CONCLUSION
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Le Procureur de la Cour pénale internationale est l'un
des organes incontournables et fondamentaux de la Cour puisque son action
conditionne l'existence du procès international.
L'affirmation de cette institution et les prérogatives
qui lui sont conférées en matière de poursuites des crimes
les plus graves est sans nul doute, l'une des manifestations les plus
significatives de l'autonomisation du judiciaire dans l'ordre international.
L'analyse de la manière dont l'exercice des poursuites internationales a
été envisagé depuis la création des
premières juridictions répressives internationales montre en
effet une translation qui s'opère depuis les Etats, autrefois fortement
influents dans le choix des personnes poursuivies, vers le Procureur,
autorité judiciaire, dont l'indépendance et l'impartialité
sont garanties.
Les orientations affichées par le Bureau en termes
d'examens préliminaires et de poursuites constituent les
prémisses d'une véritable politique pénale internationale.
Elles viennent par ailleurs soutenir ce constat qu'émerge dans l'ordre
international, une autorité nouvelle aux prérogatives
conséquentes.
Mais les décisions du Procureur de la Cour
pénale internationale sur l'enquête et sur les poursuites sont
avant tout des décisions fondées en droit et en fait. Elles sont
discrétionnaires, donc jamais arbitraires et susceptibles par ailleurs
d'être l'objet d'un contrôle juridictionnel.
Les questions posées par les choix effectués par
son Bureau renvoient quant à elles à une interrogation
essentielle, celle de la consistance de l'acte de justice. La décision
d'initier une enquête comme la décision de poursuivre sont en
effet des actes judiciaires c'est-à-dire des actes rendus dans des
affaires particulières qui vont néanmoins exercer des effets
au-delà de ces affaires. Les décisions du Procureur de la Cour
pénale internationale ne sont pas politiques en ceci qu'elles ne sont
pas générales mais toujours prises à l'occasion de
l'examen d'affaires particulières. Ceci dit, elles se rapprochent des
décisions et délibérations politiques dans la propension
qu'elles ont à tirer vers l'exemple, vers le général dans
le but de dissuader la réitération des crimes les plus graves
touchant l'ensemble de la communauté internationale.
Ces décisions qui ont bien sûr des effets
politiques garantissent aussi incontestablement la primauté du droit
dans l'ordre international. Elles contribuent ce faisant à consolider
cet universalisme juridique qui est au principe même de l'idée de
justice pénale internationale car
pour juger ces crimes, « il faut une juridiction plus
élevée, des débats plus retentissants, une scène
plus grande 60».
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60 Cité in GARAPON, Des crimes que l'on ne peut ni punir
ni pardonner (op cit)
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