8.3 - Le portable, prolongement de soi et affirmation
identitaire
Le développement phénoménal du portable
en a fait un objet usuel, presque banal bien loin de l'image du manager et du
cadre supérieur qu'il véhiculait à ses
50 Ibid. p.142.
51 Op. Cit. Martin C. , 2003, P 94.
52 ATOM-TNS-SOFRES, Observatoire sociétal du
téléphone mobile, 6ème édition , 2010 p.
11.
53 Ibid. p. 25.
32
débuts54. Nous observons qu'il est devenu un
accessoire de mode qui véhicule l'identité de son
propriétaire au travers l'usage qui en est fait mais également
par les interactions sociales qu'il permet. Selon C. Martin le portable, par la
possibilité qu'il offre de communiquer de manière personnelle et
individuelle, accompagne une autonomisation de chacun des membres du foyer dans
sa sphère de sociabilité. Elle évoque une
intégration de l'objet au schéma corporel « aussi le
schéma, labile et changeant, intègre-t-il certains objets, qui
deviennent ainsi un prolongement actif des segments corporels. La petite taille
de l'objet portable deviendrait alors un élément décisif
qui facilite cette incorporation [...] cette incorporation de l'objet semble
aussi participer à son appropriation. » 55 Nous voyons bien que la
nature physique même de l'objet contribue à cette
intégration. Pour expliquer la relation affective
développée vis à vis du portable par leurs utilisateurs,
C. Martin mobilise I. Garabuau-Moussaoui et D. Desjeux (2000) : « l'objet
va devenir le réceptacle de significations, de sentiments,
d'affectivité ». Ceci permet de comprendre le sentiment qui peut
lier le propriétaire à son portable. Cette affectivité
développée à l'égard du portable justifie par
ailleurs le côté "inséparable" qui lui est souvent
associé, surtout chez les jeunes.56 D'autant que sa
personnalisation tend à en faire un objet unique qui peut renforcer cet
attachement. Pour celui qui développe ce rapport à "la machine, "
C. Martin décrit qu'il en découle « un rapport au portable
fait de routines comme celle de le consulter régulièrement »
sans même qu'il ne sonne ou ne vibre, comme ça machinalement ;
qu'en sortant d'un endroit où le portable ne peut pas être
utilisé, il est consulté de manière immédiate et
pour certaines personnes, note la sociologue Jane Vincent, « le processus
d'incorporation du mobile est si avancé qu'elles éprouvent une
peur panique de la panne de batterie.. »57. Au contraire ceux
pour qui l'usage n'est pas aussi approprié dans des routines, le
portable peut être « oublié au fond du sac,
déchargé... » Mais il semble que pour de plus en plus
d'utilisateurs l'appropriation soit telle qu'un nouveau terme est apparu pour
qualifier les accros aux réseaux sociaux qui ne supportent pas
d'être déconnectés : Nomophobie58. Selon le
quotidien du médecin, il s'agit d'une « angoisse liée
à la perte de son téléphone portable » et serait
amplifiée par l'arrivée des Smartphone et des forfaits
illimités. Cette nouvelle pathologie née en Angleterre en 2008
constituerait « une extension du domaine
54 Op Cit. Rivière C-A, 2002, p. 140-168.
55 Op. Cit. Martin C. , 2007, p. 112.
56 Ibid. p. 114.
57 In. Journet N. , « La culture mobile, mon
portable, c'est moi ! », Sciences Humaines, n°185, 2007.
58 Contraction de no mobile phobia.
33
de l'addiction »59selon le journal. Nous
pouvons nous interroger sur les répercussions que ce type de phobie peut
avoir chez les actifs, quelles attitudes développent-ils au travail si
l'idée de ne pas être connecté génère de
l'angoisse ? Peuvent-ils alors s'en passer si la situation l'exige et comment
peuvent-ils être concentrés sur leur activité de travail
?
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