant le matériel et biens saisis entre les mains des personnes mises en cause.

    L'article publié à la page 12 du n° 8 242 du lundi 29 novembre 2012 et titré : « SONAPOST Sidéradougou : Le receveur et le gardien tués » est un fait divers, sans aucune illustration. C'est également le cas de l'information portant sur « Commune rurale de Pobé Mengao : Un conseiller municipal UPR froidement abattu » et publiée dans le numéro 8 275 du lundi 17 décembre 2012. Ce fait divers n'est pas illustré. La brève contenue dans « Une lettre pour Laye », à la page 6 du numéro 8 175 du vendredi 20 au dimanche 22 juillet 2012 et rapportant la liberté provisoire accordée à l'ex-directeur général des Douanes, Ousmane Guiro, n'est pas assortie d'illustration.

    L'article portant le titre « Enrôlement de mineurs à Ouahigouya : une enquête est ouverte » et publié à la page 7 du numéro 8 187 du mercredi 8 août 2012 comporte de nombreuses illustrations. Mais aucune d'entre elles ne montre les personnes suspectées de fraude électorale. Au contraire, on reconnaît sur les différentes photos, le substitut du procureur près le Tribunal de grande instance de Ouahigouya, le commissaire régional de la CENI au Nord et deux opérateurs de kits, considérés comme des témoins.

    Il y a une absence remarquable de photos de personnes poursuivies si bien que l'on se demande si le journal les aurait présentées à visage découvert ou non. Mais on pourrait interpréter le nombre insignifiant des photos des suspects dans les colonnes du journal comme une autre forme de respect de la présomption d'innocence. Tous ces articles ne montrant pas les photos des personnes soupçonnées de la commission d'infractions, ont déjà été répertoriés comme respectant la présomption d'innocence par l'usage de la terminologie. Si l'on devrait créer une catégorie les concernant, ils seront comptabilisés doublement.

    A travers l'étude de plusieurs numéros de L'Observateur Paalga, on constate un mode de traitement de l'actualité judiciaire respectant la présomption d'innocence des personnes poursuivies. Le choix des terminologies désignant les suspects, certaines illustrations d'articles ou même l'absence des photos de personnes poursuivies dans certains articles procèdent de la protection de l'innocence présumée.

    Quid du quotidien Le Pays ?

    Section III : Les pratiques du quotidien Le Pays

    Dans le quotidien privé Le Pays, tout comme dans les deux premiers journaux étudiés, le respect de la présomption d'innocence tient au choix judicieux de la terminologie et du traitement des illustrations d'un certain nombre d'articles portant sur des affaires pénales.

    L'étude a relevé dix-neuf (19) articles témoignant du souci d'observance du principe de la présomption d'innocence de Le Pays. Parmi ces articles, 17 emploient des termes de nature à respecter l'innocence présumée alors que deux (2) seulement marquent l'attachement du journal à ce principe par les illustrations.

    A. Le respect de la présomption d'innocence par la terminologie dans Le Pays

    Comme déjà indiqué, il ressort de l'analyse de contenu du corpus composé de journaux parus entre juin et décembre 2012 que 17 articles, de par la terminologie utilisée, peuvent être considérés comme l'expression d'un mode de traitement de l'information prenant en compte la présomption d'innocence.

    Dans le numéro 5 132 du 13 juin 2012 à la page 9, Le Pays affiche le titre suivant : « Braquage de la BCB à la Patte-d'oie, un présumé complice aux arrêts ». Le braquage dont il est question dans cet article avait été attribué à un militaire radié du nom de Romuald Tuina qui, arme au poing, aurait menacé les agents et emporté une somme d'argent dont le montant n'a pas été révélé. En apportant l'information sur l'arrestation du présumé suspect dans sa rubrique « On en parle », le journal fait usage d'un adjectif qualificatif (présumé) qui laisse presqu'intacte l'innocence de la personne arrêtée et celle du sieur Tuina, toujours en cavale au moment de la publication de l'article. Le Pays affirme : « Il s'agit de l'arrestation d'un présumé complice des présumés braqueurs à savoir Romuald Tuina et son acolyte Hamadé Sawadogo dit Mélo ».

    Dans sa parution numéro 5145 du 2 juillet 2012 à la page 27, et dans la rubrique « Confidences de week-end », Le Pays fait cas de l'inculpation de treize(13) personnes dans l'affaire dite des tueries de Guénon. Le journal en parle dans un filet d'une trentaine de lignes portant le titre : « Tuerie de Guénon : treize personnes inculpées dont le Pê Soura ». En utilisant le terme inculpé, le journal indique que les personnes concernées ont été informées par la Justice des faits qui leur sont reprochés. Il s'agit d' « assassinats, coups et blessures volontaires, destructions volontaires de biens mobiliers et immobiliers par l'effet d'incendie ou de substances incendiaires, vols aggravés, abattages domestiques et sans nécessité, incitation et complicité d'incitation à la commission de faits ». Le journal conclut : « Les prévenus encourent des peines allant de 3 ans de prison ferme à la peine de mort ». L'emploi aussi du mot « prévenu » assure aussi la préservation de ce droit fondamental qu'est la présomption d'innocence.

    Dans son numéro 5 207 du lundi 1er octobre 2012, Le Pays publie à sa page 31 un article sur la condamnation d'un journaliste pour diffamation. « 3 mois de prison ferme pour le directeur de publication de L'Ouragan ». Tel est le titre de l'article. Le journal désigne le sieur Lohé Issa Konaté par le terme accusé. Ainsi on peut lire : « Lohé Issa Konaté a été accusé d'avoir publié des écrits diffamants à l'encontre du professeur Laurent Bado (...).  L'accusé, selon des sources judiciaires, n'a pas répondu présent à la barre ».

    L'intéressé était poursuivi devant une juridiction correctionnelle. Il était avant sa condamnation un prévenu et non un accusé. Mais cette erreur terminologique commise par le journal n'est pas synonyme d'atteinte à la présomption d'innocence. Le journal n'a pas dans des termes explicites traité le sieur Konaté de coupable. Il l'aurait fait qu'il ne serait pas en erreur, puisque c'est le juge qui a décidé ainsi.

    Dans sa livraison numéro 5 227 du mardi 30 octobre 2012, le journal à sa page 26 publie un reportage sur le procès de l'affaire dite « Manifestation de Tonkar ». Le journal explique que le procès concerne le volet correctionnel de l'affaire, l'aspect criminel restant pendant. Les trente-quatre (34) personnes poursuivies sont vues par le journal comme des « prévenus » que le procureur tient pour « coupables » des faits à eux reprochés.

    Mais dans l'un des intertitres de l'article précité, le journal formule : « 4 accusés relaxés ». Le terme n'est pas exact, la procédure se déroulant devant une juridiction correctionnelle. Il s'agit plutôt de prévenus relaxés. Tout compte fait, cette méprise n'est pas préjudiciable à la présomption d'innocence des personnes concernées.

    Au contraire, le journal la respecte. Le passage suivant du même article le montre bien : « A la question de savoir s'il y a des suspects par rapport à l'assassinat de Vorgane Francis Kambou et des cinq autres crimes liés à la crise, le procureur a indiqué qu'il y a même des coupables et non des suspects ». Comme on le constate, alors que le journaliste parle de suspect, c'est le procureur qui qualifie déjà les personnes mises en cause de coupables. Il faut mettre cela au compte de son rôle de vigie de l'ordre social.

    Dans son numéro 5 240 du lundi 19 novembre 2012 à la page 31, Le Pays formulait le titre suivant : « Conflit intercommunautaire de Passakongo : Des peines de prison ferme pour 21 accusés ». Il faut tout de suite souligner l'inexactitude du mot « accusé ». Les personnes visées par la procédure comparaissaient devant un tribunal correctionnel si bien qu'à leur sujet on ne peut pas parler d'accusés.

    Toutefois, cette erreur n'entame pas la présomption d'innocence des personnes poursuivies. D'ailleurs, plus loin dans ledit article, le journal leur restitue leur statut authentique : celui de prévenu, assurant par cette terminologie appropriée la protection de leur innocence présumée, laquelle a été combattue par le juge répressif.

    Dans cet article, le journal rapporte : « Six prévenus ont écopé chacun de six mois ferme, et onze autres devront purger chacun la peine de trois mois ferme. Le tribunal a requalifié les faits à l'encontre de certains prévenus, a également condamné vingt- deux autres personnes à six mois assortis de sursis à exécution et relaxé 15 autres des fins de la poursuite au bénéfice de doute. ».

    En utilisant déjà le terme prévenu, Le Pays apporte un correctif à l'erreur que comportait le titre de l'article. Mais au-delà, en mentionnant que certains prévenus ont été relaxés au bénéfice du doute, le journal fait ici allusion à une implication de la présomption d'innocence. Ce principe met, en principe, la charge de la preuve sur la partie poursuivante. Lorsque les éléments de preuve que celle-ci apporte ne peuvent pas combattre l'innocence de la personne poursuivie et donc établir sa culpabilité, la loi oblige le juge à relaxer le suspect.

    S'agissant toujours des articles respectant la présomption d'innocence par la terminologie adéquate, on peut également citer celui paru à la page 6 de Le Pays numéro 5 246 du mardi 27 novembre 2012 : « Mutineries de 2011 : le premier procès s'ouvre ce matin ». Le journal informe : « Le tout premier procès de mutins présumés est prévu pour s'ouvrir, en principe, ce 27 novembre 2012, à partir de 8 h dans la salle d'audience de la Justice militaire sise à Ouagadougou. Selon nos sources, ce premier procès va commencer avec un groupe de 25 mutins présumés. ».

    Alors que dans l'opinion, on désigne ces militaires comme des mutins, Le Pays prend des précautions dans le traitement de l'information les concernant, en montrant qu'ils sont des « présumés mutins ». C'est donc une belle leçon de procédure pénale que le journal donne à ses lecteurs.

    Le procès annoncé dans l'édition précitée du journal a fait l'objet d'un reportage dans le numéro 5 247 du mercredi 28 novembre 2012, à la page 2. Dans cet article, le journal a utilisé à propos des personnes visées par la procédure, le mot « inculpé ». Au vrai, la procédure n'était plus au stade d'inculpation si bien que le mot « inculpé » n'est pas exact, mais cette inexactitude n'est pas préjudiciable aux suspects.

    Selon, le journal, les personnes poursuivies ont été condamnées à des peines allant de 5 à 6 ans de prison ferme et au paiement de dommages et intérêts. Le journal ajoute que les avocats des personnes visées ont décidé de se pourvoir en cassation. Par cette précision, le lecteur devra comprendre que la décision rendue n'est pas encore définitive et qu'elle peut changer dans le sens de la relaxe des suspects. En évoquant indirectement une telle possibilité, le journal se montre respectueux de la présomption d'innocence.

    Outre le respect de la présomption d'innocence par la terminologie, les illustrations de certains articles du quotidien Le Pays constituent les signes de l'observation de ce principe par ledit journal.

    B. Le respect de la présomption d'innocence par les illustrations dans Le Pays

    Au journal Le Pays, tout comme dans les deux autres journaux, la photo demeure la seule forme d'illustration des articles. Le nombre des articles illustrés par les photos des personnes poursuivies n'est pas élevé. En tout cas, nous n'avons recensé que deux articles dont les photos, à notre avis, ont été traitées de manière à sauvegarder la présomption d'innocence des individus concernés.

    Le premier article a été publié dans le Pays numéro 5 143 du jeudi 21 juin 2012, à la page 2. A la une de ce numéro est affichée la photo de quatre individus accusés, selon les termes du journal, de « trafic de faux billets de banque ». La même photo est reprise dans l'article. En face des suspects, sont exposés un certain nombre de biens saisis entre leurs mains.

    Rien n'indique que le journal a obtenu ou non l'autorisation des personnes mises en cause avant de les photographier. Mais si l'on s'en tient à l'une des exceptions du principe de l'autorisation préalable, qui permet de passer outre ce consentement si la ou les personne(s) photographiée(s) se trouve(ent) au centre d'une actualité, il est difficile de reprocher au journal une quelconque atteinte.

    Mais le traitement que le journal fait de la photo est la manifestation de son souci ou de son insouciance vis-à-vis du principe de la présomption d'innocence. Dans la photo publiée dans l'article ci-dessus évoqué, le journal a posé des bandes noires sur les visages des personnes photographiées. Cette technique de traitement des photos n'empêchera pas que des proches des individus suspectés de la commission d'une infraction les identifient. Et même dans ce cas, ajoutons qu'en l'absence même d'une publication quelconque par un journal, il est rare que l'entourage de la personne poursuivie ne soit pas informé de son arrestation ou de son inculpation. C'est dire que cette possibilité pour les proches de reconnaître l'un des leurs sur une photo est peu attentatoire à l'innocence présumée.

    Mais en bandant les visages des personnes photographiées, si le grand public n'arrive pas à reconnaître les intéressés, on doit reconnaître un effort dans la protection de l'innocence. Le Pays, dans l'article de la page 2 du numéro 5 138 du jeudi 21 juin, en plus du traitement de l'image, écrit la légende suivante : « Les présumés faussaires devant leur butin et le matériel ». L'emploi du terme « butin » dans la légende est tendancieux parce que par définition, le butin est le produit d'un vol. Mais en parlant de « présumés faussaires », le journal demeure dans une logique de protection de l'innocence.

    On perçoit la même logique dans le traitement des photos dans l'article de la page 28 du numéro 5 143 du jeudi 28 juin 2012. Il s'agit de la photo d'individus accusés de « fraudes de ciment ». Sur les visages des trois présumés faussaires, le journal a placé des bandes noires.

    A l'instar des autres journaux, dans le quotidien Le Pays le nombre des articles assortis des photos des personnes arrêtées ou poursuivies et respectant le principe de la présomption d'innocence n'est pas élevé. Cela s'explique d'une part par le fait que certaines informations sur l'actualité judicaire ne sont pas illustrées et d'autre part par la non-publication des photos des suspects dans les comptes rendus d'audience.

    S'agissant des articles respectant la présomption d'innocence mais non illustrés, ils sont publiés dans les rubriques telles que « On en parle » (exemple de l'article de la page 6 du numéro 5 246 du mardi 27 novembre) ; « Confidences du week-end » (exemple de l'article de la page 33 du numéro 5 207 du lundi 1er octobre 2012)

    Concernant les comptes rendus non illustrés par les photos des personnes poursuivies, on peut citer l'article paru à la page 31 du numéro 5 240 du lundi 19 novembre. Ce compte rendu d'audience sur le « Conflit intercommunautaire de Passakongo » montre deux photos avec les légendes suivantes : « Pour avoir la vie sauve, certains membres de la communauté ont fui Passakongo » et « Plusieurs habitations comme celle-là ont été soit détruites, soit saccagées ou incendiées ». Les photos des personnes poursuivies n'ont pas été publiées.

    C'est le cas de l'article sur le procès dit de la « Manifestation de Tonkar » publié à la page 26 du numéro 5 227 du mardi 30 octobre 2012. Une seule photo qui n'est pas celle des prévenus illustre l'article avec la légende suivante : « Une partie du public suivait le procès hors de la salle grâce à la sonorisation ».

    Même certains comptes rendus de présentations de personnes arrêtées par les officiers de police judicaire, quoique illustrés, ne comportent pas les photos des suspects. A titre d'exemple, on peut relever l'article de la page 25 du numéro 5140 du lundi 25 juin 2012. L'article qui fait état du démantèlement d'une fabrique de liqueurs frelatées au secteur 30 de Ouagadougou n'affiche pas les photos des personnes arrêtées. Les deux illustrations sont composées de deux photos. L'une est celle du commissaire de police dont les agents ont arrêté les suspects. L'autre présente « les cartons de boissons (Pastis et Gin) et quelque matériel saisi par la police », selon les termes du journal.

    L'absence de photos des personnes poursuivies dans certains articles du quotidien Le Pays peut être comprise comme une autre manière de préserver leur innocence. Toutefois, il nous a paru judicieux de ne pas regrouper ces articles dans une catégorie à part, à côté de ceux protégeant l'innocence présumée par la terminologie et le traitement des illustrations. La raison est que presque tous ces articles ont été répertoriés comme respectant la présomption d'innocence par la terminologie. On évite ainsi de les comptabiliser doublement.

    Dans le quotidien privé Le Pays, le respect de la présomption d'innocence est assuré dans le traitement de l'information. A travers les articles sélectionnés, on constate de la part du journal un usage adéquat des termes pour désigner les personnes poursuivies. En plus, les photos des suspects, lorsqu'elles sont publiées, sont traitées de façon à réduire la possibilité d'identifier les personnes photographiées.  

    L'observance du principe de la présomption d'innocence est une réalité dans la presse quotidienne burkinabè, du moins dans les journaux qui ont fait l'objet de notre étude, à savoir Sidwaya, L'Observateur Paalga et Le Pays. Toutefois, il subsiste dans ces journaux des atteintes à la présomption d'innocence.

    Tableau récapitulatif des articles respectant la présomption d'innocence dans la presse quotidienne burkinabè

     

    Sidwaya

    L'Observateur Paalga

    Le Pays

    Nombre d'articles respectant la présomption d'innocence par la terminologie

    27

    14

    17

    Pourcentage

    90

    87,5

    89,47

    Nombre d'articles respectant la présomption d'innocence par l'image

    3

    2

    2

    Pourcentage

    10

    12,5

    10,53

    Total des articles respectant la présomption d'innocence

    30

    16

    19

    Pourcentage total

    100

    100

    100

    Source : Conçu par l'auteur

    CHAPITRE III : LES ATTEINTES A LA PRESOMPTION D'INNOCENCE DANS LA PRESSE QUOTIDIENNE BURKINABE

    D'abord, il est bon de déterminer ce qui peut être considéré comme une atteinte à la présomption d'innocence.

    L'ancien bâtonnier du barreau de Paris, Me Christian Charrière- Bournazel a publié en août 2007 dans Combat d'un bâtonnat, une communication sur la « présomption d'innocence et liberté d'expression », qu'il a présentée auparavant dans un colloque organisé par l'Alliance Française. L'avocat affirme : « (...) le journaliste qui, avant le jugement de condamnation, rend compte d'une affaire à ses débuts ou d'une affaire en cours en faisant état des soupçons qui peuvent donner à penser qu'une personne est coupable, peut être poursuivi immédiatement pour diffamation.».

    Bien des atteintes à la présomption d'innocence s'assimilent donc au délit de diffamation. Mais la diffamation n'est pas toujours synonyme de violation de la présomption d'innocence. « Une affaire où le journaliste avait accusé le directeur d'une entreprise minière d'avoir effectué des embauches anarchiques et népotistes25(*) » avait été jugée par la Cour d'appel de Ouagadougou comme étant une diffamation (C.A. Ouagadougou, Arrêt n° 41 du 26 juin 1992, inédit). Mais le chef d'entreprise n'ayant pas été présenté comme coupable d'une infraction avant la fin d'une procédure judicaire mise en branle contre lui, la diffamation dont il est question n'emporte pas violation de la présomption d'innocence.

    Outre la diffamation, l'atteinte au droit à l'image constitue une autre manifestation de la violation de la présomption d'innocence. A ce sujet, le Conseil supérieur de la communication (CSC) dans son rapport public 2011 fait remarquer : «  Les écrits jugés attentatoires au respect de la présomption d'innocence et/ou au droit à l'image sont relatifs surtout à la publication de l'identité et de l'image à visage découvert d'individus interpellés par la police. Ces prévenus sont le plus souvent présentés à l'opinion comme étant des coupables et traité de manière humiliante et dégradante, alors qu'aucun tribunal n'a établi leur culpabilité. ».

    La publication des identités ou des photos de personnes poursuivies par la Justice ne constitue pas en soi une atteinte à la présomption d'innocence. C'est plutôt le fait de présenter ces personnes comme des coupables qui est attentatoire à la présomption d'innocence. C'est encore la terminologie employée par les journalistes qui peut porter atteinte à l'innocence présumée. C'est donc à travers l'usage de la terminologie que nous avons relevé dans la presse quotidienne burkinabè les cas d'atteinte au principe de la présomption d'innocence.

    S'agissant de la publication des photos, nous avons déjà souligné que la presse peut s'appuyer sur certaines exceptions du principe de l'autorisation préalable pour justifier la diffusion des photos de personnes poursuivies et non encore jugées. Ainsi, à titre exceptionnel, il est admis la publication des photos d'une personne se trouvant au centre de l'actualité, sans son autorisation.

    Malgré la brèche ouverte par cette exception, il existe des dispositions qui imposent aux journalistes un certain traitement des images des personnes poursuivies. Depuis la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse en France, il est interdit de présenter la personne poursuivie dans une image de façon à rendre visible ses menottes, ses entraves ou les conditions de sa détention provisoire (art.35 ter). En l'absence d'un texte pareil dans notre droit positif, le juge burkinabè pourrait s'inspirer de la jurisprudence française y relative.

    Néanmoins, dans le souci de préserver la présomption d'innocence, l'organe burkinabè de régulation des médias, le CSC, conseille de flouter les images des suspects26(*). Dans la présente étude, nous avons considéré les photos non floutées comme violant la présomption d'innocence des personnes poursuivies.

    C'est à travers les termes qui présentent les suspects comme des coupables et les photos non floutées que la presse quotidienne burkinabè porte atteinte à la présomption d'innocence.

    Les atteintes a la présomption d'innocence ont été relevées dans 32 articles de la presse quotidienne étudiée, dont 6 dans Sidwaya(Section I), 9 dans L'Observateur Paalga (Section II) et 17 dans Le Pays (Section III).

    Section I : Les atteintes à la présomption d'innocence dans Sidwaya

    Sur la période étudiée, sept (7) articles publiés dans Sidwaya nous paraissent attentatoires à la présomption d'innocence. Le caractère préjudiciable de ces quatre (4) articles résulte de la terminologie employée par le journaliste pour désigner les personnes contre qui la procédure judiciaire a été mise en mouvement. En clair, il s'agit d'articles dans lesquels le journal traite les personnes poursuivies comme étant des coupables alors qu'un jugement de condamnation n'a pas encore été prononcé à leur égard par un tribunal compétent.

    Dans les trois autres articles, c'est le traitement des images illustrant les articles de presse qui est de nature à violer l'innocence présumée des personnes poursuivies.

    Nous traiterons successivement des deux catégories d'articles.

    A. Les atteintes à la présomption d'innocence par la terminologie dans Sidwaya

    Dans sa parution numéro 7 250 du lundi 10 septembre 2012, à la page 9, Sidwaya intitule ainsi son article : «Arrestation de malfrats à Ouagadougou : 1, 4 milliard en faux dollars saisi  ». Cet article rapporte la présentation de deux groupes de personnes arrêtées, l'un pour escroquerie présumée ; l'autre pour vol présumé par usage de pointes sous les roues des véhicules automobiles. A propos de ce dernier chef de poursuite, le journal insère l'intertitre suivant : «  Des pointes, comme « armes » de vol ». Cet intertitre et le titre de l'article sont fortement tendancieux. En traitant les personnes poursuivies de malfrats et en parlant de l'arme de vol, le journal semble déjà insinuer la culpabilité des personnes arrêtées.

    Il est vrai que dans le même article, le journal a également utilisé à plusieurs reprises le mot « présumé », plus respectueux de l'innocence. Mais, le titre de cette information, tel que formulé, subodore la culpabilité des suspects. Le titre est la vitrine de l'information. C'est lui qui donne envie de lire l'article. Ainsi, les journaux cherchent toujours des titres attrayants pour accrocher le lectorat. Mais cet objectif de séduction du lectorat peut porter atteinte à certains droits fondamentaux comme c'est le cas en l'espèce.

    Dans un autre article publié dans la rubrique « Au coin du palais » du numéro 7 257 du mercredi 19 septembre 2012, Sidwaya intitule encore son information dans des termes qui portent préjudice à la personne poursuivie. Le titre est le suivant : « Il escroque 4 millions de F CFA à son ami ». Le journal raconte : « Petit commerçant, Hamidou a fait la connaissance de Adama, un élève. En une année seulement d'amitié, Hamidou réussira à lui escroquer la somme de 4 197 977 F CFA.». Cet écrit est un compte rendu d'audience au cours de laquelle le procès a été renvoyé pour complément d'enquête. Les faits racontés n'ont pas suffi à fonder la conviction du juge. Mais Sidwaya, lui, avait déjà rendu son jugement puisque le journal affirme que la personne poursuivie a escroqué une somme d'argent. Autrement dit, elle est auteur d'escroquerie.

    L'atteinte à la présomption d'innocence tient au fait que le journal a présenté le suspect comme coupable en l'absence d'une décision de Justice le condamnant. Une action en diffamation introduite par l'intéressé contre le journal aurait prospéré. En tout cas, le journal allègue ou impute un fait pouvant porter atteinte à l'honneur et à la considération de la personne poursuivie. Telle est en substance la définition du délit de diffamation. Dans le cas d'espèce, les propos, que nous estimons diffamants, tenus par le journal à l'endroit du suspect, emportent du même coup violation de son innocence présumée.

    Dans son numéro 7 305 du mercredi 28 novembre 2012, Sidwaya relate le procès des « Cinq ex-soldats condamnés pour vol à main armée » devant le tribunal militaire. Il s'agit de militaires radiés accusés d'« association de malfaiteurs, détention illégale d'armes et de munitions de guerre, recels aggravés, complicités de vols qualifiés ». Dans sa relation des faits, le journal qualifie le groupe des personnes poursuivies de « gang » dont le cerveau, l'ex-caporal Saydou Zerbo, serait en fuite.

    Le mot « gang » renforce au sein de l'opinion le caractère criminel du groupe poursuivi. S'il n'est pas diffamant, il peut être considéré comme injurieux. Le journal, en utilisant ce terme qu'il ne prête ni aux parties ni aux juges, n'a pas tenu compte du caractère provisoire de la décision condamnant les cinq ex-soldats. Cette décision n'était pas définitive, puisque la défense a dit vouloir l'attaquer sur le fondement d'une exception d'incompétence. Elle a soutenu que le tribunal militaire ne pouvait pas juger des militaires déjà radiés.

    Dans la mesure où la décision n'était pas définitive, le journal aurait pu être poursuivi pour avoir présenté le groupe de suspects dans des termes préjudiciables à son innocence.

    A travers donc ces articles, on note au sein de Sidwaya des violations de la présomption d'innocence des personnes poursuivies. Ces violations tiennent aux termes utilisés pour désigner les suspects. Il y a aussi dans le quotidien d'Etat des cas d'atteintes à l'innocence présumée, tenant au traitement des illustrations de certains articles.

    B. Les atteintes à la présomption d'innocence par le traitement des illustrations dans Sidwaya

    Trois articles publiés dans la période d'étude contiennent des illustrations pouvant porter atteinte à la présomption d'innocence.

    Le premier est paru dans le numéro 7 196 du jeudi 14 juin 2012 à la page 13. L'article est ainsi intitulé : «  Commissariat de police de Boulmiougou : 10 malfrats dont un enfant de 12 ans dans les filets ». La photo des dix personnes alpaguées par la police les présente à visage découvert. Le journal n'a pas fait recours à la bande noire parfois utilisée pour flouter les images en pareille circonstance. De ce fait, l'article peut être considéré comme préjudiciable à l'innocence présumée des personnes poursuivies.

    Bien plus, dans la légende accompagnant l'image des suspects, le journal les qualifie de « bandits aux arrêts ». A l'étape policière de la procédure judiciaire, la formulation d'une telle légende ne tient pas compte de l'innocence. Le jugement n'étant pas encore prononcé, il aurait été convenable de traiter les personnes mises en cause comme étant des suspects ou encore des présumés bandits.

    En procédant comme il l'a fait, le journal a risqué une plainte pour diffamation ou pour injure. L'emploi du terme « bandit » dans la légende pourrait échapper à la qualification de diffamation, si l'allégation ou l'imputation d'un fait précis n'est pas retenue. Mais il y a une forte probabilité qu'il tombe dans la qualification juridique de l'injure, définie comme une expression outrageante ou méprisante qui ne renferme pas l'imputation d'aucun fait précis.

    Dans tous les cas, l'atteinte à la présomption d'innocence dans cet article est indéniable.

    Le numéro 7 228 du mardi 7 août 2012 de Sidwaya comporte à sa page 31 un article où le journal n'est pas allé au bout de sa logique tendant au respect de la présomption d'innocence. Dans cet article portant le titre « Démantèlement d'un réseau de délinquants à Ouagadougou : « Satan» et ses compagnons entre les mailles de la gendarmerie », le journal a flouté à sa manière les visages des personnes arrêtées.

    Mais les bandes cachant les visages sont très minces au point que leur effet se trouve réduit. De plus, à lire la légende des photos, on croirait que les suspects ont déjà été jugés coupables des faits à eux reprochés. En effet, le quotidien d'Etat formule successivement à propos des deux images : « Les faussaires ont été arrêtés et leurs produits confisqués » et « Ali Zida alias Satan à gauche, et les deux récidivistes en face de leur butin ».

    Par ces légendes, les atteintes deviennent nombreuses dans cet article. Elles se manifestent à la fois par les images et les termes employés. Au-delà de l'atteinte de la présomption d'innocence par les illustrations, il y a également des signes de diffamation. Dire des personnes poursuivies qu'elles sont des faussaires, donc des auteurs de faux avant tout jugement peut tomber dans la qualification de la diffamation. Le fait d'ajouter que deux des personnes arrêtées sont des récidivistes peut également comporter un risque de diffamation. Car, lorsque les faits commis remontent à plus de 10 ans, ils bénéficient de l'oubli et le journaliste est interdit d'en parler. Dans ce cas, même si les faits sont avérés, la preuve de la vérité des faits ou l'exceptio veritatis, censée disculper le journaliste est inopérante.

    L'article de la page 31 du numéro 7 228 du mardi 7 août 2012 précité, comme déjà mentionné, recèle plusieurs manifestations d'atteinte à la présomption d'innocence. Comme nous l'avons répertorié parmi les articles violant la présomption d'innocence, sa prise en compte dans une autre catégorie, nous aurait conduit à le comptabiliser doublement.

    Dans sa livraison numéro 7 291 du jeudi 8 novembre 2012, Sidwaya rapporte à sa page 32 l'arrestation d'«une présumée voleuse d'enfant ». Le visage de la dame est traversé d'une bande noire. Mais le journal présente la dame en gros plan, si bien que l'effet de la bande est insignifiant. L'identification de la dame est bien possible, même au-delà du cercle familial. Ici l'usage du « zoom » entraîne une atteinte à l'innocence présumée, réduisant presqu'à néant la technique tenant à cacher le visage du suspect par la bande noire. La photo en question n'est pas légendée.

    Tous ces exemples confirment qu'il subsiste des cas d'atteinte à la présomption d'innocence dans Sidwaya. Dans L'Observateur Paalga également, en dépit des efforts fournis pour respecter la présomption d'innocence, des atteintes audit principe demeurent.

    Section II : Les atteintes à la présomption d'innocence dans L'Observateur Paalga

    Nous avons relevé neuf(9) articles publiés dans la période d'étude, que nous estimons préjudiciables à la présomption d'innocence des personnes qui y sont mises en cause. Dans sept de ces articles, les violations au principe se manifestent par la terminologie(A) tandis qu'elles résultent de la publication de l'image des personnes poursuivies dans deux autres(B).

    A. Les atteintes à la présomption d'innocence par la terminologie dans L'Observateur Paalga

    Dans sa livraison numéro 8 144 du jeudi 7 juin 2012, à sa page 8, le journal donne à lire un fait divers intitulé de la sorte : « Secteur 30 de Ouagadougou : Un militaire tire sur sa bonne ». Au fait, il s'agit d'une manifestation de la population dudit secteur contre le meurtre présumé d'une jeune fille. Celle-ci avait été employée par un militaire en qualité d'aide-ménagère. Elle a trouvé la mort dans la cour de son employeur que la population accuse d'être l'auteur du meurtre.

    Le journal commet une faute en affirmant en titre que le militaire a tiré sur la fille de maison. Il ne prête pas cette information à aucune autorité judiciaire. Sa conviction était déjà faite sur la culpabilité du suspect. Par la publication d'une telle information, le journal viole la présomption d'innocence du suspect.

    Dans sa parution numéro 8 147 du mardi 12 juin 2012, L'Observateur Paalga annonce à sa page 27 que le militaire dont il était question dans le numéro ci-dessus évoqué a été présenté au parquet. Le journal écrit : « Comme on le sait, une jeune fille du nom d'Aicha Tassembédo, qui venait d'être employée comme bonne, a été abattue dans la nuit du 5 au 6 juin 2012 au secteur 30 de Ouagadougou par son patron qui l'aurait prise pour un voleur. ».

    A lire ce passage, on voit que le journal insiste sur la culpabilité du suspect puisqu'il continue d'attribuer le meurtre de la jeune fille à son patron qu'il ne s'empêche de nommer. En révélant l'identité du sergent Valérie Bakouan et en affirmant qu'il a ouvert le feu sur son aide-ménagère, le journal nous offre un cas parfait de violation de la présomption d'innocence. En effet, la publication de l'identité ne constitue pas en soi une atteinte à l'innocence présumée. C'est le fait de traiter le suspect comme coupable qui est attentatoire à la présomption d'innocence. Et c'est bien cette faute que L'Observateur Paalga commet dans le présent exemple.

    Dans son numéro 8 148 du mercredi 13 juin 2012, à la page 22, L'Observateur Paalga annonce : «  Braquage BCB Patte-d'Oie : Un complice arrêté ». Ce titre porte atteinte à la présomption d'innocence de deux personnes. D'abord, l'homme arrêté est un présumé complice et non pas complice comme l'a écrit le journal. La complicité n'existe que si l'infraction principale est constituée. En traitant donc l'individu arrêté de complice, le journal laisse entendre que le vol à main armée est constitué et que les sieurs Romuald Tuina et Hamadé Sawadogo en sont coupables.

    On peut lire dans cet article : «  Les investigations des gendarmes ont permis d'identifier messieurs Tuina Romuald et Sawadogo Hamadé dit Mélo, comme auteurs dudit braquage. ».

    Au vrai, une enquête de gendarmerie ne peut pas établir la culpabilité d'une personne poursuivie. Le pouvoir de condamnation ou de relaxation appartient au juge. Le journal aurait dû mentionner que la gendarmerie a identifié des présumés auteurs au cours de son enquête. En employant le mot « auteur » à cette phase de la procédure, le journal viole la présomption d'innocence des individus mis en cause.

    Une telle violation est constatée à la page 31 du numéro 8 156 du lundi 25 juin 2012. Le journal rend compte de la saisie de liqueurs frelatées par la police sous le titre suivant : « Saisie de liqueurs frelatées : Fin de vol pour Silga ». Le chapeau de l'article montre que le journal a eu, dans le traitement de cette information, peu d'égard pour la présomption d'innocence des personnes arrêtées. Ainsi, on peut lire : «  La brigade de recherches du commissariat de police de Ouaga 2000 a mis fin aux activités frauduleuses d'une bande de contrefacteurs de boissons frelatées avec à sa tête Gilbert Silga (Silga, patronyme signifiant en langue mooré épervier). Une opération menée le jeudi 21 juin 2012 au secteur 30 (Karpala) de Ouagadougou avec la collaboration de la population. ».

    Dans cet article, le journal ne prend pas de distance vis-à-vis de la version des faits tels que relatés par la gendarmerie. Il tient pour évangile le discours tenu par cette dernière au point de se convaincre de la pratique de la fraude ou de la contrefaçon par les personnes arrêtées, en l'absence de toute décision de condamnation. Il aurait parlé de fraude présumée et de contrefacteurs présumés que l'on lui reconnaîtrait une volonté de protection de l'innocence présumée. Ce n'est malheureusement pas le cas.

    Au regard des articles précédemment cités, on peut conclure que L'Observateur Paalga est parfois prisonnier du caractère plausible des faits. Ainsi, lorsque les faits dont on accuse les suspects lui semblent plausibles, le journal ne prend plus de précaution de sorte à préserver leur présomption d'innocence. Pourtant, entre l'opinion que le journal peut se faire d'une affaire pénale et la vérité judicaire, il n'y a pas toujours de coïncidence.

    Dans sa livraison numéro 8 279 du vendredi 21 au dimanche 23 décembre, le journal publie, à la page 28, un article dont le titre à lui seul est attentatoire à la présomption d'innocence d'un individu alpagué par la police. Le titre dit ceci : «  Banfora : Un voleur arrêté en pleine cérémonie funèbre ». En outre, le journal annonce « une fin de cavale pour un voleur de bicyclette (...) à Banfora ».

    Dans cet article, le journal ne se fait pas l'obligation d'employer des termes comme « suspect », « présumé », etc. pour désigner la personne appréhendée. Déjà à la phase policière, il la présente en tant qu'auteur de vol.

    Il y a dans ce cas, comme dans bien d'autres articles ci-dessus cités, une atteinte à la présomption d'innocence qui peut également recevoir la qualification de diffamation. Ainsi, en faisant croire aux lecteurs que les personnes saisies par les forces de l'ordre sont coupables en l'absence de toute décision de condamnation, le journal porte, du même coup, atteinte à leur honneur et à leur considération.

    En plus de ces atteintes d'ordre terminologique, il existe dans L'Observateur Paalga des atteintes inhérentes au traitement des photos illustrant certains articles.

    B. Les atteintes à la présomption d'innocence par l'image dans L'Observateur Paalga

    Ce type d'atteinte a été relevé dans deux articles.

    Dans le numéro 8 159 du jeudi 28 juin 2012 de L'Observateur Paalga, l'atteinte à la présomption d'innocence débute à la Une et se poursuit à la page 9. Dans ledit article, le journal rend compte d'une conférence de presse au cours de laquelle la gendarmerie a présenté aux hommes de médias un groupe d'individus qui diminueraient la quantité du ciment avant de le commercialiser.

    A sa Une, le journal affiche : « Pissy : Il cimentait ses revenus en volant les clients ». Ce titre manifeste une atteinte à la présomption d'innocence, de par les termes employés puisque le journal fait savoir que le suspect « volait » les clients alors qu'aucune décision de Justice n'a statué en ce sens.

    Pire, il montre le commerçant de ciment à visage découvert, procédant à une simulation de la manière dont il réduisait les contenus des sacs de ciment.

    Cette photo est reprise dans l'article. La violation de l'innocence présumée est aggravée par la publication de l'identité du principal suspect. En effet, la légende de la photo donne à lire ceci : «  Robert Zoundi, propriétaire du local, montrant à la presse la manière dont il procédait pour diminuer le poids du ciment »

    L'article comporte trois autres illustrations. L'une des photos présente du ciment stocké dans le magasin du commerçant avec la légende suivante : « Le magasin du fraudeur où le ciment attend d'être reconditionné ». Au stade de l'arrestation, le journal admet, en fondant sa foi sur la version de la gendarmerie, que le suspect est fraudeur, donc coupable de fraude. Il y a indiscutablement une atteinte à la présomption d'innocence, une décision de Justice n'ayant pas encore prononcé la culpabilité des personnes mises en cause.

    Dans une troisième photo, le journal juxtapose deux sacs de ciment avec la légende : « La différence entre le sac normal et celui reconditionné est vraiment nette ». Au vu de la photo, le journal paraît objectif dans la formulation de la légende.

    Toutefois, la dernière photo présente deux individus, à visage découvert, tenant un sac de ciment. La légende dit ceci : « Les complices de Zoundi avec l'objet du délit entre les mains ». Ces deux hommes peuvent se plaindre non seulement d'avoir été présentés à visage découvert mais aussi d'avoir été traités de complices tenant l'objet d'un délit. L'Observateur Paalga voudrait préserver leur présomption d'innocence qu'il les aurait qualifiés de « présumés complices avec l'objet du délit présumé entre les mains ».

    L'Observateur Paalga a également manqué de précaution dans le traitement de l'une des illustrations de l'article publié à la page 25 du numéro 8 186 du mardi 7 août 2012. L'article traite de l'arrestation de présumés contrefacteurs d'eau de Javel Lacroix.

    L'une des photos présente, à visage découvert, cinq personnes appréhendées par la gendarmerie. Déjà, par le défaut de tout traitement de l'image dans le but de rendre difficile ou impossible l'identification des personnes mises en cause, l'atteinte paraît consommée. Elle est aggravée par la légende : « Les trafiquants d'eau de javel ». Une fois de plus, L'Observateur Paalga affirme la culpabilité de personnes se trouvant au seuil de la procédure judiciaire.

    Ce type d'atteintes à la présomption d'innocence relevé dans L'Observateur Paalga a également été constaté dans Le Pays.

    Section III : Les atteintes à la présomption d'innocence dans Le Pays

    Ces atteintes se manifestent dans le traitement de dix-sept (17) articles publiés pendant la période d'étude. Dans dix (10) d'entre eux, les atteintes sont d'ordre terminologique. Les six (06) autres articles répertoriés contiennent des illustrations de nature à porter préjudice à l'innocence présumée des personnes mises en cause.

    A. Les atteintes à la présomption d'innocence par la terminologie dans Le Pays

    Nous énumérerons certains des onze (11) articles par lesquels cette méconnaissance se manifeste.

    Dans son numéro 5 133 du jeudi 14 juin 2012, Le Pays annonce à sa page 8 : « Escroquerie à Ouaga : Par la technique de l'abeille, il escroque 16 millions de F CFA. ». Rendant compte de l'arrestation par les services de la gendarmerie, d'un individu accusé d'escroquerie, le journal se montre très affirmatif sur la culpabilité du suspect alors même que la procédure judiciaire concernant cette affaire est à ses débuts. D'abord dans le titre, le journal affirme que la personne mise en cause a escroqué. Autrement dit, il a commis l'infraction d'escroquerie. Une telle affirmation, au stade de l'enquête, porte un coup à la présomption d'innocence.

    Plus loin dans l'article, le journal ajoute : «  La gendarmerie de Boulmiougou a fini par mettre la main sur l'escroc à la technique de l'abeille(...). C'est un véritable maniaque de la fourberie, du mensonge et du vol ». Tous ces termes ne sont pas loin de revêtir la qualification de diffamation ou d'injure s'il le juge répressif venait à en être saisi.

    Ce genre d'atteinte est également relevé dans Le Pays numéro 5 142 du mercredi 27 juin 2012. L'attaque de l'article publié à la page 4 de cette livraison dit : «  S'il y a une affaire qui défraie la chronique dans la cité de Naaba Kango depuis le 14 juin 2012, c'est bien l'incarcération, la libération et la réincarcération de Moumouni Nacanabo dit Youmooré, ce marabout qui, le 8 juin dernier, avait, au cours de ses prêches hebdomadaires en direct, proféré contre toute attente, des injures à l'endroit du substitut du procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Ouahigouya. ».

    Cet écrit a été publié pendant la détention provisoire de l'inculpé, poursuivi pour outrage à magistrat devant le Tribunal de grande instance de Ouahigouya. Le journal, en déclarant que le détenu a proféré des injures au procureur, lui impute la commission de l'infraction, en l'absence de toute décision de condamnation.

    Il est vrai qu'au terme de cette affaire, le marabout a été condamné à une peine d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 100 000 F CFA. Mais au moment de la publication de l'article, l'absence d'une décision de condamnation interdisait l'imputation directe et sans tempérance des faits à l'inculpé. Cette imputation aurait pu coûter au journal, dans l'intervalle entre la publication de l'article et le prononcé de la condamnation, une action en Justice.

    Le Pays aurait pu également faire face à une assignation en justice à la suite de la publication, dans son numéro 5 160 du lundi 23 juillet 2012 à la page 35, de la nouvelle suivante : « Province du Passoré : Le préfet indélicat incarcéré».Le préfet dont il est question était vraisemblablement en détention provisoire, dans l'attente d'une décision de condamnation ou de relaxe. Mais le journal affirme qu'il s'est adonné à une série d'escroquerie que son ministère de tutelle a pris l'engagement de réparer. Le journal aurait voulu préserver son innocence présumée qu'il l'aurait écrit qu'il est accusé, soupçonné ou suspecté d'une série d'escroqueries. En procédant comme, il l'a fait, le journal établit, sans en avoir la compétence juridique, la culpabilité du suspect.

    C'est malheureusement le cas dans l'un des articles publiés à la page 2 de la livraison numéro 5 219 du quotidien Le Pays. L'article porte le titre suivant : « Tribunal de grande instance de Kongoussi : 36 mois fermes requis contre un avorteur ». Si dans le corps de l'article, le journal utilise parfois le terme « prévenu », plus respectueux de l'innocence présumée, il reste que par le titre seul, le journal porte préjudice à la personne poursuivie en la qualifiant d'avorteur.

    A la chute de l'article, on apprend que l'audience a été renvoyée en délibéré. Lors de la publication, rien ne disait que la culpabilité de l'individu serait confirmée. Encore que la peine dont le journal faisait cas dans le titre n'était que requise par le procureur, le juge pouvant décider autrement. Rien donc ne justifiait l'emploi du mot « avorteur », très tendancieux, dans le titre.

    En dehors des atteintes d'ordre terminologique relevées dans Le Pays, le traitement des illustrations des articles par ce journal est parfois préjudiciable à la présomption d'innocence des personnes photographiées.

    B. Les atteintes à la présomption d'innocence par l'image dans Le Pays

    Cette méconnaissance se manifeste à travers les photos illustrant six (6) articles étudiés. Dans ceux-ci, la publication des photos des personnes poursuivies est attentatoire à leur innocence présumée.

    Dans sa livraison numéro 5 154 du vendredi 13 juillet 2012, Le Pays publie un article intitulé : « Banditisme au Burkina : Un réseau de malfrats spécialisés dans les vols à main armée démantelé ». La photo illustrant l'article présente les cinq personnes arrêtées, à visage découvert, ainsi que des motos dont la gendarmerie les accuse d'avoir volées.

    Dans cet article, l'atteinte à la présomption d'innocence des suspects s'assimile à une atteinte au droit à l'image qui impose de toujours recueillir l'assentiment de la personne dont on reproduit l'image. Même si Le Pays, tout comme les autres journaux, peuvent outrepasser cet accord de la personne photographiée si elle se trouve au centre de l'actualité, il y a un minimum de traitement que requiert l'image des personnes poursuivies. Il est fait obligation à la presse de flouter les images des suspects. Cette précaution n'a pas été prise dans l'article ci-dessus cité.

    La légende dudit article tempère quelque peu la violation en faisant observer qu'il s'agit de « présumés délinquants devant leur butin ». Mais par l'image, l'atteinte est déjà commise.

    C'est aussi le cas dans le numéro 5 163 du jeudi 26 juillet 2012 du quotidien Le Pays. A la Une, le journal affiche dans un gros plan trois personnes appréhendées par la gendarmerie. Le titre donne à lire : « Grand banditisme à Ouaga :   Trois présumés délinquants dans les filets de la gendarmerie ».

    L'article publié à la page 2 du journal contient quatre photos dont celle de la Une. La légende de la seule photo des suspects est ainsi formulée : «  Ces présumés voleurs seront bientôt conduits devant le procureur du Faso ». Mais l'atteinte est déjà marquée du fait non seulement de l'absence de la bande noire souvent destinée à flouter les visages mais aussi de l'utilisation du zoom qui rend très facile l'identification des personnes photographiées.

    Dans sa livraison numéro 5 171 du lundi 8 août 2012, Le Pays publie à sa page 15 un compte rendu d'une conférence de presse donnée par la gendarmerie. Celle-ci a présenté aux journalistes un groupe de huit (8) individus suspectés de contrefaçon d'eau de Javel Lacroix et de vols. L'article contient trois illustrations dont deux photos des suspects.

    Sur l'une d'elles, cinq des suspects sont présentés à visage découvert. Cette photo est ainsi légendée : « Cinq des huit présumés malfrats ». Sur l'autre, on voit trois des suspects à visage découvert et devant eux, du matériel que le journal dit être leur butin. Cette dernière photo a pour légende : « Trois des présumés malfrats à côté des objets volés et des bidons d'eau de Javel contrefaite ».

    Les légendes des photos des suspects sont quelque peu respectueuses de la présomption d'innocence. Toutefois, les photos elles-mêmes sont préjudiciables à ce principe, parce que n'ayant pas été floutées.

    Dans son numéro 5 193 du lundi 11 septembre 2012, Le Pays publie à sa page 15 un compte rendu d'une conférence de presse donnée par la gendarmerie. Il s'agit de l'arrestation de quatre individus accusés « d'escroquerie sur de faux dollars d'une valeur d'un milliard quatre cent millions de F CFA ».

    Deux photos illustrent l'article. L'une présente des chefs-gendarmes dont les hommes ont procédé à l'arrestation des suspects. L'autre montre à visage découvert les quatre personnes arrêtées avec la légende suivante : «Lles quatre présumés délinquants seront transférés à la MACO pour méditer sur leurs actes d'escroquerie et de vol en attendant leur prochain jugement. ».

    On peut, dans cet article, situer l'atteinte à la présomption d'innocence à deux niveaux. D'abord, par la photo qui laisse identifier aisément les personnes poursuivies dont les noms ont été cités dans l'article. Ensuite par la légende qui fait état « d'actes d'escroquerie et de vol », ébranlant ainsi l'innocence des suspects, en l'absence de toute décision de condamnation dûment prononcée par un juge compétent.

    L'étude de tous ces articles met en exergue les différentes formes d'atteintes à la présomption d'innocence même si dans la presse quotidienne burkinabè, la volonté de préserver le principe est aussi visible dans certaines productions.

    C'est qu'en réalité, les journalistes revendiquant leur liberté d'informer, ne veulent pas taire certaines affaires. Ceux-ci reconnaissent d'ailleurs qu'entre la présomption d'innocence et la liberté d'informer, la concurrence est réelle.

    Tableau récapitulatif de la répartition des articles portant atteinte à la présomption d'innocence dans la presse quotidienne burkinabè

     

    Sidwaya

    L'Observateur Paalga

    Le Pays

    Nombre d'articles portant atteinte à la présomption d'innocence par la terminologie

    4

    7

    11

    Pourcentage

    66,66

    77,77

    65

    Nombre d'articles portant atteinte à la présomption d'innocence par l'image

    2

    2

    6

    Pourcentage

    33, 34

    22,23

    35

    Total des articles portant atteinte à la présomption d'innocence

    6

    9

    17

    Pourcentage total

    100

    100

    100

    Source : Conçu par l'auteur

    Tableau récapitulatif des articles respectant et portant atteinte à la présomption d'innocence dans la presse quotidienne burkinabè

    Catégories d'articles

    Articles respectant la présomption d'innocence par la terminologie

    Articles respectant la présomption d'innocence par l'image

    Total des articles respectant la présomption d'innocence

    Articles portant atteinte à la présomption d'innocence par la terminologie

    Articles portant atteinte à la présomption d'innocence par l'image

    Total des articles portant atteintes à la présomption d'innocence

    Total par journal

    Sidwaya

    27

    3

    30

    4

    2

    6

    36

    L'Observateur Paalga

    14

    2

    16

    7

    2

    9

    25

    Le Pays

    17

    2

    19

    11

    6

    17

    36

    Total par catégorie d'article

    58

    7

    65

    22

    10

    32

    97

    Source : Conçu par l'auteur

    TROISIEME PARTIE : LA PRESOMPTION D'INNOCENCE ET LE DROIT A L'INFORMATION

    La présomption d'innocence est un droit de la personnalité, un droit de l'Homme. Ce principe vise à préserver l'honneur et la considération des personnes poursuivies par la Justice. Par personnes poursuivies, il faut entendre les personnes «soit  mises en garde à vue, soit mises en examen, soit citées à comparaître, soit visées par réquisitoire du procureur du Faso ou par une plainte avec constitution de partie civile27(*) ». Il est interdit de traiter celles-ci de coupables tant qu'une décision de condamnation n'a pas été prononcée à leur encontre par un juge compétent. La protection de la présomption d'innocence est souvent invoquée pour justifier certaines interdictions de publier. Ces interdictions conduisent à une privation de l'information au public.

    Pourtant, le droit à l'information, droit fondamental à valeur conventionnelle et constitutionnelle, oblige les journalistes et même les pouvoirs publics à pourvoir aux besoins en information de la population.

    Il en résulte entre la présomption d'innocence et le droit à l'information, une concurrence, voire un conflit (Chapitre I) que la loi, la jurisprudence, la doctrine et les professionnels du journalisme tentent de résoudre (Chapitre II).

    CHAPITRE I : DEUX DROITS FONDAMENTAUX EN CONCURRENCE : LA PRESOMPTION D'INNOCENCE ET LE DROIT A L'INFORMATION

    Des entretiens réalisés avec les responsables des journaux étudiés, il ressort qu'entre ces deux droits fondamentaux, la concurrence, voire le conflit, existe.

    De façon générale, on considère que la présomption d'innocence n'empêche pas les journalistes de traiter de l'actualité judiciaire ou même de publier l'identité de personnes poursuivies avant leur jugement, et que seuls les écrits présentant les suspects comme des coupables sont répréhensibles.

    Mais au vrai, la présomption d'innocence a motivé le législateur à imposer dans bien des cas un silence aux journalistes (Section I) en même temps qu'il lui fait obligation d'informer le public (Section II).

    Section I : La présomption d'innocence ou l'obligation de silence

    Cette obligation de silence imposée au journaliste se traduit par les interdictions de publication d'écrits (A) et d'images ainsi que de sondages concernant les personnes poursuivies (B).

    A. Les interdictions de publication d'écrits

    Ces interdictions concernent la publication des actes d'accusation et de procédure (1) ainsi que les débats d'audience et certains jugements (2).

    1. L'interdiction de publication des actes d'accusation, de procédure et d'instruction.

    L'acte de procédure est soumis à certaines formes, est effectué par un auxiliaire de justice ou un plaideur, et est destiné à entamer, alimenter, suspendre ou arrêter une instance. La citation directe par laquelle le ministère public ou la victime peut saisir directement la juridiction de jugement en informant le prévenu des coordonnées de l'audience est un acte de procédure. L'assignation est aussi un acte de procédure. La plainte avec constitution de partie civile en est également un exemple.

    Accomplis par le juge d'instruction ou par un officier de police judiciaire ayant reçu ou non une commission rogatoire, l'acte d'instruction est une mesure d'information judiciaire utile à la manifestation de la vérité. Les mandats d'amener, de dépôt et d'arrêt ainsi que les perquisitions et autres saisis sont des mesures d'instruction.

    En droit burkinabè, la publication des actes d'accusation et de procédure est interdite. Aux termes de l'article 97 al.1 du Code de l'information, « est interdite la publication des actes d'accusation et tous les autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience et ce, sous peine d'une amende de 50 000 à 500 000 francs ».

    Mais à titre exceptionnel, l'alinéa 2 de l'article précité admet que la publication est possible sur autorisation du juge d'instruction.

    Ainsi, le secret de l'instruction prévu à l'article 11 du Code de procédure pénale, a priori inopposable aux journalistes, est introduit dans la sphère médiatique par ces articles du Code de l'information. En principe, le journaliste n'est pas tenu au respect du secret d'instruction, opposable uniquement à ceux qui participent à la procédure d'instruction (juges, officiers de police judiciaire, etc.). Par conséquent, il devrait pouvoir publier ce qu'il aurait appris relativement à l'instruction. Mais le Code de l'information en son article 97 le lui interdit, surtout lorsque les faits que le journaliste entend publier sont contenus dans les actes de procédure.

    Par ailleurs, les articles 57 et 97 du Code pénal interdisent la publication des documents saisis suite à une perquisition, sans l'autorisation de la personne qui fait l'objet de la perquisition. Pour le Dr Seydou Dramé, c'est la présomption d'innocence qui justifie une telle interdiction.

    2. Les interdictions de publication de certains comptes rendus de procès et de débats d'audience.

    En principe, il n'est pas interdit de rendre compte des jugements quand ceux-ci sont publics (article 98 du Code de l'information).

    Mais l'interdiction de publication couvre les procès en diffamation, les débats des procès d'avortement, de déclaration de paternité, de divorce et de séparation de corps. Il est également interdit de rendre compte des débats de délibération des tribunaux et cours.

    L'article 99 du Code de l'information donne la possibilité aux tribunaux militaires statuant en matière de sécurité de l'Etat d'interdire, sans prononcer le huis clos, la publication de leurs débats par les moyens d'information. En imposant cette interdiction, le législateur avait sans doute été motivé par des impératifs sécuritaires, mais ce texte n'apparaît pas moins protecteur de l'innocence des personnes poursuivies devant les juridictions visées.

    Il est également interdit aux journalistes de traiter des faits délictueux dans des termes apologiques.

    Outre l'interdiction de publication des écrits, la présomption d'innocence justifie l'interdiction de publication de l'image de la personne poursuivie et de certains sondages.

    B. L'interdiction de publication des images et des sondages

    S'il y a en droit burkinabè des dispositions juridiques interdisant la publication des images (1), les textes relatifs à la publication des sondages sont soit quasiment inexistants, soit peu connus (2).

    1. L'interdiction de publication des images

    De façon générale, la fixation suivie de la publication de l'image d'une personne sans son consentement est punie par la loi.

    Le droit à l'image est protégé par les articles 371 et 372 du Code pénal, repris par les articles 90 et suivants du Code de l'information.

    L'article 371 du Code pénal punit d'un emprisonnement de deux mois à un an et d'une amende de 50 000 à 1 000 000 de francs ou de l'une de ces deux peines seulement toute atteinte à l'intimité de la vie privée, en fixant ou transmettant au moyen d'un appareil quelconque, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé, sans le consentement de celle-ci.

    Les montages réalisés avec les images et des propos d'une personne sans son consentement sont interdits à l'article 372 du Code pénal.

    Ces interdictions concernent le droit à l'image de façon générale. Mais lorsque l'atteinte au droit à l'image est causée à une personne poursuivie par la Justice, la protection est accordée en vertu de la présomption d'innocence. Cette idée est défendue par Emmanuel Dreyer. Il écrit : « Avec le souci de protéger la présomption d'innocence, le législateur a très tôt interdit la reproduction de certains actes de procédure. Plus précisément, il a interdit la diffusion de certaines atteintes à l'honneur de la personne par l'image et par sondage.28(*)».

    Pour sa part, l'article 100 de notre Code de l'information dispose que « sauf autorisation de la juridiction compétente, l'emploi de tout appareil d'enregistrement ou de cinéma ou d'appareil photographique après l'ouverture de l'audience judiciaire est interdit ». Devant les juridictions pénales, cette interdiction est destinée non seulement à assurer une bonne administration de la justice, mais surtout à protéger la présomption d'innocence des justiciables accusés de la commission d'infractions.

    En France, le nouvel article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de presse interdit la publication de l'image d'une personne « faisant apparaître, soit que cette personne porte des menottes ou entraves, soit qu'elle est placée en détention provisoire ». La violation de cette disposition a valu à Paris Match, VSD, et France Soir une peine d'amende en juin 2004, prononcée par le tribunal correctionnel de Paris29(*).

    En droit positif burkinabè, il semble ne pas exister une telle disposition, mais il n'est pas exclut que le juge national s'inspire de l'application qui en est faite par son homologue français. Déjà, le Conseil supérieur de la communication (CSC) estime qu'un reportage télévisuel montrant des prévenus menottés à visage découvert est attentatoire à la présomption d'innocence30(*).

    2. L'interdiction de publication de sondage

    L'article 35 précité interdit « le fait-soit de réaliser, de publier ou de commenter un sondage d'opinion, ou tout autre consultation portant sur la culpabilité d'une personne mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale ou sur la peine susceptible d'être prononcée à son encontre-soit de publier des indications permettant d'avoir accès à des sondages ou consultations à l'alinéa précédent ».

    Cette interdiction de publication de sondage ne semble pas explicitement prévue en droit burkinabè. Mais la jurisprudence française y relative pourrait servir d'exemple au juge burkinabè.

    La protection de la présomption d'innocence par toutes ces interdictions impose un certain silence aux journalistes à qui le public exige parfois l'entièreté de l'information, qu'elle soit judiciaire ou non.

    A propos de l'image des personnes poursuivies, les responsables des journaux étudiés disent recevoir des plaintes de la part de leurs lecteurs qui leur demandent de publier les photos des suspects à visage découvert31(*). C'est dire que le public lui-même réclame à la presse son droit à l'information.

    Section II : Le droit à l'information ou l'obligation d'informer

    Il s'agit d'examiner le contenu du droit à l'information(A) ainsi que les exigences de sa mise en oeuvre (B).

    A. Le contenu du droit à l'information

    Au plan individuel, le droit à l'information est un droit fondamental du citoyen(1). Au plan collectif, il est reconnu au public (2).

    1. Le droit à l'information, un droit fondamental

    En France, c'est d'abord le Conseil constitutionnel qui l'a consacré en se basant sur l'article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen qui permet d'assurer la libre communication des pensées et des opinions.

    Des textes juridiques internationaux ratifiés par le Burkina Faso prévoient le droit à l'information. Il s'agit entre autres de la Déclaration universelle des droits de l'Homme 1948 en son article 19 et du Pacte international sur les droits civils et politique de 1966 en son article 19 également.

    Au Burkina Faso, le droit à l'information est consacré à l'article 8 de la Constitution. Ledit article dispose : « La liberté d'opinion, de presse et le droit à l'information sont garantis. ».

    Le Code de l'information de 1993 ajoute en son article 1er : « Le droit à l'information fait partie des droits fondamentaux du citoyen. ».

    Le droit à l'information est donc un droit fondamental. Il est un attribut de la personnalité, un droit de l'Homme, au même titre que le droit à l'intégrité corporelle, le droit à l'intimité de la vie privée, le droit à l'honneur et à la considération, le droit à l'image, etc. C'est donc une prérogative reconnue au citoyen qui a droit à la communication des idées et des opinions.

    Le droit à l'information désigne également une théorie. Ses tenants préconisent d'en faire au-delà du principe de la liberté d'expression ou de communication, un droit pour tous. Sans remettre en cause les valeurs et les acquis des régimes de liberté d'expression, la théorie du droit à l'information vise à les conforter.

    Le droit à l'information est un parachèvement de la liberté d'expression définie à l'article 11 de la Déclaration française des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. ».

    La substance de cette disposition est reprise dans les préambules de nombreuses constitutions des pays francophones d'Afrique. En France, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse proclame en son article 1er : « La presse et la librairie sont libres. ».

    Le droit à l'information est également reconnu au public.

    2. Le droit à l'information du public

    Le droit à l'information prend en compte le droit du public à l'accès à l'information. En France, c'est dans le domaine sportif que le droit du public à l'information a été proclamé. En effet, des lois de 1984, de 1998 et de 1992 limitent la portée de l'exclusivité des retransmissions des compétitions sportives. Ainsi, pour les compétitions sportives d'une grande importance, la loi impose leur retransmission par des chaînes gratuites afin que le public puisse accéder à l'information. Il s'agit du droit du public à l'information sportive.

    Toujours en France, il est reconnu un droit du public à l'information sur les documents des organismes publics. Ce droit est justifié par un impératif de transparence dans la gestion des affaires publiques.

    Mais au-delà de ces aspects particuliers, de façon générale, la jurisprudence et la doctrine reconnaissent l'existence d'un droit du public à l'information. La notion de droit du public à l'information est considérée comme un outil d'arbitrage ou de résolution du conflit entre plusieurs droits de la personnalité. Ainsi, les tribunaux recourent au droit du public à l'information pour tolérer ou sanctionner une atteinte à l'intimité de la vie privée et d'autres droits de la personnalité. La divulgation des éléments de la vie privée peut rester impunie si elle est justifiée par le droit du public à l'information. Le droit du public à l'information devient alors un facteur de structuration délimitant plusieurs droits en conflit.

    Il n'est donc pas exclu que les juridictions ferment les yeux sur des atteintes à la présomption d'innocence, si celles-ci sont imposées par les nécessités de l'information du public.

    Le citoyen ou le public est donc bénéficiaire du droit à l'information dont la mise en oeuvre exige l'intervention de l'Etat et des professionnels des médias.

    B. La mise en oeuvre du droit à l'information

    Le droit à l'information est en principe un droit exigible. Il est considéré comme une créance du citoyen ou du public à l'égard de l'Etat et des professionnels des médias. Sa mise en oeuvre fait naître à la charge de pouvoirs publics (1) et des journalistes (2) certains devoirs.

    1. Les devoirs de l'Etat

    Alors que la liberté d'expression obligeait l'Etat à s'abstenir de tout acte susceptible d'entraver son exercice, le droit à l'information exige de l'Etat un interventionnisme propre à favoriser sa mise en oeuvre.

    L'Etat doit s'exécuter de certains devoirs afin de garantir le droit à l'information du citoyen ou du public. Ainsi, l'Etat doit faire de l'information un service public. Il doit également veiller au pluralisme médiatique et parfois accorder des aides aux entreprises de presse.

    Le service public est au sens matériel du terme toute activité destinée à satisfaire un besoin d'intérêt général et qui, en tant que telle, doit être assurée ou contrôlée par l'administration parce que la satisfaction continue de ce besoin ne peut être garantie que par elle. Au sens formel, le service public désigne un ensemble organisé de moyens matériels et humains mis en oeuvre par l'Etat ou une autre collectivité publique, en vue de l'exécution de ses tâches.

    Au Burkina, le service public de l'information est principalement assuré par les médias publics. En presse écrite, cette tâche est dévolue aux Editions Sidwaya. S'agissant des médias audiovisuels, cette charge a été confiée à la Radiodiffusion et télévision du Burkina et à ses démembrements.

    L'accomplissement d'une mission de service peut être délégué à un organisme privé. Cette délégation justifie en partie l'ouverture des ondes qui a occasionné la floraison des médias audiovisuels au Burkina. Le rapport 2011 du CSC fait état de plus de 140 radiodiffusions sonores et télévisions implantées sur toute l'étendue du territoire national. En 2011, près de 40 titres, toutes périodicités confondues, paraissaient au Burkina Faso. Le nombre des quotidiens électroniques s'élevaient à quatre. Mais de nos jours, ces chiffres ont sans doute évolué, positivement.

    Au Burkina, cette pluralité s'accommode d'un pluralisme des médias. En effet, les tons des médias burkinabè sont aussi divers que les médias eux-mêmes. Ce qui permet de diversifier l'information offerte au public.

    Par ailleurs, les financements accordés par l'Etat aux entreprises de presse leur permettent de faire face, un tant soit peu, à leurs charges afin de mettre l'information à la disposition du public.

    Cette nécessité de rendre l'information disponible pour le public emporte des obligations à la charge du journaliste.

    2. Les devoirs du journaliste

    Le droit à l'information du public entraîne pour le journaliste une obligation d'informer. Pour ce faire, il faut que le journaliste lui-même soit d'abord informé. Il existe en premier lieu pour le journaliste un droit à l'information. Ainsi, l'accès aux sources d'information doit lui être garanti.

    Une fois informé, le journaliste devrait en principe diffuser l'information au profit du public. Ce devoir ne peut être exécuté que si les médias et leurs professionnels remplissent au mieux les fonctions à eux reconnues.

    Selon Pr Serges Théophile Balima, Augustin Loada et Nestorine Sangaré, la presse quotidienne burkinabè remplit  les fonctions de forum civique ( en donnant la parole aux citoyens), de mobilisation sociale( en contribuant à l'engagement civique et à la participation citoyenne) et de veille, d'observation puis de contrôle des différents pouvoirs (en permettant de garantir la transparence et l'imputabilité des pouvoirs publics32(*)).

    La fonction de veille et d'observation justifie souvent l'empressement des journaux à traiter de certains sujets. Cette rapidité observée dans la publication de certaines informations s'explique également par la nature de la matière première informative. En effet, l'information est une denrée périssable que le journaliste veut vite livrer pour ne pas être dépassée par l'actualité.

    Pourtant, cette célérité dans la livraison de l'actualité est parfois attentatoire à certains droits fondamentaux tels que la présomption d'innocence.

    Par ailleurs, en matière démocratique, on reconnaît aux médias le rôle ou le pouvoir de contrecarrer les abus des gouvernants. C'est à ce titre que l'on a parlé des médias comme étant des « chiens de garde de la démocratie », selon le mot de l'ancien président américain Thomas Jefferson. Leur fonction de contrôle des pouvoirs exécutif, législatif ou judiciaire leur vaut aussi, à tort ou à raison, le qualificatif de quatrième pouvoir.

    Sur la couverture de l'ouvrage de Michael Schudson, intitulé  Le pouvoir des médias, on peut lire : « En démocratie, les médias jouent un rôle vital, notamment en contraignant les élites gouvernementales à ne pas perdre de vue les préoccupations de l'immense majorité des citoyens.33(*)».

    En exerçant convenablement leurs rôles et pouvoirs, les médias s'acquittent de leur devoir à l'égard du public. Ils le font également en accomplissant leurs missions traditionnelles qui consistent à informer, à former et à divertir.

    En récapitulatif, on constate que le droit à l'information du citoyen et du public commande aux journalistes d'être toujours sur la brèche afin que le maximum d'informations soit transmis au public.

    Pourtant, la présomption d'innocence impose aux journalistes une certaine réserve face à l'actualité judiciaire tant qu'une décision de condamnation n'est pas prononcée par le juge. A certains procès, comme c'est le cas en matière de diffamation, d'avortement ou d'atteinte à la vie privée, le journaliste ne peut y assister pour en rendre compte au public. Dans d'autres cas, il lui est interdit de rapporter les faits s'ils sont contenus dans les actes de procédure. Ces exemples illustrent le rapport conflictuel entre la présomption d'innocence et le droit à l'information.

    Il est nécessaire que soit résolu le conflit entre ces deux droits fondamentaux que sont la présomption d'innocence et le droit à l'information

    CHAPITRE II : LES SOLUTIONS AU CONFLIT ENTRE LA PRESOMPTION D'INNOCENCE ET LE DROIT A L'INFORMATION

    Les professionnels des médias, eux-mêmes, tentent de résoudre le conflit (Section I). Ces tentatives de résolution viennent s'ajouter aux solutions juridiques du conflit (Section II).

    Section I : Les tentatives de résolution du conflit entre la présomption d'innocence et le droit à l'information par les professionnels des médias

    Il est ressorti de nos entretiens avec les responsables des journaux étudiés que les hommes de médias n'entendent jamais taire une affaire pénale dans le but de protéger la présomption d'innocence. Les journalistes préfèrent en parler en prenant un certain nombre de précautions pour protéger l'innocence présumée.

    Au-delà de ces professionnels de médias, certains penseurs du domaine de la presse ainsi que des associations professionnelles de la presse proposent aux journalistes des règles de conduite générale qui, elles aussi, peuvent contribuer à résoudre le conflit entre la présomption d'innocence et le droit à l'information.

    Certaines de ces solutions relèvent de l'éthique et de la déontologie journalistiques (A). D'autres sont liées aux techniques journalistiques(B).

    A. Les solutions tenant à l'éthique et à la déontologie journalistiques

    Dans Droit de l'information et de la communication, Bruno Ravaz et Stéphane Retterer estiment qu'il est nécessaire de retenir le respect de la présomption d'innocence dans la déontologie journalistique34(*).

    Du reste, certaines règles éthiques et déontologiques du journalisme permettent de réduire les atteintes à la présomption d'innocence. Il s'agit entre autres de l'objectivité(1) et de l'exactitude (2).

    1. L'objectivité

    Henry H. Schulte et Marcel P. Dufresne considèrent l'objectivité comme le onzième commandement du vrai journaliste. Selon eux, « il ne s'agit pas de l'attitude subjective et partisane mais d'un journalisme qui allie l'exactitude et l'équité fondée sur une recherche exhaustive qui éclaire les évènements et les problèmes 35(*)».

    L'objectivité exige du journaliste une prise en compte des points de vue de toutes les parties impliquées dans une affaire. Le journaliste doit faire preuve d'objectivité dans le traitement de l'information. Et le non-respect de ce devoir pourrait nuire aux personnes dont il parle.

    A ce propos, Kristin Helmore conseille aux journalistes de déployer tous leurs efforts pour permettre à l'accusé de répondre des accusations dont le journaliste fait état dans son article. Cet auteur ajoute que lorsque le journaliste se trouve dans l'impossibilité de satisfaire à cette exigence, il doit le mentionner dans son écrit.

    Bien plus, Kristin Helmore écrit : « Le journaliste ne doit jamais oublier qu'il détient un certain pouvoir et qu'il peut, sans le vouloir, causer du tort à des innocents. Cela est particulièrement vrai lorsque les questions abordées mettent en cause le comportement de certaines personnes. Même s'il se confirme après coup qu'elle n'est pas coupable, toute personne accusée par la presse voit sa réputation ternie. 36(*)».

    L'objectivité dans le traitement de l'information pourrait donc contribuer à la protection de la présomption d'innocence. Le devoir d'exactitude, s'il est observé, aboutit au même résultat.

    2. L'exactitude

    L'exactitude impose aux journalistes d'utiliser les termes qu'il faut pour désigner les réalités et les choses décrites dans l'article. En effet, le journaliste doit faire preuve de rigueur et de précision dans le choix des termes. Toute approximation peut induire le lecteur en erreur. Il en résulterait un tort causé aux personnes impliquées dans l'article.

    Nous avons vu qu'en matière pénale, le choix inapproprié des termes peut porter atteinte à la protection de l'innocence présumée. Pour éviter ces atteintes, le journaliste du quotidien Le Pays, Séni Dabo, précédemment secrétaire général des rédactions dudit journal, a confié qu'il est toujours bon « de faire attention au choix des mots et d'utiliser l'adjectif qualificatif présumé pour désigner les individus mis en cause ».

    A L'Observateur Paalga, le rédacteur en chef, Boureima Diallo dit prendre des précautions dans le traitement de l'information judiciaire. Il affirme compter sur le niveau de connaissance des questions judiciaires par les journalistes qui en traitent37(*).

    Dans le traitement de l'information judiciaire, le devoir d'exactitude devrait conduire les journalistes à désigner la personne poursuivie comme un inculpé, un prévenu, un accusé, selon les cas, et non comme un fraudeur, un voleur ou un assassin.

    En plus des règles éthiques et déontologiques certains principes relevant des techniques journalistiques sont de nature à éviter aux journalistes les violations de la présomption d'innocence.

    B. Les solutions tenant aux techniques journalistiques

    Il s'agit de la vérification des faits et de la distanciation du journaliste vis-à-vis de ceux-ci d'une part (1) et de la suite à donner aux affaires pénales d'autre part (2).

    1. La vérification des faits et la distanciation

    Dans sa tâche quotidienne de collecte de l'information, le journaliste a recours à des sources diverses. Malgré, la confiance qu'il peut accorder à ses sources, le journaliste doit toujours douter de la véracité des informations reçues. Il ne doit donc jamais publier une information sans procéder à sa vérification.

    Le devoir de distanciation du journaliste vis-à-vis des faits signifie que celui-ci ne doit pas se faire prisonnier des faits bruts relatés par une source. En prenant les faits collectés auprès des sources pour parole d'évangile, le journaliste court le risque de se voir trompé et d'induire son public en erreur.

    Ce devoir de vérification et de distanciation implique que le journaliste doit lui-même pousser l'investigation afin de fonder sa foi ou de déceler des contrevérités racontées par les sources.

    Ainsi, en matière de protection de la présomption d'innocence, cette vérification des faits évite aux journalistes d'entériner les accusations non encore fondées portées à l'encontre des personnes poursuivies.

    La protection de l'innocence présumée nécessite qu'une suite soit donnée aux affaires pénales.

    2. La suite à donner aux affaires pénales

    En traitant des critères de la qualité journalistique dans son ouvrage intitulé ABC de la presse écrite, Kristin Helmore suggère aux journalistes de toujours donner une suite à leurs articles. « Gardez toujours en mémoire le travail effectué sur vos articles. Vous pourrez en avoir besoin pour les travaux ultérieurs sur le même sujet », conseille l'auteur aux professionnels des médias.

    La suite à donner aux affaires pénales est importante dans la mesure où elle permet de savoir ce qu'il est advenu d'une accusation formulée à l'encontre d'un individu. En effet, il s'agit pour le journaliste de suivre les traces d'une arrestation ou d'une inculpation et d'indiquer dans un autre article que la procédure a abouti à la condamnation ou à la relaxe de la personne mise en cause.

    A ce sujet, le rédacteur en chef de Sidwaya, Alassane Karama, estime qu' « il faut suivre les affaires pénales jusqu'au procès. Du moment où l'on a annoncé qu'une personne est arrêtée, il faut qu'on puisse informer plus tard de son innocence ou de sa culpabilité. C'est une insuffisance de notre part, si l'on n'arrive pas à suivre jusqu'au jugement. ».

    Outre ces solutions tenant à l'éthique et à la pratique journalistiques, le respect de la règlementation pourrait contribuer à concilier la présomption d'innocence et le droit à l'information. La charte du journaliste burkinabè mentionne en son article 12 : « Le respect du droit des personnes à la vie privée et à la dignité humaine, en conformité avec les dispositions nationales et internationales en matière de droit concernant la protection des individus et interdisant la diffamation, la calomnie, l'injure, l'insinuation malveillante, fait partie intégrante des normes professionnelles du journaliste burkinabè. 38(*)».

    Au vrai, la loi elle-même propose des solutions au conflit entre la présomption d'innocence et le droit à l'information.

    Section II : Les solutions juridiques au conflit entre la présomption d'innocence et le droit à l'information

    La loi prévoit aussi bien des solutions gracieuses ou moins contentieuses(A) que contentieuses (B) au conflit entre la présomption d'innocence et le droit à l'information.

    A. Les solutions gracieuses ou moins contentieuses

    Ce sont des mesures prévues par le législateur dans le but de prévenir ou de faire cesser une atteinte à la présomption d'innocence. Dans certains cas, ces mesures peuvent être mises en oeuvre en l'absence de tout procès, donc sans l'intervention du juge. C'est le cas de l'exercice du droit de réponse et de rectification (1). Dans d'autres cas, c'est le juge qui ordonne les mesures et, parfois dans le cadre d'une procédure de référé la saisie du journal et le droit d'insertion d'un communiqué (2).

    1. Les droits de réponse et de rectification
    a. Le droit de réponse

    « Le droit de réponse peut se définir comme la possibilité pour une personne mise en cause, sous un faux jour, dans un périodique ou dans l'audiovisuel de répondre dans le même organe d'information à l'auteur de l'article ou des propos la mettant en cause.39(*) »

    Ainsi, une personne, dont l'honneur et la considération sont atteints du fait qu'elle a été présentée comme coupable d'une infraction, peut exercer le droit de réponse.

    Le droit de réponse est prévu à l'article 71 et suivants de notre Code de l'information. Si en droit français, la jurisprudence admet que l'on peut répondre même à des propos élogieux, en droit burkinabè, le droit de réponse suppose que l'honorabilité de certaines personnes est atteinte. Il s'agit des personnes physiques, de personnes morales et de la personne décédée lorsque la mémoire du défunt est ternie.

    Celui qui exerce le droit de réponse doit pouvoir justifier d'un intérêt ou d'un préjudice.

    Au Burkina, le Code de l'information n'a pas indiqué explicitement le délai d'expiration du droit de réponse subséquent à un écrit bien déterminé. Face au mutisme de la loi, certains auteurs dont le Dr Seydou Dramé, estiment qu'il « paraît logique de dire qu'il est de trois mois, durée égale au délai de prescription des délits de presse ».

    Le délai de publication de la réponse, une fois transmise au directeur de publication, est d'une semaine à compter de la réception pour les quotidiens. Pour les autres périodiques, la réponse doit être publiée dans le numéro suivant.

    L'article 75 du Code de l'information fait obligation au journal ayant reçu la réponse de la publier à la même place et dans les mêmes caractères que l'article qui l'a suscitée.

    En presse écrite, la longueur ne doit pas dépasser le double de l'article auquel elle réagit. Pour les médias audiovisuels, la réponse ne saurait durer plus de cinq minutes.

    En cas de refus d'insertion de la réponse ou de retard non justifié, le tribunal dispose de 15 jours à compter de la plainte ou de la citation pour condamner le diffuseur. Il s'agit d'une amende variant entre 15 000 et 150 000 F CFA.

    La publication de la réponse peut être refusée lorsque la réponse est de nature à porter atteinte à la sécurité et aux intérêts du pays; lorsqu'elle est contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs ou répréhensible par elle-même ; enfin lorsqu'une réponse a été déjà publiée à la demande d'une autre personne autorisée à le faire.

    Outre le droit de réponse, la victime d'une atteinte à la présomption d'innocence peut exercer un droit de rectification s'il remplit certaines conditions.

    b. Le droit de rectification

    Le droit de rectification a été garanti par l'article 66 du Code de l'information. Ce texte dispose : « Le directeur de toute publication périodique est tenu d'insérer gratuitement toute rectification qui sera adressée par un dépositaire de l'autorité publique, c'est-à-dire au sujet des actes de sa fonction qui auront été inexactement rapportés par ladite publication. ».

    Peuvent exercer ce droit des personnes agissant en raison de leur fonction et non en tant qu'individu. Il s'agit des fonctionnaires et autres agents publics. Le droit de rectification est ouvert lorsque les actes mis en cause relèvent de la fonction de l'autorité publique et non de ses activités privées. Dans ce dernier cas, la personne mise en cause bénéficie du droit de réponse.

    A titre d'exemple, un directeur d'une structure publique accusé de prévarication et que la presse présente déjà comme coupable peut exercer un droit de rectification.

    Tout directeur de publication qui reçoit une rectification dispose d'un délai d'une semaine pour la publier dans les mêmes formes que la réponse.

    Par ailleurs, il existe en dehors des droits de réponse et de rectification, des mesures que le juge ordonne pour prévenir ou faire cesser une atteinte à l'honneur ou à la considération.

    2. La saisie et le droit d'insertion d'un communiqué

    Le juge peut ordonner la saisie (a) ou l'insertion d'un communiqué (b) dont lui-même détermine les termes pour empêcher ou faire cesser une atteinte aux droits de la personnalité dont la présomption d'innocence. Dans certains cas, cette décision du juge intervient dans le cadre d'un référé (c). Ces mesures ordonnées par le juge n'empêche pas le plaignant d'engager un contentieux sur le fond de l'atteinte dont il se dit être victime.

    a. La saisie

    Le Code de l'information a prévu la saisie à l'article 90 al. 3. Ce texte dit, en partie, que « dans tous les cas, les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures telles que séquestres, saisies et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée (...) ».

    Si le législateur a expressément réservé la mesure à la protection de la vie privée, il n'est pas exclu que le juge en vienne à l'étendre à la protection de la présomption d'innocence, un droit de la personnalité au même titre que le droit à l'intimité de la vie privée.

    Il s'agit là d'un régime de saisie a priori destiné à éviter à la victime un préjudice intolérable.

    b. L'insertion d'un communiqué

    En France, Charles Debbasch et ses coauteurs de Droit des médias pensent que cette insertion judiciaire « est, sans conteste, la mesure principale qui résulte de la loi de 1993 : «  dès l'instant où un organe de presse a méconnu le droit au respect de la présomption d'innocence d'un individu en le présentant, avant toute condamnation, comme coupable, il s'expose à la condamnation judiciaire de la publication d'un communiqué rectificatif »40(*) ».

    Ce communiqué rectificatif n'est pas à confondre avec le droit de réponse et le droit de rectification. En effet, alors que la réponse et la rectification sont rédigées par la personne mise en cause, c'est le juge lui-même qui précise les termes du communiqué rectificatif ainsi que les conditions matérielles de diffusion telles que l'emplacement et les caractères typographiques. Le coût de l'insertion du communiqué rectificatif est supporté par la personne physique ou morale, auteur de la méconnaissance de la présomption d'innocence.

    L'insertion du communiqué rectificatif n'exclut ni l'exercice du droit de réponse ni celui du droit de rectification encore moins la mise en mouvement de l'action en diffamation.

    Ce droit d'insertion d'un communiqué rectificatif ne semble pas clairement prévu en droit burkinabè. Mais l'article 90 al.3 du Code de l'information de 1993 n'a pas été exhaustif dans l'énumération des mesures que le juge peut prescrire pour mettre fin aux atteintes aux droits de la personnalité. En ayant terminé cette énumération par le mot « autres », le législateur burkinabè ouvre une brèche dans laquelle le juge burkinabè pourrait s'engouffrer et prescrire l'insertion d'un communiqué rectificatif si une victime d'une violation de la présomption d'innocence la lui demandait.

    Par ailleurs, l'insertion du communiqué rectificatif ainsi que les mesures explicitement prévues à l'article 90 al.3 peuvent être ordonnées en référé.

    c. Le référé

    En procédure civile, le référé désigne une procédure contradictoire grâce à laquelle une partie peut, dans certains cas, obtenir d'un magistrat unique une décision rapide qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

    Même en présence d'une contestation sérieuse, le juge des référés peut autoriser des mesures conservatoires ou ordonner des remises en état dans le but de prévenir un dommage imminent ou de faire cesser un trouble manifestement contraire à la loi.

    L'article 90 al.3 du Code de l'information dit que la séquestre, la saisie et autres peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé.

    Ainsi, par son pouvoir, le juge des référés peut ordonner la destruction des exemplaires saisis, suspendre ou interdire momentanément l'organe de presse, auteur d'une atteinte à la présomption d'innocence ou de tout droit de la personnalité.

    Lorsque ces solutions moins contentieuses et gracieuses ne satisfont pas la victime d'une atteinte à la présomption d'innocence, elle peut explorer les voies contentieuses pour obtenir la réparation du préjudice subi.

    B. Les solutions contentieuses

    Au plan pénal, les atteintes à la présomption d'innocence peuvent se décliner sous la forme d'une diffamation (lorsqu'un suspect est présenté comme coupable, il y a atteinte à l'honneur ou à la considération), d'une injure (lorsque le suspect est traité de bandit, de délinquant ou de malfrat) ou d'une atteinte au droit à l'image (lorsque le consentement du suspect n'a pas été donné alors qu'il est présenté à visage découvert).

    La solution juridique de l'atteinte à la présomption d'innocence tient compte de l'infraction particulière à laquelle cette méconnaissance s'assimile.

    Dans tous les cas, les solutions sont soit pénales(1), soit civiles(2).

    1. Les solutions pénales

    La victime d'une atteinte à la présomption d'innocence peut porter plainte pour diffamation(a), pour injure(b) ou pour atteinte au droit à l'image(c).

    a. L'action en diffamation

    L'article 109 du Code de l'information et l'article 361 du Code pénal ont défini la diffamation comme « toute allégation ou imputation d'un fait portant atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne ».

    Si l'honneur est la dignité morale que l'on garde pour soi-même, la considération est ce que nous sommes aux yeux des autres41(*).

    L'action en diffamation ne peut prospérer que si les éléments constitutifs de l'infraction sont réunie(i) et si les règles de procédures sont respectées (ii). Elle donne lieu à des sanctions qui varient en fonction de la qualité des victimes de la diffamation (iii).

    i. Les éléments constitutifs de la diffamation

    La diffamation est constituée par la réunion d'un élément matériel et d'un élément moral à moins que son auteur puisse se justifier en apportant la preuve de la vérité des faits diffamatoires.

    L'élément matériel de la diffamation s'entend d'une allégation ou d'une imputation à autrui d'un fait déterminé portant atteinte à son honneur ou à sa considération.

    L'allégation consiste à reprendre, répéter ou reproduire des propos ou des écrits attribués à des tiers et contenant des imputations diffamatoires. Il y a diffamation lorsque l'allégation reproduit des faits attribués à la rumeur publique.

    L'imputation s'entend plutôt de l'affirmation personnelle d'un fait dont son auteur prend la responsabilité.

    Notre Code de l'information précise que même si l'allégation ou l'imputation est faite sous forme dubitative, elle peut recevoir la qualification de diffamation. C'est dire qu'une simple insinuation ou interrogation peut être diffamante.

    L'allégation doit porter sur un fait précis. Un délit que l'on impute à autrui peut être considéré comme un fait précis, si l'imputation précise la qualification ou les circonstances de la commission dudit délit42(*).

    Pour que l'imputation ou l'allégation d'un fait précis soit constitutive de diffamation, il faut qu'elle porte atteinte à l'honneur ou à la considération. Porter atteinte à l'honneur d'une personne, c'est toucher à ce qu'elle a de plus intime en lui imputant des manquements à la probité, à la morale, au devoir de famille ou encore des infractions ou condamnations pénales43(*).

    La diffamation vise une personne physique ou morale. Elle suppose également une publicité. Il n'est pas obligé que cette publicité se fasse par voie de presse. Si la condition de publicité n'est pas remplie, l'imputation diffamatoire est réprimée comme contravention d'injure non publique.

    L'élément moral de la diffamation est l'intention de porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps désigné. En matière de diffamation, l'intention de nuire est toujours présumée. C'est à la personne poursuivie pour diffamation d'apporter la preuve de sa bonne foi.

    La réunion de l'élément matériel et de l'élément moral de la diffamation n'est pas toujours synonyme de sanction. C'est le cas où la personne poursuivie parvient à apporter la preuve de la vérité du fait diffamatoire. C'est l'exceptio veritatis. Toutefois, la vérité des faits diffamatoires est exclue dans trois cas, à savoir lorsque les faits imputés relèvent de la vie privée de la personne, lorsque les faits remontent à plus de 10 ans et enfin lorsque les faits sont prescrits, amnistiés ou ont donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision.

    ii. La procédure en matière de diffamation

    La répression de la diffamation est soumise à une procédure particulière favorable aux auteurs et difficile à mettre en oeuvre par les victimes.

    D'abord, l'action en diffamation n'est recevable que si elle intervient dans un délai de trois mois à compter de la publicité des faits. Aux termes de l'article 366 du Code pénal, le délai de prescription de l'action publique est de trois mois à compter de la commission des faits ou du dernier acte de poursuite ou d'instruction. L'article 140 du Code de l'information ajoute : « L'action publique et l'action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescrivent après trois mois révolus, à compter du jours où ils ont été commis ou du jour du dernier acte de poursuite s'il en a été fait. ».

    Ces dispositions contraignent les victimes de la diffamation à agir promptement. Sans quoi ils perdent leur droit d'action.

    Au plan purement procédural, l'action en diffamation ne peut être mise en mouvement que suite à une plainte de la victime ou de son représentant légal. Selon l'article 128 du Code de l'information, la mise en mouvement de l'action publique doit être faite par citation directe. Cette citation doit comporter la qualification des faits incriminés et la loi à eux applicable ainsi que l'élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie. La citation doit être signifiée aussi bien au prévenu qu'au ministère public. La citation directe est frappée de nullité si elle ne contient pas les éléments cités. La procédure comporte des risques de nullité qui handicapent la poursuite des auteurs de diffamation. Ce qui a fait dire à certains auteurs que dans le conflit entre le respect des droits de la personnalité (dont la présomption d'innocence) et le droit à l'information, il y a un déséquilibre en faveur de ce dernier.

    Dans la même logique, le législateur a abrégé les délais de procédure qui s'ils ne sont pas respectés emportent des nullités d'ordre public.

    Ainsi, selon l'article 129 du Code de l'information, entre la citation et la comparution, le délai est de vingt jours francs, outre un délai de route d'un jour tous les deux cents kilomètres. Lorsque la diffamation a été commise en période électorale à l'encontre d'un candidat, ce délai est de vingt quatre heures en sus du délai de route. Dans ce dernier cas, le jugement doit être prononcé au plus tard le jour du scrutin. Conformément à l'article 132 du Code de l'information, dans les autres cas, le tribunal correctionnel dispose d'un délai maximum d'un mois à compter de la date de la première audience. Le pourvoi en cassation peut être introduit par le prévenu dans les trois jours suivant le prononcé de la décision. Ce recours concerne exclusivement les intérêts civils du prévenu ou de la partie civile.

    Jusqu'au prononcé d'une décision devenue définitive, le retrait de la plainte par la victime arrête l'action publique.

    Lorsque les éléments constitutifs de la diffamation sont réunis et la procédure bien suivie, le juge prononce contre l'auteur une sanction.

    iii. La répression de la diffamation

    La sanction pénale en matière de diffamation est fonction de la qualité de la victime.

    Lorsque la victime est un particulier, l'article 364 al. 4 fixe une peine d'emprisonnement de deux à six mois et une amende de 50.000 F CFA ou l'une des deux peines seulement.

    Lorsque l'infraction a été commise sur des membres du gouvernement, des corps constitués, des personnes chargées d'un service ou d'un mandat public, les témoins et les jurés, l'auteur écope de deux à un an d'emprisonnement et une amende de 50 000 à 300 000 F CFA.

    En matière de délit de presse, il y a une responsabilité en cascades prévues à l'article117 du Code de l'information. La responsabilité de la diffamation incombe à titre principal aux directeurs de publication ou éditeurs. Si le directeur de publication jouit d'une immunité, les co-directeurs deviennent les responsables principaux de l'infraction. A défaut, ce sont les auteurs qui devront en répondre; à défaut les imprimeurs.

    La jurisprudence considère que « le directeur de publication ne peut se décharger de sa responsabilité sur l'auteur alors que l'imprimeur peut demander sa mise hors de cause en révélant le nom de l'auteur44(*) ».

    Lorsque l'atteinte à la présomption d'innocence s'assimile à une injure proférée à une personne poursuivie par la Justice, l'auteur peut porter plainte en vue d'obtenir réparation.

    b. L'action en réparation de l'injure

    Lorsque les éléments constitutifs de l'injure sont réunis(i), le juge en prononce la peine (ii).

    i. Les éléments constitutifs de l'injure

    L'injure est définie à l'article 362 du Code pénal  comme « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait ».

    Il est difficile de distinguer la diffamation de l'injure en se basant sur leurs définitions respectives. Du reste, on considère que «  le caractère injurieux d'une expression peut résulter de sa violence ou de sa grossièreté : assassin, mouchard, bâtard... terroriste 45(*)».

    Le docteur Seydou Dramé, en abordant la question du droit d'informer face à la présomption d'innocence, écrit : « Les médias doivent se garder de porter atteinte à ce droit en proférant des termes hostiles à la personne inculpée. La raison en est que ces termes employés dans la presse « assassins, voleurs, criminels... » sont constitutifs de délits d'injure ou de diffamation, s'ils remplissent cette qualification ».

    Un même passage d'un article peut contenir des propos à la fois injurieux et diffamatoires. Il arrive que le juge décide de réprimer la diffamation46(*).

    L'injure comporte un élément moral : l'intention de porter atteinte à l'honneur et à la considération par des propos outrageants.

    La poursuite de l'injure n'est possible que si la victime formule une plainte. La procédure est la même qu'en matière de diffamation.

    ii. La répression de l'injure

    La sanction de l'injure aussi varie selon que la victime est un particulier ou une autorité.

    Conformément à l'article 113 du Code de l'information, l'injure contre les particuliers est sanctionnée d'une peine d'emprisonnement de cinq jours à deux mois et une amende de 5 000 à 300 000 F CFA.

    Quand l'injure est proférée sur la personne du chef de l'Etat ou du chef du gouvernement, elle est qualifiée d'offense. Dans ce cas, elle est réprimée par une peine d'emprisonnement de 6 mois à un an et d'une amende d'un million, ou par l'une de ses peines seulement.

    L'injure sur les diplomates et chefs de gouvernement étrangers est également réprimée.

    Lorsque l'injure est commise contre un groupe de personnes dans le but d'inciter la haine entre les citoyens ou les habitants, elle est punie d'une peine maximum de six mois et ou d'une amende maximum de 500 000 F CFA.

    En matière de délit de presse, la récidive n'est pas une circonstance aggravante. Le cumul des peines ne s'applique pas à ces infractions. La peine la plus lourde est retenue.

    Certaines atteintes de la présomption d'innocence sont constitutives de méconnaissance au droit à l'image.

    c. L'action en répression d'une atteinte au droit à l'image

    Le droit à l'image est protégé par notre droit (i) qui prévoit également des sanctions contre les auteurs de sa violation.

    i. La protection du droit à l'image

    Ce sont les articles 371 et suivants du Code pénal et 90 du Code de l'information qui protègent le droit à l'image.

    En principe, il est interdit de fixer et de reproduire l'image d'une personne sans son consentement.

    Mais, certaines exceptions existent à ce principe. Ainsi, lorsqu'un individu se trouve à un lieu public, son consentement n'est pas nécessaire si la photo ne permet pas de l'identifier particulièrement. Certains auteurs considèrent qu'une personne se trouvant au centre d'une actualité peut être photographiée sans son autorisation. Cette exception sert d'argument aux journaux qui n'hésitent pas à photographier les personnes arrêtées par les forces de sécurité et à les présenter à visage découvert.

    Cette pratique est décriée et elle pourrait tomber dans la qualification juridique d'atteinte au droit à l'image dont la répression est prévue par la loi.

    ii. La répression de l'atteinte au droit à l'image

    Les sanctions de la méconnaissance au droit à l'image sont en principe les mêmes que celles réprimant la violation du droit à l'intimité de la vie privée. Elles sont prévues aux articles 371 du Code pénal et 90 du code de l'information. Il s'agit d'un emprisonnement de deux mois à un an et d'une amende de 50 000 à 1 000 000 de francs ou de l'une de ces peines seulement.

    Au titre des solutions d'ordre pénal du conflit entre la présomption d'innocence et le droit d'informer, il faut retenir que le juge répressif peut prononcer des peines complémentaires prévues aux articles 136 et 137 du Code de l'information : la confiscation des écrits ou imprimés, placards, affiches ou supports audiovisuels saisis, la suppression ou la destruction de tous les exemplaires qui seraient mis en vente, distribués ou exposés au public, la suspension du journal pour une durée de six mois au maximum.

    Si l'action publique aboutit à infliger une peine à l'auteur de l'atteinte à la présomption d'innocence pour le trouble causé à l'ordre social, l'action civile permet de d'accorder une réparation pécuniaire à la victime.

    2. La solution civile

    Il s'agit là de l'application de l'article 1382 du Code civil selon lequel tout fait quelconque de l'homme qui cause un dommage à autrui, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Les atteintes à la présomption d'innocence, qu'elles s'assimilent à une diffamation, à une injure ou à une violation du droit à l'image, peuvent être réparées sur le fondement de la responsabilité civile.

    La loi autorise ou oblige même le journaliste à exercer sa liberté d'expression et à s'acquitter de son devoir d'informer. Mais si à cette occasion, il commet un dommage à autrui, il doit le réparer. C'est donc un pan de la solution que le droit propose au conflit entre la présomption d'innocence et le droit à l'information.

    La mise en oeuvre de l'article 1382 suppose réunies certaines conditions(a) qui pourraient justifier l'octroi de dommages-intérêts à la victime(b).

    a. Les conditions de la mise en oeuvre de l'article 1382 du Code civil

    La réparation civile ne peut être accordée que s'il existe une faute(i), un dommage (ii) et un lien de causalité entre la faute et le dommage (iii).

    i. La faute

    La faute peut consister en une action ou en une abstention. Il peut s'agir d'une imprudence, d'une négligence ou d'un manquement à une obligation quelconque. En matière de presse, la jurisprudence a imposé au journaliste un devoir de prudence et d'objectivité dont le manquement constitue un critère déterminant dans la recherche judiciaire de la faute.

    Le journaliste manque d'objectivité lorsqu'il déforme les propos ou fait montre de partialité.

    Le non-respect de la règlementation ou de la déontologie est également considéré comme fautif.

    Outre la faute, la mise en oeuvre de l'article 1382 exige qu'un dommage soit causé à autrui.

    ii. Le dommage

    Le dommage désigne, dans l'acception générale, un préjudice dont une personne est victime. Le dommage peut être moral ou matériel.

    En matière de droits de la personnalité dont le droit au respect de la présomption d'innocence, le dommage est essentiellement moral.

    Dans ce cas, le dommage, c'est l'atteinte à l'honneur ou à la considération. Le fait de dire d'une personne poursuivie qu'elle est coupable d'une infraction alors qu'elle n'est pas encore condamnée, est de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération.

    iii. Le lien de causalité entre la faute et le dommage

    De façon générale, pour que la réparation civile soit accordée, le juge exige un lien de causalité entre la faute et le dommage.

    En matière de délits de presse, certains auteurs tels que Pierre Kayser considèrent qu'il n'est pas nécessaire d'établir un lien de causalité entre la faute et le dommage. Pour eux, la victime n'a pas besoin de faire la preuve du préjudice subi mais de justifier seulement la méconnaissance d'un droit subjectif.

    Une fois que ces conditions sont réunies, le juge octroie des dommages intérêts à la victime.

    b. L'octroi de dommages-intérêts

    La victime du dommage propose le montant des dommages-intérêts au prorata du préjudice qu'il pense avoir subi. Toutefois, le juge n'est pas lié par l'étendue de ses prétentions. Il est de son pouvoir d'apprécier le montant des dommages-intérêts et de préciser le mode de réparation du dommage.

    En matière de presse, les dommages-intérêts de montants élevés pourraient faire disparaître certains titres. Mais la presse devrait se préparer à faire face à des indemnisations importantes dans la mesure où la tendance est à l'abandon du franc symbolique. Et surtout que les hommes de médias militent en faveur des peines civiles et pour la dépénalisation des délits de presse.

    CONCLUSION

    Cette étude sur « la présomption d'innocence dans la presse quotidienne burkinabè » s'est beaucoup basée sur l'analyse de contenus des parutions de Sidwaya, L'Observateur Paalga et Le Pays de juin à décembre 2012.

    En récapitulatif, on retient que l'attitude de la presse quotidienne burkinabè à l'égard de la présomption d'innocence est quelque peu ambivalente. Cette attitude se dégage d'une analyse portée sur 97 articles sélectionnés, traitant d'affaires pénales.

    De cette analyse, il ressort qu'il y a dans la presse quotidienne burkinabè, des pratiques respectant la présomption d'innocence. Sur un total de 65 articles respectant la présomption d'innocence, Sidwaya en comptabilise 30, L'Observateur Paalga 16 et Le Pays 19.

    Le respect de la présomption d'innocence tient soit à l'emploi correct de la terminologie désignant les personnes poursuivies, soit au traitement des photos des suspects en vue de rendre difficile leur identification. Il y a au total 58 articles respectant la présomption d'innocence par la terminologie dont 27 pour Sidwaya, 14 pour L'Observateur et 17 pour Le Pays.

    Sept articles observent le principe par le traitement des illustrations, à savoir trois pour Sidwaya et deux pour L'Observateur Paalga et autant pour Le Pays.

    Toutefois, il subsiste dans la presse burkinabè des articles portant atteinte à la présomption d'innocence des personnes poursuivies. Leur nombre s'élève à 32 dont 6 pour Sidwaya, 9 pour L'Observateur Paalga et 17 pour Le Pays. 22 articles sont attentatoires à l'innocence présumée de par leur terminologie. Quatre(4) ont été recensés dans Sidwaya, sept (7) dans L'Observateur Paalga et onze (11) dans le quotidien Le Pays.

    Dix autres articles violent la présomption d'innocence par l'image. Deux (2) ont été relevés dans Sidwaya, autant dans L'Observateur Paalga et 6 dans Le Pays.

    Le constat général est que le nombre des articles respectant la présomption d'innocence est largement supérieur (le double) à celui de ceux qui portent atteinte audit principe.

    Ces atteintes constituent la manifestation du conflit entre la présomption d'innocence et le droit à l'information, deux droits fondamentaux. En effet, la présomption d'innocence impose un certain silence ou une réserve au journaliste à travers de multiples interdictions de publication. D'ailleurs, la présomption d'innocence fixe un idéal à la presse : un black out sur les affaires pénales jusqu'à ce qu'un juge compétent prononce la décision de condamnation.

    Pourtant, le droit à l'information oblige le journaliste à remplir ces fonctions de veille, d'observation et de contrôle au bénéfice du public pour qui l'information est devenue un besoin vital. Ce qui oblige les pouvoirs publics eux-mêmes à agir pour rendre l'information disponible pour le plus grand nombre.

    A ce conflit entre ces deux droits fondamentaux, un compromis a été trouvé. On considère que les journalistes doivent continuer à satisfaire les besoins d'information du public en respectant plusieurs corps de règles. D'abord, ils doivent tenir compte de l'éthique et de la déontologie, un ensemble de règles professionnelles et morales élaborées par les pairs. Ensuite, ils doivent se soumettre à la loi qui permet à la personne mise en cause dans un article d'utiliser des voies gracieuses ou contentieuses pour obtenir la cessation de l'atteinte ainsi qu'une réparation.

    Mais certains auteurs pensent que la mise en oeuvre des voies contentieuses de réparation est jalonnée de difficultés procédurières, garantissant parfois au journaliste une impunité. On conclut donc qu'entre la présomption d'innocence et le droit à l'information, il existe un déséquilibre en faveur de ce dernier droit fondamental

    BIBLIOGRAPHIE

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    I- OUVRAGES GENERAUX

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    -Schudson Michael, Le pouvoir des médias, Nouveaux Horizons, Paris, 2001, 227 pages

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    -Soyer Jean-Claude, Droit pénal et procédure pénale, LGDJ, Paris, 2008, 427 pages

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    II- PUBLICATIONS SPECIALISEES

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    -Rapport public 2011 du Conseil supérieur de la communication, 170 pages

    -Kindo Enock, Etude des caractéristiques de trois quotidiens burkinabè, pour l'obtention de la Maîtrise en sciences et techniques de l'information et de la communication, Université de Ouagadougou

    -Yaguibou Abdel Aziz, La rumeur dans l'univers des quotidiens burkinabè : cas du quotidien Sidwaya et du quotidien Le Pays, mémoire pour l'obtention du diplôme de Niveau II du CFPI, 2002-2004

    III- LOIS ET CODES APPLICABLES AU BURKINA FASO

    -Constitution de 1991

    - Code civil de 1804

    -Code pénal de 1996

    -Code de procédure pénale de 1968

    -Code de l'information de 1993

    IV.SOURCES INTERNET

    - www.charriere-bournazel.com

    - www.vie.publique.fr

    -fr.jurispedia.org

    -fr.wikipedia.org

    TABLE DES MATIERES

    SOMMAIRE 1

    INTRODUCTION GENERALE 3

    PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL DE L'ETUDE 6

    CHAPITRE I : LE CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE 6

    SECTION I : Intérêt et objectifs de l'étude 6

    A. L'intérêt de l'étude 6

    B. Les objectifs de l'étude 6

    Section II : Problématique et hypothèses 7

    A. Problématique 7

    B. Hypothèses 8

    Section III: Méthodologie 8

    Section IV- Revue de littérature 10

    CHAPITRE II : CADRE CONCEPTUEL DE L'ETUDE 16

    Section I : La notion de présomption d'innocence 16

    Section II : La notion de presse quotidienne 17

    Section III : Autres concepts 17

    A. Liberté d'expression, droit à l'information et droit à l'image 18

    1. La liberté d'expression 18

    2. Le droit à l'information 18

    3. Le droit à l'image 18

    B. Communication, information et traitement de l'information 19

    1. La communication 19

    2. L'information 20

    3. Le traitement de l'information 21

    DEUXIEME PARTIE : LA PRESSE QUOTIDIENNE BURKINABE ET LA PRESOMPTION D'INNOCENCE 24

    CHAPITRE I : LE PRINCIPE DE LA PRESOMPTION D'INNOCENCE ET LA PRESENTATION DES QUOTIDIENS BURKINABE 24

    Section I : La présomption d'innocence 24

    A. Définition et implications de la présomption d'innocence 24

    1. Définition 24

    2. Les implications de la présomption d'innocence 25

    B. Les fondements juridiques de la présomption d'innocence 26

    C. Les sanctions de la violation de la présomption d'innocence 28

    1. Les sanctions pénales 28

    2. Les sanctions civiles 29

    Section II : La presse quotidienne burkinabè 30

    A. L'Observateur Paalga 31

    1. L'organisation de L'Observateur Paalga 31

    2. La fabrication et la diffusion de L'Observateur Paalga 32

    a. La fabrication de L'Observateur Paalga 32

    b. La diffusion du journal 33

    B. Sidwaya 33

    1. L'organisation de Sidwaya 33

    2. La fabrication et la diffusion du quotidien Sidwaya 35

    a. La fabrication de Sidwaya 35

    b. La diffusion 36

    C. Le Pays 36

    1. L'organisation des Editions Le Pays 36

    2. La fabrication et la diffusion du quotidien Le Pays 37

    a. La fabrication 37

    b. La diffusion 38

    CHAPITRE II : LES PRATIQUES RESPECTANT LA PRESOMPTION D'INNOCENCE DANS LA PRESSE QUOTIDIENNE BURKINABE 39

    Section I. Les pratiques de Sidwaya 40

    A. Le respect de la présomption d'innocence par la terminologie dans Sidwaya 40

    B. Le respect de la présomption d'innocence par les illustrations des articles dans Sidwaya 42

    Section II : Les pratiques de L'Observateur Paalga 45

    A. Le respect de la présomption d'innocence par la terminologie employée par L'Observateur Paalga 46

    B. La protection de l'innocence par l'image dans L'Observateur Paalga 51

    Section III : Les pratiques du quotidien Le Pays 53

    A. Le respect de la présomption d'innocence par la terminologie dans Le Pays 54

    B. Le respect de la présomption d'innocence par les illustrations dans Le Pays 57

    CHAPITRE III : LES ATTEINTES A LA PRESOMPTION D'INNOCENCE DANS LA PRESSE QUOTIDIENNE BURKINABE 62

    Section I : Les atteintes à la présomption d'innocence dans Sidwaya 64

    A. Les atteintes à la présomption d'innocence par la terminologie dans Sidwaya 64

    B. Les atteintes à la présomption d'innocence par le traitement des illustrations dans Sidwaya 66

    Section II : Les atteintes à la présomption d'innocence dans L'Observateur Paalga 68

    A. Les atteintes à la présomption d'innocence par la terminologie dans L'Observateur Paalga 68

    B. Les atteintes à la présomption d'innocence par l'image dans L'Observateur Paalga 71

    Section III : Les atteintes à la présomption d'innocence dans Le Pays 73

    A. Les atteintes à la présomption d'innocence par la terminologie dans Le Pays 73

    B. Les atteintes à la présomption d'innocence par l'image dans Le Pays 75

    TROISIEME PARTIE : LA PRESOMPTION D'INNOCENCE ET LE DROIT A L'INFORMATION 80

    CHAPITRE I : DEUX DROITS FONDAMENTAUX EN CONCURRENCE : LA PRESOMPTION D'INNOCENCE ET LE DROIT A L'INFORMATION 81

    Section I : La présomption d'innocence ou l'obligation de silence 81

    A. Les interdictions de publication d'écrits 81

    1. L'interdiction de publication des actes d'accusation, de procédure et d'instruction. 81

    2. Les interdictions de publication de certains comptes rendus de procès et de débats d'audience. 82

    B. L'interdiction de publication des images et des sondages 83

    1. L'interdiction de publication des images 83

    2. L'interdiction de publication de sondage 85

    Section II : Le droit à l'information ou l'obligation d'informer 85

    A. Le contenu du droit à l'information 86

    1. Le droit à l'information, un droit fondamental 86

    2. Le droit à l'information du public 87

    B. La mise en oeuvre du droit à l'information 88

    1. Les devoirs de l'Etat 88

    2. Les devoirs du journaliste 89

    CHAPITRE II : LES SOLUTIONS AU CONFLIT ENTRE LA PRESOMPTION D'INNOCENCE ET LE DROIT A L'INFORMATION 92

    Section I : Les tentatives de résolution du conflit entre la présomption d'innocence et le droit à l'information par les professionnels des médias 92

    A. Les solutions tenant à l'éthique et à la déontologie journalistiques 92

    1. L'objectivité 93

    2. L'exactitude 93

    B. Les solutions tenant aux techniques journalistiques 94

    1. La vérification des faits et la distanciation 94

    2. La suite à donner aux affaires pénales 95

    Section II : Les solutions juridiques au conflit entre la présomption d'innocence et le droit à l'information 97

    A. Les solutions gracieuses ou moins contentieuses 97

    1. Les droits de réponse et de rectification 97

    a. Le droit de réponse 97

    b. Le droit de rectification 98

    2. La saisie et le droit d'insertion d'un communiqué 99

    a. La saisie 99

    b. L'insertion d'un communiqué 100

    c. Le référé 101

    B. Les solutions contentieuses 101

    1. Les solutions pénales 102

    a. L'action en diffamation 102

    i. Les éléments constitutifs de la diffamation 102

    ii. La procédure en matière de diffamation 104

    iii. La répression de la diffamation 105

    b. L'action en réparation de l'injure 106

    i. Les éléments constitutifs de l'injure 106

    ii. La répression de l'injure 107

    c. L'action en répression d'une atteinte au droit à l'image 108

    i. La protection du droit à l'image 108

    ii. La répression de l'atteinte au droit à l'image 109

    2. La solution civile 109

    a. Les conditions de la mise en oeuvre de l'article 1382 du Code civil 110

    i. La faute 110

    ii. Le dommage 110

    iii. Le lien de causalité entre la faute et le dommage 111

    b. L'octroi de dommages-intérêts 111

    CONCLUSION 112

    BIBLIOGRAPHIE 114

    TABLE DES MATIERES 116

    Annexe

    * 1 Balle Francis, Médias et société, Monchrestien, Paris, 2011, P. 753

    * 2 L'article 11 de la Déclaration de 1789 dispose : «  La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre des abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

    * 3 L'article 1er de la loi du 29 juillet 1881 dit : « La presse et la librairie sont libres ».

    * 4 L'affaire d'Outreau est une affaire pénale de pédophilie qui a débouché sur la plus grande erreur judiciaire française. Elle a été jugée par la Cour d'assises de Saint-Omer du 20 mars au 22 juillet 2004, source : Internet

    * 5 Balima Serges Théophile et Véronique Duchenne, Méthodologie de recherche en science de l'information et de la communication, Edition Sankofa / Editions Sidwaya, Ouagadougou, 2005, P. 59

    * 6 Bonville, 2000, P. 46 cité par Balima Serges Théophile, Loada Augustin et Sangaré/Compaoré Nestorine dans Médias et démocratie au Burkina Faso, CODESRIA, 2012

    * 7 Balima Serges Théophile et Véronique Duchenne, Méthodologie de recherche en science de l'Information et de la Communication, Editions Sankofa/ Editions Sidwaya, Ouagadougou, 2005, P. 64 

    * 8 -Derieux Emmanuel, Droit des médias, 2e édition, Dalloz, Paris, 2001, P.102

    * 9 Debbasch Charles et autres, Droit des médias, Dalloz, Paris, 2000, P. 1026

    * 10 Debbasch Charles, Droit des médias, Dalloz, Paris, 2000, P. 1031

    * 11 TGI de Paris, 7 juillet 1993, Jurisdata n° 050002 ; cité par Debbasch Charles et autres

    * 12 Debbasch Charles et autres, Droit des médias, Dalloz, Paris, 2000, P. 1032

    * 13 Crim., 22 octobre 1996, JCP, 1997-VI, n° 66, ad. Légipresse, janvier-février 1997, n° 138-III, p.1, cité par Debbasch Charles

    * 14 Dreyer Emmanuel, Droit de l'information, Litec, Paris, 2002, P.106

    * 15Francis Balle et autres, Lexique d'information communication, Paris, Dalloz 2006, P.151

    * 16 Balle Francis et autres, Lexique d'information communication, Dalloz, 2006, Paris, P. 82

    * 17 Lagardette Jean Luc, Le guide de l'écriture journalistique, Syros, Paris, P. 107

    * 18 Balle Francis et autres, Lexique d'information communication, Dalloz, Paris, 2006, P. 322

    * 19 Charrière-Bournazel Christian, Présomption d'innocence et liberté d'expression, in Combat d'un bâtonnat, août 2006, source : Internet

    * 20 Dramé Seydou, Droit de la communication, Ouagadougou, 2011, P.46, Inédit

    * 21 Charon Jean- Marie, La presse quotidienne, Editions La Découverte, Paris, 1996, P.11

    * 22 Kindo Enock, Etudes caractéristiques de trois quotidiens burkinabè, Mémoire de maîtrise en science et technique de l'information et de la communication, cité par Balima Serges Théophile, Loada Augustin, Sangaré Nestorine dans Médias et démocratie, Codesria, 2012, P. 48

    * 23 Lazerges Christine, Le renforcement de la protection d'innocence et des droits des victimes : histoire d'une navette parlementaire, Chr, Revue de science criminelle et de droit pénale, janv.-mars 2011, P.15

    * 24 Ravaz Bruno et Retterer Stéphane, Droit de l'information et de la communication, Ellipse Edition Marketing SA, Paris, 2006, P 65

    * 25 Tahita Jean-Claude, Diffamation et liberté de presse au Burkina Faso, Chr, Revue burkinabè de droit n° 34, 2e semestre 1998, P. 231

    * 26 Conseil supérieur de la communication, Rapport public 2011, P. 46

    * 27 Dramé Seydou, Droit de la communication, Ouagadougou, 2011, inédit, P. 175

    * 28 Dreyer Emmanuel, Droit de l'information, Litec, Paris, 2002, P. 104

    * 29 Le chanteur Bernard Cantat avait été photographié alors qu'il portait des menottes lors de son jugement pour meurtre de sa compagne. Son avocat porta plainte contre les médias ayant publié sa photo

    * 30 Conseil supérieur de la communication, Rapport public 2011, P. 46

    * 31Dans Le Pays n° 5 131 du 12 juin 2012, les lecteurs, dans le forum des internautes, se plaignent du fait que les visages des personnes arrêtées et présentées à la presse soient masqués.

    * 32 Balima Serges Théophile, Augustin Loada, Sangaré/Compaoré Nestorine, Médias et démocratie, CODESRIA, 2012, P.1

    * 33 Schudson Michael, Le pouvoir des médias,Nouveaux Horizons, Paris, 2001

    * 34 Ravaz Bruno et Retterer Stéphane, Droit de l'information et de la communication, Ellipse Edition Marketing SA, Paris, 2006, P. 64

    * 35 Schulte H. Henry et Dufresne P. Marcel, Pratique du journalisme, Nouveaux Horizons, Paris, 1999, P. 11

    * 36 Helmore Kristin, A.B.C de la presse écrite, Nouveaux Horizons, Paris, 1995, P. 79

    * 37 Le chef de desk est juriste de formation

    * 38 La charte des journalistes burkinabè a été adoptée en avril 1990 sous la houlette de l'Association des journalistes du Burkina(AJB)

    * 39 Dramé Seydou, Droit de la communication, Ouagadougou, 2011, P. 51, inédit

    * 40 Debbasch Charles et autres, Droits des médias, Dalloz, Paris, 2002, P. 1034

    * 41 Dramé Seydou, Droit de la communication, Ouagadougou, 2011, P.40, inédit

    * 42 Crim. 9 juin 1934, D.H. 1934. 382, cité par Veron Michel, Droit pénal spécial, Masson, Paris, 1976, P. 166

    * 43 Crim. 22 avril 1958, Bull.1958, n° 33, cité par Veron Michel, Droit pénal spécial, P. 167

    * 44 Besaçon, 8 juillet 1892, Dalloz, 1893, 2, 269 et Crim., 25 mai 1894, Dalloz 1895, 1,78 cités par Tahita Jean Claude dans Diffamation et liberté de presse au Burkina Faso, paru dans RBD n° 34, 2e semestre 1998, P. 237

    * 45 Dramé Seydou, Droit de la communication, Ouagadougou, 2011, P. 42, inédit

    * 46 Crim. 28 juin 1926, Dalloz, 1926, P. 238






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