Annexe D : Bilan des privatisations au Cameroun
Dès la mise en oeuvre du processus de privatisation au
Cameroun, les autorités publiques ont décidé de privatiser
30 entreprises sur les 171 (Tsafack Nanfosso, 2004) qui existaient, mais
seulement 24 d'entre elles ont été effectivement
cédées à cette date. Le tableau suivant récapitule
cette situation.
Tableau 24: Les 24 entreprises effectivement
privatisées
Entreprises
|
Date de cession
|
Cessionnaire
|
Part du capital cédé aux
étrangers
|
Actionnaire majoritaire
|
1. BICEC
|
31 Décembre
1999
|
Banques populaires
|
71% (France)
|
Etranger
|
2. CAMSHIP
|
13 Février 1997
|
Groupe privé étranger
|
48.41% (France
et Allemagne)
|
Camerounais
|
3. CAMSUCO
|
22 Décembre 1998
|
SOMDIAA (JLV)
|
75% (France)
|
Etranger
|
4. CAMTEL MOBILE
|
15 Février 2000
|
MTN
|
100% (Afrique du Sud)
|
Etranger
|
5. CEPER
|
14 Septembre 1998
|
MUPEC
|
0%
|
Camerounais
|
6. CHOCOCAM
|
11 Décembre 1995
|
Tiger Brands
|
74.41% (France)
|
Etranger
|
7. CIMENCAM
|
ND
|
Groupe Lafarge
|
55% (France)
|
Etranger
|
8. COCAM
|
19 Décembre 1992
|
Groupe Khoury
|
87.6% (Inde et Pakistan)
|
Etranger
|
9. HEVECAM
|
9 Décembre 1996
|
GMG investment
|
90% (USA)
|
Etranger
|
10. La filière thé de la CDC
|
18 Octobre 2002
|
BROBON FINEX LIMITED
|
60% (Afrique du Sud)
|
Etranger
|
94
11. OCB
|
15 février 1992
|
Compagnie fruitière de Marseille
|
60% (France)
|
Etranger
|
12. ONDAPB
|
13 Février 1995
|
Groupe Fadil Privé étranger Daniel Yok (Muyuka)
|
34%(France)
|
Camerounais
|
13. REGIFERCAM
|
1er Mars
1999
|
BOLLORE- COMAZAR
|
77% (France
et Afrique du Sud)
|
Etranger
|
14. SCDM
|
30 juin 1994
|
Hobum Afrika
|
86.61% (Allemagne)
|
Etranger
|
15. SCM
|
1989
|
Privées
camerounais
|
0%
|
Etranger
|
16. SEPBC
|
11 Avril
1992
|
Privé étranger
|
70% (France)
|
Etranger
|
17. SNEC
|
2 mai 2008
|
Groupe ONEP
|
Maroc
|
ND
|
18. SOCAMAC
|
3 Octobre 1993
|
GEODIS
|
51% (France)
|
Etranger
|
19. SOCAPALM
|
12 Février 1999
|
PALCAM SOGEPART
|
90% (France)
|
Etranger
|
20. SOCAR
|
Juillet 1999
|
Chanas
Assurances S.A.
|
70%
|
Etranger
|
21. SOFIBEL
|
13 Décembre 1995
|
Groupe Fadil
|
50%
|
ND
|
22. SONEL
|
18 juillet
2001
|
AES corp
|
51% (USA)
|
Etranger
|
23. SPFS-SRL
|
13 Février 1995
|
Groupe Fadil
et autres particuliers
|
63.49% (Suisse)
|
Etranger
|
Source : Tsafack Nanfosso (2004), Nzomo et
Nzongang (2007) et CTPL
95
Trois observations peuvent être faites à la
lumière de ce tableau :
? Tous les secteurs d'activités ont été
engagés lors du processus ; le secteur primaire, secondaire et
tertiaire.
? 78,2% des capitaux sont en majorité étranger
ceci suppose une forte absence d'une politique de nationalisation qui
sauvegarde les intérêts du pays
? Le pourcentage d'étrangers dans la répartition
du capital des entreprises privatisées s'est accrû. En effet, on
constate la présence des repreneurs locaux dans trois entreprises
seulement, les autres étant les Etat Unis, l'Allemagne, la Suisse, la
France, l'Inde, l'Afrique du sud et le Maroc
Concernant les entreprises à privatiser, si l'on se
base sur les trois listes préalablement établies par l'Etat l'on
dénombre un total de 35 entreprises inscrites. En complétant la
SCM, la BICIC, la SOCAR et la SONEL qui ont fait l'objet de listes à
part, l'on comptabilise finalement 39 entreprises. Les 24 entreprises
privatisées mentionnées dans le tableau ci dessus, toutes
proportions gardées, mettent donc en évidence un taux de
réalisation des privatisations de 61,54%. Ce qui reste
bel et bien dans le sillage du constat fait par Tsafack-Nanfosso (2004)
indiquant un taux de réalisation de 60%, à une époque
où certaines privatisations comme celle de la SNEC n'étaient pas
encore effectives.
Le constat que nous pouvons d'ores et déjà faire
c'est que les entreprises qui avaient été désignées
comme devant faire l'objet d'une privatisation, ne le sont pas encore toutes. A
ce jour, est encore attendue la privatisation des société comme
la Société Camerounaise des dépôts Pétroliers
(SCDP), la Cameroon Télécommunication (CAMTEL), mais aussi celle
de la Cameroon Airlines Corporation (CAMAIR-CO), compagnie d'aviation de
transport créée le 11 Septembre 2006 par le président de
la république lorsque que l'Etat a décidé d'abandonner le
monopole qu'il exerçait sur la CAMAIR. Il faut dire que l'offre de
l'adjudicataire provisoire de la CAMAIR-CO, First Delta Air Services, qui
était de 7 milliards de FCFA a été jugée minable
par de nombreux membres du gouvernement et donc, la décision finale
viendra du chef de l'Etat.
Ces 24 entreprises privatisées peuvent être
regroupées en différents secteurs d'activité dans le but
de connaitre le secteur ayant été le plus privatisé. Le
graphique ci-dessous nous éclaire sur cette situation.
Figure D1 : Etat des privatisations dans les
différents secteurs d'activité
96
secteur tertiaire
18
8
secteur secondaire
11
secteur primaire
13
8
5
entreprises inscrites sur la liste des privatisations à
l'origine
entreprises effectivement privatisées
0 5 10 15 20
Source : l'auteur à partir des
données de la CTPL
A la lumière de ce qui précède et
à travers la figure D1, l'on peut remarquer que le secteur secondaire
est celui qui contribue le plus à la liste des entreprises
privatisées avec 46% des cessions, ce qui peut
paraître surprenant puisqu'à l'origine, ce secteur ne
représentait que 33% des entreprises à privatiser
(c'est-à-dire 13 entreprises sur 39). Ceci témoigne d'un fort
taux de réalisation des privatisations dans le secteur secondaire (11/13
soit 84,6%) comparativement aux deux autres secteurs lesquels
ont une proportion de (5/8 soit 62,5%) le secteur primaire et
(8/18 soit 44,5% ) pour le secteur tertiaire. L'on note par
conséquent que le secteur tertiaire qui apportait au départ la
plus grande contribution dans la liste des entreprises à privatiser ne
réussit finalement à concrétiser que très peu de
privatisations. Cette situation est la résultante d'au moins deux
réalités :
la première tient au fait que le secteur tertiaire
regorge non seulement de « poids lourds» de l'économie
camerounaise notamment de par leur chiffre d'affaires (Devey, 2009; Zoé,
2010), mais aussi de sociétés de service public ce qui
émousse d'autant l'empressement des pouvoirs publics à
procéder à leur privatisation.
la seconde réside dans le fait que bon nombre de
sociétés du secteur tertiaire qui étaient inscrites sur la
liste des privatisations ont été mises en liquidation ou ont tout
simplement disparu .
On ne saurait terminer le bilan des privatisations sans
mentionnées les stratégies de privatisation les plus
utilisées au Cameroun. La figure suivante récapitule cette
situation.
97
Figure D2 : Récapitulatif des techniques de
privatisation utilisées au Cameroun
18%
4
5%
1
27%
5%
6
1
1
Cession d'actions
5% 9
40%
Cession d'actifs Contrat de concession Leasing et Location
Contrat de gestion Contrat d'affermage
Source : Nzomo et Nzongang (2007) et
CTPL
A la lumière de ce graphique, il en ressort que :
La cession d'actions est la technique de privatisation la plus
utilisée au Cameroun avec un taux de 41%. C'est une procédure
souple et rapide très utilisée dans les pays en
développement et les pays de l'Europe de l'Est. Elle est utilisée
dans deux cas : pour constituer un actionnariat stable ou pour pallier
l'absence ou l'insuffisance de marchés financier locaux. C'est la
technique privilégiée par la France dans toutes les
privatisations par le marché financier. Le Maroc a adopté le
même schéma dans la privatisation de nombreuses grandes
entreprises, notamment la SNI en 1994, la banque BCM, la SOFAC et la CTM-LN en
1993.
La cession d'actifs vient en deuxième position avec un
taux de 27%. Tout comme la cession d'actions, elle est la formule rapide et
souple la mieux adaptées aux privatisations difficiles. Elle est souvent
retenu dans les pays en développement et les pays en transition de
l'Europe de l'Est pour les entreprises de grandes tailles qui ont très
peu de chance de trouver un acquéreur disposé à les
acheter en l'état et avant fragmentation. Elle est également
utilisée dans les opérations de liquidations créatrices
qui consistent à apurer le secteur public de ses éléments
les moins rentables. La Tunisie est le pays du Maghreb qui a le plus
utilisé la cession d'actifs comme mode de transfert dans 90% des
opérations réalisés à fin 1993, soit 27
entreprises.
Anthony Boardman et Aidan Vining (1989) à travers leur
analyse théorique et leur expérience pratique confirment
l'utilisation de ces deux premières techniques dans les pays
développés. En plus des avantages précédents, ces
deux modes ont l'avantage de transférer le risque économique,
commercial et financier (les risques opérationnels) au secteur
privé, en
98
particulier le risque de mobiliser les ressources et de
réaliser les investissements, lui donnant ainsi toutes les incitations
à rechercher l'efficacité dans la production et l'allocation des
ressources. Ces schémas offrent en effet de meilleures garanties pour
effectivement permettre au secteur privé de réaliser des
investissements nécessaires au développement de l'entreprise.
Ainsi, lorsque les conditions s'y prêtent ces modes de privatisations
doivent être privilégiés et utilisés de
manière systématique.
Le leasing et la location en troisième place avec un
taux de 18% confirme l'analyse de Vuysteke (1988) pour laquelle les contrats de
crédit-bail peuvent apparaître comme les panneaux publicitaires
d'un futur transfert, car ils peuvent explicitement faire
référence à une possibilité ultérieure de
rachat de l'entreprise ou de ses actions par l'entrepreneur. Ainsi, la
durée du contrat pourrait permettre à l'entrepreneur de juger de
la viabilité de l'entreprise et de formuler une proposition de rachat,
ayant une meilleure connaissance de la situation financière de
l'entreprise et de ses potentialités.
En ce qui concerne le contrat de gestion, d'affermage, et de
concession, ils occupent chacun une petite partie dans les opérations de
privatisation soit 5% pour tous les trois. Berg et Shirley (1987) ont
constaté que le recours à ces procédures qui
présentent des avantages certains de flexibilité est «
Étonnamment faible ». Les raisons essentielles qui expliquent le
recours limité à ce type de procédures semblent être
pour l'Etat le manque de maîtrise de la définition des clauses
contractuelles et les difficultés de contrôles de l'application
des contrats et, pour l'investisseur privé, la
réversibilité de la privatisation (non-renouvellement du contrat
par l'Etat).
L'inconvénient majeur du contrat de gestion
réside dans l'absence des risques assumés par l'operateur
privé. Ainsi celui-ci n'a pas d'incitation à atteindre
l'efficience en production ; les pertes provenant de l'exploitation de
l'entreprise sont supportées par le propriétaire à savoir
l'Etat d'autant plus que la redevance payée à l'opérateur
privé n'est pas liée à sa performance en tant que
gestionnaire.
La faiblesse principale de l'affermage réside dans le
fait que le financement et la réalisation des investissements de
réhabilitation, de renouvellement, de modernisation et d'extension des
actifs restent toujours dévolus à l'Etat. Ainsi les pouvoirs
publics se retrouvent à utiliser les ressources financières
provenant soit de la taxation, soit de l'emprunt ou à donner leur
garantie pour assurer le développement des activités de
l'entreprise.
Enfin, pour ce qui est de la concession, l'operateur
privé est obligé de respecter un certain nombre d'engagement sous
peine de sanction.
99
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