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UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR
FACULTE DE LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES
DEPARTEMENT DE LETTRES MODERNES
MEMOIRE DE MAITRISE
D'ORPHEE ET DES POETES NOIRS DE
L'ANTHOLOGIE OU LES RAISONS D'UNE
COMPARAISON IMAGOLOGIQUE
Présenté par : Sous la direction
du
Mor Anta KANDJI Pr MAMADOU
BA
Université Cheikh Anta DIOP de DAKAR
Année académique 2005 -2006
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Dédicace
A toutes les personnes qui, par leur soutien, leur
compréhension, leur encouragements et leur
rigueur ont contribué à rendre possible ce
travail, je dédie cette recherche.
Il s'agit de :
- mes parents,
qu'Allah, le Maître de l'Univers, illumine leur
séjour éternel !
- mes épouses,
Mariama GUEYE, Ndèye Diarra MBAYE et Khady
Thiaw
que se raffermisse davantage leur amitié dont ma
personne reste le bienheureux complice !
- mon grand frère
M. Mamadou Baïdy DIENG,
qu'il trouve ici la reconnaissance d'avoir fait de moi un ami
!
- mes enfants,
Bidi, Joe, Yaye Fatou, Ndèye Marie, Ndèye
Sokhna, Sokhna Mai, Bébé Diarra,;
qu'ils continuent d'être un motif de fierté, de
satisfaction dans la famille !
- mes amis,
pour leur fidélité.
Je tiens, parmi ces gens, à distinguer en particulier
mon Directeur de mémoire, pour la disponibilité dont il a fait
preuve, la vigilance et la rigueur avec lesquelles il a conduit cette
recherche.
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Mes remerciements
Ils sont adressés à :
- M. Moustapha Thialaw Diop, mon Conseiller
Pédagogique national, pour son
soutien et son assistance à tous mes projets.
- M. Mamadou Baïdy DIENG, Coordonnateur du P.R.F. /
Kaolack, parce qu'il m'a ouvert la section littérature de sa
bibliothèque personnelle.
- mes collègues Conseillers pédagogiques du
Pôle Régional de Formation de Kaolack, parce qu'ils ont tout fait
et tout mis à ma disposition pour que rien ne puisse constituer un
obstacle à l'aboutissement de ce travail.
- M. Dembo SADIO, Professeur de Lettres modernes au
Lycée Valdiodio Ndiaye de Kaolack, un frère qui a toujours
accordé un intérêt particulier à toutes mes
initiatives.
- mon Directeur de Mémoire pour l'attention qu'il a su
accorder à ce travail dont il a bien voulu qu'il soit une contribution
à l'hommage rendu cette année, sur le plan international, au
défunt poète-président, Léopold Sédar
SENGHOR (1906 - 2003), qui aurait fêté le 9 octobre dernier ses
cent ans parmi nous.
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INTRODUCTION GENERALE
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Une certaine lecture de « Orphée noir » de
Jean - Paul Sartre, de cette Préface à l'Anthologie de la
nouvelle poésie nègre et malgache de langue
française1 de Léopold Sédar Senghor, a
permis de nous interroger sur un certain nombre de rapports dont la pertinence
impose au lecteur que nous sommes certaines appréciations.
Quel rapport y a-t-il entre le titre de la Préface et
la lecture critique de la poésie nègre et malgache que propose le
philosophe français ? entre Orphée, ce personnage de la
mythologie gréco-romaine et les poètes que nous présente
Senghor dans son oeuvre ?
C'est à ces genres de rapports que nous nous sommes
intéressé, des rapports qui se dégagent déjà
des titres du texte de Jean-Paul Sartre et de l'oeuvre du poète
sénégalais, parce que « noir » et « nègre
» se rejoignent, du moins, dans la perspective imagologique2
qui a effectivement influencé l'intitulé à travers lequel
nous avons voulu présenter notre sujet.
Nous nous sommes donc rendu compte que le projet de
Orphée de descendre aux Enfers pour récupérer sa femme,
rappelle celui des poètes nègres qui, dans leur désir de
retrouver l'Afrique originelle, initient un mouvement de descente aux sources,
même s'il est, pour eux, seulement spirituel, comparé à
l'expérience vécue de l'époux d'Eurydice.
C'est le rapprochement de ces deux expériences, la
descente aux Enfers et la descente aux sources, qui a inspiré le titre
que porte le sujet de notre mémoire de maîtrise,
D'Orphée et des poètes noirs de l'Anthologie ou
les raisons d'une comparaison imagologique.
1 Senghor (L.S.), Anthologie de la nouvelle
poésie nègre et malgache de langue française, Paris,
PUF, 1948
2 Dans sa Préface à l'ouvrage de
Léon Fanoudh-Siefer, Le Mythe du Nègre et de l'Afrique dans la
littérature française de 1800 à la
2ème Guerre mondiale (NEA, 1980), p.9, Guy Michaud
définit l'imagologie comme cette branche de la littérature
comparée qui étudie à travers les documents écrits
la représentation que les peuples se font les uns des autres.
En cela, elle permet, par rapport à nos
préoccupations, de mettre en évidence certaines images de
l'Afrique et de l'Occident, à travers la lecture comparative de la
descente aux Enfers de Orphée et de la descente aux sources
initiée - même si c'est d'une manière spirituelle - par les
poètes noirs de l'Anthologie.
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En effet, il s'agit, à travers ce sujet, de convoquer,
dans l'analyse, des niveaux qui permettent de lire deux expériences,
mais aussi deux aventures, à partir de la Préface de Jean-Paul
Sartre et des textes que nous propose Léopold Sédar Senghor dans
son Anthologie1.
Ces niveaux de comparaison, nous les avons identifiés
en rapport avec la chronologie des événements, à partir de
la décision prise par le héros mythologique de descendre aux
Enfers pour récupérer sa femme Eurydice.
C'est ainsi que dans la première partie de notre
travail, intitulé Discours colonial et poésie
négro-africaine, nous avons considéré l'Afrique comme
cette autre « Eurydice » que les poètes noirs de
l'Anthologie veulent sortir de l' « Enfer ». En effet, c'est
l'image du continent noir que le discours colonial a pendant longtemps
vulgarisée dans les Métropoles. C'est un continent qui, dans la
poésie négro-
africaine, est représenté comme une terre
souillée, une terre qui a longtemps souffert de l'esclavage et de la
colonisation, même si les misères favorisées par ces
situations historiques sont loin d'influencer négativement les auteurs
dans leur volonté de revendiquer leur identité bafouée,
c'est-à-dire de retrouver l'Afrique originelle.
Ce qui n'est pas sans avoir ce que nous appelons dans la
deuxième partie un prix, le prix d'une rédemption ,
c'est-à-dire de tout désir de sauver le continent noir et ses
valeurs de civilisation dans un contexte politique non encore favorable
à l'émancipation des peuples noirs dans les colonies. Ce qui a
d'ailleurs fait de la descente aux sources non seulement un moment de
révolte, de remise en cause, par les poètes noirs de
l'Anthologie, de l'ordre colonial, des violences et injustices que le
Noir a connues dans ses rapports avec l'Occident, mais aussi un moment
d'affirmation des valeurs nègres originelles, qui ne fait pas obstacle
à leur désir de rencontrer les autres races, de fraterniser avec
tous les hommes.
1 Notre corpus, dans cette recherche, est
constitué de l'ensemble des textes et oeuvres des poètes de
l'Anthologie (ainsi sera définitivement cité l'ouvrage de
Senghor) excepté ceux des auteurs malgaches. Nous élargissons ce
corpus aux poètes présentés par Marc Rombaut dans son
anthologie, La Poésie négro-africaine d'expression
française (Paris, Ed. Seghers, 1976), parce que Senghor dans son
oeuvre n'a représenté le continent noir qu'à travers trois
poètes, et seulement du Sénégal (Birago Diop, David Diop,
L.S. Senghor)
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Mais comme Orphée qui a tourné la tête et
vu Eurydice disparaître à ses yeux, nos poètes, dans leur
quête initiatique, se sont rendu compte des écueils que
constituent l'adoption dans l'expression de leurs oeuvres de la langue du
colonisateur et l'assimilation dont ils se plaignent d'être les victimes,
des écueils qui semblent limiter leur projet de remise en cause, voire
de rejet de tout ce qui les relie à l'Occident et à ses valeurs
de civilisation. C'est là une difficulté rencontrée par
les « Orphées noirs » dans leur volonté de
faire corps avec l'Afrique-Eurydice, c'est-à-dire l'Afrique
authentique.
C'est une situation dont les conséquences sont
analysées dans la troisième partie du mémoire. Dans cette
partie, nous nous intéressons aux misères et splendeurs de
l'aventure orphique de nos poètes.
A l'image de Orphée mis en pièces par les femmes
de Thrace dont il avait, par fidélité à son épouse,
refusé l'amour, les poètes noirs de l'Anthologie, du fait
de l'assimilation, sont partagés entre deux civilisations, deux visions
du monde, qui ont fini de faire d'eux des métis culturels. C'est une
condition, a-t-on remarqué, qui n'est pas une solution à leur
malaise, ni même la Civilisation de l'Universel qui est d'ailleurs
beaucoup plus un idéal de vie1 qu'une réalité
vécue.
C'est ce qui nous permet de constater l'échec de
l'entreprise de nos poètes. En effet, l'Afrique authentique dont ils
veulent retrouver le visage n'est plus. Comme Eurydice, elle a disparu à
jamais, parce que les mutations, en particulier socio-économiques, dont
elle a été le théâtre, ont gravement dégarni
l'objet de leur quête, à savoir cette Afrique des traditions,
gardienne des valeurs négro-africaines originelles.
Ces valeurs sont effectivement celles convoquées par la
Négritude. C'est pourquoi, dans la quatrième et dernière
partie, après avoir rappelé les définitions que les
ténors ont données à l'idéologie, nous nous sommes
intéressé à Jean-Paul Sartre à travers sa
retentissante Préface, aux admirateurs et détracteurs de la
Négritude.
1 L'édification de la Civilisation de
l'Universel à l'époque, à l'image de celle de la
mondialisation aujourd'hui, a suscité des inquiétudes et des
interrogations.
Il est vrai que l'idéologie de la Négritude a
divisé, dans son appréciation, le monde intellectuel. Elle a fait
l'objet d'une critique virulente. Ce que nous avons relevé, tout comme
il n'a pas été question pour nous de nier la place que l'histoire
et la pratique des textes ont réservé à nos poètes,
à tous ces poètes noirs dont le « panthéon » qui
se confond avec leurs oeuvres, reste, d'une manière ou d'une autre,
notre mémoire collective, une mémoire collective qui rappelle
cette sépulture que les Muses1 ont accordée au pied de
l'Olympe aux membres épars de Orphée.
Ce sont là des rapports que nous nous proposons
d'éclairer davantage dans le présent travail de recherche.
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1 Filles de Zeus et de Mnémosyne
(personnification de la mémoire), ce sont les déesses qui
inspirent les chants et qui président aux différentes formes de
la poésie. Elle sont au nombre de neuf : Clio (Histoire), Euterpe
(Poésie lyrique), Thalie (Comédie), Melpomène
(Tragédie), Terpsichore (Danse), Erato (Poésie érotique),
Polhymnie (Hymne), Uranie (Astronomie) et Calliope (Poésie
épique). Cette dernière est la mère d'Orphée.
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