AVERTISSEMENT
Les opinions émises dans ce mémoire sont propres
à son auteur. Elles n'engagent en rien l'Institut des sciences et
techniques de l'information et de la communication.
DEDICACE
A mon père qui a quitté ce monde, il y a maintenant
20 ans.
REMERCIEMENTS
Nous adressons notre gratitude à tous ceux qui, par
leurs soutiens multiformes, ont contribué à l'élaboration
de ce mémoire.
Nous remercions très particulièrement le docteur
Seydou Dramé, notre directeur de mémoire qui, en dépit de
ces nombreuses occupations, nous a toujours prêté une oreille
attentive et nous a prodigué de précieux conseils pour la
réalisation de cette étude.
Nous traduisons toute notre reconnaissance au rédacteur
en chef du quotidien Sidwaya, Alassane Karama, pour son soutien. Nous
remercions également le rédacteur en chef de L'Observateur
Paalga, Boureima Diallo ainsi que le journaliste du quotidien Le
Pays, Séni Dabo pour leur disponibilité.
Nous remercions l'administration et le corps enseignant de
l'Institut des sciences et techniques de l'information et de la
communication(ISTIC) pour la formation reçue.
A notre famille et à nos amis, nous demandons de
considérer ce mémoire comme le fruit de leurs efforts.
SOMMAIRE
SOMMAIRE
1
INTRODUCTION GENERALE
3
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET
CONCEPTUEL DE L'ETUDE
6
CHAPITRE I : LE CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE
6
SECTION I : Intérêt et objectifs
de l'étude
6
Section II : Problématique et
hypothèses
7
Section III: Méthodologie
8
Section IV- Revue de littérature
10
CHAPITRE II : CADRE CONCEPTUEL DE L'ETUDE
16
Section I : La notion de présomption
d'innocence
16
Section II : La notion de presse
quotidienne
17
Section III : Autres concepts
17
DEUXIEME PARTIE : LA PRESSE QUOTIDIENNE
BURKINABE ET LA PRESOMPTION D'INNOCENCE
24
CHAPITRE I : LE PRINCIPE DE LA PRESOMPTION
D'INNOCENCE ET LA PRESENTATION DES QUOTIDIENS BURKINABE
24
Section I : La présomption
d'innocence
24
Section II : La presse quotidienne
burkinabè
30
CHAPITRE II : LES PRATIQUES RESPECTANT LA
PRESOMPTION D'INNOCENCE DANS LA PRESSE QUOTIDIENNE BURKINABE
39
Section I. Les pratiques de Sidwaya
40
Section II : Les pratiques de L'Observateur
Paalga
45
Section III : Les pratiques du quotidien Le
Pays
53
CHAPITRE III : LES ATTEINTES A LA PRESOMPTION
D'INNOCENCE DANS LA PRESSE QUOTIDIENNE BURKINABE
62
Section I : Les atteintes à la
présomption d'innocence dans Sidwaya
64
Section II : Les atteintes à la
présomption d'innocence dans L'Observateur Paalga
68
Section III : Les atteintes à la
présomption d'innocence dans Le Pays
73
TROISIEME PARTIE : LA PRESOMPTION D'INNOCENCE
ET LE DROIT A L'INFORMATION
80
CHAPITRE I : DEUX DROITS FONDAMENTAUX EN
CONCURRENCE : LA PRESOMPTION D'INNOCENCE ET LE DROIT A L'INFORMATION
81
Section I : La présomption d'innocence
ou l'obligation de silence
81
Section II : Le droit à l'information
ou l'obligation d'informer
85
CHAPITRE II : LES SOLUTIONS AU CONFLIT ENTRE
LA PRESOMPTION D'INNOCENCE ET LE DROIT A L'INFORMATION
92
Section I : Les tentatives de
résolution du conflit entre la présomption d'innocence et le
droit à l'information par les professionnels des médias
92
Section II : Les solutions juridiques au
conflit entre la présomption d'innocence et le droit à
l'information
97
CONCLUSION
112
BIBLIOGRAPHIE
114
TABLE DES MATIERES
116
INTRODUCTION GENERALE
La presse a pour vocation, selon Francis Balle,
« d'ouvrir les espaces à la libre parole et
présider dans ces interstices, à la circulation des idées,
à la présentation des oeuvres et des actions, qu'elles soient
médiocres ou remarquables1(*) ». A la presse burkinabè, en
particulier, on peut reconnaître aussi tout ou partie de ces ambitions.
Dans ses parutions quotidiennes, elle offre aux lecteurs des sujets relevant
d'une panoplie de thématiques : politique, économie,
environnement, sécurité, justice, culture, sport, etc.
On remarque dans la presse burkinabè un certain
engouement pour les sujets portant sur l'actualité judiciaire,
peut-être parce qu'ils laissent souvent apparaître des situations
conflictuelles ou le sensationnel dont le public raffole. Ainsi, les
présentations de délinquants par les services de la police ou
de la gendarmerie, et les comptes rendus d'audiences, surtout celles des
juridictions pénales, sont souvent rapportés dans les colonnes
des journaux. Comment ne pas alors se demander si les journalistes, en relatant
de telles affaires, prennent toutes les précautions imposées par
la nature de ces sujets ?
L'une de ces précautions consiste à garder
à l'esprit que la personne poursuivie est présumée
innocente tant que sa culpabilité n'a pas été
établie par une juridiction compétente. Il s'agit ici du respect
du principe de la présomption d'innocence, un principe de
procédure pénale, inscrit en bonne place dans les droits de
l'Homme. Il est prévu à l'article 4 al. 2 de la Constitution
burkinabè. Son but est de garantir les droits de la personne poursuivie,
très souvent fragilisée par une procédure judiciaire
à dominance accusatoire qui confère une
prépondérance à la partie poursuivante.
Le principe de la présomption d'innocence a une
portée générale. Il s'impose à tous, même aux
médias toujours portés à tout montrer ou à tout
dire au public. C'est dire que les journalistes sont tenus, dans le traitement
de l'information, de préserver la présomption d'innocence des
personnes poursuivies dont ils relatent les histoires. D'ailleurs, s'il y a des
manquements à ce principe de la part de la presse, ceux-ci ne peuvent se
produire qu'à l'occasion du traitement de l'information, suivi de sa
diffusion.
Ce principe exige de la presse un traitement
précautionneux de l'information à caractère judiciaire.
Cet impératif est imposé par les textes juridiques internationaux
ratifiés par notre pays ainsi que la loi fondamentale burkinabè.
En même temps que la loi impose aux journalistes
d'observer l'innocence des personnes poursuivies, elle leur donne le pouvoir
ou leur impose l'obligation d'informer le public sur les faits de
l'actualité. La Déclaration française des droits de
l'Homme et du citoyen de 17892(*) a proclamé la liberté d'expression,
reprise par la loi du 29 juillet 18813(*) en France et dans de nombreux systèmes
juridiques dont le nôtre. La presse est alors confrontée à
la conjugaison de ces deux droits fondamentaux (présomption d'innocence
et liberté de presse).
Notre étude dont le thème est
« La présomption d'innocence dans la presse quotidienne
burkinabè », s'articule autour de trois parties :
-La première partie porte sur le cadre théorique
et conceptuel de l'étude.
Le cadre théorique comprend la problématique,
les hypothèses, la méthodologie, l'intérêt et
l'objectif de l'étude ainsi que la revue de littérature.
La cadre conceptuel définit les concepts et notions
clés de cette étude.
-La deuxième partie concerne la présomption
d'innocence et la presse quotidienne burkinabè. Cette partie est
destinée d'une part à cerner le contenu de la présomption
d'innocence et à présenter la presse quotidienne
burkinabè. D'autre part, elle vise à rechercher et à
mettre en exergue les pratiques respectant la présomption d'innocence
ainsi que les atteintes audit principe dans la presse quotidienne
burkinabè.
-La troisième partie est relative à la
concurrence entre la présomption d'innocence et le droit à
l'information.
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL DE
L'ETUDE
Dans cette première partie, nous fixerons le cadre
théorique (Chapitre I) et conceptuel (chapitre II) de l'étude.
CHAPITRE I : LE CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE
Le cadre théorique de l'étude comprend les
objectifs et l'intérêt de l'étude (Section I), la
problématique et les hypothèses (Section II) ainsi que le choix
méthodologique (Section III) opéré pour mener à
bien cette étude. Puis une revue de littérature (Section IV)
nous a permis d'avoir une idée sur la compréhension du
thème d'étude par certains auteurs.
SECTION I : Intérêt et objectifs de
l'étude
A. L'intérêt
de l'étude
L'intérêt de cette étude se situe
à un triple niveau.
D'abord, aux professionnels des médias, cette
étude pourra permettre de prendre exemple les uns sur les autres en
matière de pratiques respectant la présomption d'innocence. Elle
peut également leur faire prendre conscience de l'impact du traitement
de l'information sur la présomption d'innocence des justiciables.
Ensuite, les personnes dont la présomption d'innocence
est atteinte par les médias pourront trouver dans cette étude les
résolutions proposées par le législateur, la jurisprudence
et les professionnels des médias.
Enfin, par les développements suivants, le public devra
savoir à quel moment il peut exiger du journaliste l'exécution de
son obligation d'informer et quand est-ce cette créance n'est pas
exigible.
B. Les objectifs de
l'étude
L'objectif principal de cette étude est de jauger le
principe de la présomption d'innocence à l'aune de la pratique
journalistique des quotidiens burkinabè. En clair, il s'agit de voir si
la presse quotidienne burkinabè en tient compte dans le traitement de
l'information.
En outre, notre ambition est que les différents
quotidiens dans lesquels des atteintes à la présomption
d'innocence ont été relevées prennent la mesure des
efforts à fournir pour préserver les droits fondamentaux des
personnes dont ils parlent dans leurs colonnes.
Enfin, un autre objectif de cette étude est de
contribuer à la réflexion sur la nécessaire conciliation
entre le droit à l'information d'autre part et les autres droits de la
personnalité et particulièrement la présomption
d'innocence d'autre part.
Section II : Problématique et
hypothèses
Il s'agit de poser un certain nombre de questions (A) auxquelles
l'étude ambitionne de répondre. Pour ce faire, nous
émettrons quelques hypothèses (B).
A. Problématique
Les journalistes sont très souvent accusés,
à tort ou à raison, de porter atteinte au principe de la
présomption d'innocence de personnes poursuivies par la Justice. Dans
l'affaire d'Outreau4(*), on
a reproché à la presse française d'avoir vite
présenté les personnes mises en cause comme des coupables,
mettant la pression sur le jeune juge d'instruction, M. Burgaud, qui ne
s'apercevra que trop tard des erreurs judiciaires.
Les journalistes se trouvent face à la conciliation de
deux droits fondamentaux: d'une part, le droit à l'information qui veut
que tout soit porté à la connaissance du public et d'autre part,
la présomption d'innocence qui impose aux médias et à
leurs professionnels soit le silence, soit une certaine délicatesse dans
le traitement des informations liées aux affaires pénales.
Quelle est alors l'attitude de la presse quotidienne
burkinabè à l'égard de la présomption
d'innocence ? Autrement dit, les quotidiens burkinabè
respectent-ils la présomption d'innocence de personnes poursuivies dont
les histoires sont relatées dans leurs colonnes ? L'information
étant une denrée périssable, les journalistes peuvent-ils,
à l'occasion d'affaires pénales, ajourner sa publication dans
l'attente d'une décision judiciaire ? Le respect de la
présomption d'innocence n'est-il pas un obstacle à la
liberté d'informer, et partant au droit à
l'information ?
Pour répondre à ces questions, nous
émettons un certain nombre d'hypothèses.
B. Hypothèses
Nous émettons une hypothèse principale et deux
hypothèses secondaires.
-Hypothèse principale :
Dans la presse quotidienne burkinabè, la pratique tend
au respect de la présomption d'innocence.
-Hypothèses secondaires :
Des cas d'atteinte à la présomption d'innocence
subsistent encore dans la presse quotidienne burkinabè.
Le respect de la présomption d'innocence est une
entrave à la liberté d'informer et au droit à
l'information du public.
Section III: Méthodologie
La méthode de recherche retenue est l'analyse de
contenu. Selon le Pr Serges Théophile Balima et Véronique
Duchenne, « l'analyse de contenu vise à dégager les
caractéristiques significatives d'un message véhiculé par
un moyen de communication sociale5(*) ». Pour ces auteurs, l'analyse de
contenu peut aller au-delà du texte, pour s'intéresser aux traces
de l'auteur, du lecteur, de la réalité extérieure, etc.,
contenues au sein même du texte.
Notre étude porte sur les parutions des quotidiens
suivants : Sidwaya, L'Observateur Paalga et Le
Pays. La période d'étude s'étend de juin à
décembre 2012. L'analyse de contenu a consisté à relever
dans les journaux sélectionnés les articles respectant la
présomption d'innocence ou les cas d'atteintes à la
présomption d'innocence. Il s'est agi de préciser en quoi les
articles concernés respectent ou violent la présomption
d'innocence.
Les articles traitant d'arrestation d'individus par les
forces de sécurité, de poursuites pénales et de jugement
devant les juridictions ont été sélectionnés pour
constituer l'échantillon final ou le corpus. Le corpus est
composé de 97 articles (36 pour Sidwaya, 25 pour
L'Observateur Paalga et 36 pour Le Pays).
L'unité d'échantillonnage est l'article.
L'article ici s'entend de la brève, du compte rendu, du filet, du
reportage, etc. Dans un souci de simplification, nous n'avons retenu que les
articles relevant des genres dits informatifs et traitant de l'actualité
nationale.
Les articles présentant des caractéristiques
communes forment des catégories. « Les catégories
désignent des groupes de messages possédant des attributs communs
différents des attributs que possèdent les autres groupes de
messages6(*) ». Pour Théophile Balima et
Véronique Duchenne, il s'agit de « faire émerger
des catégories qui ne soient ni trop générales ni trop
affinées, et surtout qui aient de l'intérêt par rapport
aux questions posées par la recherche 7(*)».
L'analyse de contenu exige dans la détermination du
corpus, la pertinence, l'exhaustivité, l'exclusivité,
l'objectivité et l'homogénéité. La pertinence
signifie qu'il doit avoir un équilibre entre les particularités
du corpus et la problématique de la recherche. L'exhaustivité
veut dire que tout le corpus doit se retrouver dans la grille finale.
L'exclusivité signifie qu'un même élément ne peut
pas appartenir à deux catégories. L'objectivité impose au
chercheur de s'assurer que d'autres codeurs auraient enregistré les
unités du corpus dans la même catégorie que lui.
L'homogénéité commande que les catégories ne soient
pas disparates et éclatées.
Nous estimons que notre corpus répond à ces
critères.
Pour mieux exprimer les résultats de cette
étude, les approches quantitatives et qualitatives ont été
utilisées.
Outre l'analyse de contenu, nous avons procédé
à des entretiens avec les rédacteurs en chef des quotidiens
concernés par l'étude. Il s'agit là d'un entretien
à usage complémentaire. Il n'est donc pas la technique de base de
l'étude. L'objectif est de connaître la compréhension de la
notion de présomption d'innocence des responsables des rédactions
sur lesquelles porte notre étude. Nous leur avons demandé
entre autres, s'ils la respectent, s'ils ont déjà
été interpellés pour sa violation, s'ils accepteraient de
taire une affaire au nom de la présomption d'innocence de la personne
mise en cause. Nous avons abordé avec eux le conflit entre la
présomption d'innocence et le droit à l'information.
Enfin, nous avons recouru à la doctrine et à la
jurisprudence pour étayer nos propos ou trancher certaines questions.
Section IV- Revue de littérature
Il est vrai que tout mémoire se veut original.
Toutefois, cette quête d'originalité n'empêche pas de
s'inspirer d'auteurs qui ont déjà exploré la même
matière. Ainsi, nous avons pris appui sur des auteurs tels Emmanuel
Derieux, Charles Debbasch, Emmanuel Dreyer et Bruno Ravaz ainsi que
Stéphane Reterer.
Dans son oeuvre intitulée Droit des
médias, parue à Dalloz, Emmanuel Derieux aborde la
présomption d'innocence sous l'angle du droit de la
responsabilité des médias. On apprend avec cet auteur que c'est
par la loi du 4 janvier 1993 qu'a été mis en place un
mécanisme judiciaire de garantie de la présomption d'innocence.
Il écrit : « Basé sur le même principe
que celui de la protection de la vie privée, l'article 9-1 du Code civil
pose que « chacun a droit au respect de la présomption
d'innocence8(*) ». ».
L'auteur ajoute que l'alinéa 2 du même article a
été modifié par la loi du 15 juin 2000, laquelle
précise qu'il y a atteinte à la présomption
d'innocence « lorsqu'une personne est, avant toute
condamnation, présentée publiquement comme étant coupable
de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction
judiciaire ». Pour Emmanuel Derieux, il n'est pas interdit aux
médias de publier certaines informations, mais seulement de
présenter, alors, une personne comme «
coupable ».
M. Derieux considère qu'en cas de violation, l'action
civile plus que celle pénale est mieux indiquée pour la
réparation du préjudice subi par l'individu dont la
présomption d'innocence a été bafouée. Au titre de
la réparation, Derieux indique que les dispositions légales
prévoient la réouverture du droit de réponse, du
délai de prescription, l'insertion de décisions de Justice, ou de
communiqué dans le journal fautif et ce, même par voie de
référé.
Emmanuel Derieux traite également dans Droit des
médias de l'obligation pour les médias de respecter la vie
privée et les autres droits de la personnalité. Pour
lui, « les médias sont parmi les principaux moyens par
lesquels de telles atteintes à l'intimité de la vie privée
sont portées. Il n'y a donc aucune raison de les faire échapper
à de telles mesures, pas plus d'ailleurs qu'à celles de
même nature que permet, de façon générale, le Code
de procédure civile ».
Dans Droit des médias paru également
à Dalloz, sous la direction de Charles Debbasch, les auteurs affirment
que le principe de la présomption d'innocence existait bien avant la loi
de 1993.
Pour eux, « la consécration d'un nouveau
droit (à travers la loi du 15 juin 2000 ayant modifié le
Code de procédure pénale français) peut sembler
à priori de nature à lui conférer un deuxième
souffle. Si ce n'est que la lecture des nouvelles dispositions appelle une
interprétation restrictive et que le champ d'application de ce droit au
respect se trouve être aujourd'hui particulièrement
réduit9(*) ».
Les auteurs de Droit des médias ont
énuméré les conditions de la protection de la
présomption d'innocence. Ainsi, d'après eux, la victime d'une
atteinte à la présomption d'innocence n'est pas tenue de
justifier de l'existence d'un acte spécifique de procédure. Il
suffit qu'elle ait été présentée publiquement,
avant toute condamnation, comme coupable de faits faisant l'objet d'une
enquête ou d'une instruction judiciaire. En plus, la personne doit avoir
été présentée publiquement comme étant
coupable des faits faisant l'objet de l'enquête ou de l'instruction
judiciaire.
A l'instar de Emmanuel Derieux, Charles Debbasch et ses
co-auteurs admettent que la réparation pour violation de la
présomption d'innocence peut s'obtenir soit par le biais d'une action en
diffamation ou du droit de réponse, soit par la mise en oeuvre, sous
certaines conditions tenant à la notion de faute civile et à la
prescription, des règles de la responsabilité civile.
Le groupe d'auteurs dirigé par Charles Debbasch a aussi
indiqué les limites juridiques à la mise en oeuvre de la
protection de la présomption d'innocence. La première limite,
selon ces auteurs, tient à l'édiction d'une condamnation
définitive. En effet, écrivent-ils, une personne qui se plaint
d'une atteinte à sa présomption d'innocence, perd le droit
à la protection une fois qu'une décision de Justice devenue
définitive confirme sa culpabilité. Charles Debbasch et autres
estiment qu' « il n'est pas interdit de diffuser par voie de
presse l'arrestation d'un individu présenté comme suspect, voire
la commission d'un crime, la limite doit tenir de la part du journaliste,
à l'absence de toutes conclusions définitives manifestant un
préjugé tenant pour acquise la culpabilité de
l'intéressé10(*)».
Sur ce point, Charles Debbasch et ses co-auteurs ont pris
appui sur un jugement du Tribunal de grande instance(TGI) de Paris, rendu le 7
juillet 199311(*) à
propos d'une émission télévisée sur une affaire de
moeurs dans un collège. Cette limite à la protection tenant
à l'absence de toutes conclusions définitives, de l'avis de M.
Debbasch, empêche que face à la liberté d'informer les
lecteurs, la protection de la présomption d'innocence ne devienne un
« verrou automatique ». En se
référant à une autre jurisprudence du TGI de Paris, les
co-auteurs mentionnent : « De manière plus
générale, concernant le compte rendu d'affaires judiciaires en
cours, dès l'instant où le journaliste n'abuse pas du droit qui
est le sien d'informer les lecteurs en n'assortissant pas ses propos d'un
commentaire anticipant ses certitudes quant à l'issue de la
procédure ou en ne cherchant pas à persuader le lecteur de la
culpabilité de la personne mise en cause, il n'y a pas atteinte
portée à la présomption d'innocence12(*) ».
Toutefois, les auteurs reconnaissent que le but
légitime d'information du public ne dispense pas le journaliste du
respect de la présomption d'innocence ainsi que de devoirs de prudence
et de d'objectivité dans l'expression de la pensée. Du moins, M.
Debbasch et autres reprennent à leur compte un arrêt de la chambre
criminelle de la Cour de cassation française en date du 22 octobre
199613(*).
Au titre des modes de protection de la présomption
d'innocence, Charles Debbasch et autres énumèrent la
rectification ou la diffusion d'un communiqué pour faire cesser toute
atteinte. Ils invitent à ne pas confondre cette rectification qui peut
être ordonnée en référé, avec le droit de
réponse. Cette insertion, précisent les auteurs, est
ordonnée aux frais de la personne physique ou morale responsable de
l'atteinte à la présomption d'innocence. Enfin, ajoutent-ils,
cette insertion n'exclut pas l'action en réparation des dommages subis.
Dans Droit de l'information, Emmanuel Dreyer insiste
sur la responsabilité pénale des médias. Il souligne que
la volonté du législateur de protéger la
présomption d'innocence s'est manifestée par l'interdiction de
publication d'un certain nombre d'informations. Certaines sont liées au
procès. Les autres sont étrangères à tout
procès.
L'interdiction de publication des informations liées au
procès, selon Emmanuel Dreyer, doit permettre de protéger, entre
autres, la présomption d'innocence, la discrétion des
débats et l'autorité de la Justice.
S'agissant de la protection de la présomption
d'innocence, l'auteur attire l'attention sur l'interdiction de reproduction des
actes de procédure d'une part, et d'autre part sur l'interdiction de
diffusion de certaines atteintes à l'honneur de la personne par l'image
ou par sondage.
On retient que l'article 38 al.1 de la loi du 29 juillet 1881
interdit « de publier les actes d'accusation et tous autres
actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient
été lus en audience publique ». M. Dreyer ajoute
que d'une certaine façon, cette disposition vient corroborer le principe
du secret de l'instruction, posé par l'article 11 du Code de
procédure civile. Pour lui, ces dispositions ont pour but de faire
respecter la présomption d'innocence.
A propos des images susceptibles de menacer l'innocence,
Emmanuel Dreyer rappelle que la loi interdit l'image d'une personne
« faisant apparaître, soit que cette personne porte des
menottes ou entraves, soit qu'elle est placée en détention
provisoire14(*) ».
Par ailleurs, Dreyer relève la possibilité pour
les sondages de porter atteinte à la présomption d'innocence.
D'où l'incrimination de tout « fait, soit de
réaliser, de publier ou de commenter un sondage d'opinions ou tout autre
consultation, portant sur la culpabilité d'une personne mise en cause
à l'occasion d'une procédure pénale ou sur la peine
susceptible d'être prononcée à son encontre, soit de
publier des indications permettant d'avoir accès à des sondages
ou consultations... ». L'auteur pense qu'il s'agit là
d'éviter tout « lynchage
médiatique ».
Emmanuel Dreyer note également les interdictions de
comptes rendus de procès en matière de diffamation et en
matière familiale. Les comptes rendus de débats et la publication
des pièces de procédure concernant les questions de filiation,
les actions à fins de subside, les procès en divorce, les
séparations de corps et nullités de mariage et les procès
en matière d'avortement sont interdits, conformément à la
loi. Seulement, le dispositif des décisions peut être
publié et les publications techniques doivent respecter l'anonymat des
parties.
Bruno Ravaz et Stéphane Retterer sont les auteurs de
Droit de l'information et de la communication. Pour eux, la
présomption d'innocence s'applique en principe à l'Etat
lui-même et à ses organes et non aux médias et aux
journalistes. Toutefois, ces auteurs proposent d'en admettre le principe dans
la déontologie journalistique. En effet, expliquent-ils, la presse,
à défaut de convaincre les juges professionnels, peut influencer
l'opinion publique par sa façon de résumer tels faits ou
présenter telle personne comme coupable.
Bruno Ravaz et Stéphane Retterer pensent que, parce que
le journaliste ne peut se montrer totalement discret et que le public a le
droit d'être informé, la prise en considération de la
présomption d'innocence passe par un usage contrôlé de la
publication de l'identité des personnes accusées.
En somme, les deux co-auteurs en appellent au sens de la
responsabilité aussi bien du journaliste dans le traitement de
l'information et dans son comportement sur le terrain que du lecteur dans le
choix de ce qu'il lit.
CHAPITRE II : CADRE CONCEPTUEL DE L'ETUDE
Dans ce chapitre, il s'agit de clarifier certaines notions
telles que la présomption d'innocence (Section I) et la presse
quotidienne (Section II) et bien d'autres concepts comme la liberté
d'expression, le traitement de l'information, etc. (Section II).
Section I : La notion de présomption
d'innocence
Le petit Robert définit la présomption
comme une opinion fondée seulement sur des signes de vraisemblance.
Pour sa part, Le petit Larousse définit la
présomption comme l'action de présumer de quelque chose, de tenir
pour vraisemblable ce qui n'est que probable.
Selon le Lexique des termes juridiques, la
présomption désigne un mode de raisonnement juridique en vertu
duquel, de l'établissement d'un fait on induit un autre fait qui n'est
pas prouvé. La présomption est dite de l'homme lorsque
le magistrat tient lui-même et en toute liberté ce
raisonnement par induction.
La présomption est légale lorsque le
législateur tire lui-même d'un fait établi un autre fait
dont la preuve n'est pas apportée. La présomption légale
est simple lorsqu'elle peut être combattue par la preuve contraire.
Lorsque la présomption ne peut être renversée, elle est
dite irréfragable ou absolue.
Les présomptions simples sont dites juris
tandum tandis que les présomptions absolues sont
désignées par l'expression latine juris et de
jure.
Selon Le petit Larousse, l'innocence est synonyme
d'absence de culpabilité. Toujours selon ce dictionnaire, l'innocence
désigne la qualité de quelqu'un qui ignore le mal : la
pureté.
Dans Le petit Robert, l'innocence est
l'état de l'être qui n'est pas souillé par le mal ou
incapable de le commettre.
Par présomption d'innocence, le Lexique des termes
juridiques propose d'entendre, un principe selon lequel, en matière
pénale, toute personne poursuivie est considérée comme
innocente des faits qui lui sont reprochés, tant qu'elle n'a pas
été déclarée coupable par la juridiction
compétente.
Selon Le petit Robert, la présomption
d'innocence est un principe selon lequel tout justiciable doit être tenu
pour innocent tant que sa culpabilité n'est pas prouvée.
Section II : La notion de presse quotidienne
Le terme presse est polysémique. Selon Le petit
Larousse, la presse est une machine équipée d'un dispositif
permettant de comprimer, d'emboutir ou de fermer ce qu'on y introduit. C'est
également une machine à imprimer. C'est aussi l'ensemble des
journaux, l'activité ou le monde du journalisme. Ce sont ces
dernières acceptions du mot presse qui intéressent notre
étude.
Selon Le petit Robert, la presse est l'ensemble des
publications périodiques et des organismes qui s'y rattachent.
Par presse quotidienne, on voit tout de suite la presse
écrite et particulièrement les journaux paraissant tous les
jours, à l'exception des jours non ouvrables ou fériés.
La presse quotidienne se distingue en partie des autres publications par le
caractère journalier de sa périodicité. Dans la presse, la
périodicité est l'intervalle de temps auquel parait une
publication. Cet intervalle doit être régulier.
Section III : Autres concepts
Cette section est réservée à la
définition de certains concepts évoqués dans cette
étude. Ce sont : la liberté d'expression, le droit à
l'information et le droit à l'image(A). Des notions telles que la
communication, l'information et le traitement de l'information ont
également été définies (B).
A. Liberté
d'expression, droit à l'information et droit à l'image
1. La liberté d'expression
Consacrée par la Déclaration française
des droits de l'Homme de 1789 et proclamée par la loi du 29 juillet
1889, la liberté d'expression s'entend du droit d'opinion et de la
liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des
idées sans qu'il puisse y avoir ingérence des autorités
publiques et sans considération de frontière.
2. Le droit à l'information
Le droit à l'information désigne le droit de
tout un chacun à être informé. Il requiert des pouvoirs
publics un certain interventionnisme dans le but de rendre l'information
accessible au plus grand nombre. Dans Lexique d'information
communication, on peut lire ceci : « Droit
à l'information : Conception ou théorie qui voudrait, dans
les systèmes démocratiques les plus avancés, constituer le
principe d'information comme l'un des fondements du droit applicable aux
activités d'information et de communication. Il s'agit notamment de
faire du principe de liberté d'expression ou de communication,
au-delà du privilège de quelques-uns (éditeurs,
journalistes), ou d'une simple conception formelle, un droit pour le plus grand
nombre, sinon pour tous. Sans remettre en cause les valeurs et les acquis des
régimes de liberté d'expression, la théorie du droit du
public à l'information vise à les conforter 15(*)».
3. Le droit à l'image
Le droit à l'image est le droit pour tout un chacun
d'autoriser ou de s'opposer à la fixation et à la diffusion de
son image. C'est un droit de la personnalité au même titre que le
droit au respect de la vie privée. Le droit à l'image est un
droit inaliénable puisque rattaché à la personne; il ne
peut pas être cédé. On peut être autorisé
à fixer et à diffuser l'image d'autrui, mais en aucun cas on ne
saurait être titulaire de son droit à l'image. L'autorisation dont
il est question est nécessaire quel que soit le lieu (public ou
privé) dans lequel l'intéressé a été
photographié ou filmé et quelle que soit la partie de son corps
reproduite et diffusée. Il est en outre interdit de faire de l'image
d'autrui un usage autre que celui consenti.
Toutefois, l'autorisation n'est pas requise lorsque l'on fixe
et publie l'image d'une personne ayant une vie publique si l'image y est
liée. Il est également permis que soit diffusée sans
l'autorisation de l'intéressé, une image prise lors d'un
évènement d'actualité, à la seule condition que
l'image s'y rapporte. Enfin, il est possible de passer outre l'autorisation si
l'image porte sur un groupe de personne sans centrer l'attention sur l'une ou
l'autre d'entre elles.
En tout état de cause, la publication de l'image ne
doit pas être dévalorisante. La sanction de la violation du droit
à l'image peut consister en une interdiction de diffusion, en une
condamnation pénale ou au paiement de dommages-intérêts
pour le préjudice causé.
B. Communication,
information et traitement de l'information
1. La communication
Etymologiquement, le mot communication vient du latin
communicare qui signifie « mettre en
commun ». Le mot s'est ensuite enrichi de multiples
significations telles que « entrer en relation »,
« être en relation »,
« mettre en relation » ou bien encore
« faire connaître ».
Francis Balle définit la communication dans Lexique
d'information Communication comme : « l'action
consistant, pour les Hommes, à échanger des messages, en face ou
bien à distance, avec ou non le secours d'un média, et quelle que
soit la forme ou la finalité de cet échange ». La
communication désigne donc à la fois une action et le
résultat de cette action : communicare et
communitas16(*) » (p. 82).
La communication est couramment définie comme l'action
de communiquer, d'établir une relation avec autrui, de transmettre
quelque chose à quelqu'un. Elle désigne aussi l'ensemble des
moyens et techniques permettant la diffusion d'un message auprès d'une
audience plus ou moins vaste et hétérogène. C'est
également l'action d'une organisation qui poursuit la promotion de son
activité ou l'entretien de son image auprès d'un public par tout
procédé médiatique.
La communication s'entend d'un échange de messages
entre un émetteur et un récepteur et ce, par
l'intermédiaire d'un canal. La communication implique une
interactivité entre l'émetteur et le récepteur.
Au sein des organisations, il existe plusieurs types de
communication. La communication interne est destinée aux membres de
l'organisation tandis que la communication externe est orientée vers le
public, les usagers ou les clients. On parle également de communication
institutionnelle par laquelle une organisation cherche à faire
connaître ses missions, ainsi que de la communication commerciale qui a
pour but de « vendre » l'entreprise, ses marques
et ses produits. Mentionnons enfin la communication de crise qui regroupe les
actions de communication engagées par une structure en période de
difficultés. La tragédie du Titanic en 1912, ce paquebot
de 52 310 tonnes, marque de l'avis de certains auteurs comme Thierry
Libaert, le point de départ de la communication de crise.
2. L'information
Le mot information découle du latin
« informare » : façonner, former ou
encore donner forme. L'information, elle aussi, est un terme
polysémique. Dans le contexte de notre étude, l'information
désigne la nouvelle d'actualité. Le Lexique d'information
communication indique que l'information est une institution singulière
avec ses techniques, ses professionnels et ses disciplines, née avec les
journaux quotidiens au XIXe siècle. L'information désigne encore
un texte qui, à partir d'un évènement, met en scène
le plus efficacement possible les faits nouveaux, intéressants et
significatifs en les plaçant dans leur contexte de signification.
3. Le traitement de l'information
Le traitement de l'information est l'ensemble des
procédures mises en oeuvre pour passer des informations
« brutes », reçues de différentes
sources, à la production de textes, illustrés ou non, prenant des
formes rédactionnelles variées et remplissant les colonnes des
journaux et périodiques, ou les séquences d'information des
chaînes de radios et de télévisions.
Dans le cadre de cette étude, nous utilisons les termes
« brève »,
« filet »,
« reportage » et « compte
rendu » qui désignent des genres journalistiques.
La brève, comme son nom l'indique, est un article qui
donne l'essentiel de l'information en quelques lignes. La brève
répond aux questions : qui, quoi, où et quand ? En
principe, elle ne doit pas être titrée mais il existe dans la
pratique des déviations à ce principe.
Le filet est une brève plus ou moins
développée. Elle reprend l'essentiel de la brève et
s'allonge sur 10, 30 ou 50 lignes. Elle est titrée.
Le reportage est un article de presse qui donne à voir,
à entendre, à sentir ou à vivre un
évènement. Le reportage fournit la réponse aux
questions : qui fait quoi, où, quand, comment, pourquoi et pour
quoi ? Les anglais parlent de cinq W plus ,1 à savoir :
who, what, where, when, why et how.
« Le reportage révèle
l'âme du journal parce que le reporter, c'est un oeil, un nez et une
oreille branchés sur un stylo17(*) », disait Jean Luc Lagardette.
Le compte rendu, lui, se contente de donner à voir ou
à entendre un évènement. Mais il ne fait pas vivre ou
sentir l'évènement en ce sens qu'il ne fait pas ressortir
l'ambiance de la manifestation.
Dans l'étude, nous utilisons parfois les
mots « titre »,
« chapeau »,
« intertitre »,
« attaque »,
« chute » et «
légende ».
Le titre est défini comme « le visage de
l'article », permettant d'attirer l'attention et de
délivrer un message.
Le chapeau est un court texte qui permet au lecteur de
connaître l'essentiel de ce qu'il va lire. Il est composé sur une
autre largeur que le texte et dans des caractères différents de
taille, de genre.
L'intertitre est un titre placé entre les colonnes de
l'article pour en faciliter l'approche et la lecture. Il est parfois le
résumé de la partie de l'article qu'il précède. Il
a pour rôle de reposer l'oeil, de casser la grisaille et la masse du
texte.
L'attaque est constituée de la première phrase
ou du premier paragraphe de l'article. Il est servi en apéritif au
lecteur et doit lui donner l'envie de lire.
La chute, c'est les derniers mots, la dernière phrase
ou le dernier paragraphe de l'article. Il est adapté à chaque
genre journalistique. Pour les papiers informatifs, à l'exception des
commentaires d'opinion, la chute est la dernière chose que le
journaliste a à dire.
En journalisme, la légende est un texte qui accompagne
une photo illustrant un article. En principe, son but est d'apporter une
information qui n'existe pas dans le corps de l'article.
Le commentaire d'opinion et l'analyse ne sont pas
concernés par cette étude. Ces genres rédactionnels ont
ceci de particulier qu'ils ne se contentent pas de donner une nouvelle
d'actualité. Leur propre est de livrer aux lecteurs l'opinion du journal
sur un fait d'actualité.
L'interview, l'enquête, la chronique, le courrier des
lecteurs et maintenant le forum ou la tribune des internautes ne sont pas pris
en compte dans la présente étude.
DEUXIEME PARTIE : LA PRESSE QUOTIDIENNE BURKINABE ET LA
PRESOMPTION D'INNOCENCE
Avant de relever les pratiques respectant la
présomption d'innocence (Chapitre II) et les atteintes audit principe
(Chapitre III) dans la presse quotidienne burkinabè, il est judicieux de
s'appesantir d'abord sur le principe de la présomption d'innocence et
sur la présentation de la presse quotidienne burkinabè (Chapitre
I).
CHAPITRE I : LE PRINCIPE DE LA PRESOMPTION D'INNOCENCE ET
LA PRESENTATION DES QUOTIDIENS BURKINABE
Dans ce chapitre, il est question d'approfondir la notion de
la présomption d'innocence (section I) et de présenter la presse
quotidienne burkinabè en mettant l'accent sur les journaux
concernés par cette étude (Section II).
Section I : La présomption d'innocence
Quels sont la définition et les implications (A), les
fondements juridiques(B) ainsi que les sanctions de la violation (C) de la
présomption d'innocence ? Cette section est destinée
à répondre à cette question.
A. Définition et
implications de la présomption d'innocence
Par la définition, nous préciserons d'une part
ce qu'il faut entendre par présomption d'innocence (1) et d'autre part
ce qu'elle implique(2).
1. Définition
Dans sa définition commune, la présomption
d'innocence signifie qu'un individu, même suspecté de la
commission d'une infraction, ne peut être considéré comme
coupable avant d'en avoir été jugé comme tel par un
tribunal compétent.
Dans Lexique d'information et communication, Francis Balle et
ses co-auteurs définissent la présomption d'innocence en ces
termes : « Principe selon lequel, tant que la
culpabilité d'une personne n'a pas été formellement
constatée par la juridiction compétente, cette personne doit
être considérée et traitée comme si elle n'avait
pas aucune responsabilité dans les faits qui sont l'objet de
l'enquête ou de la poursuite judiciaire. Le respect de ce principe
s'impose aussi à tous ceux qui sont appelés à s'exprimer,
à informer sur les affaires dont la police et la justice ont pris
connaissance. Mais il n'est pas interdit aux médias d'informer sur une
enquête ou une instruction en cours, ni même de mentionner le nom
de la personne mise en examen et de faire état des soupçons qui
pèsent sur elle, mais ils ne peuvent avant tout jugement la
présenter « comme coupable », sous peine
d'engager leur responsabilité18(*) ».
La présomption d'innocence est un principe de
procédure pénale. Il est inscrit en bonne place dans les droits
de l'homme. Son but est d'assurer la protection de la personne humaine et
surtout les droits de la défense devant les juridictions pénales
où les éléments accusatoires de la procédure
tendent à fragiliser la personne poursuivie. On pouvait lire dans les
exposés de motifs de la loi française du 15 juin 2000 ayant
renforcé la protection de la présomption d'innocence dans le Code
de procédure pénale français : «
Les autres principes directeurs qui gouvernent la procédure
pénale sont la conséquence du principe de la présomption
d'innocence 19(*)».
2. Les implications de la
présomption d'innocence
La présomption d'innocence est avant tout une
règle de preuve. En vertu de cette présomption, la charge de la
preuve de la culpabilité d'un individu incombe à la partie
poursuivante. En cas d'insuffisance de preuve, le doute doit profiter à
l'accusé (in dubio proreo).Toutefois, il faut noter
qu'en cas de délit de presse, la charge de la preuve incombe toujours au
journaliste dont la mauvaise foi est présumée. C'est à lui
de prouver sa bonne foi. En outre, pour d'autres infractions telles que le
proxénétisme, la culpabilité est plutôt
présumée.
Une autre implication concrète de la présomption
d'innocence est la limite qu'elle apporte à la liberté
d'expression. Elle confère ainsi le droit à toute personne non
encore condamnée mais présentée comme coupable par la
presse un droit de rectification publique et la possibilité d'obtenir de
l'organe de presse fautif une insertion d'une décision de justice le
condamnant pour la faute ainsi commise. Par ailleurs, l'atteinte à la
présomption d'innocence ouvre à la victime la voie à une
plainte pour diffamation ou pour injure ou encore pour une atteinte au droit
à l'image avec en sus une possibilité de se faire indemniser.
B. Les fondements
juridiques de la présomption d'innocence
La présomption d'innocence est un droit de la
personnalité. Il fait partie des attributs que la loi reconnaît
à tout être humain. Sa protection est assurée au même
titre que celle des droits à la vie et à
l'intégrité corporelle, à l'intimité de la vie
privée, à l'image, à l'honneur et à la
considération. Ces droits visent à préserver la personne
humaine dans toute sa dignité. Ils sont en principe hors du commerce
juridique et dotés d'une opposabilité absolue.
A l'origine, tous ces droits ont été
dégagés par la jurisprudence. A ce propos, l'éminent
juriste français, Raymond Lindon a parlé de la «
construction prétorienne des droits de la
personnalité ». Telle est d'ailleurs le titre d'un de ses
ouvrages. Mais de nos jours, le législateur est intervenu dans la
protection des droits de la personnalité. C'est à travers de
nombreux textes aussi bien nationaux qu'internationaux que le principe de la
présomption d'innocence a été affirmé.
Le principe selon lequel « toute personne
accusée d'une infraction est présumée innocente
jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie » est énoncé à
l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de
1789, à l'article 6 § 2 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme, à l'article 14 § 2 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques de 1966 et à
l'article 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de
1948.
La Loi fondamentale française de 1958, parce qu'elle
reprend dans son préambule le premier texte cité, donne une
valeur constitutionnelle à la présomption d'innocence. Au plan
législatif, le Code de procédure pénale français,
précisément la loi du 15 juin 2000 qui l'a modifié,
prévoit la présomption d'innocence. Le Code civil français
en son article 9-1 dispose : « Chacun a droit au
respect de la présomption d'innocence ».
Lorsqu'une personne est, avant toute condamnation,
présentée publiquement comme coupable de faits faisant l'objet
d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, le juge peut, même
en référé, sans préjudice de la réparation
du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l'insertion d'une
rectification ou la diffusion d'un communiqué, aux fins de faire cesser
l'atteinte à la présomption d'innocence, et ce au frais de la
personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte ».
En droit burkinabè, la présomption d'innocence
est essentiellement conventionnelle et constitutionnelle. En effet, certains
instruments juridiques internationaux ratifiés par le Burkina Faso
défendent la présomption d'innocence. Il s'agit, entre autres, du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 (art.
14 § 2), de la Déclaration universelle des droits de l'Homme
de 1948 (art. 11-1) et de la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples de 1981 (art. 7-1-b).
Le préambule de la Constitution burkinabè fait
allusion à ces textes juridiques internationaux. Bien plus, son article
4 consacre la valeur constitutionnelle de la présomption d'innocence en
des termes plus explicites. « Tout prévenu est
présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit
établie », dit l'article 4 al 2.
Mais au plan législatif, les textes traitant de la
présomption d'innocence sont quasi-inexistants. On retrouve tout de
même dans la législation burkinabè des dispositions qui se
présentent comme les conséquences directes ou indirectes de la
présomption d'innocence. Il en est ainsi de l'article 11 du Code de
procédure pénale burkinabè. Il
dispose : « Sauf dans les cas où la loi dispose
autrement et sans préjudicier des droits de la défense, la
procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est
secrète. Toute personne qui concourt à cette procédure est
tenue au secret professionnel dans les conditions ou sous les peines
prévues par les dispositions du Code pénal relatives au
révélations de secrets ».
C. Les sanctions de la
violation de la présomption d'innocence
La violation de la présomption d'innocence peut faire
naître du même coup une infraction pénale et une faute
civile. Par conséquent, les sanctions de cette violation sont à
la fois pénales et civiles.
1. Les sanctions pénales
La sanction est déterminée par le juge
répressif à la suite d'une action en diffamation, ou en injure
qui ne peut être mise en oeuvre qu'après une plainte
formulée par la victime. La sanction peut également s'assimiler
à celle d'une atteinte au droit à l'image. La
répression de la violation de la présomption d'innocence, comme
celle de tous les délits de presse, entraîne une
responsabilité en cascade définie à l'article 117 de notre
Code de l'information de 1993.
Peuvent être tenus responsables d'une atteinte à
la présomption d'innocence, les directeurs de publication ou
éditeurs quelle que soit leur profession ou leur dénomination et
dans le cas où le directeur de publication jouit d'une immunité,
les codirecteurs de publication ; à défaut de ceux-ci les
auteurs, à défaut des auteurs, les imprimeurs.
La diffamation est définie par les articles 109 du Code
de l'information de 1993 et 361 du Code pénale
comme : « Toute allégation ou imputation qui
porte atteinte à l'honneur et à la considération
d'autrui ». La diffamation est difficile à distinguer de
l'injure définie comme : « toute expression
outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation
d'aucun fait ». La diffamation peut valoir à son auteur
une peine d'amende et d'emprisonnement.
L'action publique pour la poursuite d'une violation de la
présomption d'innocence se prescrit par trois mois à compter du
jour de l'article publié. L'atteinte à la présomption
d'innocence étant assimilée à une diffamation, à
une injure ou à une atteinte au droit à l l'image, sa
répression est soumise à la prescription trimestrielle applicable
à tous les délits de presse.
Les peines sanctionnant une violation de la présomption
d'innocence, si celle-ci est assimilée à un délit de
diffamation, sont variables en fonction des institutions
protégées ou de la qualité de la personne qui en est
victime.
En cas de diffamation contre un membre du gouvernement, des
corps constitués, des personnes chargées d'un service public ou
mandat public, jurés ou témoins, l'auteur encourt un
emprisonnement de deux mois à un an et une amende de 50 000
à 300 000 F CFA ou l'une de ces deux sanctions.
Cependant, lorsque l'atteinte, synonyme de diffamation, est
causée à un particulier, le coupable écope d'un
emprisonnement de deux à six mois et d'une amende de 50 000
à 150 000 F CFA ou l'une de ces deux peines, conformément
à l'article 364 du Code pénal.
Le débat sur la dépénalisation, ce que
d'aucuns appellent la
« déprisonnalisation », reste encore
d'actualité. Au Burkina, les délits de presse continuent
d'être réprimés au pénal. Si dans un passé
encore récent, d'illustres auteurs à l'instar du Dr Seydou
Dramé ont pu se réjouir du fait qu' « il n'y a
pas de prisonnier d'opinion au Burkina Faso depuis l'adoption du Code de
l'information de 1993, encore moins de prisonnier pour délit de
presse...20(*) », tel n'est plus le cas à ce
jour. En effet, le directeur de publication de L'Ouragan purge
actuellement une peine d'emprisonnement pour diffamation.
2. Les sanctions civiles
La victime d'une atteinte à la présomption
d'innocence peut se constituer partie civile au procès pénal et
obtenir du juge qu'il condamne l'auteur de l'infraction à lui verser une
indemnité réparatrice du préjudice subi.
Il s'agit là d'une application des articles 1382 et
suivants du Code civil aux délits de presse. L'applicabilité de
l'article 1382 a d'abord été controversée avant que la
Cour de cassation française ne tranche définitivement la
question. La Cour de cassation française admet que l'action
en réparation d'une atteinte à la présomption d'innocence
peut être exercée conjointement lors d'une action en diffamation
(Cass. Civ, II, 8 juillet 2004).
Le Code de l'information burkinabè dispose en son
article 140. «L'action publique et l'action civile
résultant des crimes ou délits et contravention prévus par
la présente la loi se prescrivent après trois mois
révolus, à compter du jour où ils auront été
commis ou du jour du dernier acte de poursuite s'il en a été
fait ».
Mais outre l'indemnisation, la victime peut, obtenir du juge
une ordonnance en référé contraignant l'auteur de la
violation à insérer dans le journal fautif, à ses propres
frais, une rectification ou un communiqué annonçant sa propre
condamnation pour cette atteinte ou visant à mettre fin à
l'atteinte. Il est également prévu en droit burkinabè la
saisie préventive qui peut également être
décidée par le juge des référés
conformément à l'article 90 al 3 de notre Code de
l'information.
Section II : La presse quotidienne burkinabè
La presse quotidienne désigne les titres paraissant
chaque jour à l'exception des jours non ouvrables ou
fériés. Au Burkina, le rapport 2011 du Conseil supérieur
de la communication (CSC) fait état de cinq quotidiens,
(L'Observateur Paalga, Sidwaya, Le Pays, L'express du
Faso et Le Quotidien). Mais, il faut ajouter à ces titres
deux nouveaux venus : Le Soir et Journal
Actualité.
En France, Jean-Marie Charon a écrit dans son ouvrage
intitulée Presse quotidienne : « Aujourd'hui, cette
presse, que les Britanniques qualifient de « quotidiens de
qualité »21(*), se trouve représentée par trois
titres : Le Figaro, Libération et Le Monde ». Sans
procéder à un classement des quotidiens burkinabè,
admettons qu'il existe dans la presse quotidienne nationale cette trilogie.
Elle serait composée de L'Observateur Paalga, de
Sidwaya et du quotidien Le Pays. Ne sont-ils pas les
quotidiens qui paraissent les plus lus et les plus connus du public ?
A. L'Observateur Paalga
C'est le doyen de la presse privée écrite
burkinabè. Porté sur les fonts baptismaux le 28 mai 1973, il a
d'abord été appelé L'Observateur. Sous la
période révolutionnaire, L'Observateur va
« laisser des plumes22(*) », pour reprendre la
célèbre formule d'Enock Kindo. En effet, dans la nuit du 10 au 11
juin 1984, un incendie mystérieux ravage les locaux du journal. La
reprise de ses activités prévue par ses promoteurs pour le
vendredi 27 janvier 1989 n'a pas eu lieu. L'édition a été
saisie ce jour-là et les locaux mis sous scellés quelque temps
après. Il a fallu attendre le 15 février 1991 pour que
L'Observateur renaisse de ses cendres. Le journal prend alors le nom
de L'Observateur Paalga (Nouvel Observateur).
Nous nous intéresserons à son organisation (1),
à sa fabrication et à sa diffusion (2).
1. L'organisation de L'Observateur
Paalga
Dans l'organigramme, il y a le directeur de publication, un
coordonnateur, un chef du service administratif et des ressources humaines et
la rédaction dirigée par un directeur des rédactions ainsi
que l'imprimerie et le laboratoire.
Le directeur de publication est le premier responsable de la
publication. Il assume la responsabilité des articles publiés par
le journal. Il pose au nom du journal les actes de la vie civile ou
délègue à cet effet ses pouvoirs à d'autres
mandataires. Le directeur de publication du journal s'appelle Edouard
Ouédraogo. Il est également son fondateur.
A côté du directeur de publication, on retrouve
le coordonnateur. Il assure le lien entre les différents compartiments
de l'entreprise. Il a une vue d'ensemble sur l'activité de celle-ci.
En outre, il y a le chef du service administratif et des
ressources humaines. Comme son nom l'indique, il pilote l'activité
administrative de l'organe de presse et assure le volet ressources humaines. En
effet, il occupe une place de choix dans le recrutement du personnel. Il est
également chargé de la gestion des carrières des
employés.
Par ailleurs, le journal dispose de services financiers tels
que le service de la comptabilité et celui des annonces et
abonnement.
La rédaction, l'imprimerie et le laboratoire
interviennent dans la fabrication du journal
2. La fabrication et la diffusion de
L'Observateur Paalga
Il s'agira d'énumérer les organes participant
aux différentes étapes de la fabrication du journal (1) avant
d'aborder comment le produit final est diffusé(2).
a. La fabrication de L'Observateur
Paalga
Elle est en partie l'oeuvre de la rédaction
dirigée par un rédacteur en chef secondé par deux
adjoints, tous coiffés par un directeur des rédactions. Le terme
directeur des rédactions fait allusion à l'existence de deux
rédactions animant les deux produits de l'Agence Paalga. En
plus du quotidien, le journal édite un hebdomadaire appelé
L'Obs Dim réservé à l'actualité
culturelle et sportive.
Concernant le quotidien L'Observateur Paalga, son
menu est déterminé au cours d'une conférence de
rédaction qui se tient du lundi au vendredi à partir de 9h. Elle
connaît la participation de tous les journalistes à qui sont
confiées des tâches pour la confection du journal. Elle est
également une instance où la rédaction critique ses
productions antérieures afin d'améliorer son contenu.
La rédaction est organisée en desk, au nombre de
trois. Il y a les desks politique, juridique et sport dont les noms des
premiers responsables sont mentionnés dans l'ours du journal.
L'Observateur Paalga est le seul quotidien à avoir
créé le poste de grand reporter au profit d'un journaliste dont
le nom est également mentionné dans l'ours.
A la rédaction sont rattachés des services comme
le secrétariat de rédaction, la cellule de correction, le service
PAO (Publication assistée par ordinateur) et celui de la saisie,
contribuant chacun à sa manière à la fabrication du
journal.
Le montage est l'oeuvre des infographes et autres
opérateurs relevant de la PAO. Une fois montées, les pages sont
traitées au laboratoire pour tenir compte des options de coloration et
transmises à l'imprimerie pour impression. Le chef de l'imprimerie et du
laboratoire coordonne cette étape de la fabrication du journal.
Toutes ses opérations se déroulent sous l'oeil
vigilant d'un chef de fabrication. Celle-ci s'achève par le pliage et la
mise en colis effectuée par les agents chargés du routage.
b. La diffusion du journal
Diffusé dans les 45 provinces du Burkina,
L'Observateur Paalga dit être un « journal
populaire ». Tiré parfois à 1000 exemplaires, le
journal est diffusé à la criée, par abonnement, par
dépôt dans les supermarchés et autres points de vente. Il
est également acheminé en province.
B. Sidwaya
Comment Sidwaya est -il organisé ?
Comment le journal est-il fabriqué et comment est-il
diffusé ? Nous répondrons à ces questions dans les
développements suivants.
1. L'organisation de Sidwaya
Les Editions Sidwaya ont été
créées en 1984 en pleine Révolution. Le quotidien
Sidwaya participe aux côtés de l'agence d'information du
Burkina(AIB), de Sidwaya Sport, de Sidwaya Magazine
et de Carrefour africain à la réalisation du
service public de l'information. Au plan administratif, les Editions Sidwaya
ont le statut d'Etablissement public de l'Etat(EPE). Sidwaya a un
Conseil d'administration, une direction générale et des services
centraux érigés en directions.
Le conseil d'administration est composé de neufs
membres dont un administrateur représentant l'Etat au titre de la
présidence du Faso, d'un représentant du Premier
ministère, d'un représentant du ministère de la
Communication, d'un représentant du ministère des Finances, d'un
représentant du ministère des Postes et de deux
représentant du personnel. Le conseil d'administration assure la
responsabilité de l'administration de l'établissement. Il examine
et approuve le budget et les conditions d'émissions des
comptabilités administratives et de gestion. Il autorise le directeur
général à contracter tout emprunt.
La direction générale, elle, détient les
pouvoirs les plus étendus pour agir au nom du Conseil d'administration.
Le directeur général assume la responsabilité de la
direction technique, administrative et financière ou de toute autre
direction qu'il représente dans les actes de la vie civile. Co-directeur
de publication avec le ministre de la Communication, il répond de
toutes les publications des Editions Sidwaya devant les instances
compétentes. L'actuel directeur général des Editions
Sidwaya s'appelle Rabanki Abou Bakr Zida.
L'organigramme de la direction générale de
Sidwaya est en pleine modification.
Le projet d'organigramme prévoit 9 directions et
services centraux qui s'ajoutent à la cellule des conseillers
techniques, au Secrétariat particulier, au contrôle interne et au
secrétariat général.
La direction de l'Administration et des finances est
chargée de préparer, d'élaborer et suivre
l'exécution du budget et du compte administratif. Elle est aussi
chargée de la gestion des crédits budgétaires et de
l'entretien des biens meubles et immeubles de Sidwaya.
La direction des ressources humaines a pour missions de
concevoir et de mettre en application les dispositions visant à
accroître le rendement du personnel des Editions Sidwaya.
La direction commerciale et du markéting a pour
missions de définir et de mettre en oeuvre les stratégies en
matière commerciale.
En outre, il y a l'agence comptable, l'agence d'information du
Burkina ainsi que les directions régionales de Sidwaya.
Enfin, la direction des rédactions et la direction de
l'imprimerie et de la maintenance participent techniquement à la
confection du journal. La direction des rédactions couvre les
rédactions de Sidwaya quotidien, de Sidwaya Sport, de
Carrefour africain. La rédaction Internet, le service de
photojournalisme et celui des Archives et de la documentation relèvent
aussi de la direction des rédactions.
2. La fabrication et la diffusion du
quotidien Sidwaya
La fabrication du quotidien Sidwaya(a) est l'oeuvre
de la rédaction de ce journal. Une fois le journal confectionné,
s'ensuit sa diffusion (b).
a. La fabrication de Sidwaya
La fabrication du journal fait intervenir la direction des
rédactions, celle de l'imprimerie et de la maintenance puis bien
d'autres maillons de la chaîne. Selon le directeur de l'imprimerie,
Sidwaya quotidien tire à 5000 exemplaires.
Une équipe de journalistes, de photographes et de
techniciens mettent ensemble leurs efforts pour permettre la confection du
journal. Le rédacteur en chef qui a reçu mandat du directeur des
rédactions pour le traitement de l'information ainsi que pour sa
conception technique préside la conférence de rédaction.
Au cours de celle-ci, les journalistes déterminent le menu du journal.
En clair, ils procèdent au choix des sujets et des angles de
traitement puis à la critique des productions antérieures.
Au sein de la rédaction, les journalistes sont
organisés en desk. Sidwaya en comporte trois : le desk
politique et actualité internationale, le desk Economie et
développement et le desk Société et culture. Il existe un
quatrième desk, Sport, qui publie parfois des informations sportives
dans le quotidien. Mais, ce desk est autonome et chargé de
l'animation de Sidwaya Sport.
Chaque desk a un chef. Celui-ci est chargé de
réceptionner et de corriger les articles des journalistes placés
sous son autorité, avant de les transmettre au rédacteur en chef.
Après lecture, le rédacteur en chef achemine à son tour
les papiers reçus des chefs de desk au secrétariat de
rédaction.
Dans la fabrication de l'information, intervient le
secrétariat de rédaction qui regroupe outre les
secrétaires de rédactions proprement dits, les correcteurs, le
service de la saisie et celui du montage. Son rôle est de corriger les
fautes qui ont échappé à la vigilance des autres maillons
de la chaîne et de vérifier les maquettes avant tirage. Les
secrétaires de rédactions sont, entre autres, chargés de
perfectionner les titres proposés par les journalistes et de trouver des
intertitres aux différents articles pour en faciliter la lecture.
Entre le traitement de l'information et sa production, se
trouve l'imprimerie. Sa tâche consiste en l'impression des journaux de
Sidwaya. Mais, elle peut fournir des prestations à titre
onéreux à tout client.
b. La diffusion
Sidwaya dit s'adresser à tous les
Burkinabè. D'où son slogan : « Le journal de
tous les Burkinabè ». Sidwaya tire à 5000
exemplaires et est diffusé sur tout le territoire national. Sa
diffusion se fait à la criée, par abonnement, par
dépôt dans divers points de vente.
C. Le Pays
Les Editions Le Pays ont été
créées le 3 octobre 1991 par Boureima Jérémie
Sigué. En plus du quotidien Le pays, cet organe de presse édite
un hebdomadaire culturel et sportif appelé Evasion et un
mensuel, le magazine Votre Santé. Nous nous
intéresserons à l'organisation du journal, à sa
fabrication et à sa diffusion. Puis, nous aborderons ses sources de
revenus.
1. L'organisation des Editions Le
Pays
A côté du fondateur, il y a un directeur
général qui joue le rôle de directeur de publication. C'est
donc le directeur général qui assume, en principe, la
responsabilité des articles publiés dans le journal. Il coordonne
également les activités administratives du journal. L'actuel
directeur de publication s'appelle Cheick Beld'Or Sigué. En dehors de la
direction générale, l'administration comprend une direction des
affaires administratives et financières, une direction des ressources
humaines et un contrôleur général.
La direction des affaires administratives et
financières est composée des services financier et comptable.
Les services de la régie, des abonnements, des recouvrements, et de
gestion des stocks relèvent du contrôleur
général.
La direction des ressources humaines est chargée du
recrutement et de la gestion des carrières des agents.
Par ailleurs, il y a une direction de l'imprimerie qui, avec
la rédaction, intervient dans la fabrication du journal.
2. La fabrication et la diffusion du
quotidien Le Pays
a. La fabrication
Au centre de la fabrication du journal se trouve la
rédaction. Elle est dirigée par un rédacteur en chef,
assisté du secrétaire général des
rédactions, chargé des provinces et du rédacteur en chef
délégué chargé des reportages.
Le rédacteur en chef dirige la conférence de
rédaction au cours de laquelle le menu du journal est
déterminé et les productions de la veille critiquées. Il
n'y a pas de desk à proprement parler aux Editions Le Pays. En dehors
des informations sportives dont le traitement est généralement
confié à des journalistes considérés comme des
spécialistes de la matière, les autres types d'informations sont
collectées et traitées par tous les journalistes de la
rédaction indifféremment de la matière
concernée.
A la rédaction, sont rattachés les services de
saisie et de montage. Toutefois, le service des corrections relève de
l'imprimerie dont le rôle est déterminant dans la fabrication du
journal.
b. La diffusion
Les responsables du journal
estiment « qu'il s'adresse à toutes les
catégories socioprofessionnelles, allant de l'agent de liaison au
ministre ». Le Pays est également diffusé
à la criée, par abonnement et par dépôt dans les
différents points de vente. Grâce aux sociétés de
transport, le journal est acheminé en province.
Ses responsables disent tirer au moins 10 000 exemplaires
par jour. Le tirage évolue selon que l'on est en début ou en fin
de semaine, en pleine semaine, en début ou en fin de mois. Le nombre de
pages varie en fonction de l'abondance de l'actualité.
CHAPITRE II : LES PRATIQUES RESPECTANT LA PRESOMPTION
D'INNOCENCE DANS LA PRESSE QUOTIDIENNE BURKINABE
De l'analyse de contenu, il ressort que dans la presse
burkinabè il y a des pratiques respectant la présomption
d'innocence. Le respect de la présomption d'innocence a
été observé dans 65 articles dont 30 dans
Sidwaya, 16 dans L'Observateur Paalga et 19 dans Le
Pays.
Très généralement, dans les quotidiens
burkinabè, le respect de la présomption d'innocence
découle de la terminologie utilisée par les journalistes pour
désigner les personnes poursuivies.
Il y a respect de la présomption d'innocence lorsqu'un
article de presse présente la personne poursuivie comme un
présumé coupable, un inculpé, un prévenu ou un
accusé.
L'inculpé est une personne soupçonnée
d'une infraction pendant la procédure d'instruction. En France, le
législateur a estimé que l'inculpation, l'acte par lequel le juge
d'instruction signifie à la personne poursuivie qu'une enquête
sera ouverte contre elle, n'est pas neutre. Il a donc remplacé
l'inculpation par la mise en examen, considérée comme
étant moins tendancieuse, par la loi de 1994 ayant réformé
le Code de procédure pénale. Ainsi en France, on ne
désigne plus la personne poursuivie au stade de l'enquête par le
terme « prévenu », mais plutôt par
l'expression «personne mise en examen ». Tel
n'est pas encore le cas en droit positif burkinabè.
Le prévenu est une personne contre laquelle est
exercée l'action publique devant les juridictions de jugement en
matière correctionnelle et contraventionnelle. L'accusé, lui, est
une personne poursuivie devant les juridictions criminelles.
Outre la terminologie utilisée par les journalistes
pour désigner les personnes poursuivies, on constate dans certaines
illustrations d'articles traitant des affaires pénales une
volonté de protéger la présomption d'innocence.
C'est donc à travers la terminologie et les
illustrations que nous aborderons tour à tour dans Sidwaya
(Section I), L'Observateur Paalga (Section II) et Le Pays
(Section III) les pratiques respectant la présomption d'innocence.
Mais, nous tiendrons compte de la spécificité de chaque journal.
Section I. Les pratiques de Sidwaya
De tous les journaux étudiés, Sidwaya
se distingue par une certaine régularité dans le traitement et la
diffusion de l'actualité judiciaire. En effet, il tient une rubrique
dénommée « Au coin du palais »,
qui se fait l'écho des affaires pénales tous les mercredis.
En plus des informations publiées dans cette rubrique,
Sidwaya traite des affaires judiciaires au gré de
l'actualité. Ainsi, il publie, entre autres, des comptes rendus de
présentations de présumés délinquants
faites par les services de la police et de la gendarmerie.
Dans le quotidien d'Etat, nous avons recensé trente
(30) articles traitant d'affaires pénales et qui, de notre humble avis,
respectent la présomption d'innocence des personnes mises en cause. Ce
respect tient à l'usage de mots appropriés pour désigner
les personnes poursuivies, à l'emploi des initiales des personnes
poursuivies, à la relation des faits après le jugement et enfin
à l'illustration des articles.
Des trente (30) articles retenus, vingt sept (27) observent le
principe de la présomption d'innocence soit par la terminologie
employée, soit par l'utilisation des initiales des personnes
poursuivies et par la relation des faits après jugement (A). Les trois
(03) autres le font à travers leurs illustrations (B).
A. Le respect de la
présomption d'innocence par la terminologie dans Sidwaya
Dans son numéro 7227 du 3 au 6 août 2012 à
la page 37, un article intitulé « Sofitex : Le
chef d'usine de Banfora déféré à la Maison
d'arrêt », Sidwaya prend le soin de ne pas
traiter la personne mise en cause comme un coupable. Le journal a
préféré utiliser le mot
« prévenu ». On peut lire dans la chute
dudit article : « Cette affaire rocambolesque
intervient au moment où le prévenu vient d'être
relevé de ses fonctions de chef d'usine et muté à Bobo-
Dioulasso ».
Dans le numéro 7229 du mercredi 8 août 2012
à la page 37, Sidwaya se garde non seulement de citer les noms
des parties au procès mais également la relation des faits
n'intervient qu'après le jugement. L'information judiciaire ainsi
traitée présente deux avantages du point de vue de la protection
de la présomption d'innocence. D'abord, l'identification par le public
de la personne poursuivie, si elle reste possible, n'est pas à la
portée de tout le monde. Ensuite, la relation des faits s'achève
par une décision du juge sur la culpabilité ou non de la personne
poursuivie. Dans l'article ci-dessus cité, Sidwaya
écrit : « De l'avis du procureur, les actes de
SM étaient posés au regard du contrat qui liait les deux. Il a
été condamné à 6 mois de prison ferme
».
Ce mode de traitement est encore perceptible dans le
numéro 7262 du mercredi 26 septembre 2012 à la page 32. L'article
raconte : « MK, un particulier, a réussi à
escroquer une somme de près de 16 000 000 de F CFA à un
Nigérian. Ce dernier, arrivé au pays pour sans doute faire des
affaires au Burkina Faso, est tombé dans le piège de MK qui s'est
habillé en homme d'affaires pour appâter sa victime. ».
Le journal ajoute : « MK a été
condamné aux dépens, avec une obligation de rembourser plus de 20
millions dont les 16 millions de la victime, une amende de 1 500 000
F CFA, 2 000 000 F CFA de dommages et
intérêts... ».
L'usage de la terminologie appropriée pour
désigner les personnes poursuivies est de rigueur dans le numéro
7291 du jeudi 8 novembre de Sidwaya à la page 32. Dans ledit
article traitant de trafic d'enfants, le journal, en publiant le compte rendu
d'un point de presse donné par la police, préfère,
à ce stade de la procédure, au mot auteur
l'épithète « présumé ».
Le rédacteur de l'article donne à
lire : « Les enquêtes ont permis d'interpeller 73
auteurs présumés de traite des enfants parmi lesquels 16 seront
conduits devant le procureur du Faso pour répondre de leurs
actes ». Dans une des légendes de cet article, il est
dit : « Selon le commissaire principal de police,
Idrissa Séré, tous les présumés coupables seront
conduits devant le procureur du Faso ». Ici, l'emploi du mot
« présumé » est
révélateur de toute l'attention portée à la
présomption d'innocence.
Dans la relation du procès sur l'affaire dite de
Passakongo où un conflit ethnique avait opposé Peulhs et Bwaba,
Sidwaya exprime son attachement à la présomption
d'innocence par l'emploi du mot
« présumé » pour qualifier les
justiciables appelés à la barre. L'affaire dite de Passakongo a
été publiée dans Sidwaya numéro 7295 du 14
novembre, à la page 35, dans sa rubrique « Au coin du
Palais ». Le journal annonce : « Ce
jour-là, on procédait à l'audition des
présumés coupables de la crise dite de
Passakongo ». Par ailleurs, dans le même article, le
journal emprunte un autre terme au procureur, lequel terme est également
protecteur de la présomption d'innocence. Il s'agit du mot
« inculpé » qui désigne comme
indiqué plus haut que la personne poursuivie s'est vu signifier
l'infraction dont on l'accuse. Le journal cite le procureur du Faso près
le Tribunal de grande instance de Dédougou : « Pour
l'instant, le dossier est à sa phase d'enquête, et c'est pour
éviter des fuites au regard du nombre important des inculpés,
que nous avons pris toutes ces dispositions ».
Le terme prévenu est encore utilisé dans
l'article publié à la page 4 du numéro 7 306 du 29
novembre 2012. Dans cet article intitulé «
Mutineries de 2011 au Burkina, dix gendarmes à la
barre », le journal affirme : « A la
barre, chacun des présumés s'est défendu, tout en
demandant la clémence du tribunal. ».
En dehors du choix terminologique et de l'utilisation des
initiales, le respect de la présomption d'innocence dans
Sidwaya tient à l'illustration des articles traitant d'affaires
pénales.
B. Le respect de la
présomption d'innocence par les illustrations des articles dans
Sidwaya
Lorsque l'on parle d'illustrations dans la presse, il s'agit
de photographies, de gravures, de caricatures et de dessins de presse. Sidwaya
utilise des photographies.
La protection de l'image est fondée sur un
impératif : celui de préserver la dignité humaine.
Cette protection est accordée au suspect au nom de la
présomption d'innocence. Mais pour toute victime qui n'est pas
suspectée de la commission d'une infraction, la protection est
due au nom de la dignité humaine. C'est du moins l'avis exprimé
par Christine Lazergès dans sa chronique législative
publiée dans la Revue de science criminelle et droit
pénal de janvier-mars 201123(*).
Comme déjà indiqué plus haut, le droit
à l'image impose que l'image d'une personne ne soit pas fixée et
diffusée sans son consentement. Si l'on se tient à cette
prescription, on ne parlera que rarement de respect de la présomption
d'innocence par l'image dans Sidwaya et dans la presse de
façon générale. La raison est que les personnes
poursuivies et surtout celles présentées à la presse par
la police judiciaire donnent rarement leur consentement à être
photographiées.
Mais au vrai, en publiant de telles images, Sidwaya
et les autres quotidiens ne tombent pas forcément sous le coup de la
loi. En effet, des exceptions existent au principe de l'autorisation
préalable. Ainsi, une personne qui se trouve dans un lieu public
à l'occasion d'un évènement peut être
photographiée sans son consentement, à condition que la photo
soit liée à l'actualité en question. La
cérémonie de présentation des
présumés délinquants n'est-elle pas un
évènement ?
Il reste que la publication par la presse de photos de
personnes en porte à faux avec la loi peut conforter au sein du public
de la presse l'idée de leur culpabilité. Consciente de cette
réalité, la rédaction de Sidwaya traite ainsi
l'image des personnes poursuivies de manière à rendre difficile,
voire impossible, leur indentification.
Dans Sidwaya, nous n'avons recensé que trois
(03) articles dont les illustrations, plus précisément des
photographies, nous paraissent respecter la présomption d'innocence.
Cette faiblesse du nombre des illustrations s'explique par le fait que
l'information judiciaire rapportée dans la rubrique « Au
coin du Palais » n'est pas assortie d'image. En plus, bien des
articles traitant d'affaires pénales sont des brèves, donc non
illustrées.
Parmi les photos, l'une ne présente pas le visage des
personnes arrêtées par la gendarmerie. Une autre présente
les visages en les cachant. Dans le jargon journalistique, on dit que les
images sont floutées.
La première image illustre un article du numéro
7 305 du mercredi 28 novembre 2012, à la page 19. L'article est
intitulé « Arrestation de bandits : Avec de
fausses immatriculations, ils détournaient des
marchandises ».
L'image présente quatre présumés
faussaires en prenant le soin de « couper »
la tête de chacun d'eux. Le traitement de cette photo rend impossible
l'identification des personnes mises en cause. On peut alors considérer
ces photos comme quelque peu respectueuses de la présomption
d'innocence. En effet, l'impossibilité d'identifier les individus
photographiés ne tient que pour des personnes n'ayant jamais connu les
intéressés. Cela est d'autant plus vrai que l'article
lui-même cite nommément les personnes interpellées,
facilitant ainsi leur reconnaissance sur la photo par leur entourage.
En dépit de ce manquement, admettons qu'il y a de la
part du journal un effort dans la protection de l'innocence. C'est donc un
exemple de traitement des images qui pourrait faire école.
Dans son numéro 7 196 du jeudi 21 juin 2012,
Sidwaya a présenté à la page 13, les
présumés auteurs d'une contrefaçon en cachant leur visage
avec une légère bande noire. C'est ce que les journalistes
appellent une image floutée. Cette photo illustre un article
intitulé : « Lutte contre la
contrefaçon : Plus de 36 millions de faux billets de banque saisis
par la police ».
Pour la presse, cette technique atténue la
possibilité pour le public d'identifier les personnes poursuivies. Force
est de reconnaître que les membres de l'entourage d'une personne n'ont
pas de difficulté à reconnaître l'un des leurs sur une
image, soit-elle floutée. C'est dire que ce procédé est
insuffisant à garantir la présomption d'innocence. Toutefois, son
utilisation dénote de la volonté de l'organe de presse de ne pas
sacrifier l'innocence des personnes non encore jugées coupables. Cette
pratique, quoiqu'insuffisante, tend au respect de la présomption
d'innocence.
Dans l'article ci-dessus cité, Sidwaya a
accompagné la photo d'une légende qui, elle aussi, répond
à un souci de protection de la présomption d'innocence. Ainsi,
on peut lire au bas de l'image : « Ces quatre(4)
présumés coupables seront présentés au
procureur.».
Par le traitement des illustrations, que nous jugeons
d'ailleurs insuffisant, Sidwaya s'emploie tout de même à
préserver la présomption d'innocence des personnes poursuivies
dont il parle dans ses colonnes. Cette ambition de protéger l'innocence
est beaucoup plus marquée dans le corps des articles du journal. Elle se
perçoit dans la terminologie choisie pour désigner les
justiciables. Le quotidien d'Etat fait usage de mots comme
présumé, inculpé, prévenu et accusé. Par
l'emploi de ces termes, le journal admet que les personnes mises en cause ne
sont pas encore coupables et qu'elles peuvent être innocentées par
le juge. C'est en principe cette conception du principe de la
présomption d'innocence que le journal envoie à ses lecteurs.
Mais qu'en est-il du respect de la présomption
d'innocence dans le doyen des quotidiens burkinabè, L'Observateur
Paalga ?
Section II : Les pratiques de L'Observateur Paalga
A la différence de Sidwaya, L'Observateur
Paalga ne traite pas dans une rubrique précise les affaires
pénales. Toutefois, le doyen des quotidiens burkinabè offre
à ses lecteurs aussi bien des comptes rendus d'audience que des articles
portant sur des présentations de présumés
délinquants. Le fait de rendre compte des affaires pénales alors
que le jugement de condamnation n'a pas encore été
prononcé n'est pas synonyme d'atteinte à la présomption
d'innocence.
Bruno Ravaz et Stéphane Retterer, dans Droit de
l'information et de la communication, énumèrent les
conditions dans lesquelles une telle publication est admise. Selon ces auteurs,
« quelle que soit l'approche, la publication d'informations
complètes , incluant l'identité des personnes, est assurée
dans l'ensemble des situations sur lesquelles le public devrait être
informé : lorsque l'accusé est investi d'une fonction
publique et qu'il est poursuivi pour des actes contradictoires avec sa charge,
lorsqu'il jouit d'une renommée indiscutable et qu'il existe une relation
entre les actes qui lui sont reprochés et les activités
auxquelles il doit d'être connu, lorsque l'identité de
l'accusé a été révélée publiquement
par une instance officielle, que lui-même l'a dévoilée ou
qu'il a accepté qu'elle le soit et enfin lorsqu'un intérêt
public important le justifie24(*) .».
Le traitement de l'information judiciaire par
L'Observateur Paalga répond à certaines de ces
conditionnalités. En effet, la plupart du temps les affaires judiciaires
sont ébruitées ou mises à la connaissance des
médias par les autorités judicaires elles-mêmes.
Très souvent, les journalistes ne font que relayer ce que la police, la
gendarmerie, le ministère public ou les juges du siège ont rendu
public au cours d'une conférence de presse ou d'une audience. Ce sont
donc des instances officielles dont parlent Bruno Ravaz et Stéphane
Retterer qui « vendent la mèche » aux
journalistes.
Même informé de la commission d'une infraction
par des structures officielles, L'Observateur Paalga prend un certain
nombre de précautions afin de respecter la présomption
d'innocence de la personne suspectée.16 articles recensés
confirment notre propos. Dans ces articles, le respect de la présomption
d'innocence est constaté à travers la terminologie
employée par le journaliste pour désigner les personnes
poursuivies ainsi que par les illustrations des articles.
Parmi ces articles, 14 respectent la présomption
d'innocence par la terminologie et 02 le font par les illustrations.
A. Le respect de la
présomption d'innocence par la terminologie employée par
L'Observateur Paalga
Dans sa livraison n° 8147 du mardi 12 juin 2012 à
la page 2, L'Observateur Paalga rend compte d'une manifestation des
taximen, solidaires à 11 de leurs collègues
déférés à la Maison d'arrêt et de correction
de Ouagadougou (MACO). Le journal rapporte que les 11 taximen avaient
été arrêtés à la suite d'une manifestation de
protestation contre l'incarcération de l'un d'entre eux. Celui-ci a eu
une altercation avec un autre usager de la route après un accident et
est accusé d'avoir proféré des propos outrageants aux
agents de police. A son sujet, le journal s'est écarté de tout
propos qui donnerait à croire que la personne mise en cause est coupable
de ce dont elle est reprochée. Il a plutôt
précisé : « C'est dans le strict souci
d'apaiser la situation que le procureur aurait accédé à
l'exigence des taximen, mais l'action juridique n'est pas éteinte ;
l'enquête se poursuivrait, a -t-on entendu du côté de la
Justice ». En mentionnant que l'enquête se poursuivrait,
le journal donne à lire à ces lecteurs que même
détenu, l'intéressé n'est pas encore coupable et que la
Justice elle-même n'est pas encore convaincue des chefs d'accusation qui
pèsent sur lui. C'est la raison pour laquelle elle entend poursuivre
l'enquête pour mieux fonder sa religion.
Dans sa parution n° 8 151 du lundi 18 juin 2012, à
la page 10, L'Observateur Paalga traite d'une affaire pénale
avec la tiraille suivante : « Prison de Ouahigouya : La
foule libère un détenu ». Le journal raconte qu'un
marabout provisoirement détenu à la Maison d'arrêt et de
correction de Ouahigouya et soupçonné d'avoir commis un outrage
à magistrat, lors d'un prêche sur les ondes de la radio
Wend-Panga émettant de la même ville, a
été libéré par une foule.
En aucun moment, le journal ne présente le marabout
libéré comme coupable. Il a seulement relevé que pour les
faits à lui reprochés, il était jusqu'au moment de sa
libération en détention provisoire, suite à un mandat de
dépôt délivré à son encontre.
Mieux, dans cette affaire, le respect de la présomption
d'innocence se manifeste à travers un traitement équilibré
de l'information. Si les journaux ouvrent rarement leurs colonnes aux personnes
poursuivies, L'Observateur Paalga, lui, a, dans cette affaire,
donné la parole au plaignant et à la personne poursuivie.
Dans sa version des faits, le procureur du tribunal de grande
instance de Ouahigouya explique que le marabout avait d'abord
été convoqué en Justice avec d'autres personnes à
propos d'une question d'autorité parentale. Lors de son prêche sur
la radio Wend-Panga, le marabout a évoqué l'affaire.
« Il a donné une version tout à fait personnelle.
C'est là qu'il a commis ce qu'on appelle outrage à un magistrat.
Il a qualifié le substitut Ouédraogo d'homme complètement
bête, de quelqu'un qui se croit au-dessus d'eux (...) ».
Par ailleurs, le procureur a estimé que la radio Wend-Panga a fourni au
marabout les moyens de l'outrage et de l'injure en ouvrant ces ondes. Par
conséquent, il a dit la poursuivre pour complicité. Cette
lecture de faits vient remettre en cause une vieille logique qui voudrait que
les médias et leurs responsables soient tenus pour auteurs principaux
des délits commis par voie de presse et les auteurs des propos pour
complices.
Dans sa livraison n° 8 159 du jeudi 28 juin 2012
à la page 8, L'Observateur Paalga est revenu sur le
dénouement de la même affaire. L'article portait le titre
suivant : « Un an avec sursis pour le marabout de
You ». On apprend que le prévenu a reconnu les faits et a
écopé d'une peine d'emprisonnement avec sursis d'un an et d'une
amende de 100 000 F CFA. Mais le journal ne dit pas si la
complicité de la radio, comme le prétendait le procureur, a
été établie ou non.
On retiendra qu'il n'y a pas eu, dans cette affaire, de la
part du journal un choix terminologique ni des commentaires qui faisaient
penser que le prévenu était coupable. Ce n'est qu'après le
jugement que le journal a fait état de la culpabilité du
marabout, rendant compte d'une décision de Justice que la personne
condamnée n'a pas contestée.
Dans sa publication n° 8 175 du vendredi 20 au dimanche
22 juillet 2012, à la page 6, et dans la rubrique « Une
Lettre pour Laye », L'Observateur Paalga annonce la
mise en liberté provisoire de l'ex-Directeur général des
Douanes, Ousmane Guiro, arrêté et placé en
détention provisoire en janvier 2012 pour enrichissement illicite et
bien d'autres griefs. C'est par la terminologie que le journal fondé par
Edouard Ouédraogo se montre respectueux de la présomption
d'innocence de l'intéressé. « On se souvient qu'un
mandat de dépôt fut décerné contre lui par le
procureur du Faso. Et depuis janvier 2012, plus rien dans le volet judiciaire
sauf que le suspect déféré à la Maison
d'arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), toutes les icônes
de l'administration douanière seront déboulonnées sous le
règne de K. Sylvestre Sam. Mais quid du prévenu
Guiro ? », a écrit L'Observateur Paalga.
Les termes « prévenu » et
« suspect » employés par le journal
signifient que l'innocence de l'intéressé est toujours intacte
et seul le juge répressif pourrait la remettre en cause.
Dans sa livraison n° 8 256 du lundi 19 novembre 2012,
à la page 3, L'Observateur Paalga rend compte du
« Procès de la crise intercommunautaire de
Passakongo ». Dans ce compte rendu d'audience, le journal
préfère au nom des parties, leurs initiales dans le but de ne pas
révéler leur identité, malgré le fait que la
publication des identités semble tolérée par certains
auteurs. Le journal donne à lire ceci : « C.J.
et soixante-sept autres, prévenus poursuivis pour dégradations
volontaires de biens et immobiliers, abattage d'animaux domestiques sans
nécessité, coups et blessures volontaires au préjudice de
D.M. et cinquante-cinq autres ont comparu à la barre les 15 et 16
novembre 2012. ».
Outre l'emploi des initiales, le mot
« prévenu » est utilisé à
plusieurs reprises dans l'article. C'est le cas dans le passage
suivant : « En répression, vingt-deux
prévenus ont été, par contre, condamnés à
une peine d'emprisonnement de six (06) mois assortie du sursis à
exécution chacun. Onze(11) ont écopé d'une peine
d'emprisonnement de trois (03) mois fermes chacun, six (06) autres ont pris
six (06) mois fermes chacun ».
Le compte rendu de procès, comme c'est le cas de
l'article ci-dessus cité, à l'opposé des textes
rapportant les présentations de présumés
délinquants par les officiers de police judiciaire, a l'avantage de
rendre publique une décision du juge, lui qui a le monopole de la
condamnation ou de la relaxe. Ainsi, lorsque l'article de presse indique que le
suspect a été relaxé, il divulgue l'idée de son
innocence au sein du lectorat, restaurant à grande échelle son
honneur et sa considération quelque peu entamés par
l'interpellation ou l'inculpation.
De même, lorsque le journal diffuse une information sur
la condamnation du prévenu ou de l'accusé, il ne viole pas non
plus la présomption d'innocence puisqu'en réalité celle-ci
n'existe plus. Et le journal tient cette vérité du juge à
qui la loi a donné le pouvoir de dire si tel prévenu ou
accusé est innocent ou coupable.
Dans son numéro 8 275 du lundi 17 décembre
2012, à la page 23, L'Observateur Paalga
annonce : « Commune rurale de Pobé
Mengao : Un conseiller municipal UPR froidement abattu ».
Dans la relation des faits, L'Observateur Paalga n'a pas jugé
nécessaire de taire les identités ni de l'auteur
présumé de l'assassinat ni de celle de la victime.
Mais comme nous l'avons mentionné plus haut, cette
révélation des identités n'est pas forcément
attentatoire à la présomption d'innocence. Bien plus, le journal
n'a pas fait fi de ce droit fondamental dans le traitement de cette affaire.
Alors que peu de gens auraient douté de la culpabilité du sieur
Issouf Konfé au regard des faits, L'Observateur Paalga
s'efforce de le désigner comme un présumé assassin et non
pas déjà comme un assassin. Le journal
écrit : « Alertés par les coups de feu,
les gens ont accouru vers le lieu du drame pendant que le présumé
assassin démarrait son véhicule en trombe (...). Le
véhicule du fuyard a été retrouvé en panne vers
Bourzanga. Selon notre source, le présumé assassin qui serait
présentement entre les mains des forces de l'ordre n'est pas un enfant
de choeur ».
Le fait d'ajouter que le présumé auteur n'est
pas un enfant de choeur n'est pas moins tendancieux. Mais, ce bout de phrase ne
devrait pas altérer la volonté du journal de protéger
l'innocence de la personne mise en cause. En considérant cette
dernière comme un présumé assassin, le journal voudrait-il
nous rappeler que la vérité judiciaire n'est pas toujours la
vérité tout court ?
En effet, il existe en droit une panoplie d'arguments (que
l'on peut tirer des faits justificatifs, des causes de non-imputabilité)
qui peuvent éviter à une personne dont le sort paraît
scellé, la prison ou d'autres peines plus sévères (la
peine capitale par exemple). En justice, il se produit parfois des
retournements de situation spectaculaires où le plaignant devient le
coupable et vice-versa. Il est donc toujours bon de faire montre de
précaution dans l'expression des opinions et le choix des termes pour
désigner les personnes poursuivies. C'est peut-être la
leçon que L'Observateur Paalga a voulu donner dans le
traitement de l'article précité.
En sus du respect de la présomption d'innocence par la
terminologie utilisée pour rendre compte des affaires pénales, il
existe dans L'Observateur Paalga un traitement des illustrations des
articles que l'on peut considérer comme protecteur de l'innocence
présumée.
B. La protection de
l'innocence par l'image dans L'Observateur Paalga
La protection de la présomption d'innocence se
décline de diverses façons. La protection du droit à
l'image des personnes poursuivies constitue un aspect de la protection de leur
innocence. Le principe est de ne pas fixer et diffuser la photo d'un suspect
sans son consentement. C'est généralement lors des
présentations de présumés délinquants que ces
images sont prises. Puisque, s'agissant des comptes rendus d'audience, la
possibilité pour un journaliste d'effectuer des prises de vue lors d'un
procès est minime, la loi l'interdisant.
Même concernant les photos prises à l'occasion de
présentation de suspects par les officiers de police judiciaire, il est
difficile d'accuser le journaliste d'atteinte à la présomption
d'innocence. Celui-ci pouvant se prévaloir d'une exception au
principe : lorsque la personne photographiée se trouvait dans un
lieu public, son autorisation n'est pas requise si la photo prise est
relative à l'actualité.
Qu'à cela ne tienne, une certaine opinion continue de
considérer que la publication des photos à visage
découvert de personnes poursuivies constitue une atteinte à leur
innocence.
A travers les articles étudiés, on voit que
L'Observateur Paalga procède à un traitement des photos
qui tient compte de ce droit fondamental de l'Homme. Deux articles comportent
des photos qui corroborent nos propos.
La technique utilisée par L'Observateur Paalga
consiste à cacher les visages des personnes interpellées par une
bande noire. Dans le numéro 8 280 du lundi 10 septembre 2012, à
la page 4, le journal fait état de l'arrestation de deux réseaux
de présumés délinquants. Les photos des deux groupes de
suspects sont placées côte à côte, le visage de
chacun d'eux étant traversé par une bande noire. Il est vrai que
malgré une telle disposition, les personnes photographiées
peuvent être identifiées par leur entourage. Toutefois, cette
identification demeure presque impossible à toute personne
étrangère aux intéressés.
Dans son numéro 8 820 du lundi 24 décembre 2012,
L'Observateur Paalga rapporte que des cybercriminels ont escroqué la
somme de 18 millions. La photo du groupe d'individus arrêtés par
la gendarmerie présente huit personnes difficiles à identifier.
Cela est dû à la bande noire placée sur chaque visage.
C'est seulement dans les deux articles cités que nous
avons pu constater un traitement de l'image respectueux de l'innocence dans
L'Observateur Paalga.
Ce nombre s'explique par le fait que certains articles,
notamment les faits divers et les brèves contenus dans la rubrique
« Une lettre pour Laye» et même les comptes
rendus des audiences ne sont pas illustrés. La plupart des articles
illustrés portent sur des présentations de
présumés délinquants par les services de police et de
gendarmerie. Même pour ce type d'articles, bon nombre d'illustrations
ne montrent pas les personnes poursuivies. La plupart des photos sont soit
celles des premiers responsables de forces de sécurité dont les
agents ont réussi à mettre aux arrêts les suspects, soit
celles montrant le matériel et biens saisis entre les mains des
personnes mises en cause.
L'article publié à la page 12 du n° 8 242
du lundi 29 novembre 2012 et titré : « SONAPOST
Sidéradougou : Le receveur et le gardien
tués » est un fait divers, sans aucune illustration.
C'est également le cas de l'information portant
sur « Commune rurale de Pobé Mengao : Un
conseiller municipal UPR froidement abattu » et publiée
dans le numéro 8 275 du lundi 17 décembre 2012. Ce fait divers
n'est pas illustré. La brève contenue dans « Une
lettre pour Laye », à la page 6 du numéro 8 175 du
vendredi 20 au dimanche 22 juillet 2012 et rapportant la liberté
provisoire accordée à l'ex-directeur général des
Douanes, Ousmane Guiro, n'est pas assortie d'illustration.
L'article portant le titre « Enrôlement de
mineurs à Ouahigouya : une enquête est
ouverte » et publié à la page 7 du numéro 8
187 du mercredi 8 août 2012 comporte de nombreuses illustrations.
Mais aucune d'entre elles ne montre les personnes suspectées de fraude
électorale. Au contraire, on reconnaît sur les différentes
photos, le substitut du procureur près le Tribunal de grande instance
de Ouahigouya, le commissaire régional de la CENI au Nord et deux
opérateurs de kits, considérés comme des témoins.
Il y a une absence remarquable de photos de personnes
poursuivies si bien que l'on se demande si le journal les aurait
présentées à visage découvert ou non. Mais on
pourrait interpréter le nombre insignifiant des photos des suspects dans
les colonnes du journal comme une autre forme de respect de la
présomption d'innocence. Tous ces articles ne montrant pas les photos
des personnes soupçonnées de la commission d'infractions, ont
déjà été répertoriés comme respectant
la présomption d'innocence par l'usage de la terminologie. Si l'on
devrait créer une catégorie les concernant, ils seront
comptabilisés doublement.
A travers l'étude de plusieurs numéros de
L'Observateur Paalga, on constate un mode de traitement de
l'actualité judiciaire respectant la présomption d'innocence des
personnes poursuivies. Le choix des terminologies désignant les
suspects, certaines illustrations d'articles ou même l'absence des photos
de personnes poursuivies dans certains articles procèdent de la
protection de l'innocence présumée.
Quid du quotidien Le Pays ?
Section III : Les pratiques du quotidien Le Pays
Dans le quotidien privé Le Pays, tout comme
dans les deux premiers journaux étudiés, le respect de la
présomption d'innocence tient au choix judicieux de la terminologie et
du traitement des illustrations d'un certain nombre d'articles portant sur des
affaires pénales.
L'étude a relevé dix-neuf (19) articles
témoignant du souci d'observance du principe de la présomption
d'innocence de Le Pays. Parmi ces articles, 17 emploient des termes de
nature à respecter l'innocence présumée alors que deux (2)
seulement marquent l'attachement du journal à ce principe par les
illustrations.
A. Le respect de la
présomption d'innocence par la terminologie dans Le Pays
Comme déjà indiqué, il ressort de
l'analyse de contenu du corpus composé de journaux parus entre juin et
décembre 2012 que 17 articles, de par la terminologie utilisée,
peuvent être considérés comme l'expression d'un mode de
traitement de l'information prenant en compte la présomption
d'innocence.
Dans le numéro 5 132 du 13 juin 2012 à la page
9, Le Pays affiche le titre suivant : « Braquage de
la BCB à la Patte-d'oie, un présumé complice aux
arrêts ». Le braquage dont il est question dans cet
article avait été attribué à un militaire
radié du nom de Romuald Tuina qui, arme au poing, aurait menacé
les agents et emporté une somme d'argent dont le montant n'a pas
été révélé. En apportant l'information sur
l'arrestation du présumé suspect dans sa rubrique
« On en parle », le journal fait usage d'un
adjectif qualificatif (présumé) qui laisse presqu'intacte
l'innocence de la personne arrêtée et celle du sieur Tuina,
toujours en cavale au moment de la publication de l'article. Le Pays
affirme : « Il s'agit de l'arrestation d'un
présumé complice des présumés braqueurs à
savoir Romuald Tuina et son acolyte Hamadé Sawadogo dit
Mélo ».
Dans sa parution numéro 5145 du 2 juillet 2012 à
la page 27, et dans la rubrique « Confidences de
week-end », Le Pays fait cas de l'inculpation de
treize(13) personnes dans l'affaire dite des tueries de Guénon. Le
journal en parle dans un filet d'une trentaine de lignes portant le
titre : « Tuerie de Guénon : treize
personnes inculpées dont le Pê Soura ». En
utilisant le terme inculpé, le journal indique que les personnes
concernées ont été informées par la Justice des
faits qui leur sont reprochés. Il s'agit
d' « assassinats, coups et blessures volontaires,
destructions volontaires de biens mobiliers et immobiliers par l'effet
d'incendie ou de substances incendiaires, vols aggravés, abattages
domestiques et sans nécessité, incitation et complicité
d'incitation à la commission de faits ». Le journal
conclut : « Les prévenus encourent des peines
allant de 3 ans de prison ferme à la peine de mort ».
L'emploi aussi du mot « prévenu » assure
aussi la préservation de ce droit fondamental qu'est la
présomption d'innocence.
Dans son numéro 5 207 du lundi 1er octobre
2012, Le Pays publie à sa page 31 un article sur la
condamnation d'un journaliste pour diffamation. « 3 mois de
prison ferme pour le directeur de publication de L'Ouragan ».
Tel est le titre de l'article. Le journal désigne le sieur Lohé
Issa Konaté par le terme accusé. Ainsi on peut
lire : « Lohé Issa Konaté a été
accusé d'avoir publié des écrits diffamants à
l'encontre du professeur Laurent Bado (...). L'accusé, selon des
sources judiciaires, n'a pas répondu présent à la
barre ».
L'intéressé était poursuivi devant une
juridiction correctionnelle. Il était avant sa condamnation un
prévenu et non un accusé. Mais cette erreur terminologique
commise par le journal n'est pas synonyme d'atteinte à la
présomption d'innocence. Le journal n'a pas dans des termes explicites
traité le sieur Konaté de coupable. Il l'aurait fait qu'il ne
serait pas en erreur, puisque c'est le juge qui a décidé
ainsi.
Dans sa livraison numéro 5 227 du mardi 30 octobre
2012, le journal à sa page 26 publie un reportage sur le procès
de l'affaire dite « Manifestation de Tonkar ». Le
journal explique que le procès concerne le volet correctionnel de
l'affaire, l'aspect criminel restant pendant. Les trente-quatre (34) personnes
poursuivies sont vues par le journal comme des
« prévenus » que le procureur tient pour
« coupables » des faits à eux
reprochés.
Mais dans l'un des intertitres de l'article
précité, le journal formule : « 4
accusés relaxés ». Le terme n'est pas exact, la
procédure se déroulant devant une juridiction correctionnelle. Il
s'agit plutôt de prévenus relaxés. Tout compte fait, cette
méprise n'est pas préjudiciable à la présomption
d'innocence des personnes concernées.
Au contraire, le journal la respecte. Le passage suivant du
même article le montre bien : « A la question de
savoir s'il y a des suspects par rapport à l'assassinat de Vorgane
Francis Kambou et des cinq autres crimes liés à la crise, le
procureur a indiqué qu'il y a même des coupables et non des
suspects ». Comme on le constate, alors que le journaliste parle
de suspect, c'est le procureur qui qualifie déjà les personnes
mises en cause de coupables. Il faut mettre cela au compte de son rôle de
vigie de l'ordre social.
Dans son numéro 5 240 du lundi 19 novembre 2012
à la page 31, Le Pays formulait le titre
suivant : « Conflit intercommunautaire de
Passakongo : Des peines de prison ferme pour 21
accusés ». Il faut tout de suite souligner l'inexactitude
du mot « accusé ». Les personnes
visées par la procédure comparaissaient devant un tribunal
correctionnel si bien qu'à leur sujet on ne peut pas parler
d'accusés.
Toutefois, cette erreur n'entame pas la présomption
d'innocence des personnes poursuivies. D'ailleurs, plus loin dans ledit
article, le journal leur restitue leur statut authentique : celui de
prévenu, assurant par cette terminologie appropriée la
protection de leur innocence présumée, laquelle a
été combattue par le juge répressif.
Dans cet article, le journal
rapporte : « Six prévenus ont
écopé chacun de six mois ferme, et onze autres devront purger
chacun la peine de trois mois ferme. Le tribunal a requalifié les faits
à l'encontre de certains prévenus, a également
condamné vingt- deux autres personnes à six mois assortis de
sursis à exécution et relaxé 15 autres des fins de la
poursuite au bénéfice de doute. ».
En utilisant déjà le terme prévenu,
Le Pays apporte un correctif à l'erreur que comportait le titre
de l'article. Mais au-delà, en mentionnant que certains prévenus
ont été relaxés au bénéfice du doute, le
journal fait ici allusion à une implication de la présomption
d'innocence. Ce principe met, en principe, la charge de la preuve sur la partie
poursuivante. Lorsque les éléments de preuve que celle-ci apporte
ne peuvent pas combattre l'innocence de la personne poursuivie et donc
établir sa culpabilité, la loi oblige le juge à relaxer le
suspect.
S'agissant toujours des articles respectant la
présomption d'innocence par la terminologie adéquate, on peut
également citer celui paru à la page 6 de Le Pays numéro 5
246 du mardi 27 novembre 2012 : « Mutineries de
2011 : le premier procès s'ouvre ce matin ». Le
journal informe : « Le tout premier procès de
mutins présumés est prévu pour s'ouvrir, en principe, ce
27 novembre 2012, à partir de 8 h dans la salle d'audience de la Justice
militaire sise à Ouagadougou. Selon nos sources, ce premier
procès va commencer avec un groupe de 25 mutins
présumés. ».
Alors que dans l'opinion, on désigne ces militaires
comme des mutins, Le Pays prend des précautions dans le
traitement de l'information les concernant, en montrant qu'ils sont des
« présumés mutins ». C'est donc une
belle leçon de procédure pénale que le journal donne
à ses lecteurs.
Le procès annoncé dans l'édition
précitée du journal a fait l'objet d'un reportage dans le
numéro 5 247 du mercredi 28 novembre 2012, à la page 2. Dans cet
article, le journal a utilisé à propos des personnes
visées par la procédure, le mot
« inculpé ». Au vrai, la procédure
n'était plus au stade d'inculpation si bien que le mot
« inculpé » n'est pas exact, mais cette
inexactitude n'est pas préjudiciable aux suspects.
Selon, le journal, les personnes poursuivies ont
été condamnées à des peines allant de 5 à 6
ans de prison ferme et au paiement de dommages et intérêts. Le
journal ajoute que les avocats des personnes visées ont
décidé de se pourvoir en cassation. Par cette précision,
le lecteur devra comprendre que la décision rendue n'est pas encore
définitive et qu'elle peut changer dans le sens de la relaxe des
suspects. En évoquant indirectement une telle possibilité, le
journal se montre respectueux de la présomption d'innocence.
Outre le respect de la présomption d'innocence par la
terminologie, les illustrations de certains articles du quotidien Le
Pays constituent les signes de l'observation de ce principe par ledit
journal.
B. Le respect de la
présomption d'innocence par les illustrations dans Le Pays
Au journal Le Pays, tout comme dans les deux autres
journaux, la photo demeure la seule forme d'illustration des articles. Le
nombre des articles illustrés par les photos des personnes poursuivies
n'est pas élevé. En tout cas, nous n'avons recensé que
deux articles dont les photos, à notre avis, ont été
traitées de manière à sauvegarder la présomption
d'innocence des individus concernés.
Le premier article a été publié dans le
Pays numéro 5 143 du jeudi 21 juin 2012, à la page 2. A la une
de ce numéro est affichée la photo de quatre individus
accusés, selon les termes du journal, de « trafic de faux
billets de banque ». La même photo est reprise dans
l'article. En face des suspects, sont exposés un certain nombre de biens
saisis entre leurs mains.
Rien n'indique que le journal a obtenu ou non l'autorisation
des personnes mises en cause avant de les photographier. Mais si l'on s'en
tient à l'une des exceptions du principe de l'autorisation
préalable, qui permet de passer outre ce consentement si la ou les
personne(s) photographiée(s) se trouve(ent) au centre d'une
actualité, il est difficile de reprocher au journal une quelconque
atteinte.
Mais le traitement que le journal fait de la photo est la
manifestation de son souci ou de son insouciance vis-à-vis du principe
de la présomption d'innocence. Dans la photo publiée dans
l'article ci-dessus évoqué, le journal a posé des bandes
noires sur les visages des personnes photographiées. Cette technique de
traitement des photos n'empêchera pas que des proches des individus
suspectés de la commission d'une infraction les identifient. Et
même dans ce cas, ajoutons qu'en l'absence même d'une publication
quelconque par un journal, il est rare que l'entourage de la personne
poursuivie ne soit pas informé de son arrestation ou de son
inculpation. C'est dire que cette possibilité pour les proches de
reconnaître l'un des leurs sur une photo est peu attentatoire à
l'innocence présumée.
Mais en bandant les visages des personnes
photographiées, si le grand public n'arrive pas à
reconnaître les intéressés, on doit reconnaître un
effort dans la protection de l'innocence. Le Pays, dans l'article de
la page 2 du numéro 5 138 du jeudi 21 juin, en plus du traitement de
l'image, écrit la légende
suivante : « Les présumés faussaires
devant leur butin et le matériel ». L'emploi du terme
« butin » dans la légende est tendancieux
parce que par définition, le butin est le produit d'un vol. Mais en
parlant de « présumés faussaires »,
le journal demeure dans une logique de protection de l'innocence.
On perçoit la même logique dans le traitement des
photos dans l'article de la page 28 du numéro 5 143 du jeudi 28 juin
2012. Il s'agit de la photo d'individus accusés de
« fraudes de ciment ». Sur les visages des trois
présumés faussaires, le journal a placé des bandes noires.
A l'instar des autres journaux, dans le quotidien Le
Pays le nombre des articles assortis des photos des personnes
arrêtées ou poursuivies et respectant le principe de la
présomption d'innocence n'est pas élevé. Cela s'explique
d'une part par le fait que certaines informations sur l'actualité
judicaire ne sont pas illustrées et d'autre part par la non-publication
des photos des suspects dans les comptes rendus d'audience.
S'agissant des articles respectant la présomption
d'innocence mais non illustrés, ils sont publiés dans les
rubriques telles que « On en parle » (exemple de
l'article de la page 6 du numéro 5 246 du mardi 27 novembre) ;
« Confidences du week-end » (exemple de l'article
de la page 33 du numéro 5 207 du lundi 1er octobre 2012)
Concernant les comptes rendus non illustrés par les
photos des personnes poursuivies, on peut citer l'article paru à la page
31 du numéro 5 240 du lundi 19 novembre. Ce compte rendu d'audience sur
le « Conflit intercommunautaire de Passakongo »
montre deux photos avec les légendes
suivantes : « Pour avoir la vie sauve, certains membres
de la communauté ont fui Passakongo » et
« Plusieurs habitations comme celle-là ont
été soit détruites, soit saccagées ou
incendiées ». Les photos des personnes poursuivies n'ont
pas été publiées.
C'est le cas de l'article sur le procès dit de la
« Manifestation de Tonkar » publié à
la page 26 du numéro 5 227 du mardi 30 octobre 2012. Une seule photo qui
n'est pas celle des prévenus illustre l'article avec la légende
suivante : « Une partie du public suivait le procès
hors de la salle grâce à la sonorisation ».
Même certains comptes rendus de présentations de
personnes arrêtées par les officiers de police judicaire, quoique
illustrés, ne comportent pas les photos des suspects. A titre d'exemple,
on peut relever l'article de la page 25 du numéro 5140 du lundi 25 juin
2012. L'article qui fait état du démantèlement d'une
fabrique de liqueurs frelatées au secteur 30 de Ouagadougou n'affiche
pas les photos des personnes arrêtées. Les deux illustrations sont
composées de deux photos. L'une est celle du commissaire de police dont
les agents ont arrêté les suspects. L'autre présente
« les cartons de boissons (Pastis et Gin) et quelque
matériel saisi par la police », selon les termes du
journal.
L'absence de photos des personnes poursuivies dans certains
articles du quotidien Le Pays peut être comprise comme une autre
manière de préserver leur innocence. Toutefois, il nous a paru
judicieux de ne pas regrouper ces articles dans une catégorie à
part, à côté de ceux protégeant l'innocence
présumée par la terminologie et le traitement des illustrations.
La raison est que presque tous ces articles ont été
répertoriés comme respectant la présomption d'innocence
par la terminologie. On évite ainsi de les comptabiliser doublement.
Dans le quotidien privé Le Pays, le respect de
la présomption d'innocence est assuré dans le traitement de
l'information. A travers les articles sélectionnés, on constate
de la part du journal un usage adéquat des termes pour désigner
les personnes poursuivies. En plus, les photos des suspects, lorsqu'elles sont
publiées, sont traitées de façon à réduire
la possibilité d'identifier les personnes photographiées.
L'observance du principe de la présomption d'innocence
est une réalité dans la presse quotidienne burkinabè, du
moins dans les journaux qui ont fait l'objet de notre étude, à
savoir Sidwaya, L'Observateur Paalga et Le Pays.
Toutefois, il subsiste dans ces journaux des atteintes à la
présomption d'innocence.
Tableau récapitulatif des articles respectant
la présomption d'innocence dans la presse quotidienne
burkinabè
|
Sidwaya
|
L'Observateur Paalga
|
Le Pays
|
Nombre d'articles respectant la présomption
d'innocence par la terminologie
|
27
|
14
|
17
|
Pourcentage
|
90
|
87,5
|
89,47
|
Nombre d'articles respectant la présomption
d'innocence par l'image
|
3
|
2
|
2
|
Pourcentage
|
10
|
12,5
|
10,53
|
Total des articles respectant la présomption
d'innocence
|
30
|
16
|
19
|
Pourcentage total
|
100
|
100
|
100
|
Source : Conçu par l'auteur
CHAPITRE III : LES ATTEINTES A LA PRESOMPTION
D'INNOCENCE DANS LA PRESSE QUOTIDIENNE BURKINABE
D'abord, il est bon de déterminer ce qui peut
être considéré comme une atteinte à la
présomption d'innocence.
L'ancien bâtonnier du barreau de Paris, Me Christian
Charrière- Bournazel a publié en août 2007 dans Combat
d'un bâtonnat, une communication sur la
« présomption d'innocence et liberté
d'expression », qu'il a présentée auparavant dans
un colloque organisé par l'Alliance Française. L'avocat
affirme : « (...) le journaliste qui, avant le
jugement de condamnation, rend compte d'une affaire à ses débuts
ou d'une affaire en cours en faisant état des soupçons qui
peuvent donner à penser qu'une personne est coupable, peut être
poursuivi immédiatement pour diffamation.».
Bien des atteintes à la présomption d'innocence
s'assimilent donc au délit de diffamation. Mais la diffamation n'est
pas toujours synonyme de violation de la présomption d'innocence.
« Une affaire où le journaliste avait accusé le
directeur d'une entreprise minière d'avoir effectué des embauches
anarchiques et népotistes25(*) » avait été jugée
par la Cour d'appel de Ouagadougou comme étant une diffamation (C.A.
Ouagadougou, Arrêt n° 41 du 26 juin 1992, inédit). Mais le
chef d'entreprise n'ayant pas été présenté comme
coupable d'une infraction avant la fin d'une procédure judicaire mise en
branle contre lui, la diffamation dont il est question n'emporte pas violation
de la présomption d'innocence.
Outre la diffamation, l'atteinte au droit à l'image
constitue une autre manifestation de la violation de la présomption
d'innocence. A ce sujet, le Conseil supérieur de la communication (CSC)
dans son rapport public 2011 fait remarquer : « Les
écrits jugés attentatoires au respect de la présomption
d'innocence et/ou au droit à l'image sont relatifs surtout à la
publication de l'identité et de l'image à visage découvert
d'individus interpellés par la police. Ces prévenus sont le plus
souvent présentés à l'opinion comme étant des
coupables et traité de manière humiliante et dégradante,
alors qu'aucun tribunal n'a établi leur
culpabilité. ».
La publication des identités ou des photos de personnes
poursuivies par la Justice ne constitue pas en soi une atteinte à la
présomption d'innocence. C'est plutôt le fait de présenter
ces personnes comme des coupables qui est attentatoire à la
présomption d'innocence. C'est encore la terminologie employée
par les journalistes qui peut porter atteinte à l'innocence
présumée. C'est donc à travers l'usage de la terminologie
que nous avons relevé dans la presse quotidienne burkinabè les
cas d'atteinte au principe de la présomption d'innocence.
S'agissant de la publication des photos, nous avons
déjà souligné que la presse peut s'appuyer sur certaines
exceptions du principe de l'autorisation préalable pour justifier la
diffusion des photos de personnes poursuivies et non encore jugées.
Ainsi, à titre exceptionnel, il est admis la publication des photos
d'une personne se trouvant au centre de l'actualité, sans son
autorisation.
Malgré la brèche ouverte par cette exception, il
existe des dispositions qui imposent aux journalistes un certain traitement des
images des personnes poursuivies. Depuis la loi du 29 juillet 1881 sur la
liberté de la presse en France, il est interdit de présenter la
personne poursuivie dans une image de façon à rendre visible ses
menottes, ses entraves ou les conditions de sa détention provisoire
(art.35 ter). En l'absence d'un texte pareil dans notre droit positif, le juge
burkinabè pourrait s'inspirer de la jurisprudence française y
relative.
Néanmoins, dans le souci de préserver la
présomption d'innocence, l'organe burkinabè de régulation
des médias, le CSC, conseille de flouter les images des
suspects26(*). Dans la
présente étude, nous avons considéré les photos non
floutées comme violant la présomption d'innocence des personnes
poursuivies.
C'est à travers les termes qui présentent les
suspects comme des coupables et les photos non floutées que la presse
quotidienne burkinabè porte atteinte à la présomption
d'innocence.
Les atteintes a la présomption d'innocence ont
été relevées dans 32 articles de la presse quotidienne
étudiée, dont 6 dans Sidwaya(Section I), 9 dans
L'Observateur Paalga (Section II) et 17 dans Le Pays (Section
III).
Section I : Les atteintes à la présomption
d'innocence dans Sidwaya
Sur la période étudiée, sept (7) articles
publiés dans Sidwaya nous paraissent attentatoires à la
présomption d'innocence. Le caractère préjudiciable de
ces quatre (4) articles résulte de la terminologie employée par
le journaliste pour désigner les personnes contre qui la
procédure judiciaire a été mise en mouvement. En clair, il
s'agit d'articles dans lesquels le journal traite les personnes poursuivies
comme étant des coupables alors qu'un jugement de condamnation n'a pas
encore été prononcé à leur égard par un
tribunal compétent.
Dans les trois autres articles, c'est le traitement des images
illustrant les articles de presse qui est de nature à violer l'innocence
présumée des personnes poursuivies.
Nous traiterons successivement des deux catégories
d'articles.
A. Les atteintes à
la présomption d'innocence par la terminologie dans Sidwaya
Dans sa parution numéro 7 250 du lundi 10 septembre
2012, à la page 9, Sidwaya intitule ainsi son
article : «Arrestation de malfrats à
Ouagadougou : 1, 4 milliard en faux dollars saisi ».
Cet article rapporte la présentation de deux groupes de personnes
arrêtées, l'un pour escroquerie présumée ;
l'autre pour vol présumé par usage de pointes sous les roues des
véhicules automobiles. A propos de ce dernier chef de poursuite, le
journal insère l'intertitre suivant : « Des
pointes, comme « armes » de vol ». Cet
intertitre et le titre de l'article sont fortement tendancieux. En traitant les
personnes poursuivies de malfrats et en parlant de l'arme de vol, le journal
semble déjà insinuer la culpabilité des personnes
arrêtées.
Il est vrai que dans le même article, le journal a
également utilisé à plusieurs reprises le mot
« présumé », plus respectueux de
l'innocence. Mais, le titre de cette information, tel que formulé,
subodore la culpabilité des suspects. Le titre est la vitrine de
l'information. C'est lui qui donne envie de lire l'article. Ainsi, les
journaux cherchent toujours des titres attrayants pour accrocher le lectorat.
Mais cet objectif de séduction du lectorat peut porter atteinte à
certains droits fondamentaux comme c'est le cas en l'espèce.
Dans un autre article publié dans la rubrique
« Au coin du palais » du numéro 7 257 du
mercredi 19 septembre 2012, Sidwaya intitule encore son information
dans des termes qui portent préjudice à la personne poursuivie.
Le titre est le suivant : « Il escroque 4
millions de F CFA à son ami ». Le journal
raconte : « Petit commerçant, Hamidou a fait la
connaissance de Adama, un élève. En une année seulement
d'amitié, Hamidou réussira à lui escroquer la somme de
4 197 977 F CFA.». Cet écrit est un compte rendu
d'audience au cours de laquelle le procès a été
renvoyé pour complément d'enquête. Les faits
racontés n'ont pas suffi à fonder la conviction du juge. Mais
Sidwaya, lui, avait déjà rendu son jugement puisque le
journal affirme que la personne poursuivie a escroqué une somme
d'argent. Autrement dit, elle est auteur d'escroquerie.
L'atteinte à la présomption d'innocence tient au
fait que le journal a présenté le suspect comme coupable en
l'absence d'une décision de Justice le condamnant. Une action en
diffamation introduite par l'intéressé contre le journal aurait
prospéré. En tout cas, le journal allègue ou impute un
fait pouvant porter atteinte à l'honneur et à la
considération de la personne poursuivie. Telle est en substance la
définition du délit de diffamation. Dans le cas d'espèce,
les propos, que nous estimons diffamants, tenus par le journal à
l'endroit du suspect, emportent du même coup violation de son innocence
présumée.
Dans son numéro 7 305 du mercredi 28 novembre 2012,
Sidwaya relate le procès des « Cinq ex-soldats
condamnés pour vol à main armée » devant le
tribunal militaire. Il s'agit de militaires radiés accusés
d'« association de malfaiteurs, détention illégale
d'armes et de munitions de guerre, recels aggravés, complicités
de vols qualifiés ». Dans sa relation des faits, le
journal qualifie le groupe des personnes poursuivies de
« gang » dont le cerveau, l'ex-caporal Saydou
Zerbo, serait en fuite.
Le mot « gang » renforce au sein
de l'opinion le caractère criminel du groupe poursuivi. S'il n'est pas
diffamant, il peut être considéré comme injurieux. Le
journal, en utilisant ce terme qu'il ne prête ni aux parties ni aux
juges, n'a pas tenu compte du caractère provisoire de la décision
condamnant les cinq ex-soldats. Cette décision n'était pas
définitive, puisque la défense a dit vouloir l'attaquer sur le
fondement d'une exception d'incompétence. Elle a soutenu que le
tribunal militaire ne pouvait pas juger des militaires déjà
radiés.
Dans la mesure où la décision n'était
pas définitive, le journal aurait pu être poursuivi pour avoir
présenté le groupe de suspects dans des termes
préjudiciables à son innocence.
A travers donc ces articles, on note au sein de
Sidwaya des violations de la présomption d'innocence des
personnes poursuivies. Ces violations tiennent aux termes utilisés pour
désigner les suspects. Il y a aussi dans le quotidien d'Etat des cas
d'atteintes à l'innocence présumée, tenant au traitement
des illustrations de certains articles.
B. Les atteintes à
la présomption d'innocence par le traitement des illustrations dans
Sidwaya
Trois articles publiés dans la période
d'étude contiennent des illustrations pouvant porter atteinte à
la présomption d'innocence.
Le premier est paru dans le numéro 7 196 du jeudi 14
juin 2012 à la page 13. L'article est ainsi
intitulé : « Commissariat de police de
Boulmiougou : 10 malfrats dont un enfant de 12 ans dans les
filets ». La photo des dix personnes alpaguées par la
police les présente à visage découvert. Le journal n'a pas
fait recours à la bande noire parfois utilisée pour flouter les
images en pareille circonstance. De ce fait, l'article peut être
considéré comme préjudiciable à l'innocence
présumée des personnes poursuivies.
Bien plus, dans la légende accompagnant l'image des
suspects, le journal les qualifie de « bandits aux
arrêts ». A l'étape policière de la
procédure judiciaire, la formulation d'une telle légende ne tient
pas compte de l'innocence. Le jugement n'étant pas encore
prononcé, il aurait été convenable de traiter les
personnes mises en cause comme étant des suspects ou encore des
présumés bandits.
En procédant comme il l'a fait, le journal a
risqué une plainte pour diffamation ou pour injure. L'emploi du terme
« bandit » dans la légende pourrait
échapper à la qualification de diffamation, si
l'allégation ou l'imputation d'un fait précis n'est pas
retenue. Mais il y a une forte probabilité qu'il tombe dans la
qualification juridique de l'injure, définie comme une expression
outrageante ou méprisante qui ne renferme pas l'imputation d'aucun fait
précis.
Dans tous les cas, l'atteinte à la présomption
d'innocence dans cet article est indéniable.
Le numéro 7 228 du mardi 7 août 2012 de
Sidwaya comporte à sa page 31 un article où le journal
n'est pas allé au bout de sa logique tendant au respect de la
présomption d'innocence. Dans cet article portant le titre
« Démantèlement d'un réseau de
délinquants à Ouagadougou : « Satan» et ses
compagnons entre les mailles de la gendarmerie », le journal a
flouté à sa manière les visages des personnes
arrêtées.
Mais les bandes cachant les visages sont très minces au
point que leur effet se trouve réduit. De plus, à lire la
légende des photos, on croirait que les suspects ont déjà
été jugés coupables des faits à eux
reprochés. En effet, le quotidien d'Etat formule successivement à
propos des deux images : « Les faussaires ont
été arrêtés et leurs produits
confisqués » et « Ali Zida alias Satan
à gauche, et les deux récidivistes en face de leur
butin ».
Par ces légendes, les atteintes deviennent nombreuses
dans cet article. Elles se manifestent à la fois par les images et les
termes employés. Au-delà de l'atteinte de la présomption
d'innocence par les illustrations, il y a également des signes de
diffamation. Dire des personnes poursuivies qu'elles sont des faussaires, donc
des auteurs de faux avant tout jugement peut tomber dans la qualification de
la diffamation. Le fait d'ajouter que deux des personnes arrêtées
sont des récidivistes peut également comporter un risque de
diffamation. Car, lorsque les faits commis remontent à plus de 10 ans,
ils bénéficient de l'oubli et le journaliste est interdit d'en
parler. Dans ce cas, même si les faits sont avérés, la
preuve de la vérité des faits ou l'exceptio veritatis,
censée disculper le journaliste est inopérante.
L'article de la page 31 du numéro 7 228 du mardi 7
août 2012 précité, comme déjà
mentionné, recèle plusieurs manifestations d'atteinte à la
présomption d'innocence. Comme nous l'avons répertorié
parmi les articles violant la présomption d'innocence, sa prise en
compte dans une autre catégorie, nous aurait conduit à le
comptabiliser doublement.
Dans sa livraison numéro 7 291 du jeudi 8 novembre
2012, Sidwaya rapporte à sa page 32 l'arrestation
d'«une présumée voleuse d'enfant ». Le
visage de la dame est traversé d'une bande noire. Mais le journal
présente la dame en gros plan, si bien que l'effet de la bande est
insignifiant. L'identification de la dame est bien possible, même
au-delà du cercle familial. Ici l'usage du
« zoom » entraîne une atteinte à
l'innocence présumée, réduisant presqu'à
néant la technique tenant à cacher le visage du suspect par la
bande noire. La photo en question n'est pas légendée.
Tous ces exemples confirment qu'il subsiste des cas d'atteinte
à la présomption d'innocence dans Sidwaya. Dans
L'Observateur Paalga également, en dépit des efforts
fournis pour respecter la présomption d'innocence, des atteintes audit
principe demeurent.
Section II : Les atteintes à la
présomption d'innocence dans L'Observateur Paalga
Nous avons relevé neuf(9) articles publiés dans
la période d'étude, que nous estimons préjudiciables
à la présomption d'innocence des personnes qui y sont mises en
cause. Dans sept de ces articles, les violations au principe se manifestent
par la terminologie(A) tandis qu'elles résultent de la publication de
l'image des personnes poursuivies dans deux autres(B).
A. Les atteintes à
la présomption d'innocence par la terminologie dans L'Observateur
Paalga
Dans sa livraison numéro 8 144 du jeudi 7 juin 2012,
à sa page 8, le journal donne à lire un fait divers
intitulé de la sorte : « Secteur 30 de
Ouagadougou : Un militaire tire sur sa bonne ». Au fait, il
s'agit d'une manifestation de la population dudit secteur contre le meurtre
présumé d'une jeune fille. Celle-ci avait été
employée par un militaire en qualité
d'aide-ménagère. Elle a trouvé la mort dans la cour de son
employeur que la population accuse d'être l'auteur du meurtre.
Le journal commet une faute en affirmant en titre que le
militaire a tiré sur la fille de maison. Il ne prête pas cette
information à aucune autorité judiciaire. Sa conviction
était déjà faite sur la culpabilité du suspect. Par
la publication d'une telle information, le journal viole la présomption
d'innocence du suspect.
Dans sa parution numéro 8 147 du mardi 12 juin 2012,
L'Observateur Paalga annonce à sa page 27 que le militaire dont
il était question dans le numéro ci-dessus évoqué a
été présenté au parquet. Le journal
écrit : « Comme on le sait, une jeune fille du
nom d'Aicha Tassembédo, qui venait d'être employée comme
bonne, a été abattue dans la nuit du 5 au 6 juin 2012 au secteur
30 de Ouagadougou par son patron qui l'aurait prise pour un
voleur. ».
A lire ce passage, on voit que le journal insiste sur la
culpabilité du suspect puisqu'il continue d'attribuer le meurtre de la
jeune fille à son patron qu'il ne s'empêche de nommer. En
révélant l'identité du sergent Valérie Bakouan et
en affirmant qu'il a ouvert le feu sur son aide-ménagère, le
journal nous offre un cas parfait de violation de la présomption
d'innocence. En effet, la publication de l'identité ne constitue pas en
soi une atteinte à l'innocence présumée. C'est le fait de
traiter le suspect comme coupable qui est attentatoire à la
présomption d'innocence. Et c'est bien cette faute que L'Observateur
Paalga commet dans le présent exemple.
Dans son numéro 8 148 du mercredi 13 juin 2012,
à la page 22, L'Observateur Paalga
annonce : « Braquage BCB Patte-d'Oie : Un
complice arrêté ». Ce titre porte atteinte à
la présomption d'innocence de deux personnes. D'abord, l'homme
arrêté est un présumé complice et non pas complice
comme l'a écrit le journal. La complicité n'existe que si
l'infraction principale est constituée. En traitant donc l'individu
arrêté de complice, le journal laisse entendre que le vol à
main armée est constitué et que les sieurs Romuald Tuina et
Hamadé Sawadogo en sont coupables.
On peut lire dans cet article : « Les
investigations des gendarmes ont permis d'identifier messieurs Tuina Romuald et
Sawadogo Hamadé dit Mélo, comme auteurs dudit
braquage. ».
Au vrai, une enquête de gendarmerie ne peut pas
établir la culpabilité d'une personne poursuivie. Le pouvoir de
condamnation ou de relaxation appartient au juge. Le journal aurait dû
mentionner que la gendarmerie a identifié des présumés
auteurs au cours de son enquête. En employant le mot
« auteur » à cette phase de la
procédure, le journal viole la présomption d'innocence des
individus mis en cause.
Une telle violation est constatée à la page 31
du numéro 8 156 du lundi 25 juin 2012. Le journal rend compte de la
saisie de liqueurs frelatées par la police sous le titre
suivant : « Saisie de liqueurs frelatées :
Fin de vol pour Silga ». Le chapeau de l'article montre que le
journal a eu, dans le traitement de cette information, peu d'égard pour
la présomption d'innocence des personnes arrêtées. Ainsi,
on peut lire : « La brigade de recherches du commissariat
de police de Ouaga 2000 a mis fin aux activités frauduleuses d'une bande
de contrefacteurs de boissons frelatées avec à sa tête
Gilbert Silga (Silga, patronyme signifiant en langue mooré
épervier). Une opération menée le jeudi 21 juin 2012 au
secteur 30 (Karpala) de Ouagadougou avec la collaboration de la
population. ».
Dans cet article, le journal ne prend pas de distance
vis-à-vis de la version des faits tels que relatés par la
gendarmerie. Il tient pour évangile le discours tenu par cette
dernière au point de se convaincre de la pratique de la fraude ou de la
contrefaçon par les personnes arrêtées, en l'absence de
toute décision de condamnation. Il aurait parlé de fraude
présumée et de contrefacteurs présumés que l'on lui
reconnaîtrait une volonté de protection de l'innocence
présumée. Ce n'est malheureusement pas le cas.
Au regard des articles précédemment
cités, on peut conclure que L'Observateur Paalga est parfois
prisonnier du caractère plausible des faits. Ainsi, lorsque les faits
dont on accuse les suspects lui semblent plausibles, le journal ne prend plus
de précaution de sorte à préserver leur
présomption d'innocence. Pourtant, entre l'opinion que le journal peut
se faire d'une affaire pénale et la vérité judicaire, il
n'y a pas toujours de coïncidence.
Dans sa livraison numéro 8 279 du vendredi 21 au
dimanche 23 décembre, le journal publie, à la page 28, un
article dont le titre à lui seul est attentatoire à la
présomption d'innocence d'un individu alpagué par la police. Le
titre dit ceci : « Banfora : Un voleur
arrêté en pleine cérémonie
funèbre ». En outre, le journal annonce
« une fin de cavale pour un voleur de bicyclette (...) à
Banfora ».
Dans cet article, le journal ne se fait pas l'obligation
d'employer des termes comme « suspect »,
« présumé », etc. pour
désigner la personne appréhendée. Déjà
à la phase policière, il la présente en tant qu'auteur de
vol.
Il y a dans ce cas, comme dans bien d'autres articles
ci-dessus cités, une atteinte à la présomption d'innocence
qui peut également recevoir la qualification de diffamation. Ainsi, en
faisant croire aux lecteurs que les personnes saisies par les forces de
l'ordre sont coupables en l'absence de toute décision de condamnation,
le journal porte, du même coup, atteinte à leur honneur et
à leur considération.
En plus de ces atteintes d'ordre terminologique, il existe
dans L'Observateur Paalga des atteintes inhérentes au
traitement des photos illustrant certains articles.
B. Les atteintes à
la présomption d'innocence par l'image dans L'Observateur Paalga
Ce type d'atteinte a été relevé dans deux
articles.
Dans le numéro 8 159 du jeudi 28 juin 2012 de
L'Observateur Paalga, l'atteinte à la présomption
d'innocence débute à la Une et se poursuit à la page 9.
Dans ledit article, le journal rend compte d'une conférence de presse au
cours de laquelle la gendarmerie a présenté aux hommes de
médias un groupe d'individus qui diminueraient la quantité du
ciment avant de le commercialiser.
A sa Une, le journal
affiche : « Pissy : Il cimentait ses revenus en
volant les clients ». Ce titre manifeste une atteinte à
la présomption d'innocence, de par les termes employés puisque le
journal fait savoir que le suspect « volait »
les clients alors qu'aucune décision de Justice n'a statué en ce
sens.
Pire, il montre le commerçant de ciment à
visage découvert, procédant à une simulation de la
manière dont il réduisait les contenus des sacs de ciment.
Cette photo est reprise dans l'article. La violation de
l'innocence présumée est aggravée par la publication de
l'identité du principal suspect. En effet, la légende de la photo
donne à lire ceci : « Robert Zoundi,
propriétaire du local, montrant à la presse la manière
dont il procédait pour diminuer le poids du ciment »
L'article comporte trois autres illustrations. L'une des
photos présente du ciment stocké dans le magasin du
commerçant avec la légende
suivante : « Le magasin du fraudeur où le ciment
attend d'être reconditionné ». Au stade de
l'arrestation, le journal admet, en fondant sa foi sur la version de la
gendarmerie, que le suspect est fraudeur, donc coupable de fraude. Il y a
indiscutablement une atteinte à la présomption d'innocence, une
décision de Justice n'ayant pas encore prononcé la
culpabilité des personnes mises en cause.
Dans une troisième photo, le journal juxtapose deux
sacs de ciment avec la légende : « La
différence entre le sac normal et celui reconditionné est
vraiment nette ». Au vu de la photo, le journal paraît
objectif dans la formulation de la légende.
Toutefois, la dernière photo présente deux
individus, à visage découvert, tenant un sac de ciment. La
légende dit ceci : « Les complices de Zoundi avec
l'objet du délit entre les mains ». Ces deux hommes
peuvent se plaindre non seulement d'avoir été
présentés à visage découvert mais aussi d'avoir
été traités de complices tenant l'objet d'un délit.
L'Observateur Paalga voudrait préserver leur présomption
d'innocence qu'il les aurait qualifiés de
« présumés complices avec l'objet du délit
présumé entre les mains ».
L'Observateur Paalga a également manqué
de précaution dans le traitement de l'une des illustrations de l'article
publié à la page 25 du numéro 8 186 du mardi 7 août
2012. L'article traite de l'arrestation de présumés
contrefacteurs d'eau de Javel Lacroix.
L'une des photos présente, à visage
découvert, cinq personnes appréhendées par la
gendarmerie. Déjà, par le défaut de tout traitement de
l'image dans le but de rendre difficile ou impossible l'identification des
personnes mises en cause, l'atteinte paraît consommée. Elle est
aggravée par la légende : « Les
trafiquants d'eau de javel ». Une fois de plus,
L'Observateur Paalga affirme la culpabilité de personnes se
trouvant au seuil de la procédure judiciaire.
Ce type d'atteintes à la présomption d'innocence
relevé dans L'Observateur Paalga a également été
constaté dans Le Pays.
Section III : Les atteintes à la
présomption d'innocence dans Le Pays
Ces atteintes se manifestent dans le traitement de dix-sept
(17) articles publiés pendant la période d'étude. Dans dix
(10) d'entre eux, les atteintes sont d'ordre terminologique. Les six (06)
autres articles répertoriés contiennent des illustrations de
nature à porter préjudice à l'innocence
présumée des personnes mises en cause.
A. Les atteintes à
la présomption d'innocence par la terminologie dans Le Pays
Nous énumérerons certains des onze (11) articles
par lesquels cette méconnaissance se manifeste.
Dans son numéro 5 133 du jeudi 14 juin 2012, Le
Pays annonce à sa page 8 : « Escroquerie
à Ouaga : Par la technique de l'abeille, il escroque 16 millions de
F CFA. ». Rendant compte de l'arrestation par les services de la
gendarmerie, d'un individu accusé d'escroquerie, le journal se montre
très affirmatif sur la culpabilité du suspect alors même
que la procédure judiciaire concernant cette affaire est à ses
débuts. D'abord dans le titre, le journal affirme que la personne mise
en cause a escroqué. Autrement dit, il a commis l'infraction
d'escroquerie. Une telle affirmation, au stade de l'enquête, porte un
coup à la présomption d'innocence.
Plus loin dans l'article, le journal
ajoute : « La gendarmerie de Boulmiougou a fini par
mettre la main sur l'escroc à la technique de l'abeille(...). C'est un
véritable maniaque de la fourberie, du mensonge et du
vol ». Tous ces termes ne sont pas loin de revêtir la
qualification de diffamation ou d'injure s'il le juge répressif venait
à en être saisi.
Ce genre d'atteinte est également relevé dans
Le Pays numéro 5 142 du mercredi 27 juin 2012. L'attaque de
l'article publié à la page 4 de cette livraison
dit : « S'il y a une affaire qui défraie la
chronique dans la cité de Naaba Kango depuis le 14 juin 2012, c'est bien
l'incarcération, la libération et la
réincarcération de Moumouni Nacanabo dit Youmooré, ce
marabout qui, le 8 juin dernier, avait, au cours de ses prêches
hebdomadaires en direct, proféré contre toute attente, des
injures à l'endroit du substitut du procureur du Faso près le
Tribunal de grande instance de Ouahigouya. ».
Cet écrit a été publié pendant la
détention provisoire de l'inculpé, poursuivi pour outrage
à magistrat devant le Tribunal de grande instance de Ouahigouya. Le
journal, en déclarant que le détenu a proféré des
injures au procureur, lui impute la commission de l'infraction, en l'absence de
toute décision de condamnation.
Il est vrai qu'au terme de cette affaire, le marabout a
été condamné à une peine d'emprisonnement avec
sursis et à une amende de 100 000 F CFA. Mais au moment de la
publication de l'article, l'absence d'une décision de condamnation
interdisait l'imputation directe et sans tempérance des faits à
l'inculpé. Cette imputation aurait pu coûter au journal, dans
l'intervalle entre la publication de l'article et le prononcé de la
condamnation, une action en Justice.
Le Pays aurait pu également faire face
à une assignation en justice à la suite de la
publication, dans son numéro 5 160 du lundi 23 juillet 2012 à la
page 35, de la nouvelle suivante : « Province du
Passoré : Le préfet indélicat
incarcéré».Le préfet dont il est question
était vraisemblablement en détention provisoire, dans l'attente
d'une décision de condamnation ou de relaxe. Mais le journal affirme
qu'il s'est adonné à une série d'escroquerie que son
ministère de tutelle a pris l'engagement de réparer. Le journal
aurait voulu préserver son innocence présumée qu'il
l'aurait écrit qu'il est accusé, soupçonné ou
suspecté d'une série d'escroqueries. En procédant comme,
il l'a fait, le journal établit, sans en avoir la compétence
juridique, la culpabilité du suspect.
C'est malheureusement le cas dans l'un des articles
publiés à la page 2 de la livraison numéro 5 219 du
quotidien Le Pays. L'article porte le titre suivant : «
Tribunal de grande instance de Kongoussi : 36 mois fermes requis
contre un avorteur ». Si dans le corps de l'article, le journal
utilise parfois le terme « prévenu », plus
respectueux de l'innocence présumée, il reste que par le titre
seul, le journal porte préjudice à la personne poursuivie en la
qualifiant d'avorteur.
A la chute de l'article, on apprend que l'audience a
été renvoyée en délibéré. Lors de la
publication, rien ne disait que la culpabilité de l'individu serait
confirmée. Encore que la peine dont le journal faisait cas dans le titre
n'était que requise par le procureur, le juge pouvant décider
autrement. Rien donc ne justifiait l'emploi du mot
« avorteur », très tendancieux, dans le
titre.
En dehors des atteintes d'ordre terminologique relevées
dans Le Pays, le traitement des illustrations des articles par ce
journal est parfois préjudiciable à la présomption
d'innocence des personnes photographiées.
B. Les atteintes à
la présomption d'innocence par l'image dans Le Pays
Cette méconnaissance se manifeste à travers les
photos illustrant six (6) articles étudiés. Dans ceux-ci, la
publication des photos des personnes poursuivies est attentatoire à
leur innocence présumée.
Dans sa livraison numéro 5 154 du vendredi 13 juillet
2012, Le Pays publie un article
intitulé : « Banditisme au Burkina : Un
réseau de malfrats spécialisés dans les vols à main
armée démantelé ». La photo illustrant
l'article présente les cinq personnes arrêtées, à
visage découvert, ainsi que des motos dont la gendarmerie les accuse
d'avoir volées.
Dans cet article, l'atteinte à la présomption
d'innocence des suspects s'assimile à une atteinte au droit à
l'image qui impose de toujours recueillir l'assentiment de la personne dont on
reproduit l'image. Même si Le Pays, tout comme les autres
journaux, peuvent outrepasser cet accord de la personne photographiée si
elle se trouve au centre de l'actualité, il y a un minimum de traitement
que requiert l'image des personnes poursuivies. Il est fait obligation à
la presse de flouter les images des suspects. Cette précaution n'a pas
été prise dans l'article ci-dessus cité.
La légende dudit article tempère quelque peu la
violation en faisant observer qu'il s'agit de
« présumés délinquants devant leur
butin ». Mais par l'image, l'atteinte est déjà
commise.
C'est aussi le cas dans le numéro 5 163 du jeudi 26
juillet 2012 du quotidien Le Pays. A la Une, le journal affiche dans
un gros plan trois personnes appréhendées par la gendarmerie. Le
titre donne à lire : « Grand banditisme à
Ouaga : Trois présumés délinquants dans
les filets de la gendarmerie ».
L'article publié à la page 2 du journal contient
quatre photos dont celle de la Une. La légende de la seule photo des
suspects est ainsi formulée : « Ces
présumés voleurs seront bientôt conduits devant le
procureur du Faso ». Mais l'atteinte est déjà
marquée du fait non seulement de l'absence de la bande noire souvent
destinée à flouter les visages mais aussi de l'utilisation du
zoom qui rend très facile l'identification des personnes
photographiées.
Dans sa livraison numéro 5 171 du lundi 8 août
2012, Le Pays publie à sa page 15 un compte rendu d'une
conférence de presse donnée par la gendarmerie. Celle-ci a
présenté aux journalistes un groupe de huit (8) individus
suspectés de contrefaçon d'eau de Javel Lacroix et de vols.
L'article contient trois illustrations dont deux photos des suspects.
Sur l'une d'elles, cinq des suspects sont
présentés à visage découvert. Cette photo est ainsi
légendée : « Cinq des huit
présumés malfrats ». Sur l'autre, on voit trois
des suspects à visage découvert et devant eux, du matériel
que le journal dit être leur butin. Cette dernière photo a pour
légende : « Trois des présumés
malfrats à côté des objets volés et des bidons d'eau
de Javel contrefaite ».
Les légendes des photos des suspects sont quelque peu
respectueuses de la présomption d'innocence. Toutefois, les photos
elles-mêmes sont préjudiciables à ce principe, parce que
n'ayant pas été floutées.
Dans son numéro 5 193 du lundi 11 septembre 2012,
Le Pays publie à sa page 15 un compte rendu d'une
conférence de presse donnée par la gendarmerie. Il s'agit de
l'arrestation de quatre individus accusés « d'escroquerie
sur de faux dollars d'une valeur d'un milliard quatre cent millions de F
CFA ».
Deux photos illustrent l'article. L'une présente des
chefs-gendarmes dont les hommes ont procédé à
l'arrestation des suspects. L'autre montre à visage découvert les
quatre personnes arrêtées avec la légende
suivante : «Lles quatre présumés
délinquants seront transférés à la MACO pour
méditer sur leurs actes d'escroquerie et de vol en attendant leur
prochain jugement. ».
On peut, dans cet article, situer l'atteinte à la
présomption d'innocence à deux niveaux. D'abord, par la photo qui
laisse identifier aisément les personnes poursuivies dont les noms ont
été cités dans l'article. Ensuite par la légende
qui fait état « d'actes d'escroquerie et de
vol », ébranlant ainsi l'innocence des suspects, en
l'absence de toute décision de condamnation dûment
prononcée par un juge compétent.
L'étude de tous ces articles met en exergue les
différentes formes d'atteintes à la présomption
d'innocence même si dans la presse quotidienne burkinabè, la
volonté de préserver le principe est aussi visible dans certaines
productions.
C'est qu'en réalité, les journalistes
revendiquant leur liberté d'informer, ne veulent pas taire certaines
affaires. Ceux-ci reconnaissent d'ailleurs qu'entre la présomption
d'innocence et la liberté d'informer, la concurrence est
réelle.
Tableau récapitulatif de la répartition
des articles portant atteinte à la présomption d'innocence dans
la presse quotidienne burkinabè
|
Sidwaya
|
L'Observateur Paalga
|
Le Pays
|
Nombre d'articles portant atteinte à la
présomption d'innocence par la terminologie
|
4
|
7
|
11
|
Pourcentage
|
66,66
|
77,77
|
65
|
Nombre d'articles portant atteinte à la
présomption d'innocence par l'image
|
2
|
2
|
6
|
Pourcentage
|
33, 34
|
22,23
|
35
|
Total des articles portant atteinte à la
présomption d'innocence
|
6
|
9
|
17
|
Pourcentage total
|
100
|
100
|
100
|
Source : Conçu par l'auteur
Tableau récapitulatif des articles respectant
et portant atteinte à la présomption d'innocence dans la presse
quotidienne burkinabè
Catégories d'articles
|
Articles respectant la présomption d'innocence par
la terminologie
|
Articles respectant la présomption d'innocence par
l'image
|
Total des articles respectant la présomption
d'innocence
|
Articles portant atteinte à la présomption
d'innocence par la terminologie
|
Articles portant atteinte à la présomption
d'innocence par l'image
|
Total des articles portant atteintes à la
présomption d'innocence
|
Total par journal
|
Sidwaya
|
27
|
3
|
30
|
4
|
2
|
6
|
36
|
L'Observateur Paalga
|
14
|
2
|
16
|
7
|
2
|
9
|
25
|
Le Pays
|
17
|
2
|
19
|
11
|
6
|
17
|
36
|
Total par catégorie d'article
|
58
|
7
|
65
|
22
|
10
|
32
|
97
|
Source : Conçu par l'auteur
TROISIEME PARTIE : LA PRESOMPTION D'INNOCENCE ET LE
DROIT A L'INFORMATION
La présomption d'innocence est un droit de la
personnalité, un droit de l'Homme. Ce principe vise à
préserver l'honneur et la considération des personnes poursuivies
par la Justice. Par personnes poursuivies, il faut entendre les personnes
«soit mises en garde à vue, soit mises en examen, soit
citées à comparaître, soit visées par
réquisitoire du procureur du Faso ou par une plainte avec constitution
de partie civile27(*) ». Il est interdit de traiter
celles-ci de coupables tant qu'une décision de condamnation n'a pas
été prononcée à leur encontre par un juge
compétent. La protection de la présomption d'innocence est
souvent invoquée pour justifier certaines interdictions de publier. Ces
interdictions conduisent à une privation de l'information au public.
Pourtant, le droit à l'information, droit fondamental
à valeur conventionnelle et constitutionnelle, oblige les journalistes
et même les pouvoirs publics à pourvoir aux besoins en information
de la population.
Il en résulte entre la présomption d'innocence
et le droit à l'information, une concurrence, voire un conflit (Chapitre
I) que la loi, la jurisprudence, la doctrine et les professionnels du
journalisme tentent de résoudre (Chapitre II).
CHAPITRE I : DEUX DROITS FONDAMENTAUX EN
CONCURRENCE : LA PRESOMPTION D'INNOCENCE ET LE DROIT A L'INFORMATION
Des entretiens réalisés avec les responsables
des journaux étudiés, il ressort qu'entre ces deux droits
fondamentaux, la concurrence, voire le conflit, existe.
De façon générale, on considère
que la présomption d'innocence n'empêche pas les journalistes de
traiter de l'actualité judiciaire ou même de publier
l'identité de personnes poursuivies avant leur jugement, et que seuls
les écrits présentant les suspects comme des coupables sont
répréhensibles.
Mais au vrai, la présomption d'innocence a
motivé le législateur à imposer dans bien des cas un
silence aux journalistes (Section I) en même temps qu'il lui fait
obligation d'informer le public (Section II).
Section I : La présomption d'innocence ou
l'obligation de silence
Cette obligation de silence imposée au journaliste se
traduit par les interdictions de publication d'écrits (A) et d'images
ainsi que de sondages concernant les personnes poursuivies (B).
A. Les interdictions de
publication d'écrits
Ces interdictions concernent la publication des actes
d'accusation et de procédure (1) ainsi que les débats d'audience
et certains jugements (2).
1. L'interdiction de publication des
actes d'accusation, de procédure et d'instruction.
L'acte de procédure est soumis à certaines
formes, est effectué par un auxiliaire de justice ou un plaideur, et est
destiné à entamer, alimenter, suspendre ou arrêter une
instance. La citation directe par laquelle le ministère public ou la
victime peut saisir directement la juridiction de jugement en informant le
prévenu des coordonnées de l'audience est un acte de
procédure. L'assignation est aussi un acte de procédure. La
plainte avec constitution de partie civile en est également un
exemple.
Accomplis par le juge d'instruction ou par un officier de
police judiciaire ayant reçu ou non une commission rogatoire, l'acte
d'instruction est une mesure d'information judiciaire utile à la
manifestation de la vérité. Les mandats d'amener, de
dépôt et d'arrêt ainsi que les perquisitions et autres
saisis sont des mesures d'instruction.
En droit burkinabè, la publication des actes
d'accusation et de procédure est interdite. Aux termes de l'article 97
al.1 du Code de l'information, « est interdite la
publication des actes d'accusation et tous les autres actes de procédure
criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en
audience et ce, sous peine d'une amende de 50 000 à 500 000
francs ».
Mais à titre exceptionnel, l'alinéa 2 de
l'article précité admet que la publication est possible sur
autorisation du juge d'instruction.
Ainsi, le secret de l'instruction prévu à
l'article 11 du Code de procédure pénale, a priori inopposable
aux journalistes, est introduit dans la sphère médiatique par
ces articles du Code de l'information. En principe, le journaliste n'est pas
tenu au respect du secret d'instruction, opposable uniquement à ceux qui
participent à la procédure d'instruction (juges, officiers de
police judiciaire, etc.). Par conséquent, il devrait pouvoir publier ce
qu'il aurait appris relativement à l'instruction. Mais le Code de
l'information en son article 97 le lui interdit, surtout lorsque les faits que
le journaliste entend publier sont contenus dans les actes de
procédure.
Par ailleurs, les articles 57 et 97 du Code pénal
interdisent la publication des documents saisis suite à une
perquisition, sans l'autorisation de la personne qui fait l'objet de la
perquisition. Pour le Dr Seydou Dramé, c'est la présomption
d'innocence qui justifie une telle interdiction.
2. Les interdictions de publication de
certains comptes rendus de procès et de débats d'audience.
En principe, il n'est pas interdit de rendre compte des
jugements quand ceux-ci sont publics (article 98 du Code de l'information).
Mais l'interdiction de publication couvre les procès en
diffamation, les débats des procès d'avortement, de
déclaration de paternité, de divorce et de séparation de
corps. Il est également interdit de rendre compte des débats de
délibération des tribunaux et cours.
L'article 99 du Code de l'information donne la
possibilité aux tribunaux militaires statuant en matière de
sécurité de l'Etat d'interdire, sans prononcer le huis clos, la
publication de leurs débats par les moyens d'information. En imposant
cette interdiction, le législateur avait sans doute été
motivé par des impératifs sécuritaires, mais ce texte
n'apparaît pas moins protecteur de l'innocence des personnes poursuivies
devant les juridictions visées.
Il est également interdit aux journalistes de traiter
des faits délictueux dans des termes apologiques.
Outre l'interdiction de publication des écrits, la
présomption d'innocence justifie l'interdiction de publication de
l'image de la personne poursuivie et de certains sondages.
B. L'interdiction de
publication des images et des sondages
S'il y a en droit burkinabè des dispositions juridiques
interdisant la publication des images (1), les textes relatifs à la
publication des sondages sont soit quasiment inexistants, soit peu connus
(2).
1. L'interdiction de publication des
images
De façon générale, la fixation suivie de
la publication de l'image d'une personne sans son consentement est punie par la
loi.
Le droit à l'image est protégé par les
articles 371 et 372 du Code pénal, repris par les articles 90 et
suivants du Code de l'information.
L'article 371 du Code pénal punit d'un emprisonnement
de deux mois à un an et d'une amende de 50 000 à 1
000 000 de francs ou de l'une de ces deux peines seulement toute atteinte
à l'intimité de la vie privée, en fixant ou transmettant
au moyen d'un appareil quelconque, l'image d'une personne se trouvant dans un
lieu privé, sans le consentement de celle-ci.
Les montages réalisés avec les images et des
propos d'une personne sans son consentement sont interdits à l'article
372 du Code pénal.
Ces interdictions concernent le droit à l'image de
façon générale. Mais lorsque l'atteinte au droit à
l'image est causée à une personne poursuivie par la Justice, la
protection est accordée en vertu de la présomption d'innocence.
Cette idée est défendue par Emmanuel Dreyer. Il
écrit : « Avec le souci de protéger la
présomption d'innocence, le législateur a très tôt
interdit la reproduction de certains actes de procédure. Plus
précisément, il a interdit la diffusion de certaines atteintes
à l'honneur de la personne par l'image et par
sondage.28(*)».
Pour sa part, l'article 100 de notre Code de l'information
dispose que « sauf autorisation de la juridiction
compétente, l'emploi de tout appareil d'enregistrement ou de
cinéma ou d'appareil photographique après l'ouverture de
l'audience judiciaire est interdit ». Devant les juridictions
pénales, cette interdiction est destinée non seulement à
assurer une bonne administration de la justice, mais surtout à
protéger la présomption d'innocence des justiciables
accusés de la commission d'infractions.
En France, le nouvel article 35 ter de la loi du 29 juillet
1881 sur la liberté de presse interdit la publication de l'image d'une
personne « faisant apparaître, soit que cette personne
porte des menottes ou entraves, soit qu'elle est placée en
détention provisoire ». La violation de cette disposition
a valu à Paris Match, VSD, et France Soir une peine d'amende en
juin 2004, prononcée par le tribunal correctionnel de Paris29(*).
En droit positif burkinabè, il semble ne pas exister
une telle disposition, mais il n'est pas exclut que le juge national s'inspire
de l'application qui en est faite par son homologue français.
Déjà, le Conseil supérieur de la communication (CSC)
estime qu'un reportage télévisuel montrant des prévenus
menottés à visage découvert est attentatoire à la
présomption d'innocence30(*).
2. L'interdiction de publication de
sondage
L'article 35 précité interdit « le
fait-soit de réaliser, de publier ou de commenter un sondage d'opinion,
ou tout autre consultation portant sur la culpabilité d'une personne
mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale ou sur
la peine susceptible d'être prononcée à son encontre-soit
de publier des indications permettant d'avoir accès à des
sondages ou consultations à l'alinéa
précédent ».
Cette interdiction de publication de sondage ne semble pas
explicitement prévue en droit burkinabè. Mais la jurisprudence
française y relative pourrait servir d'exemple au juge
burkinabè.
La protection de la présomption d'innocence par toutes
ces interdictions impose un certain silence aux journalistes à qui le
public exige parfois l'entièreté de l'information, qu'elle soit
judiciaire ou non.
A propos de l'image des personnes poursuivies, les
responsables des journaux étudiés disent recevoir des plaintes de
la part de leurs lecteurs qui leur demandent de publier les photos des suspects
à visage découvert31(*). C'est dire que le public lui-même
réclame à la presse son droit à l'information.
Section II : Le droit à l'information ou
l'obligation d'informer
Il s'agit d'examiner le contenu du droit à
l'information(A) ainsi que les exigences de sa mise en oeuvre (B).
A. Le contenu du droit
à l'information
Au plan individuel, le droit à l'information est un
droit fondamental du citoyen(1). Au plan collectif, il est reconnu au public
(2).
1. Le droit à l'information, un
droit fondamental
En France, c'est d'abord le Conseil constitutionnel qui l'a
consacré en se basant sur l'article 11 de la Déclaration des
droits de l'Homme et du citoyen qui permet d'assurer la libre communication des
pensées et des opinions.
Des textes juridiques internationaux ratifiés par le
Burkina Faso prévoient le droit à l'information. Il s'agit entre
autres de la Déclaration universelle des droits de l'Homme 1948 en son
article 19 et du Pacte international sur les droits civils et politique de 1966
en son article 19 également.
Au Burkina Faso, le droit à l'information est
consacré à l'article 8 de la Constitution. Ledit article
dispose : « La liberté d'opinion, de presse et
le droit à l'information sont garantis. ».
Le Code de l'information de 1993 ajoute en son article
1er : « Le droit à l'information fait
partie des droits fondamentaux du citoyen. ».
Le droit à l'information est donc un droit fondamental.
Il est un attribut de la personnalité, un droit de l'Homme, au
même titre que le droit à l'intégrité corporelle,
le droit à l'intimité de la vie privée, le droit à
l'honneur et à la considération, le droit à l'image, etc.
C'est donc une prérogative reconnue au citoyen qui a droit à la
communication des idées et des opinions.
Le droit à l'information désigne
également une théorie. Ses tenants préconisent d'en faire
au-delà du principe de la liberté d'expression ou de
communication, un droit pour tous. Sans remettre en cause les valeurs et les
acquis des régimes de liberté d'expression, la théorie du
droit à l'information vise à les conforter.
Le droit à l'information est un parachèvement de
la liberté d'expression définie à l'article 11 de la
Déclaration française des droits de l'Homme et du citoyen de
1789 : « La libre communication des pensées et
des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme. Tout
citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à
répondre de l'abus de cette liberté dans les cas
déterminés par la Loi. ».
La substance de cette disposition est reprise dans les
préambules de nombreuses constitutions des pays francophones d'Afrique.
En France, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse
proclame en son article 1er : « La presse et
la librairie sont libres. ».
Le droit à l'information est également reconnu
au public.
2. Le droit à l'information du
public
Le droit à l'information prend en compte le droit du
public à l'accès à l'information. En France, c'est dans le
domaine sportif que le droit du public à l'information a
été proclamé. En effet, des lois de 1984, de 1998 et de
1992 limitent la portée de l'exclusivité des retransmissions des
compétitions sportives. Ainsi, pour les compétitions sportives
d'une grande importance, la loi impose leur retransmission par des
chaînes gratuites afin que le public puisse accéder à
l'information. Il s'agit du droit du public à l'information sportive.
Toujours en France, il est reconnu un droit du public à
l'information sur les documents des organismes publics. Ce droit est
justifié par un impératif de transparence dans la gestion des
affaires publiques.
Mais au-delà de ces aspects particuliers, de
façon générale, la jurisprudence et la doctrine
reconnaissent l'existence d'un droit du public à l'information. La
notion de droit du public à l'information est considérée
comme un outil d'arbitrage ou de résolution du conflit entre plusieurs
droits de la personnalité. Ainsi, les tribunaux recourent au droit du
public à l'information pour tolérer ou sanctionner une atteinte
à l'intimité de la vie privée et d'autres droits de la
personnalité. La divulgation des éléments de la vie
privée peut rester impunie si elle est justifiée par le droit du
public à l'information. Le droit du public à l'information
devient alors un facteur de structuration délimitant plusieurs droits en
conflit.
Il n'est donc pas exclu que les juridictions ferment les yeux
sur des atteintes à la présomption d'innocence, si celles-ci sont
imposées par les nécessités de l'information du public.
Le citoyen ou le public est donc bénéficiaire du
droit à l'information dont la mise en oeuvre exige l'intervention de
l'Etat et des professionnels des médias.
B. La mise en oeuvre du
droit à l'information
Le droit à l'information est en principe un droit
exigible. Il est considéré comme une créance du citoyen ou
du public à l'égard de l'Etat et des professionnels des
médias. Sa mise en oeuvre fait naître à la charge de
pouvoirs publics (1) et des journalistes (2) certains devoirs.
1. Les devoirs de l'Etat
Alors que la liberté d'expression obligeait l'Etat
à s'abstenir de tout acte susceptible d'entraver son exercice, le droit
à l'information exige de l'Etat un interventionnisme propre à
favoriser sa mise en oeuvre.
L'Etat doit s'exécuter de certains devoirs afin de
garantir le droit à l'information du citoyen ou du public. Ainsi, l'Etat
doit faire de l'information un service public. Il doit également veiller
au pluralisme médiatique et parfois accorder des aides aux entreprises
de presse.
Le service public est au sens matériel du terme toute
activité destinée à satisfaire un besoin
d'intérêt général et qui, en tant que telle, doit
être assurée ou contrôlée par l'administration parce
que la satisfaction continue de ce besoin ne peut être garantie que par
elle. Au sens formel, le service public désigne un ensemble
organisé de moyens matériels et humains mis en oeuvre par l'Etat
ou une autre collectivité publique, en vue de l'exécution de ses
tâches.
Au Burkina, le service public de l'information est
principalement assuré par les médias publics. En presse
écrite, cette tâche est dévolue aux Editions
Sidwaya. S'agissant des médias audiovisuels, cette charge a
été confiée à la Radiodiffusion et
télévision du Burkina et à ses démembrements.
L'accomplissement d'une mission de service peut être
délégué à un organisme privé. Cette
délégation justifie en partie l'ouverture des ondes qui a
occasionné la floraison des médias audiovisuels au Burkina. Le
rapport 2011 du CSC fait état de plus de 140 radiodiffusions sonores et
télévisions implantées sur toute l'étendue du
territoire national. En 2011, près de 40 titres, toutes
périodicités confondues, paraissaient au Burkina Faso. Le nombre
des quotidiens électroniques s'élevaient à quatre. Mais de
nos jours, ces chiffres ont sans doute évolué, positivement.
Au Burkina, cette pluralité s'accommode d'un pluralisme
des médias. En effet, les tons des médias burkinabè sont
aussi divers que les médias eux-mêmes. Ce qui permet de
diversifier l'information offerte au public.
Par ailleurs, les financements accordés par l'Etat aux
entreprises de presse leur permettent de faire face, un tant soit peu,
à leurs charges afin de mettre l'information à la disposition du
public.
Cette nécessité de rendre l'information
disponible pour le public emporte des obligations à la charge du
journaliste.
2. Les devoirs du journaliste
Le droit à l'information du public entraîne pour
le journaliste une obligation d'informer. Pour ce faire, il faut que le
journaliste lui-même soit d'abord informé. Il existe en premier
lieu pour le journaliste un droit à l'information. Ainsi, l'accès
aux sources d'information doit lui être garanti.
Une fois informé, le journaliste devrait en principe
diffuser l'information au profit du public. Ce devoir ne peut être
exécuté que si les médias et leurs professionnels
remplissent au mieux les fonctions à eux reconnues.
Selon Pr Serges Théophile Balima, Augustin Loada et
Nestorine Sangaré, la presse quotidienne burkinabè remplit
les fonctions de forum civique ( en donnant la parole aux citoyens),
de mobilisation sociale( en contribuant à l'engagement civique et
à la participation citoyenne) et de veille, d'observation puis de
contrôle des différents pouvoirs (en permettant de garantir la
transparence et l'imputabilité des pouvoirs publics32(*)).
La fonction de veille et d'observation justifie souvent
l'empressement des journaux à traiter de certains sujets. Cette
rapidité observée dans la publication de certaines informations
s'explique également par la nature de la matière première
informative. En effet, l'information est une denrée périssable
que le journaliste veut vite livrer pour ne pas être
dépassée par l'actualité.
Pourtant, cette célérité dans la
livraison de l'actualité est parfois attentatoire à certains
droits fondamentaux tels que la présomption d'innocence.
Par ailleurs, en matière démocratique, on
reconnaît aux médias le rôle ou le pouvoir de contrecarrer
les abus des gouvernants. C'est à ce titre que l'on a parlé des
médias comme étant des « chiens de garde de la
démocratie », selon le mot de l'ancien président
américain Thomas Jefferson. Leur fonction de contrôle des
pouvoirs exécutif, législatif ou judiciaire leur vaut aussi,
à tort ou à raison, le qualificatif de quatrième
pouvoir.
Sur la couverture de l'ouvrage de Michael Schudson,
intitulé Le pouvoir des médias, on peut
lire : « En démocratie, les médias jouent
un rôle vital, notamment en contraignant les élites
gouvernementales à ne pas perdre de vue les préoccupations de
l'immense majorité des citoyens.33(*)».
En exerçant convenablement leurs rôles et
pouvoirs, les médias s'acquittent de leur devoir à l'égard
du public. Ils le font également en accomplissant leurs missions
traditionnelles qui consistent à informer, à former et à
divertir.
En récapitulatif, on constate que le droit à
l'information du citoyen et du public commande aux journalistes d'être
toujours sur la brèche afin que le maximum d'informations soit transmis
au public.
Pourtant, la présomption d'innocence impose aux
journalistes une certaine réserve face à l'actualité
judiciaire tant qu'une décision de condamnation n'est pas
prononcée par le juge. A certains procès, comme c'est le cas en
matière de diffamation, d'avortement ou d'atteinte à la vie
privée, le journaliste ne peut y assister pour en rendre compte au
public. Dans d'autres cas, il lui est interdit de rapporter les faits s'ils
sont contenus dans les actes de procédure. Ces exemples illustrent le
rapport conflictuel entre la présomption d'innocence et le droit
à l'information.
Il est nécessaire que soit résolu le conflit
entre ces deux droits fondamentaux que sont la présomption d'innocence
et le droit à l'information
CHAPITRE II : LES SOLUTIONS AU CONFLIT ENTRE LA
PRESOMPTION D'INNOCENCE ET LE DROIT A L'INFORMATION
Les professionnels des médias, eux-mêmes,
tentent de résoudre le conflit (Section I). Ces tentatives de
résolution viennent s'ajouter aux solutions juridiques du conflit
(Section II).
Section I : Les tentatives de résolution du
conflit entre la présomption d'innocence et le droit à
l'information par les professionnels des médias
Il est ressorti de nos entretiens avec les responsables des
journaux étudiés que les hommes de médias n'entendent
jamais taire une affaire pénale dans le but de protéger la
présomption d'innocence. Les journalistes préfèrent en
parler en prenant un certain nombre de précautions pour protéger
l'innocence présumée.
Au-delà de ces professionnels de médias,
certains penseurs du domaine de la presse ainsi que des associations
professionnelles de la presse proposent aux journalistes des règles de
conduite générale qui, elles aussi, peuvent contribuer à
résoudre le conflit entre la présomption d'innocence et le droit
à l'information.
Certaines de ces solutions relèvent de l'éthique
et de la déontologie journalistiques (A). D'autres sont liées aux
techniques journalistiques(B).
A. Les solutions tenant
à l'éthique et à la déontologie journalistiques
Dans Droit de l'information et de la communication,
Bruno Ravaz et Stéphane Retterer estiment qu'il est nécessaire de
retenir le respect de la présomption d'innocence dans la
déontologie journalistique34(*).
Du reste, certaines règles éthiques et
déontologiques du journalisme permettent de réduire les atteintes
à la présomption d'innocence. Il s'agit entre autres de
l'objectivité(1) et de l'exactitude (2).
1. L'objectivité
Henry H. Schulte et Marcel P. Dufresne considèrent
l'objectivité comme le onzième commandement du vrai journaliste.
Selon eux, « il ne s'agit pas de l'attitude subjective et
partisane mais d'un journalisme qui allie l'exactitude et
l'équité fondée sur une recherche exhaustive qui
éclaire les évènements et les
problèmes 35(*)».
L'objectivité exige du journaliste une prise en compte
des points de vue de toutes les parties impliquées dans une affaire. Le
journaliste doit faire preuve d'objectivité dans le traitement de
l'information. Et le non-respect de ce devoir pourrait nuire aux personnes dont
il parle.
A ce propos, Kristin Helmore conseille aux journalistes de
déployer tous leurs efforts pour permettre à l'accusé de
répondre des accusations dont le journaliste fait état dans son
article. Cet auteur ajoute que lorsque le journaliste se trouve dans
l'impossibilité de satisfaire à cette exigence, il doit le
mentionner dans son écrit.
Bien plus, Kristin Helmore écrit :
« Le journaliste ne doit jamais oublier qu'il détient un
certain pouvoir et qu'il peut, sans le vouloir, causer du tort à des
innocents. Cela est particulièrement vrai lorsque les questions
abordées mettent en cause le comportement de certaines personnes.
Même s'il se confirme après coup qu'elle n'est pas coupable, toute
personne accusée par la presse voit sa réputation
ternie. 36(*)».
L'objectivité dans le traitement de l'information
pourrait donc contribuer à la protection de la présomption
d'innocence. Le devoir d'exactitude, s'il est observé, aboutit au
même résultat.
2. L'exactitude
L'exactitude impose aux journalistes d'utiliser les termes
qu'il faut pour désigner les réalités et les choses
décrites dans l'article. En effet, le journaliste doit faire preuve de
rigueur et de précision dans le choix des termes. Toute approximation
peut induire le lecteur en erreur. Il en résulterait un tort
causé aux personnes impliquées dans l'article.
Nous avons vu qu'en matière pénale, le choix
inapproprié des termes peut porter atteinte à la protection de
l'innocence présumée. Pour éviter ces atteintes, le
journaliste du quotidien Le Pays, Séni Dabo,
précédemment secrétaire général des
rédactions dudit journal, a confié qu'il est toujours bon
« de faire attention au choix des mots et d'utiliser l'adjectif
qualificatif présumé pour désigner les individus mis en
cause ».
A L'Observateur Paalga, le rédacteur en chef,
Boureima Diallo dit prendre des précautions dans le traitement de
l'information judiciaire. Il affirme compter sur le niveau de connaissance des
questions judiciaires par les journalistes qui en traitent37(*).
Dans le traitement de l'information judiciaire, le devoir
d'exactitude devrait conduire les journalistes à désigner la
personne poursuivie comme un inculpé, un prévenu, un
accusé, selon les cas, et non comme un fraudeur, un voleur ou un
assassin.
En plus des règles éthiques et
déontologiques certains principes relevant des techniques
journalistiques sont de nature à éviter aux journalistes les
violations de la présomption d'innocence.
B. Les solutions tenant
aux techniques journalistiques
Il s'agit de la vérification des faits et de la
distanciation du journaliste vis-à-vis de ceux-ci d'une part (1) et de
la suite à donner aux affaires pénales d'autre part (2).
1. La vérification des faits et
la distanciation
Dans sa tâche quotidienne de collecte de l'information,
le journaliste a recours à des sources diverses. Malgré, la
confiance qu'il peut accorder à ses sources, le journaliste doit
toujours douter de la véracité des informations reçues. Il
ne doit donc jamais publier une information sans procéder à sa
vérification.
Le devoir de distanciation du journaliste vis-à-vis des
faits signifie que celui-ci ne doit pas se faire prisonnier des faits bruts
relatés par une source. En prenant les faits collectés
auprès des sources pour parole d'évangile, le journaliste court
le risque de se voir trompé et d'induire son public en erreur.
Ce devoir de vérification et de distanciation implique
que le journaliste doit lui-même pousser l'investigation afin de fonder
sa foi ou de déceler des contrevérités racontées
par les sources.
Ainsi, en matière de protection de la
présomption d'innocence, cette vérification des faits
évite aux journalistes d'entériner les accusations non encore
fondées portées à l'encontre des personnes poursuivies.
La protection de l'innocence présumée
nécessite qu'une suite soit donnée aux affaires
pénales.
2. La suite à donner aux affaires
pénales
En traitant des critères de la qualité
journalistique dans son ouvrage intitulé ABC de la presse
écrite, Kristin Helmore suggère aux journalistes de toujours
donner une suite à leurs articles. « Gardez toujours en
mémoire le travail effectué sur vos articles. Vous pourrez en
avoir besoin pour les travaux ultérieurs sur le même
sujet », conseille l'auteur aux professionnels des
médias.
La suite à donner aux affaires pénales est
importante dans la mesure où elle permet de savoir ce qu'il est advenu
d'une accusation formulée à l'encontre d'un individu. En effet,
il s'agit pour le journaliste de suivre les traces d'une arrestation ou d'une
inculpation et d'indiquer dans un autre article que la procédure a
abouti à la condamnation ou à la relaxe de la personne mise en
cause.
A ce sujet, le rédacteur en chef de Sidwaya,
Alassane Karama, estime qu' « il faut suivre les affaires
pénales jusqu'au procès. Du moment où l'on a
annoncé qu'une personne est arrêtée, il faut qu'on puisse
informer plus tard de son innocence ou de sa culpabilité. C'est une
insuffisance de notre part, si l'on n'arrive pas à suivre jusqu'au
jugement. ».
Outre ces solutions tenant à l'éthique et
à la pratique journalistiques, le respect de la règlementation
pourrait contribuer à concilier la présomption d'innocence et le
droit à l'information. La charte du journaliste
burkinabè mentionne en son article
12 : « Le respect du droit des personnes à la
vie privée et à la dignité humaine, en conformité
avec les dispositions nationales et internationales en matière de droit
concernant la protection des individus et interdisant la diffamation, la
calomnie, l'injure, l'insinuation malveillante, fait partie intégrante
des normes professionnelles du journaliste burkinabè. 38(*)».
Au vrai, la loi elle-même propose des solutions au
conflit entre la présomption d'innocence et le droit à
l'information.
Section II : Les solutions juridiques au conflit entre
la présomption d'innocence et le droit à l'information
La loi prévoit aussi bien des solutions gracieuses ou
moins contentieuses(A) que contentieuses (B) au conflit entre la
présomption d'innocence et le droit à l'information.
A. Les solutions
gracieuses ou moins contentieuses
Ce sont des mesures prévues par le législateur
dans le but de prévenir ou de faire cesser une atteinte à la
présomption d'innocence. Dans certains cas, ces mesures peuvent
être mises en oeuvre en l'absence de tout procès, donc sans
l'intervention du juge. C'est le cas de l'exercice du droit de réponse
et de rectification (1). Dans d'autres cas, c'est le juge qui ordonne les
mesures et, parfois dans le cadre d'une procédure de
référé la saisie du journal et le droit d'insertion d'un
communiqué (2).
1. Les droits de réponse et de
rectification
a. Le droit de réponse
« Le droit de réponse peut se
définir comme la possibilité pour une personne mise en cause,
sous un faux jour, dans un périodique ou dans l'audiovisuel de
répondre dans le même organe d'information à l'auteur de
l'article ou des propos la mettant en cause.39(*) »
Ainsi, une personne, dont l'honneur et la considération
sont atteints du fait qu'elle a été présentée comme
coupable d'une infraction, peut exercer le droit de réponse.
Le droit de réponse est prévu à l'article
71 et suivants de notre Code de l'information. Si en droit français, la
jurisprudence admet que l'on peut répondre même à des
propos élogieux, en droit burkinabè, le droit de réponse
suppose que l'honorabilité de certaines personnes est atteinte. Il
s'agit des personnes physiques, de personnes morales et de la personne
décédée lorsque la mémoire du défunt est
ternie.
Celui qui exerce le droit de réponse doit pouvoir
justifier d'un intérêt ou d'un préjudice.
Au Burkina, le Code de l'information n'a pas indiqué
explicitement le délai d'expiration du droit de réponse
subséquent à un écrit bien déterminé. Face
au mutisme de la loi, certains auteurs dont le Dr Seydou Dramé, estiment
qu'il « paraît logique de dire qu'il est de trois
mois, durée égale au délai de prescription des
délits de presse ».
Le délai de publication de la réponse, une fois
transmise au directeur de publication, est d'une semaine à compter de la
réception pour les quotidiens. Pour les autres périodiques, la
réponse doit être publiée dans le numéro suivant.
L'article 75 du Code de l'information fait obligation au
journal ayant reçu la réponse de la publier à la
même place et dans les mêmes caractères que l'article qui
l'a suscitée.
En presse écrite, la longueur ne doit pas
dépasser le double de l'article auquel elle réagit. Pour les
médias audiovisuels, la réponse ne saurait durer plus de cinq
minutes.
En cas de refus d'insertion de la réponse ou de retard
non justifié, le tribunal dispose de 15 jours à compter de la
plainte ou de la citation pour condamner le diffuseur. Il s'agit d'une amende
variant entre 15 000 et 150 000 F CFA.
La publication de la réponse peut être
refusée lorsque la réponse est de nature à porter atteinte
à la sécurité et aux intérêts du pays;
lorsqu'elle est contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs ou
répréhensible par elle-même ; enfin lorsqu'une
réponse a été déjà publiée à
la demande d'une autre personne autorisée à le faire.
Outre le droit de réponse, la victime d'une atteinte
à la présomption d'innocence peut exercer un droit de
rectification s'il remplit certaines conditions.
b. Le droit de rectification
Le droit de rectification a été garanti par
l'article 66 du Code de l'information. Ce texte dispose : « Le
directeur de toute publication périodique est tenu d'insérer
gratuitement toute rectification qui sera adressée par un
dépositaire de l'autorité publique, c'est-à-dire au sujet
des actes de sa fonction qui auront été inexactement
rapportés par ladite publication. ».
Peuvent exercer ce droit des personnes agissant en raison de
leur fonction et non en tant qu'individu. Il s'agit des fonctionnaires et
autres agents publics. Le droit de rectification est ouvert lorsque les actes
mis en cause relèvent de la fonction de l'autorité publique et
non de ses activités privées. Dans ce dernier cas, la personne
mise en cause bénéficie du droit de réponse.
A titre d'exemple, un directeur d'une structure publique
accusé de prévarication et que la presse présente
déjà comme coupable peut exercer un droit de rectification.
Tout directeur de publication qui reçoit une
rectification dispose d'un délai d'une semaine pour la publier dans les
mêmes formes que la réponse.
Par ailleurs, il existe en dehors des droits de réponse
et de rectification, des mesures que le juge ordonne pour prévenir ou
faire cesser une atteinte à l'honneur ou à la
considération.
2. La saisie et le droit d'insertion
d'un communiqué
Le juge peut ordonner la saisie (a) ou l'insertion d'un
communiqué (b) dont lui-même détermine les termes pour
empêcher ou faire cesser une atteinte aux droits de la
personnalité dont la présomption d'innocence. Dans certains cas,
cette décision du juge intervient dans le cadre d'un
référé (c). Ces mesures ordonnées par le juge
n'empêche pas le plaignant d'engager un contentieux sur le fond de
l'atteinte dont il se dit être victime.
a. La saisie
Le Code de l'information a prévu la saisie à
l'article 90 al. 3. Ce texte dit, en partie, que « dans
tous les cas, les juges peuvent, sans préjudice de la réparation
du dommage subi, prescrire toutes mesures telles que séquestres, saisies
et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte
à l'intimité de la vie privée (...) ».
Si le législateur a expressément
réservé la mesure à la protection de la vie privée,
il n'est pas exclu que le juge en vienne à l'étendre à la
protection de la présomption d'innocence, un droit de la
personnalité au même titre que le droit à l'intimité
de la vie privée.
Il s'agit là d'un régime de saisie a priori
destiné à éviter à la victime un préjudice
intolérable.
b. L'insertion d'un
communiqué
En France, Charles Debbasch et ses coauteurs de Droit des
médias pensent que cette insertion judiciaire « est, sans
conteste, la mesure principale qui résulte de la loi de
1993 : « dès l'instant où un organe de
presse a méconnu le droit au respect de la présomption
d'innocence d'un individu en le présentant, avant toute condamnation,
comme coupable, il s'expose à la condamnation judiciaire de la
publication d'un communiqué rectificatif »40(*) ».
Ce communiqué rectificatif n'est pas à confondre
avec le droit de réponse et le droit de rectification. En effet, alors
que la réponse et la rectification sont rédigées par la
personne mise en cause, c'est le juge lui-même qui précise les
termes du communiqué rectificatif ainsi que les conditions
matérielles de diffusion telles que l'emplacement et les
caractères typographiques. Le coût de l'insertion du
communiqué rectificatif est supporté par la personne physique ou
morale, auteur de la méconnaissance de la présomption
d'innocence.
L'insertion du communiqué rectificatif n'exclut ni
l'exercice du droit de réponse ni celui du droit de rectification encore
moins la mise en mouvement de l'action en diffamation.
Ce droit d'insertion d'un communiqué rectificatif ne
semble pas clairement prévu en droit burkinabè. Mais l'article 90
al.3 du Code de l'information de 1993 n'a pas été exhaustif dans
l'énumération des mesures que le juge peut prescrire pour mettre
fin aux atteintes aux droits de la personnalité. En ayant terminé
cette énumération par le mot
« autres », le législateur burkinabè
ouvre une brèche dans laquelle le juge burkinabè pourrait
s'engouffrer et prescrire l'insertion d'un communiqué rectificatif si
une victime d'une violation de la présomption d'innocence la lui
demandait.
Par ailleurs, l'insertion du communiqué rectificatif
ainsi que les mesures explicitement prévues à l'article 90 al.3
peuvent être ordonnées en référé.
c. Le référé
En procédure civile, le référé
désigne une procédure contradictoire grâce à
laquelle une partie peut, dans certains cas, obtenir d'un magistrat unique une
décision rapide qui ne se heurte à aucune contestation
sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Même en présence d'une contestation
sérieuse, le juge des référés peut autoriser des
mesures conservatoires ou ordonner des remises en état dans le but de
prévenir un dommage imminent ou de faire cesser un trouble manifestement
contraire à la loi.
L'article 90 al.3 du Code de l'information dit que la
séquestre, la saisie et autres peuvent, s'il y a urgence, être
ordonnées en référé.
Ainsi, par son pouvoir, le juge des
référés peut ordonner la destruction des exemplaires
saisis, suspendre ou interdire momentanément l'organe de presse, auteur
d'une atteinte à la présomption d'innocence ou de tout droit de
la personnalité.
Lorsque ces solutions moins contentieuses et gracieuses ne
satisfont pas la victime d'une atteinte à la présomption
d'innocence, elle peut explorer les voies contentieuses pour obtenir la
réparation du préjudice subi.
B. Les solutions
contentieuses
Au plan pénal, les atteintes à la
présomption d'innocence peuvent se décliner sous la forme d'une
diffamation (lorsqu'un suspect est présenté comme coupable, il y
a atteinte à l'honneur ou à la considération), d'une
injure (lorsque le suspect est traité de bandit, de délinquant ou
de malfrat) ou d'une atteinte au droit à l'image (lorsque le
consentement du suspect n'a pas été donné alors qu'il est
présenté à visage découvert).
La solution juridique de l'atteinte à la
présomption d'innocence tient compte de l'infraction particulière
à laquelle cette méconnaissance s'assimile.
Dans tous les cas, les solutions sont soit pénales(1),
soit civiles(2).
1. Les solutions pénales
La victime d'une atteinte à la présomption
d'innocence peut porter plainte pour diffamation(a), pour injure(b) ou pour
atteinte au droit à l'image(c).
a. L'action en diffamation
L'article 109 du Code de l'information et l'article 361 du
Code pénal ont défini la diffamation comme « toute
allégation ou imputation d'un fait portant atteinte à l'honneur
et à la considération d'une personne ».
Si l'honneur est la dignité morale que l'on garde pour
soi-même, la considération est ce que nous sommes aux yeux des
autres41(*).
L'action en diffamation ne peut prospérer que si les
éléments constitutifs de l'infraction sont réunie(i) et si
les règles de procédures sont respectées (ii). Elle donne
lieu à des sanctions qui varient en fonction de la qualité des
victimes de la diffamation (iii).
i. Les éléments
constitutifs de la diffamation
La diffamation est constituée par la réunion
d'un élément matériel et d'un élément moral
à moins que son auteur puisse se justifier en apportant la preuve de la
vérité des faits diffamatoires.
L'élément matériel de la diffamation
s'entend d'une allégation ou d'une imputation à autrui d'un fait
déterminé portant atteinte à son honneur ou à sa
considération.
L'allégation consiste à reprendre,
répéter ou reproduire des propos ou des écrits
attribués à des tiers et contenant des imputations diffamatoires.
Il y a diffamation lorsque l'allégation reproduit des faits
attribués à la rumeur publique.
L'imputation s'entend plutôt de l'affirmation
personnelle d'un fait dont son auteur prend la responsabilité.
Notre Code de l'information précise que même si
l'allégation ou l'imputation est faite sous forme dubitative, elle peut
recevoir la qualification de diffamation. C'est dire qu'une simple insinuation
ou interrogation peut être diffamante.
L'allégation doit porter sur un fait précis. Un
délit que l'on impute à autrui peut être
considéré comme un fait précis, si l'imputation
précise la qualification ou les circonstances de la commission dudit
délit42(*).
Pour que l'imputation ou l'allégation d'un fait
précis soit constitutive de diffamation, il faut qu'elle porte atteinte
à l'honneur ou à la considération. Porter atteinte
à l'honneur d'une personne, c'est toucher à ce qu'elle a de plus
intime en lui imputant des manquements à la probité, à la
morale, au devoir de famille ou encore des infractions ou condamnations
pénales43(*).
La diffamation vise une personne physique ou morale. Elle
suppose également une publicité. Il n'est pas obligé que
cette publicité se fasse par voie de presse. Si la condition de
publicité n'est pas remplie, l'imputation diffamatoire est
réprimée comme contravention d'injure non publique.
L'élément moral de la diffamation est
l'intention de porter atteinte à l'honneur ou à la
considération de la personne ou du corps désigné. En
matière de diffamation, l'intention de nuire est toujours
présumée. C'est à la personne poursuivie pour diffamation
d'apporter la preuve de sa bonne foi.
La réunion de l'élément matériel
et de l'élément moral de la diffamation n'est pas toujours
synonyme de sanction. C'est le cas où la personne poursuivie parvient
à apporter la preuve de la vérité du fait diffamatoire.
C'est l'exceptio veritatis. Toutefois, la vérité des
faits diffamatoires est exclue dans trois cas, à savoir lorsque les
faits imputés relèvent de la vie privée de la personne,
lorsque les faits remontent à plus de 10 ans et enfin lorsque les faits
sont prescrits, amnistiés ou ont donné lieu à une
condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision.
ii. La
procédure en matière de diffamation
La répression de la diffamation est soumise à
une procédure particulière favorable aux auteurs et difficile
à mettre en oeuvre par les victimes.
D'abord, l'action en diffamation n'est recevable que si elle
intervient dans un délai de trois mois à compter de la
publicité des faits. Aux termes de l'article 366 du Code pénal,
le délai de prescription de l'action publique est de trois mois à
compter de la commission des faits ou du dernier acte de poursuite ou
d'instruction. L'article 140 du Code de l'information
ajoute : « L'action publique et l'action civile
résultant des crimes, délits et contraventions prévus par
la présente loi se prescrivent après trois mois révolus,
à compter du jours où ils ont été commis ou du jour
du dernier acte de poursuite s'il en a été
fait. ».
Ces dispositions contraignent les victimes de la diffamation
à agir promptement. Sans quoi ils perdent leur droit d'action.
Au plan purement procédural, l'action en diffamation ne
peut être mise en mouvement que suite à une plainte de la victime
ou de son représentant légal. Selon l'article 128 du Code de
l'information, la mise en mouvement de l'action publique doit être faite
par citation directe. Cette citation doit comporter la qualification des faits
incriminés et la loi à eux applicable ainsi que l'élection
de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie. La
citation doit être signifiée aussi bien au prévenu qu'au
ministère public. La citation directe est frappée de
nullité si elle ne contient pas les éléments cités.
La procédure comporte des risques de nullité qui handicapent la
poursuite des auteurs de diffamation. Ce qui a fait dire à certains
auteurs que dans le conflit entre le respect des droits de la
personnalité (dont la présomption d'innocence) et le droit
à l'information, il y a un déséquilibre en faveur de ce
dernier.
Dans la même logique, le législateur a
abrégé les délais de procédure qui s'ils ne sont
pas respectés emportent des nullités d'ordre public.
Ainsi, selon l'article 129 du Code de l'information, entre la
citation et la comparution, le délai est de vingt jours francs, outre un
délai de route d'un jour tous les deux cents kilomètres. Lorsque
la diffamation a été commise en période électorale
à l'encontre d'un candidat, ce délai est de vingt quatre heures
en sus du délai de route. Dans ce dernier cas, le jugement doit
être prononcé au plus tard le jour du scrutin. Conformément
à l'article 132 du Code de l'information, dans les autres cas, le
tribunal correctionnel dispose d'un délai maximum d'un mois à
compter de la date de la première audience. Le pourvoi en cassation peut
être introduit par le prévenu dans les trois jours suivant le
prononcé de la décision. Ce recours concerne exclusivement les
intérêts civils du prévenu ou de la partie civile.
Jusqu'au prononcé d'une décision devenue
définitive, le retrait de la plainte par la victime arrête
l'action publique.
Lorsque les éléments constitutifs de la
diffamation sont réunis et la procédure bien suivie, le juge
prononce contre l'auteur une sanction.
iii. La répression de la diffamation
La sanction pénale en matière de diffamation est
fonction de la qualité de la victime.
Lorsque la victime est un particulier, l'article 364 al. 4
fixe une peine d'emprisonnement de deux à six mois et une amende de
50.000 F CFA ou l'une des deux peines seulement.
Lorsque l'infraction a été commise sur des
membres du gouvernement, des corps constitués, des personnes
chargées d'un service ou d'un mandat public, les témoins et les
jurés, l'auteur écope de deux à un an d'emprisonnement et
une amende de 50 000 à 300 000 F CFA.
En matière de délit de presse, il y a une
responsabilité en cascades prévues à l'article117 du Code
de l'information. La responsabilité de la diffamation incombe à
titre principal aux directeurs de publication ou éditeurs. Si le
directeur de publication jouit d'une immunité, les co-directeurs
deviennent les responsables principaux de l'infraction. A défaut, ce
sont les auteurs qui devront en répondre; à défaut les
imprimeurs.
La jurisprudence considère que « le
directeur de publication ne peut se décharger de sa
responsabilité sur l'auteur alors que l'imprimeur peut demander sa mise
hors de cause en révélant le nom de l'auteur44(*) ».
Lorsque l'atteinte à la présomption d'innocence
s'assimile à une injure proférée à une personne
poursuivie par la Justice, l'auteur peut porter plainte en vue d'obtenir
réparation.
b. L'action en réparation de
l'injure
Lorsque les éléments constitutifs de l'injure
sont réunis(i), le juge en prononce la peine (ii).
i. Les éléments
constitutifs de l'injure
L'injure est définie à l'article 362 du Code
pénal comme « toute expression outrageante,
terme de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun
fait ».
Il est difficile de distinguer la diffamation de l'injure en
se basant sur leurs définitions respectives. Du reste, on
considère que « le caractère injurieux d'une
expression peut résulter de sa violence ou de sa
grossièreté : assassin, mouchard, bâtard...
terroriste 45(*)».
Le docteur Seydou Dramé, en abordant la question du
droit d'informer face à la présomption d'innocence,
écrit : « Les médias doivent se garder de
porter atteinte à ce droit en proférant des termes hostiles
à la personne inculpée. La raison en est que ces termes
employés dans la presse « assassins, voleurs,
criminels... » sont constitutifs de délits d'injure ou de
diffamation, s'ils remplissent cette qualification ».
Un même passage d'un article peut contenir des propos
à la fois injurieux et diffamatoires. Il arrive que le juge
décide de réprimer la diffamation46(*).
L'injure comporte un élément moral :
l'intention de porter atteinte à l'honneur et à la
considération par des propos outrageants.
La poursuite de l'injure n'est possible que si la victime
formule une plainte. La procédure est la même qu'en matière
de diffamation.
ii. La
répression de l'injure
La sanction de l'injure aussi varie selon que la victime est
un particulier ou une autorité.
Conformément à l'article 113 du Code de
l'information, l'injure contre les particuliers est sanctionnée d'une
peine d'emprisonnement de cinq jours à deux mois et une amende de 5 000
à 300 000 F CFA.
Quand l'injure est proférée sur la personne du
chef de l'Etat ou du chef du gouvernement, elle est qualifiée d'offense.
Dans ce cas, elle est réprimée par une peine d'emprisonnement de
6 mois à un an et d'une amende d'un million, ou par l'une de ses peines
seulement.
L'injure sur les diplomates et chefs de gouvernement
étrangers est également réprimée.
Lorsque l'injure est commise contre un groupe de personnes
dans le but d'inciter la haine entre les citoyens ou les habitants, elle est
punie d'une peine maximum de six mois et ou d'une amende maximum de
500 000 F CFA.
En matière de délit de presse, la
récidive n'est pas une circonstance aggravante. Le cumul des peines ne
s'applique pas à ces infractions. La peine la plus lourde est
retenue.
Certaines atteintes de la présomption d'innocence sont
constitutives de méconnaissance au droit à l'image.
c. L'action en répression d'une
atteinte au droit à l'image
Le droit à l'image est protégé par notre
droit (i) qui prévoit également des sanctions contre les auteurs
de sa violation.
i. La protection du droit à
l'image
Ce sont les articles 371 et suivants du Code pénal et
90 du Code de l'information qui protègent le droit à l'image.
En principe, il est interdit de fixer et de reproduire l'image
d'une personne sans son consentement.
Mais, certaines exceptions existent à ce principe.
Ainsi, lorsqu'un individu se trouve à un lieu public, son consentement
n'est pas nécessaire si la photo ne permet pas de l'identifier
particulièrement. Certains auteurs considèrent qu'une personne se
trouvant au centre d'une actualité peut être photographiée
sans son autorisation. Cette exception sert d'argument aux journaux qui
n'hésitent pas à photographier les personnes
arrêtées par les forces de sécurité et à les
présenter à visage découvert.
Cette pratique est décriée et elle pourrait
tomber dans la qualification juridique d'atteinte au droit à l'image
dont la répression est prévue par la loi.
ii. La
répression de l'atteinte au droit à l'image
Les sanctions de la méconnaissance au droit à
l'image sont en principe les mêmes que celles réprimant la
violation du droit à l'intimité de la vie privée. Elles
sont prévues aux articles 371 du Code pénal et 90 du code de
l'information. Il s'agit d'un emprisonnement de deux mois à un an et
d'une amende de 50 000 à 1 000 000 de francs ou de l'une de ces
peines seulement.
Au titre des solutions d'ordre pénal du conflit entre
la présomption d'innocence et le droit d'informer, il faut retenir que
le juge répressif peut prononcer des peines
complémentaires prévues aux articles 136 et 137 du Code de
l'information : la confiscation des écrits ou imprimés, placards,
affiches ou supports audiovisuels saisis, la suppression ou la destruction de
tous les exemplaires qui seraient mis en vente, distribués ou
exposés au public, la suspension du journal pour une durée de six
mois au maximum.
Si l'action publique aboutit à infliger une peine
à l'auteur de l'atteinte à la présomption d'innocence pour
le trouble causé à l'ordre social, l'action civile permet de
d'accorder une réparation pécuniaire à la victime.
2. La solution civile
Il s'agit là de l'application de l'article 1382 du
Code civil selon lequel tout fait quelconque de l'homme qui cause un dommage
à autrui, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à
le réparer. Les atteintes à la présomption d'innocence,
qu'elles s'assimilent à une diffamation, à une injure ou à
une violation du droit à l'image, peuvent être
réparées sur le fondement de la responsabilité civile.
La loi autorise ou oblige même le journaliste à
exercer sa liberté d'expression et à s'acquitter de son devoir
d'informer. Mais si à cette occasion, il commet un dommage à
autrui, il doit le réparer. C'est donc un pan de la solution que le
droit propose au conflit entre la présomption d'innocence et le droit
à l'information.
La mise en oeuvre de l'article 1382 suppose réunies
certaines conditions(a) qui pourraient justifier l'octroi de
dommages-intérêts à la victime(b).
a. Les conditions de la mise en oeuvre
de l'article 1382 du Code civil
La réparation civile ne peut être accordée
que s'il existe une faute(i), un dommage (ii) et un lien de causalité
entre la faute et le dommage (iii).
i. La faute
La faute peut consister en une action ou en une abstention. Il
peut s'agir d'une imprudence, d'une négligence ou d'un manquement
à une obligation quelconque. En matière de presse, la
jurisprudence a imposé au journaliste un devoir de prudence et
d'objectivité dont le manquement constitue un critère
déterminant dans la recherche judiciaire de la faute.
Le journaliste manque d'objectivité lorsqu'il
déforme les propos ou fait montre de partialité.
Le non-respect de la règlementation ou de la
déontologie est également considéré comme
fautif.
Outre la faute, la mise en oeuvre de l'article 1382 exige
qu'un dommage soit causé à autrui.
ii. Le dommage
Le dommage désigne, dans l'acception
générale, un préjudice dont une personne est victime. Le
dommage peut être moral ou matériel.
En matière de droits de la personnalité dont le
droit au respect de la présomption d'innocence, le dommage est
essentiellement moral.
Dans ce cas, le dommage, c'est l'atteinte à l'honneur
ou à la considération. Le fait de dire d'une personne poursuivie
qu'elle est coupable d'une infraction alors qu'elle n'est pas encore
condamnée, est de nature à porter atteinte à son honneur
et à sa considération.
iii. Le lien de causalité entre la faute et le
dommage
De façon générale, pour que la
réparation civile soit accordée, le juge exige un lien de
causalité entre la faute et le dommage.
En matière de délits de presse, certains auteurs
tels que Pierre Kayser considèrent qu'il n'est pas nécessaire
d'établir un lien de causalité entre la faute et le dommage. Pour
eux, la victime n'a pas besoin de faire la preuve du préjudice subi mais
de justifier seulement la méconnaissance d'un droit subjectif.
Une fois que ces conditions sont réunies, le juge
octroie des dommages intérêts à la victime.
b. L'octroi de
dommages-intérêts
La victime du dommage propose le montant des
dommages-intérêts au prorata du préjudice qu'il pense avoir
subi. Toutefois, le juge n'est pas lié par l'étendue de ses
prétentions. Il est de son pouvoir d'apprécier le montant des
dommages-intérêts et de préciser le mode de
réparation du dommage.
En matière de presse, les
dommages-intérêts de montants élevés pourraient
faire disparaître certains titres. Mais la presse devrait se
préparer à faire face à des indemnisations importantes
dans la mesure où la tendance est à l'abandon du franc
symbolique. Et surtout que les hommes de médias militent en faveur des
peines civiles et pour la dépénalisation des délits de
presse.
CONCLUSION
Cette étude sur « la présomption
d'innocence dans la presse quotidienne burkinabè » s'est
beaucoup basée sur l'analyse de contenus des parutions de
Sidwaya, L'Observateur Paalga et Le Pays de juin
à décembre 2012.
En récapitulatif, on retient que l'attitude de la
presse quotidienne burkinabè à l'égard de la
présomption d'innocence est quelque peu ambivalente. Cette attitude se
dégage d'une analyse portée sur 97 articles
sélectionnés, traitant d'affaires pénales.
De cette analyse, il ressort qu'il y a dans la presse
quotidienne burkinabè, des pratiques respectant la présomption
d'innocence. Sur un total de 65 articles respectant la présomption
d'innocence, Sidwaya en comptabilise 30, L'Observateur Paalga
16 et Le Pays 19.
Le respect de la présomption d'innocence tient soit
à l'emploi correct de la terminologie désignant les personnes
poursuivies, soit au traitement des photos des suspects en vue de rendre
difficile leur identification. Il y a au total 58 articles respectant la
présomption d'innocence par la terminologie dont 27 pour
Sidwaya, 14 pour L'Observateur et 17 pour Le
Pays.
Sept articles observent le principe par le traitement des
illustrations, à savoir trois pour Sidwaya et deux pour
L'Observateur Paalga et autant pour Le Pays.
Toutefois, il subsiste dans la presse burkinabè des
articles portant atteinte à la présomption d'innocence des
personnes poursuivies. Leur nombre s'élève à 32 dont 6
pour Sidwaya, 9 pour L'Observateur Paalga et 17 pour Le
Pays. 22 articles sont attentatoires à l'innocence
présumée de par leur terminologie. Quatre(4) ont
été recensés dans Sidwaya, sept (7) dans
L'Observateur Paalga et onze (11) dans le quotidien Le
Pays.
Dix autres articles violent la présomption d'innocence
par l'image. Deux (2) ont été relevés dans
Sidwaya, autant dans L'Observateur Paalga et 6 dans Le
Pays.
Le constat général est que le nombre des
articles respectant la présomption d'innocence est largement
supérieur (le double) à celui de ceux qui portent atteinte audit
principe.
Ces atteintes constituent la manifestation du conflit entre la
présomption d'innocence et le droit à l'information, deux droits
fondamentaux. En effet, la présomption d'innocence impose un certain
silence ou une réserve au journaliste à travers de multiples
interdictions de publication. D'ailleurs, la présomption d'innocence
fixe un idéal à la presse : un black out sur les affaires
pénales jusqu'à ce qu'un juge compétent prononce la
décision de condamnation.
Pourtant, le droit à l'information oblige le
journaliste à remplir ces fonctions de veille, d'observation et de
contrôle au bénéfice du public pour qui l'information est
devenue un besoin vital. Ce qui oblige les pouvoirs publics eux-mêmes
à agir pour rendre l'information disponible pour le plus grand
nombre.
A ce conflit entre ces deux droits fondamentaux, un compromis
a été trouvé. On considère que les journalistes
doivent continuer à satisfaire les besoins d'information du public en
respectant plusieurs corps de règles. D'abord, ils doivent tenir compte
de l'éthique et de la déontologie, un ensemble de règles
professionnelles et morales élaborées par les pairs. Ensuite, ils
doivent se soumettre à la loi qui permet à la personne mise en
cause dans un article d'utiliser des voies gracieuses ou contentieuses pour
obtenir la cessation de l'atteinte ainsi qu'une réparation.
Mais certains auteurs pensent que la mise en oeuvre des voies
contentieuses de réparation est jalonnée de difficultés
procédurières, garantissant parfois au journaliste une
impunité. On conclut donc qu'entre la présomption d'innocence et
le droit à l'information, il existe un déséquilibre en
faveur de ce dernier droit fondamental
BIBLIOGRAPHIE
BIBLIOGRAPHIE
I- OUVRAGES GENERAUX
-Balle Francis, Médias et
société, Monchrestien, Paris, 2011, 876 pages
-Balle Francis (dir.), Lexique d'Information
Communication, Dalloz, Paris, 2006, 475 pages
-Balima Serges Théophile et Duchenne
Véronique, Méthodologie de recherche en sciences de
l'information et de la communication, Editions Sankofa/ Editions
Sidwaya, Ougadougou, 2005, 139 pages
-Balima Serges Théophile, Loada Augustin,
Sangaré/Compaoré Nestorine, Médias et
Démocratie, CODESRIA 2012, 108 pages
Beziz-Ayache Annie, Dictionnaire de droit pénal et
procédure pénale, Ellipse Editions Marketing SA, Paris,
2008, 313 pages
Charon Jean-Marie, La Presse quotidienne,
Edition La découverte, Paris 1996, 120 pages
-Debbasch Charles et autres, Droit des médias,
Dalloz, Paris, 2002, 1184 pages
-Derieux Emmanuel, Droit de médias,
2e, Dalloz, Paris, 2001, 145 pages
-Dramé Seydou, Droit de la communication,
Ouagadougou, 2011, inédit
-Dreyer Emmanuel, Droit de l'information,
Responsabilité des médias, Litec, Paris, 2002, 454 pages
Guillien Raymond et Vincent Jean (dir.), Lexique des
termes juridiques, Dalloz, Paris, 2003, 618 pages
-Helmore Kristin, A.B.C de la presse écrite,
Nouveaux Horizons, Paris, 1995, 82 pages
-Ravaz Bruno et Retterer Stéphane, Droit de
l'information et de la communication, Ellipse édition Marketing
SA, Paris, 2006, 176 pages
-Schudson Michael, Le pouvoir des médias,
Nouveaux Horizons, Paris, 2001, 227 pages
-Schulte H. Henry et Dufresne P. Marcel, Pratique du
journalisme, Nouveaux Horizons, Paris, 1999, 349 pages
-Soyer Jean-Claude, Droit pénal et procédure
pénale, LGDJ, Paris, 2008, 427 pages
-Veron Michel, Droit pénal spécial,
Masson, Paris, 1976, 327 pages- -
II- PUBLICATIONS SPECIALISEES
-Revue burkinabè de droit n°34,
2e semestre 1998, 492 pages
-Revue de science criminelle et droit pénal,
janv.-mars 2011, 296 pages
-Rapport public 2011 du Conseil
supérieur de la communication, 170 pages
-Kindo Enock, Etude des caractéristiques de trois
quotidiens burkinabè, pour l'obtention de la Maîtrise en
sciences et techniques de l'information et de la communication,
Université de Ouagadougou
-Yaguibou Abdel Aziz, La rumeur dans l'univers des
quotidiens burkinabè : cas du quotidien Sidwaya et du quotidien Le
Pays, mémoire pour l'obtention du diplôme de Niveau II du
CFPI, 2002-2004
III- LOIS ET CODES APPLICABLES AU BURKINA
FASO
-Constitution de 1991
- Code civil de 1804
-Code pénal de 1996
-Code de procédure pénale de 1968
-Code de l'information de 1993
IV.SOURCES INTERNET
-
www.charriere-bournazel.com
-
www.vie.publique.fr
-fr.jurispedia.org
-fr.wikipedia.org
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE
1
INTRODUCTION GENERALE
3
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET
CONCEPTUEL DE L'ETUDE
6
CHAPITRE I : LE CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE
6
SECTION I : Intérêt et objectifs
de l'étude
6
A. L'intérêt de
l'étude
6
B. Les objectifs de l'étude
6
Section II : Problématique et
hypothèses
7
A. Problématique
7
B. Hypothèses
8
Section III: Méthodologie
8
Section IV- Revue de littérature
10
CHAPITRE II : CADRE CONCEPTUEL DE L'ETUDE
16
Section I : La notion de présomption
d'innocence
16
Section II : La notion de presse
quotidienne
17
Section III : Autres concepts
17
A. Liberté d'expression, droit
à l'information et droit à l'image
18
1. La liberté d'expression
18
2. Le droit à l'information
18
3. Le droit à l'image
18
B. Communication, information et traitement
de l'information
19
1. La communication
19
2. L'information
20
3. Le traitement de l'information
21
DEUXIEME PARTIE : LA PRESSE QUOTIDIENNE
BURKINABE ET LA PRESOMPTION D'INNOCENCE
24
CHAPITRE I : LE PRINCIPE DE LA PRESOMPTION
D'INNOCENCE ET LA PRESENTATION DES QUOTIDIENS BURKINABE
24
Section I : La présomption
d'innocence
24
A. Définition et implications de la
présomption d'innocence
24
1. Définition
24
2. Les implications de la présomption
d'innocence
25
B. Les fondements juridiques de la
présomption d'innocence
26
C. Les sanctions de la violation de la
présomption d'innocence
28
1. Les sanctions pénales
28
2. Les sanctions civiles
29
Section II : La presse quotidienne
burkinabè
30
A. L'Observateur Paalga
31
1. L'organisation de L'Observateur
Paalga
31
2. La fabrication et la diffusion de
L'Observateur Paalga
32
a. La fabrication de L'Observateur
Paalga
32
b. La diffusion du journal
33
B. Sidwaya
33
1. L'organisation de Sidwaya
33
2. La fabrication et la diffusion du
quotidien Sidwaya
35
a. La fabrication de Sidwaya
35
b. La diffusion
36
C. Le Pays
36
1. L'organisation des Editions Le
Pays
36
2. La fabrication et la diffusion du
quotidien Le Pays
37
a. La fabrication
37
b. La diffusion
38
CHAPITRE II : LES PRATIQUES RESPECTANT LA
PRESOMPTION D'INNOCENCE DANS LA PRESSE QUOTIDIENNE BURKINABE
39
Section I. Les pratiques de Sidwaya
40
A. Le respect de la présomption
d'innocence par la terminologie dans Sidwaya
40
B. Le respect de la présomption
d'innocence par les illustrations des articles dans Sidwaya
42
Section II : Les pratiques de L'Observateur
Paalga
45
A. Le respect de la présomption
d'innocence par la terminologie employée par L'Observateur
Paalga
46
B. La protection de l'innocence par l'image
dans L'Observateur Paalga
51
Section III : Les pratiques du quotidien Le
Pays
53
A. Le respect de la présomption
d'innocence par la terminologie dans Le Pays
54
B. Le respect de la présomption
d'innocence par les illustrations dans Le Pays
57
CHAPITRE III : LES ATTEINTES A LA PRESOMPTION
D'INNOCENCE DANS LA PRESSE QUOTIDIENNE BURKINABE
62
Section I : Les atteintes à la
présomption d'innocence dans Sidwaya
64
A. Les atteintes à la
présomption d'innocence par la terminologie dans Sidwaya
64
B. Les atteintes à la
présomption d'innocence par le traitement des illustrations dans
Sidwaya
66
Section II : Les atteintes à la
présomption d'innocence dans L'Observateur Paalga
68
A. Les atteintes à la
présomption d'innocence par la terminologie dans L'Observateur
Paalga
68
B. Les atteintes à la
présomption d'innocence par l'image dans L'Observateur
Paalga
71
Section III : Les atteintes à la
présomption d'innocence dans Le Pays
73
A. Les atteintes à la
présomption d'innocence par la terminologie dans Le Pays
73
B. Les atteintes à la
présomption d'innocence par l'image dans Le Pays
75
TROISIEME PARTIE : LA PRESOMPTION D'INNOCENCE
ET LE DROIT A L'INFORMATION
80
CHAPITRE I : DEUX DROITS FONDAMENTAUX EN
CONCURRENCE : LA PRESOMPTION D'INNOCENCE ET LE DROIT A L'INFORMATION
81
Section I : La présomption d'innocence
ou l'obligation de silence
81
A. Les interdictions de publication
d'écrits
81
1. L'interdiction de publication des actes
d'accusation, de procédure et d'instruction.
81
2. Les interdictions de publication de
certains comptes rendus de procès et de débats d'audience.
82
B. L'interdiction de publication des images
et des sondages
83
1. L'interdiction de publication des
images
83
2. L'interdiction de publication de
sondage
85
Section II : Le droit à l'information
ou l'obligation d'informer
85
A. Le contenu du droit à
l'information
86
1. Le droit à l'information, un droit
fondamental
86
2. Le droit à l'information du
public
87
B. La mise en oeuvre du droit à
l'information
88
1. Les devoirs de l'Etat
88
2. Les devoirs du journaliste
89
CHAPITRE II : LES SOLUTIONS AU CONFLIT ENTRE
LA PRESOMPTION D'INNOCENCE ET LE DROIT A L'INFORMATION
92
Section I : Les tentatives de
résolution du conflit entre la présomption d'innocence et le
droit à l'information par les professionnels des médias
92
A. Les solutions tenant à
l'éthique et à la déontologie journalistiques
92
1. L'objectivité
93
2. L'exactitude
93
B. Les solutions tenant aux techniques
journalistiques
94
1. La vérification des faits et la
distanciation
94
2. La suite à donner aux affaires
pénales
95
Section II : Les solutions juridiques au
conflit entre la présomption d'innocence et le droit à
l'information
97
A. Les solutions gracieuses ou moins
contentieuses
97
1. Les droits de réponse et de
rectification
97
a. Le droit de réponse
97
b. Le droit de rectification
98
2. La saisie et le droit d'insertion d'un
communiqué
99
a. La saisie
99
b. L'insertion d'un communiqué
100
c. Le référé
101
B. Les solutions contentieuses
101
1. Les solutions pénales
102
a. L'action en diffamation
102
i. Les éléments constitutifs
de la diffamation
102
ii. La procédure en matière de
diffamation
104
iii. La répression de la
diffamation
105
b. L'action en réparation de
l'injure
106
i. Les éléments constitutifs
de l'injure
106
ii. La répression de l'injure
107
c. L'action en répression d'une
atteinte au droit à l'image
108
i. La protection du droit à
l'image
108
ii. La répression de l'atteinte au
droit à l'image
109
2. La solution civile
109
a. Les conditions de la mise en oeuvre de
l'article 1382 du Code civil
110
i. La faute
110
ii. Le dommage
110
iii. Le lien de causalité entre la
faute et le dommage
111
b. L'octroi de
dommages-intérêts
111
CONCLUSION
112
BIBLIOGRAPHIE
114
TABLE DES MATIERES
116
Annexe
* 1 Balle Francis,
Médias et société, Monchrestien, Paris, 2011, P.
753
* 2 L'article 11 de la
Déclaration de 1789 dispose : « La libre
communication des pensées et des opinions est un des droits les plus
précieux de l'Homme : tout citoyen peut parler, écrire,
imprimer librement, sauf à répondre des abus de cette
liberté dans les cas déterminés par la
loi ».
* 3 L'article 1er de
la loi du 29 juillet 1881 dit : « La presse et la
librairie sont libres ».
* 4 L'affaire d'Outreau est une
affaire pénale de pédophilie qui a débouché sur la
plus grande erreur judiciaire française. Elle a été
jugée par la Cour d'assises de Saint-Omer du 20 mars au 22 juillet 2004,
source : Internet
* 5 Balima Serges
Théophile et Véronique Duchenne, Méthodologie de
recherche en science de l'information et de la communication, Edition
Sankofa / Editions Sidwaya, Ouagadougou, 2005, P. 59
* 6 Bonville, 2000, P. 46
cité par Balima Serges Théophile, Loada Augustin et
Sangaré/Compaoré Nestorine dans Médias et
démocratie au Burkina Faso, CODESRIA, 2012
* 7 Balima Serges
Théophile et Véronique Duchenne, Méthodologie de
recherche en science de l'Information et de la Communication, Editions
Sankofa/ Editions Sidwaya, Ouagadougou, 2005, P. 64
* 8 -Derieux Emmanuel, Droit
des médias, 2e édition, Dalloz, Paris, 2001,
P.102
* 9 Debbasch Charles et autres,
Droit des médias, Dalloz, Paris, 2000, P. 1026
* 10 Debbasch Charles,
Droit des médias, Dalloz, Paris, 2000, P. 1031
* 11 TGI de Paris, 7 juillet
1993, Jurisdata n° 050002 ; cité par Debbasch Charles
et autres
* 12 Debbasch Charles et
autres, Droit des médias, Dalloz, Paris, 2000, P. 1032
* 13 Crim., 22 octobre 1996,
JCP, 1997-VI, n° 66, ad. Légipresse, janvier-février 1997,
n° 138-III, p.1, cité par Debbasch Charles
* 14 Dreyer Emmanuel, Droit
de l'information, Litec, Paris, 2002, P.106
* 15Francis Balle et autres,
Lexique d'information communication, Paris, Dalloz 2006, P.151
* 16 Balle Francis et autres,
Lexique d'information communication, Dalloz, 2006, Paris, P. 82
* 17 Lagardette Jean Luc,
Le guide de l'écriture journalistique, Syros, Paris, P. 107
* 18 Balle Francis et autres,
Lexique d'information communication, Dalloz, Paris, 2006, P. 322
* 19 Charrière-Bournazel
Christian, Présomption d'innocence et liberté d'expression, in
Combat d'un bâtonnat, août 2006, source : Internet
* 20 Dramé Seydou,
Droit de la communication, Ouagadougou, 2011, P.46, Inédit
* 21 Charon Jean- Marie, La
presse quotidienne, Editions La Découverte, Paris, 1996, P.11
* 22 Kindo Enock, Etudes
caractéristiques de trois quotidiens burkinabè,
Mémoire de maîtrise en science et technique de l'information et de
la communication, cité par Balima Serges Théophile, Loada
Augustin, Sangaré Nestorine dans Médias et
démocratie, Codesria, 2012, P. 48
* 23 Lazerges Christine, Le
renforcement de la protection d'innocence et des droits des victimes :
histoire d'une navette parlementaire, Chr, Revue de science criminelle et
de droit pénale, janv.-mars 2011, P.15
* 24 Ravaz Bruno et Retterer
Stéphane, Droit de l'information et de la communication,
Ellipse Edition Marketing SA, Paris, 2006, P 65
* 25 Tahita Jean-Claude,
Diffamation et liberté de presse au Burkina Faso, Chr, Revue
burkinabè de droit n° 34, 2e semestre 1998, P. 231
* 26 Conseil supérieur
de la communication, Rapport public 2011, P. 46
* 27 Dramé Seydou,
Droit de la communication, Ouagadougou, 2011, inédit, P.
175
* 28 Dreyer Emmanuel, Droit
de l'information, Litec, Paris, 2002, P. 104
* 29 Le chanteur Bernard Cantat
avait été photographié alors qu'il portait des menottes
lors de son jugement pour meurtre de sa compagne. Son avocat porta plainte
contre les médias ayant publié sa photo
* 30 Conseil supérieur
de la communication, Rapport public 2011, P. 46
* 31Dans Le Pays n° 5 131
du 12 juin 2012, les lecteurs, dans le forum des internautes, se plaignent du
fait que les visages des personnes arrêtées et
présentées à la presse soient masqués.
* 32 Balima Serges
Théophile, Augustin Loada, Sangaré/Compaoré Nestorine,
Médias et démocratie, CODESRIA, 2012, P.1
* 33 Schudson Michael, Le
pouvoir des médias,Nouveaux Horizons, Paris, 2001
* 34 Ravaz Bruno et Retterer
Stéphane, Droit de l'information et de la communication,
Ellipse Edition Marketing SA, Paris, 2006, P. 64
* 35 Schulte H. Henry et
Dufresne P. Marcel, Pratique du journalisme, Nouveaux Horizons, Paris,
1999, P. 11
* 36 Helmore Kristin, A.B.C
de la presse écrite, Nouveaux Horizons, Paris, 1995, P. 79
* 37 Le chef de desk est
juriste de formation
* 38 La charte des
journalistes burkinabè a été adoptée en avril
1990 sous la houlette de l'Association des journalistes du Burkina(AJB)
* 39 Dramé Seydou,
Droit de la communication, Ouagadougou, 2011, P. 51, inédit
* 40 Debbasch Charles et
autres, Droits des médias, Dalloz, Paris, 2002, P. 1034
* 41 Dramé Seydou,
Droit de la communication, Ouagadougou, 2011, P.40, inédit
* 42 Crim. 9 juin 1934, D.H.
1934. 382, cité par Veron Michel, Droit pénal
spécial, Masson, Paris, 1976, P. 166
* 43 Crim. 22 avril 1958,
Bull.1958, n° 33, cité par Veron Michel, Droit pénal
spécial, P. 167
* 44 Besaçon, 8 juillet
1892, Dalloz, 1893, 2, 269 et Crim., 25 mai 1894, Dalloz 1895, 1,78
cités par Tahita Jean Claude dans Diffamation et liberté de
presse au Burkina Faso, paru dans RBD n° 34, 2e semestre
1998, P. 237
* 45 Dramé Seydou,
Droit de la communication, Ouagadougou, 2011, P. 42, inédit
* 46 Crim. 28 juin 1926,
Dalloz, 1926, P. 238