5.3 Effets statiques de la privatisation sur la
productivité des entreprises
Les premiers résultats de calcul des moyennes trois
années avant et cinq années après la privatisation des
ratios de productivité de chaque entreprise ainsi que les
représentations graphiques de l'évolution du ratio SPE et des
tests effectués sur les deux indicateurs de productivité sont
illustrés dans les paragraphes suivants.
11 L'effet seuil est un effet relatif au
changement immédiat au niveau du mode de propriété (c'est
l'effet enregistré au moment de la privatisation). L'effet dynamique est
un effet composé de l'effet seuil et l'effet temps et nous permet de
savoir si la privatisation a pu augmenter l'efficacité des entreprises
non pas à la date de la privatisation mais durant la période post
privatisation.
12 Les résultats sont les suivants pour les
deux autres indicateurs : si l'indicateur est le ROE, le coefficient de TP est
positif pour 7 entreprises et significatif pour 5 inversement, il est
négatif et non significatif pour 1 entreprise, si l'indicateur est le
ratio ROA ; le coefficient de TP est positif pour 7 entreprises et significatif
pour 5 inversement, il est négatif et significatif pour 1 entreprise.
D'où 62,5% des entreprises de notre échantillon ont
améliorés leur rentabilité financière et
globale.
62
Tableau 14: Comparaison de la productivité des
entreprises publiques trois ans avant et cinq ans après leur
privatisation (t = -3 à +5, variante 1)
Mesure
Entreprises
|
SPE (VR/NE)
|
IPE (RN/NE)
|
|
MOYa
|
MOYb
|
MOYa
|
AES-SONEL
|
0,890
|
0,996
|
-2,143
|
5,958
|
CAMRAIL
|
2,996
|
4,506
|
-1,155
|
0,456
|
CDC
|
0,833
|
1,022
|
-0,250
|
0,079
|
CHOCOCAM
|
1,12
|
1,25
|
0,684
|
1,92
|
HEVECAM
|
4,90
|
5,940
|
-0,179
|
0,215
|
SEPBC
|
1,270
|
1,963
|
0,105
|
0,671
|
SOCAMAC
|
0,833
|
0,918
|
0,703
|
1,195
|
SOCAPALM
|
1,546
|
1,762
|
0,002
|
0,194
|
|
Source : l'auteur à partir des
données de l'ARSEL, la CTR, l'INS et la SNI
Légende
SPE : Sales Per Employee ou productivité
commerciale (= Ventes Réelles / Nombre d'Employés). IPE :
Income Per Employee ou bénéfice par employé (=
Bénéfice net / Nombre d'employés). MOYa :
moyenne « after privatization », après privatisation
MOYb : moyenne « before privatization », avant
privatisation
Au seul vu de ces chiffres, on peut dire qu'il y a une
amélioration notable de la productivité des entreprises
après leur privatisation. Ceci vient corroborer les allégations
théoriques de Kikeri et al. (1994) ; Boyko et al. (1996), pour qui
à la suite de la privatisation, les entreprises sont amenées
à utiliser de manière plus efficace leurs ressources
technologiques, humaines et financières, étant donné leur
nouvel objectif de maximisation des bénéfices et la
réduction et/ou la disparition des subventions publiques dont elles
bénéficiaient.
En effet, lorsque nous observons par exemple le ratio
Ventes/Effectifs qui donne l'efficience de la main d'oeuvre en rapport aux
ventes, nous constatons, en ce qui concerne la
63
SONEL, qu'il passe de 0,890 à 0,996 soit une
amélioration en moyenne de 0,106 qui peut être due à
l'augmentation du capital de la société après sa
privatisation. Notons quand même qu'en ce qui concerne la SONEL,
l'augmentation du volume d'investissement a tardé à suivre le
mouvement de privatisation de la société ce qui peut du reste
expliquer les nombreux délestages qu'ont connu les populations
camerounaises même après la privatisation de la SONEL, situation
caractéristique d'une insuffisance de l'énergie électrique
produite par rapport aux besoins de l'économie toute entière.
On note en ce qui concerne le rapport Bénéfices
Nets/Effectifs qu'il est passé en moyenne de -2,143 à 5,958 ce
qui traduit une hausse considérable pouvant être due au fait que,
la SONEL, ayant des dettes énormes avant sa privatisation, sans compter
la vétusté de ses infrastructures qui ne lui permettait pas de
répondre aux besoins des populations et grandes entreprises
consommatrices d'énergie, et donc faisant ainsi face à une
faiblesse de la production d'énergie électrique a dû,
après sa privatisation, intégrer dans sa fonction d'objectifs,
des exigences de rentabilité et de productivité, ce qui s'est
traduit par quatre augmentations successives des tarifs basse et moyenne
tension au cours des quatre premiers exercices qui ont suivi sa privatisation
à savoir : une augmentation de 5% en année 1 et 7,65% pour les
années 2, 3 et 4. Mais il faut dire que ces augmentations étaient
faites sous le contrôle de l'ARSEL qui est l'autorité de
régulation chargée de préserver les intérêts
des consommateurs et d'assurer la protection de leurs droits pour ce qui est du
prix, de la fourniture et de la qualité de l'énergie
électrique.
En ce qui concerne la REGIFERCAM, nous constatons que le
ratio Ventes/Effectifs est passé de 2,996 à 4,506 tandis que le
ratio BN/Effectifs est passé de -1,155 à 0,456 traduisant ainsi
une amélioration de la productivité de la société
après sa privatisation. On est néanmoins en droit de se demander
si cette amélioration de la productivité n'est pas le fait de la
coïncidence entre la privatisation de la société et le
début des travaux de construction du pipeline Tchad-Cameroun dont le
transport des matériaux a en majorité été
assuré par la CAMRAIL ; et non le fait juste de la privatisation de la
société. En effet, cette préoccupation est d'autant plus
pertinente que l'investissement, après la privatisation de la REGIFERCAM
n'a pas suivi les bons résultats que la société a
enregistrés au niveau de la productivité ; en témoigne du
reste la formation d'une commission parlementaire en 2003 pour étudier
avec la société les modalités d'une aide de l'Etat afin
que celle-ci (CAMRAIL) puisse augmenter ses investissements.
64
Productivité
Figure 5.9: Evolution du SPE de 1998 à
2006
0,8
0,6
0,4
0,2
1,2
0
1
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
Années
VR/NE
L'évolution des ratios de productivité de
HEVECAM, CDC, CHOCOCAM, SEPBC SOCAMAC et SOCAPALM traduit également une
amélioration de la productivité de ces entreprises après
leur privatisation mais, nous devons souligner que ces résultats doivent
être pris avec beaucoup de prudence car des événements
contingents peuvent très bien avoir influencé favorablement ces
résultats et si tel était le cas, on ne pourrait plus dire que
l'amélioration de la productivité de ces entreprises est le fait
de leur privatisation. Toutefois, on peut souligner que même si la
privatisation n'est pas la raison directe de l'amélioration de la
productivité de ces entreprises, elle n'y est pas tout à fait
étrangère ne serait-ce que pour les bénéfices en
amont qui résultent des nombreuses restructurations qui sont
opérées au sein de l'entreprise à l'annonce ou à
l'aune de sa privatisation.
5.3.1 Présentation graphique des évolutions
du Sales Per Employee (SPE) et tableaux des tests
Pour l'indicateur SPE, nous faisons au préalable une
analyse graphique de l'évolution de ce ratio sur une période de
neuf ans pour les 8 entreprises privatisées de notre échantillon.
Ensuite, pour tester la significativité de nos résultats, nous
parcourons les étapes du test non paramétrique de Wilcoxon pour
les deux indicateurs de productivité (Sales Per Employee et Income Per
Employee).
« Pour des raisons sociales les noms des
entreprises ont été retirés sur nos graphiques »
65
5
4
3
VR/NE
2
1
0
Années
Productivité
Figure 5.10: Evolution du SPE de 1996 à
2004
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
1,2
1
0,8
0,6
VR/NE
0,4
0,2
0
Années
Productivité
Figure 5.11: Evolution du SPE de 1999 à
2007
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
1,5
1
VR/NE
0,5
0
Années
Productivité
Figure 5.12:Evolution du SPE de 1992 à
2000
1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000
66
8
6
4
VR/NE
2
0
Années
Productivité
Figure 5.13:Evolution du SPE de 1993 à
2001
1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
2,5
2
1,5
VR/NE
1
0,5
0
Années
Productivité
Figure 5.14: Evolution du SPE de 1989 à
1997
1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997
1
0,95
0,9
0,85
VR/NE
0,8
0,75
0,7
Années
Productivité
Figure 5.15:Evolution du SPE de 1990 à
1998
1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998
67
Productivité
Figure 5.16:Evolution du SPE de 1996 à
2004
0,5
1,5
0
2
1
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
Années
VR/NE
Source : l'auteur à partir des
données de l'ARSEL, la CTR, l'INS et la SNI
Les graphiques ci-dessus présentent l'évolution
du ratio SPE de chacune des huit (8) entreprises de notre échantillon
sur une période de neuf (9) ans. Ainsi pour ce qui est de cet
indicateur, nous pouvons constater que la privatisation a eu un effet positif
considérable sur la performance pour cinq (5) entreprises de
l'échantillon (CAMRAIL, CDC, CHOCOCAM, SEPBC et SOCAMAC). En effet, si
nous prenons l'exemple de la CAMRAIL nous observons une augmentation de la
productivité de l'entreprise pendant les six (6) années
consécutifs (de 1996 à 2001). Ceci peut être du à
l'augmentation du capital de la société et à des multiples
restructurations qui ont été effectuées au sein de
celle-ci pour améliorer ses performances. Il en va de même pour la
SOCAMAC et la SEPBC. Il faut remarquer que la SEPBC est la seul entreprise de
notre étude qui a connu une augmentation globale de sa
productivité pendant neuf (9) ans.
Pour ce qui est de la CDC, on note une amélioration de
la productivité pendant les trois premières années qui ont
précédé sa privatisation. Cependant, la
productivité retombe légèrement en 2002, probablement
à cause d'une baisse des effectifs employés qui sont
passés de 14712 en 2000 à 13982 en 2002 (source : données
fournies par l'INS). Toutefois, la privatisation de la CDC s'est
accompagnée d'une remontée du niveau des effectifs
employés qui est passé à 16053 en 2007. C'est la seule
entreprise privatisée de notre étude qui a connu une hausse de
ses effectifs employés après la privatisation.
S'agissant de la CHOCOCAM, l'entreprise connait une
détérioration de sa productivité trois années avant
la privatisation. Cependant lors de la privatisation l'entreprise connait une
hausse de sa productivité qui s'accentuera les (5) années
précédent la privatisation. Les trois
68
autres entreprises (AES-SONEL, SOCAPALM et HEVECAM ont du mal
à améliorer leur productivité post privatisation
après que ceux-ci aient connu une hausse trois années avant.
HEVECAM connait même une productivité presque stable les cinq (5)
années qui ont suivis sa privatisation.
Pour l'AES-SONEL, l'amélioration de la
productivité trois années avant sa privatisation est
significative des réformes qui ont été
opérées au sein de l'entreprise dans le but de valoriser ses
actifs avant sa mise en vente. Il faut dire que juste après la
privatisation d'AES-SONEL c'est-à-dire en 2002, la productivité
décroît légèrement (elle est passée de 0,93
en 2001 à 0,87 en 2002 pour remonter à 0,96 en 2004) avant de
connaitre à nouveau une hausse jusqu'en 2005, date à laquelle les
performances pour la société ont été bonnes, ceci
s'est du reste justifié par une aide à hauteur de 240 millions
d'euro accordée à la société par l'AFD pour le
compte du programme d'investissement 2005-2009.
? Présentation du test du Sales Per Employee
(SPE)
Il s'agit de recourir aux cinq étapes du test non
paramétrique de Wilcoxon afin de confirmer ou infirmer la
significativité de nos résultats obtenus sur le ratio SPE.
Tableau 15: Test du SPE
Enterprises
|
MOYb
|
MOYa
|
Differences
|
Signed Ranks
|
AES-SONEL
|
0,890
|
0,996
|
0,106
|
2
|
CAMRAIL
|
2,996
|
4,506
|
1,51
|
8
|
CDC
|
0,833
|
1,022
|
0,189
|
4
|
CHOCOCAM
|
1,11
|
1,25
|
0,14
|
3
|
HEVECAM
|
4,90
|
5,940
|
1,04
|
7
|
SEPBC
|
1,270
|
1,963
|
0,693
|
6
|
SOCAMAC
|
0,833
|
0,918
|
0,085
|
1
|
SOCAPALM
|
1,546
|
1,762
|
0,216
|
5
|
T+)
|
36
|
|
|
|
T-)
|
0
|
|
|
|
N
|
8
|
|
|
|
|
Source : l'auteur à partir des
données de l'ARSEL, la CTR, l'INS et la SNI
69
Pour les huit entreprises concernées par le calcul de
cet indicateur, toutes ont des rangs positifs. La somme de ces rangs nous donne
36 (2+8+4+3+7+6+1+5) soit T+) du TABLEAU
15 ; les rangs négatifs quant à eux donnent une
somme de 0 soit T-) du même tableau.
Pour prendre une décision, nous retenons la valeur de T la plus petite
soit T= 0.
? Présentation du test de l'Income Per Employee
(IPE)
Il s'agit de recourir aux cinq étapes du test non
paramétrique de Wilcoxon afin de confirmer ou infirmer la
significativité de nos résultats obtenus sur le ratio IPE.
Tableau 16: Test de l'IPE
Enterprises
|
MOYa
|
MOYb
|
Differences
|
Signed Ranks
|
AES-SONEL
|
-2,143
|
5,958
|
8,101
|
8
|
CAMRAIL
|
-1,155
|
0,456
|
1,611
|
7
|
CDC
|
-0,250
|
0,079
|
0,329
|
3
|
CHOCOCAM
|
0,684
|
1,92
|
1,236
|
6
|
HEVECAM
|
-0,179
|
0,215
|
0,314
|
2
|
SEPBC
|
0,105
|
0,671
|
0,566
|
5
|
SOCAMAC
|
0,703
|
1,195
|
0,492
|
4
|
SOCAPALM
|
0,002
|
0,194
|
0,192
|
1
|
T+)
|
36
|
|
|
|
T-)
|
0
|
|
|
|
N
|
8
|
|
|
|
|
Source : l'auteur à partir des
données de l'ARSEL, la CTR, l'INS et la SNI
Pour les huit entreprises concernées par le calcul de cet
indicateur, toutes ont des rangs positifs. La somme de ces rangs nous donne
36 (8+7+3+6+2+5+4+1) soit T+) du TABLEAU
16 ; les rangs négatifs quant à eux donnent une
somme de 0 soit T-) du même tableau.
Pour prendre une décision, nous retenons la valeur de T la plus petite
soit T= 0.
Les tests ainsi effectués sur les deux indicateurs de
productivité, Nous pouvons ainsi cerner globalement les effets statiques
de la privatisation sur la productivité
70
Tableau 17: Synthèse des
Résultats
I
|
N
|
Médiane (Moyenne) Avant
|
Médiane (Moyenne) Après
|
Différences
|
Test de Wilcoxon
|
(%) de firmes évoluant comme
prévu
|
SPE
|
8
|
1,198
(1,796)
|
1,499
(2,294)
|
0,301
0,498
|
0***
|
8-0/8=1 d'où 100%
|
IPE
|
8
|
-0,087
(-0,279)
|
0,661
(1,336)
|
0,748
1,615
|
0***
|
8-0/8=1 d'où 100%
|
|
Source : l'auteur sur la base des données
reçues de l'ARSEL, CTR, SNI et INS *** Test rejetant
l'hypothèse nulle d'absence de différence de médiane au
seuil de 1%
La productivité des entreprises privatisées
dans le cadre de cette recherche a été examinée en
fonction de deux indicateurs de performance: la productivité commerciale
(SPE) et le bénéfice net par employé (IPE). Les
résultats de notre analyse nous indiquent que de façon globale,
les huit (8) entreprises faisant partie de notre échantillon ont pu
améliorer leur performance en termes de productivité car nous
observons une augmentation des moyennes et médianes des ratios de
productivité des entreprises privatisées trois ans avant et cinq
années après leurs privatisations (tableau 17).
Par exemple, la productivité commerciale (SPE) passe
en moyenne de 1,796 (3 ans avant) à 1,194 (5 ans après). Les
résultats issus du test statistique Z de Wilcoxon (grâce notamment
au test de significativité) indiquent que l'augmentation de la
performance des diverses entreprises privatisées en termes de
productivité est significative. Enfin, la proportion d'entreprises ayant
le signe d'évolution attendu (i.e. amélioration de la
rentabilité) est de 100 %.
Cette analyse, cependant, présente des limites
déjà évoquées plus haut, nous avons alors adopter
toujours la deuxième approche consistant à découper en
deux sous-périodes l'analyse et a comparer les différences de
moyennes et de médianes des ratios des entreprises privatisées
pour les périodes avant les privatisations (t = -3 à 0) et
après les privatisations (t = 0 à +5). Toutefois, pour pouvoir
attribuer l'évolution constatée à la privatisation, il
faut que le ratio soit significatif sur la période 0/+ 5.
71
|
|