CHAPITRE II : Mécanismes de la Microfinance pour
lutter contre
la pauvreté.
I.1) Le secteur de la Microfinance à
Djibouti.
Le paysage de la microfinance à Djibouti est
limité et se résume pour l'essentiel à des volets
microcrédits adossés sur des programmes multisectoriels. Il se
compose principalement d'un programme de microcrédit solidaire conduit
par un organisme public, l'ADDS (Né de la fusion entre le Fonds Social
de Développement-FSD et Agence Djiboutienne de Travaux
d'Intérêt Public-ADETIP)
et de quelques initiatives isolées d'associations d'ONG
caritatives peu structurées avec très peu d'impact en termes de
populations couvertes.
Au niveau informel, il existe également des tontines
traditionnelles dénommées « HAGBA » à Djibouti
qui se basent sur l'initiative et la solidarité des femmes comme sous
secteur du système financier formel.
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La microfinance n'a fait véritablement son apparition
dans le pays qu'à partir de 1996 avec le début des
opérations du défunt projet de CARITAS (voir ci-dessous).
Les expériences les plus significatives en
matière de microfinance dans le pays concernent jusqu'en 2007 :
? L'expérience de l'ONG - CARITAS
L'histoire de microcrédit remonte à la fin des
années 90 où il a démarré sous forme de projet avec
l'ONG Caritas en 1998 avec le financement exclusif des projets
présentés par des femmes pauvres. Le choix des femmes
était justifié à l'époque par leur bonne
réputation en matière de remboursement et d'aptitude.
En outre, au cours de trois premières années,
cette expérience a enregistré de résultats très
satisfaisants en termes de populations ciblées atteintes et de taux de
remboursement.
Selon une étude réalisée par le PNUD en
1999, qui décèle un réel impact socio-économique
positif de ce projet sur les emprunteuses et leur environnement
immédiat.
Entre 1996 et 1999, Caritas a mis en place un crédit
cumulé de plus de 126 millions FDJ de crédits octroyés
à près de 800 femmes avec un taux de 58% dans l'ensemble.
Cette première initiative a péché par son
manque d'expérience, notamment son manque de capacité
administrative qui s'est traduit par de problèmes de gestion du
système. Des difficultés à encadrer les visites
irrégulières des centres, le non respect des procédures
ont fini par instaurer une opacité dans les remboursements.
Les objectifs de performance de l'ONG, tablaient sur un cap de
500 emprunteuses et des remboursements élevés, est
décidée à appliquer des sanctions pour y parvenir. Mais la
vocation caritative de la fondation empêchait de sanctionner les
bénéficiaires défaillantes des crédits. Par
exemple, l'amende de 150 FDJ qui doit en principe être appliquée
en cas de retard de paiement n'était jamais suivie d'effet. De plus si
une emprunteuse ne fait pas d'arrangement de remboursement, dans ce cas son
groupe de crédit en entier devrait être exclus jusqu'à
remboursement de la dette et en cas de refus, le dossier devrait être
remis aux autorités mais rien de cela n'a eu lieu.
D'un autre coté, la faible capacité des
emprunteuses à gérer les crédits a constitué
à un obstacle supplémentaire qui a fini par ruiner le projet de
la Caritas.
En conclusion, nous pouvons dire que la micro finance en
particulier le volet microcrédit issu de l'expérience Caritas fut
une expérience positive à Djibouti.
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? L'expérience du projet FSD
Projet crée sur financement de la BAD pour « soutenir
les efforts de réduction de la pauvreté » grâce
à :
y' L'octroi de crédits,
y' La prestation de services sociaux de base et,
y' Le renforcement des capacités institutionnelles.
Le Fond Social de Développement comprenait plusieurs
composantes dont le financement d'activités génératrices
de revenus et de PME et le renforcement des capacités.
Depuis Juillet 2000, le FSD a consenti 6905 micro crédits
au profit de 3230 femmes pour un montant cumulé à plus de 363
millions FDJ soit 2.2 millions de $ US.
Ensuite, le FSD est arrivé à terme le 31 Octobre
2007, afin de laisser la place à l'ADDS, une agence née de la
fusion de FSD et l'ADETIP (Agence Djiboutienne de Travaux
d'Intérêt Public).
? ADDS : via La Direction de la Microfinance (DMF)
Au sein de l'Agence Djiboutienne de Développement
Social, existe une Direction chargé spécialement de la
Microfinance (DMF) qui a pour objectif principal de promouvoir, de
développer le secteur de la micro finance à Djibouti et de
compléter les missions des différentes directions de l'ADDS dans
la lutte contre la pauvreté.
La DMF offre deux types de services, un service financier
et un service non financier qui sont chargés de la
promotion, l'encadrement, le refinancement et le contrôle des Caisses
Populaires d'Epargne et de Crédit (CPEC) afin de leur permettre de
devenir de véritables professionnelles de la micro finance, capables
d'être viables et pérennes.
La DMF exerce sa mission à travers deux grandes
catégories :
? Microfinance Classique (ou conventionnelle) :
Il s'agit d'un ensemble des possibilités permettant aux
personnes les plus démunis de financer la création de leur propre
activité. D'ailleurs, c'est un mode de financement qui cible les couches
les plus vulnérables exclus du système bancaire.
A Djibouti, la micro finance semble faire progressivement
partie du paysage socio-économique, du fait du rôle qu'elle va
jouer à l'avenir. En effet, l'ADDS utilise la micro
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finance à travers la Caisse Populaire d'Epargne et de
Crédit (CPEC) en accordant des lignes de crédit.
D'où La CPEC a pour mission d'organiser et d'offrir aux
populations urbaines et rurales des services financiers afin d'améliorer
leurs conditions de vie et de promouvoir le développement local tout en
assurant la pérennité de l'institution.
La CPEC existe dans les différentes régions de
l'intérieur à savoir DIKHIL, TADJOURAH, ALI-SABIEH, OBOCK,
DJIBOUTI-VILLE, avec notamment plus de 15.000 membres
bénéficiaires du microcrédit.
Cette coopérative financière a pour but de :
> Collecter l'épargne ;
> Gérer les dépôts de fonds des membres
;
> Consentir des prêts à court, moyen et long
termes à ses membres conformément à la
réglementation en vigueur dans le réseau ;
> Accepter en dépôts des lignes de
crédits destinées au financement des micros projets d'organismes
intervenant en milieu rural ;
> Favoriser la formation et l'éducation
coopératives en son sein ;
> Offrir d'autres services financiers conformément
à la politique et procédures en vigueur au sein de
l'institution.
? La Microfinance Islamique (ou non conventionnelle).
Concept d'actualité, La micro finance islamique n'est
pas un phénomène de mode. Elle répond à une
nécessité parfaite pour permettre aux pauvres de disposer des
moyens nécessaires à leur émergence.
Son développement tardif et la limitation de son champ
d'action encore très remarquable ont affecté de nombreux pauvres
dans leur épanouissement.
La micro finance islamique consiste le fait que les lois
islamiques interdisent de verser ou de toucher un intérêt
n'implique pas qu'elles défendent de gagner de l'argent ou encouragent
le retour à une économie fondée uniquement sur les
espèces ou le troc. Elles incitent toutes les parties à une
transaction à partager le risque et le bénéfice ou la
perte.
Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté en
République de Djibouti en général et de
l'amélioration des conditions de vie de la population de la
communauté de BALBALA en particulier, le Gouvernement de la
République de Djibouti a obtenu de la Banque Islamique de
Développement (BID) une lignes de
financement de 2,5 millions de dollars USD destinées
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au lancement du projet de réduction de la
pauvreté Urbaine de Balbala (PREPUB) qui consiste au financement des
activités génératrices de Revenus (AGRs) en faveur des
microentreprises et des micro activités.
C'est dans le cadre de l'élargissement des services
financiers pour combattre, de manière soutenable, la pauvreté que
la microfinance islamique a été institué.
Il existe différents produits issus de finance
islamique, donc, on peut distinguer les opérations commerciales
et les opérations d'investissement.
Dans les opérations commerciales, on peut citer quatre
exemples pratiqués par les banques et les sociétés de
placement :
1. `La mourabaha' ou vente à
bénéfice.
La banque achète les marchandises ou les
matériaux à des fournisseurs sur ordre d'un client pour les
revendre à ce dernier avec une marge de bénéfice
fixée à l'avance. Le délai de remboursement dépend
du cash flow et peut aller de trois à dix huit mois. Le contrat contient
des indications sur la marchandise, les délais et le lieu de livraison.
Trois opérations sont simultanées : une promesse d'achat du
client, une promesse de vente à la banque, un contrat de vente à
bénéfices après l'entrée en jouissance de la
marchandise par l'acheteur. La banque paye donc le fournisseur et se fait
rembourser par le client.
2. `L'ijara' ou commission :
C'est une forme de crédit bail ou de leasing. La
banque achète les équipements, terrains, immeubles,
véhicules. Elle les loue au client. Ce dernier devient
propriétaire des biens quand il a fini de rembourser des sommes qui sont
échelonnées dans le temps et versées à un compte
épargne. Le client paye donc une location à
échéance fixe décidée à la signature du
contrat. En fait, le client assume la totalité des risques, charges des
biens en location, entretien, échéances, sauf s'il est
défaillant. Il dispose en général d'une option d`achat,
pendant la durée du contrat.
3. `Le taajir' :
Location ou leasing, cet instrument consiste pour la banque
à acheter équipements et matériaux et à les mettre
à la disposition d'un entrepreneur moyennant une
rémunération fixée à l'avance. Ce dernier devient
propriétaire des matériaux et des équipements au terme des
échéances de remboursement.
4. `Le bai mouajjal', vente reportée
:
La banque achète des équipements ou des
matériaux pour les revendre à terme au cocontractant selon des
modalités fixées au préalable dans un contrat à
moyen terme, de deux à quatre ans. Par exemple, dans les
opérations d'exportations-importations, la banque
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peut acheter des marchandises à un importateur pour les
revendre à un exportateur ou le contraire, contre une
rémunération à un terme fixé à
l'avance.1
Les Opérations d'Investissement intéressent
davantage le crédit à moyen et long terme :
1. `La moucharaka' :
Il s'agit de la prise de participation d'une banque au
capital d'un projet chaque partie recevant annuellement une part de
bénéfices proportionnelle à son apport. La banque
intervient dans la formation du capital d'entreprises existantes ou à
créer et dans la gestion des projets en étant
représentée au conseil d'administration. Dans la moucharaka
définitive, le montant de la participation et la part des
bénéfices sont déterminées au préalable. La
moucharaka peut être dégressive. La banque s'engage à
financer en totalité ou en partie un projet jugé rentable. Elle
reçoit une part de bénéfice et le partenaire a le droit de
rembourser en totalité ou en partie la somme investie par la banque.
L'opération s'achève quand le partenaire a remboursé en
totalité la créance de la banque et conserve seul la
maîtrise du projet.
2. `La moudaraba' :
Financement de fiducie, il est une contribution au fonds de
roulement. L'opération consiste pour la banque à participer
à un projet par un apport de capital. De son coté, le promoteur
fournit son travail, son savoir-faire et peut faire également un apport
en capital. Le projet doit présenter à l'origine des conditions
de rentabilité. Les bénéfices se répartissent selon
des proportions déterminées lors de la conclusion de la
moudaraba. Il s'agit d'une forme de capital risque.
3. `Le sukuk' :
Produit obligataire islamique qui est à la finance
islamique ce que les Asset Backed Securities (ABS) sont à la
finance conventionnelle. Il a une échéance fixée d'avance
et est adossé à un actif permettant de rémunérer le
placement en contournant le principe de l'intérêt. Les sukuk sont
structurés de telle sorte que leurs détenteurs courent un risque
de crédit et reçoivent une part de profit et non un
intérêt fixe et commun défini à l'avance.
La Microfinance islamique a un fort potentiel d'expansion, en
effet, Il est estimé que 72% de la population habitant dans des pays
à majorité musulmane n'utilise pas des services financiers, car
ceux-ci ne respectent pas les préceptes de la religion musulmane. Des
personnes de croyance islamique utilisent des produits financiers
conventionnels, mais
1 _
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Extrait de B. Wampfler, Les principes de la finance
islamique, 2002
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diverses enquêtes montrent que si ces personnes avaient
le choix d'utiliser des produits financiers compatibles avec les lois
islamiques, ils préfèreraient se tourner vers ceux-ci.
L'Islam porte aussi comme objectif social de soutenir les plus
vulnérables, ce qui est en ligne avec la mission sociale des
institutions de microfinance.
A l'heure actuelle, la microfinance islamique est au coeur du
débat dans la République de Djibouti, et également,
concentrée dans quelques pays de confession musulmane, tel que
Indonésie, Bangladesh, et l'Afghanistan, qui représentent
à eux seuls 80% de la population touchée par la finance
Islamique.
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