CHAPITRE III : PROCESSUS DE PRIVATISATION AU
CAMEROUN
Pour un succès optimal de tout programme de
privatisation, il est urgent de définir les règles qui vont le
régir. En effet, par la mise sur pied d'un cadre réglementaire,
les initiateurs cherchent à répondre aux questions suivantes :
Quels objectifs voulons-nous atteindre ? Quelles techniques de privatisation
allons-nous retenir ? Quelles entreprises devons-nous privatiser, à qui
et à quel prix ? Il s'agit dans ce chapitre, de montrer quelles sont les
règles du jeu et les procédures de privatisations définies
par l'Etat camerounais.
3.1 Mise en oeuvre de la privatisation au Cameroun
La mise en oeuvre du programme de privatisation au Cameroun
s'est effectuée conformément aux objectifs qui lui ont
été assignés par l'ordonnance N° 90-004 du 22 juin
1990. Ces objectifs sont d'ordre macroéconomique et
microéconomique.
Au plan macroéconomique, quatre objectifs ont
été mis en avant : l'assainissement des finances publiques ; la
stimulation des initiatives privées et la promotion des investissements
; la restauration des mécanismes de marché et la mobilisation et
l'orientation de l'épargne nationale vers les investissements
productifs.
? L'assainissement des finances publiques
Il doit contribuer à l'allègement du
déficit budgétaire par une réduction des subventions. En
effet, au cours de l'exercice 1986/1987, le déficit budgétaire a
atteint le montant de 508 milliards de francs CFA contre 150 milliards en 1984
; le déficit global toutes activités non financières
confondues s'est chiffré à 80,6 milliards de francs CFA et
l'endettement total des entreprises publiques a atteint le montant record de
732 milliards de francs CFA. (Tamba, 1996). D'où la
nécessité de réduire le fardeau des entreprises publiques
sur l'économie nationale par la mise en oeuvre des mesures de
revitalisation appropriées.
? La stimulation des initiatives privées et la
promotion des investissements
Entre 1982/1983 et 1985/1986, les investissements
cumulés des entreprises publiques non financières se sont
élevés à 433.052 millions de francs CFA (Tamba, 1996), ce
qui était insuffisant pour combler les déficits
enregistrés. La persistance des déséquilibres
économiques a conduit l'Etat, soucieux d'améliorer le rapport
coût/efficacité de ses prestations, à chercher à
mettre à contribution l'initiative privée pour accroître
les
30
investissements. Le transfert au secteur privé
d'entreprises ou d'activités permet donc de mobiliser des ressources
additionnelles pour le financement des investissements ou des besoins en fonds
de roulement.
? La restauration des mécanismes du
marché
L'accaparement par l'Etat de l'économie nationale a
conduit à des rentes de monopoles préjudiciables à la
recherche de l'efficacité. Il est question ici, de supprimer les
distorsions commerciales et institutionnelles qui entravent les
compétitions entre firmes publiques et privées en instaurant la
concurrence, et donc le marché. Les repreneurs privés peuvent
avoir recours soit aux fonds propres, soit au marché auprès
duquel ils pourront lever les capitaux nécessaires à travers des
mécanismes qui ne sont pas toujours accessibles à l'Etat.
? La mobilisation et l'orientation de l'épargne
nationale vers les investissements productifs
Une part significative des actions des entreprises à
privatiser (jusqu'à 30% dans certains cas) est réservée
aux nationaux. L'acquisition effective par les nationaux de ces actions permet
de mobiliser l'épargne nationale et de l'orienter vers les
investissements productifs. Elle accroît ainsi le rôle participatif
des populations, stimule leur esprit d'entreprise et leur permet
d'acquérir une culture financière favorable au
développement des marchés de capitaux et à
l'épanouissement de l'entreprise.
Au plan microéconomique, les quatre objectifs
illustrés par le cas de la SONEL sont :
? L'amélioration à bref délai de
l'efficacité des systèmes et de la qualité de
services
En effet, la caractéristique principale des entreprises
d'Etat était l'inefficacité des moyens de production, ce qui ne
garantissait pas la qualité des biens produits, surtout dans les
entreprises de services publics. C'est ainsi que l'un des objectifs de l'Etat
lors de la privatisation de la SONEL était d'améliorer la
qualité de service fourni, c'est-à-dire
l'électricité produite, transportée et
distribuée.
? La promotion de la prise de participation par le
secteur privé national y compris les salariés de
l'entreprise
Il s'agit ici d'une participation représentative de
tous les acteurs. En effet, lors de la privatisation de la SONEL, 56% du
capital ont été cédés : 5% de ce capital devait
être
31
redistribué aux salariés de l'entreprise et les
51% restant sont entièrement détenus par l'AES. L'Etat
camerounais quant à lui, est censé redistribuer aux acheteurs
privés nationaux une partie des 44% du capital qu'il détient.
L'accroissement rapide des taux de desserte de la population sur l'ensemble du
territoire national en matière de services publics de base
(télécommunications, électricité, eau, transport,
etc.) avec un accent sur le milieu rural. L'Etat a mis l'accent sur la
réalisation de cet objectif lors de la cession de la SONEL. Il est
question pour la société de passer d'un taux de desserte de la
population, de 31% en 1999 à 49% en 2019 et 55% en 2026.
En milieu rural, des efforts ont déjà
été faits dans ce sens avec la création de l'Agence
d'électrification rurale, qui accorde aux opérateurs et aux
usagers l'assistance technique et éventuellement financière
nécessaire au développement de l'électrification rurale.
La réalisation de gains de productivité significatifs qui
permettent d'assurer une structure tarifaire optimale pour les services publics
concédés. Cet objectif montre l'importance de la tarification
dans les services publics de base. En général, les subventions
dont bénéficiaient les entreprises de ce type les contraignaient
à fixer des prix de vente ne pouvant leur permettre de couvrir
l'ensemble des coûts de production. Dans ce sens, il a été
recommandé à l'AES-SONEL de fournir l'électricité
à un prix compétitif aux industries et à la population
camerounaise de manière à réaliser des gains de
productivité.
Selon la Commission Technique de Privatisation et des
Liquidations (CTPL, 2003), l'on peut considérer que la mise en oeuvre du
programme de privatisation au Cameroun s'est effectuée en trois phases
:
? La première phase du programme
Le démarrage du programme a lieu avec la publication de
la première liste des entreprises à privatiser par le
décret N° 90/1423 du 03 Octobre 1990 portant privatisation de
certaines entreprises du secteur public et parapublic. Il s'agit d'une
quinzaine d'entreprises évoluant dans des secteurs divers tels
l'agro-industrie (OCB et CAMSUCO), l'industrie du bois (COCAM et SOFIBEL),
l'imprimerie (CEPER et Imprimerie Nationale), l'élevage (ONDAPB). A ce
jour, l'Etat s'est désengagé de la quasi-totalité des
entreprises à privatiser de la première liste à
l'exception de l'Imprimerie Nationale qui a été retirée du
programme de privatisation en Juin 1994, à cause de son caractère
particulier d'entreprise de service public.
32
? La deuxième phase du programme
La liste qui illustre la deuxième vague d'entreprises
à privatiser est publiée par le décret N° 94/125 du
14 Juillet 1994. Cette deuxième phase marque l'entrée en
scène des grandes entreprises de l'économie camerounaises dont la
CDC, la SOCAPALM, la SODECOTON, la REGIFERCAM et la CAMAIR. A ce jour, seule la
SODECOTON, la CAMTEL et dans une moindre mesure la CAMAIR (dont la
décision finale n'a pas encore été prise malgré des
avancées considérables du processus de privatisation) parmi ces
entreprises n'ont pas encore été privatisées.
? La troisième phase du programme
Celle-ci intervient avec le discours du chef de l'Etat le 1er
Juin 1995 et connaît l'introduction des grandes entreprises pourvoyeuses
de services publics dans la liste des sociétés à
privatiser. On peut citer la SONEL, INTELCAM et la SNEC. Finalement, le
décret 99/012 du 22 Septembre 1999 précisera formellement la
liste des autres entreprises à intégrer dans le processus. Outre
les entreprises productrices de services publics, on y retrouve la CIMENCAM et
la SCDP.
Ainsi, les secteurs concernés et qui étaient
jusque là monopolistiques ont connu de profondes réformes avec
notamment la création d'organes de régulation (ART pour les
télécommunications ou ARSEL pour l'électricité).
Une recension des entreprises privatisées8 à ce jour
peut donc être faite et ce en s'inspirant de Tsafack Nanfosso (2004),
Nzomo et Nzongang, 2007 mais aussi des informations reçues de la
CTPL.
|