III.2.3 Les conflits
récurrents dans la sous région des grands lacs
La région des grands lacs a été le
théâtre des violences récurrentes jusqu'à la
moitié des années 1960, celles-ci n'ont pas été
qu'étatiques (rébellions dans l'Est du Congo-Zaïre, attaque
des inyenzi, cancrelat, cafards au Rwanda, affrontement interethniques au
Rwanda en 1963-1964, au Burundi en 1965). A partir de la seconde moitié
des années 1960, la violence est progressivement monopolisée par
les Etats : répressions des rébellions au Congo Zaïre
et avènement du régime Mobutu, fin des incursions des inyenzi et
des pogroms anti-tutsi au Rwanda, consolidation du régime Micombero au
Burundi (même si des éléments non-étatiques ont
contribué au déclenchement des évènements de 1972,
l'Etat y sera de lion le plus grand producteur de violence). Au Rwanda et un
peu moins au Zaïre à l'époque, la violence politique prendra
surtout des formes non-physique jusqu'à la fin des années
1980.
Ces trois pas nous servirons de repères permettant de
rendre compte des formes d'expression de la violence, des différents
acteurs (Etats, Groupes ethniques, d'intérêts politiques, etc), de
leurs motivations, des mécanismes et des différents
réseaux transfrontaliers qui ont contribué à
régionaliser et à mondialiser cette crise de leur implication
dans une dynamique de résolutions des conflits. Tout ceci sera
observé et étudié depuis le miroir du contexte
socio-politique congolais (Zaïrois) et s'attardera surtout sur la
période 1959 à nos jours. Ce qui n'exclut pas d'opérer des
incursions dans un passé plus reculé, pour expliquer les faits de
cette période au cas où cela était nécessaire.
Au Rwanda, ce sont l'invasion des rebelles du FPR (Front
Patriotique Rwandais) en 1991, les massacres organisés (souvent
téléguidés par des milieux associé au pouvoir, mais
ne représente pas l'Etat), les attentas et les assassinats, dont celui
du Président Habyarimana et le génocide de 1994 qui ouvrent le
champ des conflits à des acteurs autres que l'Etat.
Au Burundi, divers groupes non-étatiques (milices)
hutu et tutsi s'engagent dans des affrontements qui connaissent leur
apogée en 1993 par l'assassinat du Président et les
rébellions qui s'ensuivirent.
Au Congo Ex. Zaïre, nombreux blocages des travaux de la
Conférence Nationale Souveraine (CNS), espoir d'un changement de
régime, ont provoqué des pillages et des émeutes
populations dans les rues des grandes villes du pays.
Au moment dans le Kivu (à l'Est du Congo), des luttes
interethniques aux enjeux politiques, fonciers et régionaux
relayés par des débats sur la nationalité douteuse des
certains Congolais du nord Kivu font des milieux des morts dès 1992.
C'est sur font de ces crises, enflée par une cohabitation hostile entre
les réfugiés rwandais et les habitants du Kivu (Congo) et par les
attaques contre le Rwanda orchestrées depuis les camps de
réfugiés, que se greffera le démarrage de l'AFDL (alliance
de force Démocratique pour la libération du Congo) dès
septembre 1996 dont la rébellion actuelle est continuité.
La compréhension des conflits des grands lacs passe
par celle des rôles, mobilises suivis et du degré d'engagement de
leurs acteurs. S'ils peuvent être nombreux, leur implication effective
n'a pouvant pas le même niveau, l'effort de connaissance nous poussera
d'abord, après avoir identifié ces derniers ainsi que les
objectifs qu'ils recherchent, à les percevoir dans une logique
d'inter-subjectivité et de face à face : les enjeux
d'alliances et de retournement d'alliance. Il s'agit de savoir qui combat
contre qui, qui s'allie à qui et pour devenir compatibles pour le besoin
de la cause. En recourant au schéma établi par Laurent REYCHLER,
trois grands groupes d'acteurs sont indentifiables dans ces conflits des grands
lacs à savoir :
1. Les parties primaires ;
2. Les parties secondaires ;
3. Les parties tertiaires.
Les acteurs connus, nous essayerons de comprendre les raisons
et les objectifs qu'ils poursuivent et les poussent à user du langage de
la violence politique. A cette occasion, il sera intéressant de voir
comment des objectifs peuvent évoluer selon la dynamique prise par les
conflits (dynamique qui pousse souvent à des changements d'acteurs,
d'alliance et de degré de mobilisation).
Le cercle d'acteurs primaires rassemble les parties dont les
intérêts dans la situation de conflit sont contradictoires ou sont
présentés comme contradictoires et qui dépendent les unes
des autres pour satisfaire leurs intérêts. Ils sont directement
concernés par les conflits et leurs engagements est partisans.
Les acteurs dits secondaires, ce groupe rassemble des parties
qui ne sont pas directement concernées par le conflit, mais ont un
intérêt direct dans une issue bien déterminée du
conflit et son donc par la même partisans.
Enfin les acteurs tertiaires, ce sont tiers observent avec
résignation et ne veulent pas être impliqués dans le
conflit, mais en subissent les conséquences négatives et qui
désirent se maintenir à l'écart (comportement de la partie
la plus fort). Cas du Kenya, de la Tanzanie, de la Zambie, de la RDC (pendant
les massacres du rwandais de 1994) et de la Centrafrique.
Pour les trois pays des lacs étudiés,
l'évolution récurrente des conflits pousse à
privilégier des combinaisons des relations :
- Ethnicité et classe (intérêts
professionnels) ;
- Classe politique ;
- Economie et politique, etc...
Mais partout c'est la politique qui a été
l'élément central. Car les révoltes, les querelles ou les
mouvements générés en général par une
situation d'insatisfaction économique ou communautaire, ou par des
litiges ont été orchestrés par des dirigeants des groupes
pour leur donner une formulation politique. La violence a alors
été instaurée en expression politique.
Au Rwanda et Burundi, les conflits se sont d'abord
exprimés par le biais de l'identification communautaire. Les
communautés se sont alors dirigé les unes contre les autres en
prenant la forme d'affrontement, de querelles ou des massacres
répétitifs. L'étape suivante a été
l'intervention de l'Etat afin de tenter de rétablir une situation de
non-guerre.
En RDC, avec une économie en
lambeaux, le pays a accumulé plusieurs handicaps politiques (Parti
Unique, régime totalitaire, régime militaire dictatorial,
Conférence nationale Souveraine tronquée et mal achevée,
la transition qui n'en finissait pas, l'élection repoussée,
vacillement de l'appareil institutionnel, etc...) qui rendait les violences et
contre-violences inévitables. La violence a été
instaurée par l'Etat en stratégie politique envers sa propre
population (auto-censure) et envers les opposants comme un moyen radical de
freiner l'évolution vers la démocratique, tout en faisant
régner une insécurité urbaine. Face à la violence
étatique, les populations ont répondu par la violence
populaire : ameutes et pillages ; conflits interethnique et puis la
guerre civile de l'AFDL (agression ougandais-rwandaise, selon la violence
officielle zaïroise) s'élan population de libérer la
démocratie du pays.
III.2.3.1 Qu'est-ce qui nourrit les conflits
La sanglante actualité des
dernières années semble s'inscrire dans la longue durée,
comme un phénomène récurrent. Comme si l'Afrique des
volcans serait une Afrique du feu.
Vu du Congo-Kinshasa, les cycles des violences au Rwanda et au
Burundi s'expliqueraient suite aux luttes de pouvoirs politiques et à
l'appropriation des terres par un des deux grands groupes qui composent la
population du Rwanda et du Burundi : les éleveurs tutsi et les et
les agriculteurs hutu.
Après les luttes des indépendances (60), les
phénomènes de l'exil, les bannissements du territoire, les
départs et les retours massifs des réfugiés,
accompagnés d'épurations ethniques régulières sont
devenus autant d'éléments qui rythmes désormais les prises
de pouvoirs par la violence. Les cas rwandais illustrent bien ce fait :
les groupes construits (identifiant) comme hutu et tutsi, se succèdent
au pouvoir par les armes. L'arrivée au pouvoir et sur le territoire
national (ou le retour) des uns suit un renversement des autres, dans l'exil et
les massacres, loin d'être de simples règlements des comptes, les
exils et les massacres sont des mécanismes poursuivant des objectifs
communs ; l'élimination physique des
« ennemis » champs politique et du territoire. Le
binôme Hutu et Tutsi semble fonctionner alors au Rwanda et au Burundi
selon une logique politique et territoriale d'exclusion réciproque. Et
le pouvoir politique suprême acquis par l'un paraît lui
conférer une certaine « légitimité de
violence » et d'exclusion sur l'autre ; exclusion qui va
jusqu'à à l'anéantissement physique par des
méthodes d'élimination de masse : tuer à l'arme
blanche ou en affament.
|