Source: l'auteur à partir des
données de l'ARSEL, la CTR, l'INS et la SNI
73
Au préalable, il faut mentionner que la variable
taille à un effet positif et significatif au seuil de 5% sur la
productivité alors que le cycle a un effet positif et significatif sur
la productivité. Cet effet positif est conforme aux anticipations
habituelles.
L'effet exercé par le temps (T) sur la
productivité est positif et significatif pour une (1) seule entreprise
(SEPBC) et négatif et significatif pour quatre (4) entreprises
(AES-SONEL, CDC, CHOCOCAM et HEVECAM).
L'effet seuil de la privatisation est positif et significatif
pour deux (2) entreprises (CAMRAIL et SOCAMAC) sur les huit (8) de
l'échantillon. Inversement, il est négatif et significatif pour
(3) trois entreprises (AES-SONEL, CDC et HEVECAM).
Toutefois, pour mieux saisir l'effet dynamique de la
privatisation sur la productivité, il faut aller au-delà de la
variable P et considérer plutôt TP. Les coefficients de cette
dernière variable sont positifs et significatifs pour trois (3)
entreprises (CAMRAIL, CDC et CHOCOCAM). Inversement, ils sont négatifs
et significatifs pour deux (2) entreprises (AES-SONEL et HEVECAM). En somme,
environ 37,5% des entreprises de notre échantillon ont subi l'effet
positif de la privatisation (effet seuil et effet dynamique). Les tests de
l'effet dynamique effectués sur l'autre indicateur13 montrent
plutôt que 6/8 soit 75% des entreprises privatisées de notre
échantillon ont améliorés significativement leur
bénéfice par employé.
On peut donc conclure qu'en termes d'effets dynamiques sur la
productivité, le gain imputé à la privatisation n'est pas
confirmé de façon absolue pour les entreprises camerounaises sur
l'horizon pris en compte. Cette interprétation est plausible au vu des
résultats de Villalonga ([2000], p. 62, tableau 7), selon lesquels
l'effet positif ne se manifeste que de façon significative, sept ans
après la privatisation tout au moins pour ce qui est des entreprises
espagnoles car les grandes entreprises sont des systèmes relativement
rigides, à forte inertie ; il faut du temps pour que les nouvelles
orientations stratégiques, les modifications de structure ou les
aménagements de la structure de gouvernance, qui font suite à une
privatisation produisent des effets.
Issaoui Fakhri (2009) confirme que le redressement de la
performance dynamique des entreprises en Afrique est loin d'être faisable
en trois ans. Autrement dit, l'efficacité des entreprises
privatisées ne s'établit pas immédiatement lors de la
privatisation mais elle demande du temps pour se concrétiser. A priori
autant l'entreprise s'éloigne de la date de
13 Les résultats sont les suivants pour
l'indicateur IPE: le coefficient de TP est positif et significatif pour 6
entreprises. D'où 75% des entreprises privatisées ont
améliorés leur bénéfice par employé
74
privatisation autant sa performance s'améliore. Ceci
s'explique par le fait que l'effet des nouvelles stratégies
appliquées par les nouveaux managers privés nécessite du
temps pour aboutir à leurs objectifs.
En revenant sur le tableau ci-dessus, si l'on
considère le cas de certaines entreprises comme l'AES-SONEL, le
coefficient de TP est en effet négatif et significatif à un seuil
de 5%. Ce résultat traduit une baisse de la productivité de
l'entreprise après sa privatisation. En effet, l'entreprise connait une
détérioration de ses performances dynamiques durant la
période post-privatisation se traduisant par un déficit
d'énergie électrique qui a conduit à la pratique des
délestages, à une dégradation de la qualité de
l'électricité du fait des harmoniques ainsi qu'a des
insuffisances tant sur le plan managériale que sur le plan technique.
Sur le plan managérial, il s'agit de l'absence des
prévisions et des investissements pour faire face à
l'augmentation de la demande d'électricité du fait de la
démographie et de la croissance économique (Pineau, 2005).
Sur le plan technique, il est question principalement de la
faible production d'électricité par rapport à la puissance
installée, des pertes électriques élevées et de la
mauvaise qualité de l'électricité du fait de la pollution
des réseaux électriques. Les prix de l'électricité
ont connu des hausses importantes, ce qui est contraire au principe de
réduction des coûts qui est à la base de toute
privatisation. Selon le Réseau Associatif des Consommateurs d'Energie
(RACE), « seuls 2 Camerounais sur 10 ont accès à une
électricité de plus en plus chère, alors que le pays
possède le 2ème potentiel hydroélectrique d'Afrique
après la R.D-Congo ».
Les besoins en énergies électriques des
entreprises industrielles au Cameroun croissent en moyenne de 6% par an depuis
2001 tandis que l'offre d'électricité ne cesse de se
dégrader (Schule, 2008). Les dépenses relatives à
l'électricité dans entreprises industrielles au Cameroun ont
quintuplées du fait des délestages et interruptions involontaires
de l'énergie électrique. Les pertes de production ont
été estimées à 91,5 millions d'Euros/an dans les
entreprises industrielles à cause des difficultés
d'approvisionnement en électricité (Tamo et al.
2008). Il est à noter que la production
d'électricité était d'origine hydroélectrique en
2004 (Nouwou, 2004).
La puissance électrique installée d'AES-SONEL
correspond à une mise à disposition théorique
d'électricité de 8000 Wh par an, mais l'énergie
réellement émise dans le réseau électrique ne
représente qu'a peine 42% du productible. Un déficit de
production d'électricité en 2006 de 57% par rapport à la
capacité installée est une première indication forte des
contre performances d'AES-SONEL.
75
La Banque Mondiale reconnaît dans un rapport que les
performances post-privatisation de la Société Nationale
d'électricité (SONEL) ont été médiocres,
AES-SONEL n'ayant pas pu délivrer l'énergie électrique en
qualité et en quantité suffisante (World Bank, 2004). Ces
résultats devraient donc conduire les pouvoirs publics et la
société en charge de l'électricité à prendre
des décisions visant à l'amélioration des performances du
secteur électrique notamment la réduction des pertes et des
pollutions dans le réseau électrique.
Les investissements nécessaires pour la
réalisation des infrastructures électriques afin de mettre le
Cameroun a l'abri d'une crise énergétique a court terme et
surtout permettre au secteur électrique d'impulser le
développement économique sont divers et coûteux, ils sont
estimés à 1,37 milliards d'Euros pour la période 2005
à 2015 (Ngnikam, 2006).
Selon les autorités en charge du secteur, le Cameroun
devrait être définitivement à l'abri des délestages
causés par le déficit d'offre en énergie électrique
en 2016. L'offre en énergie électrique sera d'au moins 200 MW de
plus supérieure à la demande. Selon un document
présenté par la compagnie de fourniture de l'énergie
électrique au Cameroun, AES-SONEL, la demande en énergie
électrique se situe en ce moment autour de 1000 MW et l'offre, autour de
1100 MW grâce notamment au programme d'urgence hydraulique de 100 MW qui
a été réalisé en 2012 et la centrale de Kribi de
216 MW qui a été réalisé en 2013. La compagnie
AES-SONEL projette l'évolution de la demande au-cours des trois
prochaines années à environ 1200 MW en 2016. La bonne nouvelle,
c'est qu'à cette période, L'AES-SONEL avise que l'offre
dépassera les 1400 MW et sera donc largement supérieure à
la demande. Ce qui signifie que si délestage il y a, ce sera surtout le
fait de pannes techniques. En effet, pour parvenir à la fourniture de
1400 MW d'énergie électrique, les autorités comptent sur
la réalisation de plusieurs projets : le barrage de Lom Pangar de 73,6
MW en 2014, celui de Mekin en 2015 avec un potentiel de 45 MW et celui de
Mem'vele de 200 MW en 2016. Il ne reste à espérer que la
réalisation des divers projets va renverser la tendance.
Pour ce qui est de la CAMRAIL, il y a eu une
amélioration de l'indice de productivité depuis la privatisation,
si l'on se base sur le coefficient de TP qui est positif et significatif
à 5%. Toutefois, il faudrait tenir compte du fait que ce résultat
a été fortement influencé par des facteurs tels que la
coïncidence entre la privatisation et le début des travaux de
construction du pipeline TCHAD - CAMEROUN dont le transport des
matériaux a en majeure partie été assuré par la
CAMRAIL. La privatisation des chemins de fer du Cameroun a occasionné
des suppressions d'emplois surtout commencés durant la gestion publique.
En effet, l'effectif salarié passe de 6754 au cours de l'exercice
1984/85 à 3400 en 1997/98 et
76
enfin à 2620 au cours de l'exercice 2002/03 soit 4
fois plus de pertes d'emplois avant la privatisation et 780 après. Il
y'a donc eu une perte de 3354 emplois avant la privatisation L'investissement
ne suit pas ces bons résultats dans le domaine de la
productivité, comme en témoigne la formation d'une commission
parlementaire en 2003 pour étudier avec la société les
modalités d'une aide de l'Etat pour l'investissement.
En l'occurrence, l'on a observé une augmentation de la
production de CAMRAIL en termes de chiffre d'affaires des trafics voyageurs et
marchandises, lequel chiffre est respectivement passé de 3,514 milliards
de FCFA en 1999 à 6,486 milliards en 2007 pour le premier de ces
trafics, et de 18,439 milliards en 1999 à 43,041 milliards en 2007 pour
le second. Seulement, cette amélioration masque une triste
réalité à savoir, le défaut de maintenance des
équipements et le manque d'investissement qui ont conduit l'Etat
à consentir à une intervention. C'est d'ailleurs dans ce sens
qu'est survenue la signature, le 05 novembre 2008, d'un second avenant à
la convention ferroviaire entre l'Etat et le repreneur. Dans cet accord, dans
l'optique d'assurer une régularité soutenue des trains et un
meilleur confort pour les voyageurs. Les deux parties ont convenu d'investir
entre 2009 et 2020 une somme de 230 milliards de FCFA dont 72 milliards
à la charge de l'Etat14.
C'est ainsi que, CAMRAIL a procédé le 26
février 2013 dans sa principale gare de Yaoundé à la mise
en service des six nouvelles locomotives qu'elle a récemment
réceptionné au port de Douala. Avec l'arrivée de ces six
nouvelles locomotives, son parc compte 58 locomotives et propulse CAMRAIL
à la tête des meilleures compagnies ferroviaires d'Afrique selon
Hamadou Sali, le Président du conseil d'administration de l'entreprise.
Cependant, les responsables n'ont pas indiqué comment la mise en service
de ces six nouvelles locomotives améliorera d'avantage le rapport
qualité prix pour les voyageurs.
En ce qui concerne CHOCOCAM, le coefficient de TP est positif
et significatif à un seuil de 5%. Ce résultat traduit une hausse
de la productivité de l'entreprise après sa privatisation. En
effet, la société a connu une augmentation de son chiffre
d'affaire moyen qui est passé de 14 milliards avant sa privatisation
à 19 milliards après la privatisation ainsi que le capital qui
est passé de 1 000 000 000 FCFA avant sa privatisation à 4 000
000 000 FCFA après sa privatisation (source : données fournies
par SNI).
Apres la privatisation, l'entreprise a connu des changements
substantiels dans la gestion et la stratégie. Les améliorations
entraînées par la mise en oeuvre du système de
management
14 Le messager n0 2734 du 6 novembre
2008
77
de la qualité ont été identifiées
dans un nombre réduit de non-conformités et ruptures de stock,
l'optimisation des coûts d'achats, un traitement plus rapide des
pièces de rechange, et une amélioration du taux
d'achèvement des actions correctives. Cependant, La
société a été cédé en 2008 à
Tiger Brands (une entreprise dynamique de marque des biens de consommation
emballés, et qui opère principalement en Afrique du Sud et sur
certains marchés émergents). C'est ainsi que deux ans
après, le nombre de cas de non-conformité enregistré est
passé de 10 en 2010 à 7 en 2011, soit une amélioration de
30 %. Entre 2010 et 2011, le nombre de non-conformités dues à la
contamination est passé de 68 cas à 29 cas, une réduction
de 57 %. Le coût de recyclage dû à un cas de
non-conformité est évalué à XAF 5 millions. La
création de la valeur liée à cette réduction est
donc de XAF 195 millions.
Le nombre de ruptures de stock en matières
premières est passé de 14 en 2010 à 8 en 2011, soit une
amélioration de 42 %.
Au niveau de la satisfaction des clients internes, on
relève que le taux de réalisation des actions correctives et
préventives du système de management de la qualité est
passé de 60 % en 2010 à 85 % en 2011.
En 2010, le coût d'une tonne de production valait XAF
200 000. Grâce à une gestion efficiente de la main d'oeuvre, il
est passé à XAF185 000 en 2011. Comme l'entreprise produit en
moyenne 15 050 tonnes par an, la création de la valeur due à
cette réduction de coût vaut XAF 225 750 000 (Medem, 2010).
Les meilleurs techniques de maintenance ont permis de faire
passer les coûts d'entretien de XAF 360 millions pour une production de
10 000 tonnes en 2010 à XAF 276 millions pour une production de 15 000
tonnes en 2011. La création de la valeur due à la
réduction des coûts de maintenance est donc de XAF 84 millions.
En 2011, les ventes CHOCOCAM ont augmenté de 5 % par
rapport à 2010 et dans une certaine mesure, elles ont été
influencées par la mise en oeuvre du système de management de la
qualité.
78