La distinction pouvoir constituant et pouvoirs constitués au Cameroun( Télécharger le fichier original )par NENEO KALDAYA Université de Douala - Cameroun - Diplôme d'études approfondies option droit public interne 2008 |
II- PROBLEMATIQUEL'étude de l'ordre juridique33(*) camerounais n'est pas un fait du hasard. Ceci témoigne d'une parfaite connaissance de la sphère juridique en question, mais également de la recherche d'une certaine clarté en vue de la maîtrise de la machine institutionnelle existante au Cameroun. Le Cameroun compte à nos jours à son actif quatre constitutions34(*)symbolisées par des profondes mutations, et plus d'une dizaine de révisions.35(*) Mais, une précision mérite d'être apportée sur la révision et l'élaboration d'une nouvelle constitution. Si la loi constitutionnelle de 1996 est claire en ce domaine, c'est-à-dire considération faite des idéaux démocratiques, les trois précédentes l'étaient moins.36(*) La question reste alors celle de la détermination du titulaire du pouvoir constituant au Cameroun. Autrement dit, il s'agit ici de s'interroger sur, qui du pouvoir constituant ou du pouvoir constitué, peut manipuler la constitution ? Si l'élaboration d'une nouvelle constitution relève de la compétence du pouvoir constituant originaire, qu'en est-il de l'autorité de la modification ou de révision de la constitution au Cameroun ? Une lecture attentive de l'inflation constitutionnelle qu'a connue le Cameroun nous en dira certainement plus. Toute fois convient-il de se poser la question de savoir, quant est-ce qu'on parle de révision ou de modification de la constitution ? Révision partielle ou totale,37(*) abrogation de l'ancienne constitution, c'est autour de ces notions que tourne le problème de la non maîtrise de la procédure constituante au Cameroun.38(*) Pour s'en rendre compte, il est impératif de relever les indices concourant à la distinction pouvoir constituant et pouvoirs constitués au point de vue de leur implication dans l'aménagement de la constitution que sous l'angle de son exégèse qu'au plan de la pratique constitutionnelle au Cameroun. Existe-il des mécanismes juridiques permettant d'assurer l'application effective de la séparation des fonctions constitutionnelles au Cameroun ? A l'analyse, c'est le problème de la pratique constitutionnelle qui est posé dans sa globalité. Il s'agit donc de poser en des termes concrets, la question de l'identité démocratique du Cameroun, identité qu'on doit lire au travers de l'observation ou non des textes en vigueur, caractéristique d'un Etat dit de droit. Pour pousser la réflexion plus loin, il est indéniable de relever l'intérêt d'une telle étude au sein d'un jeune Etat en quête d'une identité comme le Cameroun. III- INTERET DU THEMEUne pléiade des grands auteurs ont attesté de la nécessité de la séparation des fonctions institutionnelles dans les sociétés politiques. Le concept de séparation des pouvoirs est né avons-nous souligné, depuis l'antiquité. ARISTOTE en a souligné, dans son ouvrage célèbre, La politique. JOHN LOCKE en a fait allusion, dans ses deux traités de gouvernement civil (1690) que MONTESQUIEU a simplifié en la déclinant sous l'angle de la collaboration des pouvoirs au sein de l'Etat ; Et c'est SIEYES qui va par la suite théoriser cette idée mais dans une sorte d'antithèse MONTESQIUEU. L'analyse de la distinction pouvoir constituant et pouvoirs constitués au Cameroun présente un intérêt certain au point de vue de la recherche d'une lisibilité fonctionnelle des institutions juridiques de la société politique dite moderne et démocratique. Par définition, l'Etat n'est qu'un ordonnancement des normes juridiques, c'est-à-dire un ensemble des règles hiérarchisées, à partir d'une norme fondamentale et supposée supérieure au sens kelsien. La constitution camerounaise ne déroge pas certainement à la règle, telle est la motivation qui nous anime et qu'il faut lire en cernant l'intérêt du thème sur tous les plans : -D'abord au plan sociopolitique, le droit constitutionnel est perçu comme un droit politique. En effet, la constitution vise à resituer l'acte constitutionnel en tant qu'acte fondamental sur lequel repose le consensus social selon les termes du professeur LEOPOLD DONFACK SOKENG. La séparation du pouvoir constituant et des pouvoirs constitués est d'un apport considérable dans la définition même de l'Etat. A l'évidence, la dévolution du pouvoir constituant aux pouvoirs constitués suscite d'importante inquiétude du point de vue de la théorie du droit. En effet, le fait majoritaire et le renforcement du pouvoir du président de la République (le pontificat présidentiel)39(*) constituent une des raisons de ces dérives. C'est ce qui explique la remarque essentielle du professeur MAGLOIRE ONDOA dans sa lecture sur la distinction entre constitution souple et constitution rigide en droit constitutionnel français lorsqu'il souligne que « victime du développement de la coutume constitutionnelle du jeu majoritaire lié à l'avènement des partis politiques modernes et disciplinés, la constitution se prêtait à toutes sortes de manipulation par les pouvoirs publics »40(*) . La participation du peuple à l'édiction d'un texte placé au plus haut sommet de la hiérarchie juridique de l'Etat est le sens même de la souveraineté, principe cher à une société démocratique. Toute fois, la souveraineté doit observer un certain canon à travers lequel la constitutionnalisation des dispositions devant contrecarrer ce que le doyen GEORGES VEDEL appelle « la dérive de la logique juridique ». C'est la raison d'être de la limitation de la révision de la constitution pour cause de l'objet et des circonstances du moment.41(*) Le constituant camerounais (originaire ou dérivé) fait montre d'une certaine explicité dans la démarcation des compétences des différents pouvoirs constitués. Cependant, la réalité recèle une confusion allant parfois jusqu'au désir d'inféodation du pouvoir constituant par l'institution d'un présidentialisme très fort. Alors se pose la question de savoir si le pouvoir de révision peut tout faire ? -Au plan épistémologique, l'étude de ce thème permet de mettre en exergue la difficulté réelle que révèle la mise en oeuvre d'un texte constitutionnel. En effet, il est fréquent de voir des textes d'une importance capitale, parce que régissant l'organisation et le fonctionnement de l'Etat, appliqué de manière effective et efficace. C'est ainsi que l'étude scientifique des institutions étatiques présente d'abord ce manque de lisibilité compte tenu de leur considération politiste. Pour une étude plus exhaustive de ce mécanisme, il importe d'avoir recours à une méthodologie plus affinée permettant ainsi de dépoussiérer les préjugés susceptibles d'entacher une très bonne compréhension de la thèse. * 33 L'ordre juridique désigne un ensemble des règles de droit en vigueur. * 34Les différentes constitutions du Cameroun depuis son accession à la souveraineté internationale sont : -la constitution de 4 mars 1960 -la constitution de la République Fédérale du Cameroun du1er septembre 1961 -La constitution de la République Unie du Cameroun de 2 juin 1972 -la constitution de la République du Cameroun du 18 janvier 1996. * 35 Les différentes révisions des constitutions camerounaises : 1969 (2), 1970, 1975, 1979, 1983 (2), 1984, 1988 (2), 1991, 1996, 2008. * 36 Les multiples retouches constitutionnelles vécues au Cameroun portent l'estampille du pouvoir constitué et sont nourries par des ambitions politiciennes. * 37 Jean François Aubert, « La révision totale des constitutions : une invention française, des applications suisses » ; in L'Esprit des institutions, L'Equilibre des pouvoirs ; Pierre Pactet (Mélanges à), 2003, page 456-472. * 38 Magloire Ondoa, « La constitution duale : recherches sur les dispositions constitutionnelles transitoires au Cameroun », in Revue Africaine des Sciences Juridiques, vol.1, 2, Yaoundé, 2000, page 37. * 39 Ebenezer Taltou, « Constitution et politique au Cameroun », Thèse précitée, page 168 et s. * 40 Magloire Ondoa, « La distinction entre constitution souple et constitution rigide en droit constitutionnel français », in Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et politiques, n°1, Université de Douala, , janvier-juin 2002, page 74. * 41 Elisabeth Zoller, Droit constitutionnel, opcit, page 21. |
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