La protection des attentes légitimes des investisseurs étrangers( Télécharger le fichier original )par Hazard Nekaies faculté de droit et des sciences politiques de Sousse Tunisie - master 3 ème cycle droit public 2013 |
PARTIE I : UNE TENDANCE PROTECTRICE ACCRUELes investisseurs cherchent des conditions d'opération qui les protègent face à l'instabilité économique. Une protection juridiqueconsistante des investissements étrangers, de préférence sous la forme de règles internationales uniformes, s'impose donc d'autant plus. Ainsi, il parait utile qu'un tel système de protection ait vu le jour. Les Etats d'accueil sont en effet liés par des normes internationales visant à protéger les investisseurs étrangers des aléas politiques. La bonne application de ces normes, peut généralement être vérifiée à l'initiative des investisseurs, par des tribunaux d'arbitrage internationaux. L'Etat voit ainsi son action soumise à un contrôle extrême. Le droit international des investissements, évolue dans un sens favorable aux investisseurs, car il fait entrer dans son champ d'application toute la panoplie de l'action publique. Dans ce cadre, la protection accrue des attentes légitimes des investisseurs étrangers, peut être traitée à partir de deux idées majeures : la première est le régime conventionnel de protection et de traitement (chapitre I), alors que la deuxième idée concerne le renforcement de la protection (chapitre II). CHAPITRE I :Le régime conventionnel de protection et de traitement La protection des attentes légitimes des investisseurs étrangers a été assurée par l'ensemble des traités d'investissements qui ont été le plus souvent des traités bilatéraux d'investissements conclus entre les pays d'origine des investisseurs ou de l'investissement et les pays hôtes de l'investissement. En effet, cette protection a été à l'origine rudimentaire c'est-à-dire peu développée. Les traités bilatéraux d'investissement (TBI) font partie d'un régime d'investissement international encadrant la manière selon laquelle un pays - et son gouvernement - peut établir des règles applicables aux avoirs étrangers. Au Canada, les TBI sont appelés accords de promotion et de protection de l'investissement étranger (APIE). Par ailleurs, les accords bilatéraux de libre-échange contiennent des dispositions presque identiques à celles des TBI qui prennent la forme de chapitres sur l'investissement et s'ajoutent à d'autres dispositions sur le commerce (par exemple le chapitre 11 de l'Accord de libre-échange nord-américain6(*)). Ce régime d'investissement relève d'une application du droit international qui assure aux investisseurs étrangers (individus et sociétés) un haut niveau de protection contre le traitement arbitraire des États où ils possèdent des actifs. On compte plus de 2 600 traités bilatéraux dans le monde. Ces traités régissent l'action des gouvernements de façon rigoureuse, mais n'imposent pas (ou imposent peu) de responsabilités aux investisseurs. Les conventions bilatérales d'encouragement et de protection réciproque des investissements ou API. Ce sont des traités internationaux, conclus sur la base de la réciprocité, entre deux États, afin de : - définir les principes et les règles de traitement et de protection qui régiront les investissements des ressortissants d'une partie contractante sur le territoire de l'autre partie contractante. Parmi les règles de traitement de l'investissement, les traités peuvent prévoir les règles du traitement national et/ou les règles de la Nation la plus favorisée (clause NPF). Le principe du traitement national consiste pour l'État d'accueil à fixer la même règle de traitement pour l'investisseur étranger et pour l'investisseur national. Selon la clause NPF, un investisseur étranger ne saurait recevoir un traitement moins favorable que l'investisseur ressortissant de la nation la plus favorisée. Les traités ne concernent généralement que la phase post-implantation, sauf ceux signés par les États-Unis qui abordent la question de la phase d'implantation. S'agissant de la protection des investissements, les traités comprennent les règles applicables aux mesures de dépossession, aux sinistres ou dommages provoqués par les événements politiques, au transfert des investissements ; - choisir les mécanismes qui permettront de régler les différends entre ces parties. Les accords de protection de l'investissement consacrent l'arbitrage (voir infra) comme mode privilégié de règlement des différends, si les parties ne sont pas parvenues à un accord au terme d'un règlement amiable. Ils permettent aux parties d'invoquer cette clause et de recourir au système qu'elle prévoit en dehors du contexte contractuel. À ce jour, la France a signé 84 conventions bilatérales d'investissement, dont 62 sont en vigueur (c'est-à-dire ratifiées par les deux parties). Quant à la Tunisie, dans le cadre de la politique de promotion et de diversification de ses échanges commerciaux, elle a adhéré à un certain nombre de conventions internationales, et a conclu des accords préférentiels bilatéraux et des accords multilatéraux avec certains pays. Concrètement, la Tunisie a adhéré à l'Agence Multilatérale de Garantie des Investissements (MIGA), aux Organismes arabe, islamique et maghrébin pour la garantie des investissements, aux Accords de protection des investissements et de non double-imposition avec la plupart des pays de l'Organisation de Coopération et de développement économique (OCDE). Dans la même optique, elle a conclus, l'Accord d'Association avec l'Union Européenne, l'Accord d'Agadir (Tunisie, Egypte, Jordanie et Maroc). La Tunisie est également : Membre du Centre international pour le Règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). Enfin, le cadre juridique international régissant l'investissement étranger est constitué par les accords de promotion et de protection des investissements. Ces accords visent la promotion de l'investissement étranger à travers la protection des investissements étrangers réalisés en Tunisie ainsi que des investissements des Tunisiens réalisés à l'extérieur et les faire bénéficier des garanties nécessaires contre les risques non commerciaux En effet depuis 1963, la Tunisie a signé 547(*) accords bilatéraux pour la promotion et la protection des investissements étrangers. Parmi les voisins on peut noter à titre d'exemple qu'elle a conclu avec l'Algérie la Convention commerciale et tarifaire qui été ratifiée le 21 mars 1981, et le Protocole additionnel du 15 mai 1991 signée à Alger. L'Accord commercial avec le Burkina Faso, signée le 07 janvier 1993, et sa ratification par la loi n°93-31 du 12/04/1993 JORT n°28 du 13 et 16 avril 1993, entrée en vigueur le 07/06/1993. Ainsi avec le Cameroun, elle a conclu un Accord commercial, signée le 05/08/19958(*). Les conventions bilatérales forment aujourd'hui un réseau dense, et contribuent à l'apparition d'une protection réelle et d'une théorie homogène de cette branche de droit, et ce notamment en raison des stipulations récurrentes ; une obligation de traitement juste et équitable de l'investissement, une clause de traitement national de l'investissement et une clause de la nation la plus favorisée relative à l'investissement , c'est ce qu'on va aborder dans une deuxième section (section II) , alors qu'on va étudier l'obligation de garantir une sécurité pleine et entière à l'investissement surtout à travers l'interdiction d'une expropriation sans indemnité juste9(*) immédiate et effective dans une première section (section I). SECTION I : LA PROTECTION CONTRE LES MESURES PRIVATIVES DE DROIT DE PROPRIÉTÉ :Bien loin des litiges ayant pour origine la nationalisation de l'investissement, récemment, de nouveaux litiges ont émergé, relatifs à la réglementation de l'investissement étranger. Le contentieux relatif aux investissements se nourrit essentiellement de problèmes d'expropriations rampantes voire d'expropriations déguisées. Le droit international général considère qu'une expropriation indirecte doit être traitée de la même manière que l'expropriation directe. Ce principe montre déjà en soi le caractère protectionniste de la matière vis-à-vis des investissements étrangers. Dans quelle mesure cette protection accordée aux investisseurs étrangers contre les mesures d'effet équivalant à une expropriation est-elle susceptible d'empêcher les gouvernements d'agir et surtout, de réglementer les domaines tenant à l'intérêt public ? PARAGRAPHE 1 : LA DIMENSION EXTRÊMEMENT PROTECTRICE CONTRE L'EXPROPRIATIONLes investissements effectués par des nationaux ou sociétés de l'une ou l'autre des parties contractantes bénéficient, sur le territoire et dans la zone maritime de l'autre partie contractante d'une protection et d'une sécurité pleines et entières. Il semble que l'expropriation se réfère au concept issu de la doctrine anglo-saxonne «taking of property» et qu'elle comporte deux éléments: 1-un acte de l'État; 2- un transfert de propriété. Les parties contractantes ne prennent pas de mesures d'expropriation ou de nationalisation10(*) ou toutes autres mesures dont l'effet est de déposséder, directement ou indirectement, les nationaux et sociétés de l'autre partie des investissements leur appartenant, sur le territoire et dans leur zone maritime, si ce n'est pour cause d'utilité publique et à condition que ces mesures ne soient ni discriminatoires ni contraires à un engagement particulier. L'expropriation est considérée comme une norme conventionnelle de protection. Le principe de la protection contre l'expropriation est à l'origine un principe de droit privé. En effet nul ne peut être privé de sa propriété. En tout état de cause l'expropriation même si elle peut être effectuée à cause d'utilité publique, l'expropriation doit être une mesure exceptionnelle, et donnant lieu à une indemnité juste, immédiate et effective. A- L'expropriation doit être une mesure exceptionnelle En effet, tous les États disposent d'un pouvoir souverain d'exproprier dans la mesure où il s'agit d'une prérogative de puissance publique qui est le corolaire de la souveraineté même des États. Toutefois, quand bien même ils disposent du pouvoir d'exproprier, cette expropriation doit se faire moyennant une juste indemnisation dans la mesure où cette mesure est constitutive d'une atteinte au droit de propriété. Or, il s'est avéré que certains investisseurs se sont fait exproprier sans indemnisation ou juste indemnisation. L'expropriation doit rester une mesure exceptionnelle. Elle ne doit être pratiquée que dans le respect de la loi et que comme solution ultime. L'article 1e de la loi tunisienne n° 76-85 du 11 août 197611(*), portant refonte de la législation relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoit que l'expropriation ne peut qu'être prononcée au profit de l'Etat, des conseils des gouvernorats ou des communes ou autres collectivités publiques, et que les établissements publics peuvent en bénéficier par l'intermédiaire de l'Etat qui leur cédera l'immeuble exproprié. La loi marocaine dans l' Article 3 de loi n° 7-81 publié par le Dahir du 06 mai 1982 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et à l'occupation temporaire semble aller plus loin puisque l'expropriation peut intervenir, outre au profit de l'Etat et les collectivités locales mais aussi au profit d'autres « personnes morales de droit public et privé ou aux personnes physiques auxquelles la puissance publique délègue ses droits en vue d'entreprendre des travaux ou opérations déclarés d'utilité publique. 12(*) » La loi algérienne n° 91-11 du 27 avril 1991 fixant les règles relatives à l'expropriation pour cause d'utilité publique. ne désigne pas la personne qui peut bénéficier de la protection, elle précise simplement qu'« Elle n'est possible que pour la mise en oeuvre d'opérations résultant de l'application des instruments réguliers d'urbanisme, d'aménagement du territoire et de planification concernant les réalisations d'équipements collectifs ou d'ouvrages d'intérêt général 13(*)» or, c'est l'Etat qui est responsable de la mise en oeuvre de toute politique d'urbanisme et d'aménagement du territoire. Peu à peu, la pratique a fait apparaître une nouvelle notion, celle « d'expropriation indirecte ou mesure d'effet équivalent » qui ne contient pas de définition précise. Ainsi, des problèmes sont nés sur la question de l'identification de ces mesures d'expropriation indirectes et d'effets équivalents et c'est pourquoi, plusieurs critères ont été dégagés par les tribunaux. 1- La sphère des mesures privatives de droit de propriété. En principe, l'expropriation est considérée comme la mesure essentielle de prévention de droit de propriété qui déstabilise les attentes légitimes de l'investisseur à une stabilité de leurs investissements. En effet, l'expropriation selon le droit international, est une procédure par laquelle une autorité publique oblige une personne privée de lui céder des biens, droits ou intérêts au nom de l'intérêt général. En droit international traditionnel, l'expropriation constitue une atteinte au droit de propriété. En effet, dans son arrêt de 25 mai 1926 qui concernait certains arrêts allemands en haute Silésie polonaise, la CPJI a considéré que : « Il n'est gère douteux que l'expropriation est une dérogation aux règles généralement appliqués en ce qui concerne le traitement des étrangers et au principe du respect des droits acquis14(*) ». En droit international moderne, comme dans le Décret présidentiel portant ratification de l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques desinvestissements entre la République algérienne démocratique et populaire de l'Etatdu Qatar, signé à Doha le 24 octobre199615(*)« les parties ne prennent pas de mesure d'expropriation ou de nationalisation ou toute autre mesure dont l'effet est de déposséder, directement ou indirectement les investisseurs de l'autre partie les investissements leurs appartenant sur leur territoire ou dans leur zone maritime, si ce n'est pour cause d'utilité publique et à condition que ces mesures ne soient ni discriminatoires ni contraires à un engagement particulier » . L'expropriation peut être directe lorsqu'elle résulte d'une décision prise par l'autorité publique ou indirecte lorsqu`elle résulte d'agissement privant de facto le propriétaire de son bien. Il y a ainsi expropriation indirecte si le propriétaire, par des mesures physiques ou morales, se trouve contraint à vendre l'objet en dessous de la valeur du marché ou à consentir à une réduction de ses droits contractuels. L'expropriation ou « privation de richesse » peut revêtir différentes formes : elle peut être directe lorsqu'un investissement est nationalisé ou fait l'objet d'une expropriation directe par le biais d'un transfert officiel du titre ou d'une saisie physique pure et simple. Le droit international stipule clairement que la saisie d'un titre légal de propriété constitue une expropriation indemnisable16(*). A ce titre, Plusieurs traités interdisent non seulement les nationalisations et les expropriations, mais également toute autres mesures dont l'effet est de déposséder, directement ou indirectement, les investisseurs. La condition d'intérêt public peut intervenir pour la qualification de l'expropriation indirecte. La mesure d'effet équivalent, elle aussi a été considérée par les arbitres, comme une mesure qui prive l'investisseur de son investissement. Dans les premières sentences rendues en la matière, les tribunaux arbitraux rendaient des décisions qui reposaient sur un seul critère. En effet, ils considéraient que dès lors qu'il y avait une atteinte à l'investissement l'on était en présence d'une expropriation indirecte ou d'une mesure d'effet équivalent. La Réforme agraire peut être aussi considérée comme une mesure d'effet équivalent à une expropriation. Même si elle est souvent liée à un changement de régime politique, la réforme agraire vise à mettre fin à une situation inégalitaire concernant la propriété de la terre, celle-ci étant détenue par une minorité de grands propriétaires. Lors de la réforme agraire, la terre peut être confisquée ou acquise par l'État, qui indemnise alors les propriétaires. La terre peut être ensuite exploitée, de manière collective, par des salariés agricoles ou partagée entre des petits exploitants qui deviennent propriétaires. On remarque que les réformes agraires ont été ou sont encore un enjeu de développement et de modernisation des campagnes dans de nombreux pays d'Amérique latine. 2- Les éléments déterminants l'existence d'une expropriation ; le régime juridique des mesures d'effet équivalent. Pour être qualifiée d'expropriation, on doit prouver tout d'abord que les droits de propriété ont été entravés à un point tel que l'usage de ces droits ou la jouissance de leurs bénéfices était substantiellement affecté et qu'il en est résulté un préjudice dont l'investisseur a souffert. Et dans l'appréciation de chaque incident, le tribunal, est en droit de s'inspirer de sources de droit international dans l'interprétation de l'article 4 de la loi de 1993. En conséquence, bien qu'une grande variété d'appropriation puisse être considérée dans ce contexte, il y a toujours une seconde condition pour qu'une telle appropriation soit qualifiée d'expropriation : l'imputabilité à un Etat. Cette condition n'est pas mentionnée directement mais établie en droit international. Une théorie connue sous le nom de la théorie de l'effet ou de l'impact de la mesure étatique, a été adoptée, cette mesure ne prend pas en compte pour la qualification de la mesure son contexte, ses objectifs ou ses motivations. Ils se contentent de dire que pour qu'une mesure soit assimilée à une expropriation, il suffit de démontrer la dépossession ou la privation de l'investissement. Celle-ci sera établie si l'un des attributs patrimoniaux de l'investissement fait défaut. Les arbitres renvoient généralement a trois indicateurs ; l'utilisation, la jouissance et la direction de l'investissement. L'absence de l'un entraine la dépossession ou la privation de l'investissement. Il y a aussi ce qui a été appelé « la doctrine de l'effet unique » se montrait très protectrice pour l'investisseur mais ne prenait pas en compte les intérêts de l'État. C'est pourquoi l'on a eu, par la suite, recours à un deuxième critère, à savoir l'analyse de la mesure ayant porté atteinte à la propriété. Certains tribunaux, dans les années 2005 et 2006 ont, d'ailleurs, uniquement prêté attention à la nature de la mesure sans se préoccuper de l'atteinte portée à l'investissement.On trouve de même la conception consacrée dans les nouveaux traités de libre-échange conclus par les Etats unis qui disposent : « la détermination de l'expropriation indirecte est une question qui dépend des circonstances de chaque affaire et que, pour établir une telle expropriation, le tribunal doit prendre en considération les facteurs suivants ; l'impact de la mesure, les attentes et les prévisions de l'investisseur et la nature de l'intervention gouvernementale ». Ces traités ajoutent également exceptionnellement dans de rares circonstances, les mesures réglementaires non discriminatoires adoptés pour protéger le bien-être des citoyens comme la santé publique et l'environnement, ne constituent pas de mesures d'expropriation indirecte. Ainsi, dès lors que la mesure étatique peut être qualifiée de mesure de réglementation générale, c'est- à-dire de mesure visant l'intérêt général, et qui, en droit international n'engage pas la responsabilité de l'État, alors quel que soit son impact sur la propriété, la mesure en question n'est pas susceptible d'engager la responsabilité de l'État. On peut noter à titre d'exemple, dans l'affaire Saluka, le tribunal arbitral a qualifié la mesure étatique de Police Power (mesure de réglementation générale) et donc, quel que soit son effet sur l'investissement étranger, elle ne saurait engager la responsabilité internationale de l'État. B- L'interdiction d'expropriation sans indemnité juste immédiate et effective. Il est admis en droit international général qu'en cas d'expropriation directe ou indirecte il y a une obligation d'indemnisation pour l'Etat d'accueil, à défaut il y aura spoliation. Donc, l'expropriation implique normalement l'indemnisation, comme la réquisition en temps de guerre. C'est ce qui distingue ces institutions des mesures de confiscation et de de spoliation. Commela Cour fit observer dans l'affaire James c/ Royaume-Uni17(*) «... dans les systèmes juridiques respectifs des Etatscontractants, une privation de propriété pour caused'utilité publique ne se justifie pas sans le paiement d'une indemnité». Les Principes directeurs pour le traitement de l'investissement étranger, rédigés, en 1992 sous l'égide de la Banque mondiale et du CIRDI et qui se donnent pour objectif de rendre compte de la pratique étatique la plus répandue (autrement dit d'opérer une codification soft), énonce dans son titre IV (Expropriation et modification ou résiliation unilatérale des contrats) que: « Toute expropriation (nous résumons) doit être faite conformément aux procédures juridiques en vigueur, doit poursuivre de bonne foi un but d'utilité publique, ne doit pas opérer de discrimination pour cause de nationalité et doit donner lieu à une indemnité appropriée. (art. IV§1). A la question, qu'est-ce donc qu'une indemnité appropriée. Les Principes directeurs répondent: ii) L'indemnisation est réputée appropriée si elle est adéquate, effective et rapide (art. IV§2). Et, iii) A son tour l'indemnité sera réputée adéquate si elle est calculée à partir de la valeur marchande de l'actif expropriée (art. IV§3) ». Le montant de l'indemnisation peut donner lieu à des controverses selon les latitudes et les circonstances. La question de l'indemnisation en cas de nationalisation a soulevé de profondes divergences entre les Etats. Donc , toutes les mesures de dépossession qui pourraient être prises doivent donner lieu au paiement d'une indemnité juste et préalable dont le montant, égal à la valeur réelle des investissement concernés, doit être évalué par rapport à une situation économique normale et antérieure à toute menace de dépossession. Selon les arbitres dans la sentenceShahinShaineEbrahimi (1994) 18(*)« customary international lawacknowledge[s] that a state'ssovereign right to nationalizeinclude[s] a generalduty to compensate » C'est-à-dire Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas de la manière établie par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité. En droit interne, l'expropriation est la dépossession de la propriété immobilière d'une personne privée par voie légale et moyennant indemnité. Toutes les législations maghrébines, aussi, prévoient une indemnisation de l'expropriation. Cette indemnisation doit être juste et équitable et couvrir le préjudice subi elle doit couvrir « l'intégralité du préjudice subi ». Concernant le montant et les modalités de versement de l'indemnité, ils sont fixés au plus tard à la date de la dépossession. L'indemnité doit être effectivement réalisable, versée sans retard et librement transférable. Elle produit jusqu'à la date de versement, des intérêts calculés au taux d'intérêt de marché approprié. l'article III du model American encouragement réciproque et de protection d'investissement, énonce a cet égard : « 1. Investments shall not be expropriated or nationalized either directly or indirectly through measures tantamount to expropriation or nationalization except for a public purpose ; in a non-discriminatory manner ; upon payment of prompt, adequate and effective compensation; and in accordance with due process of law and the general principles of treatment provided for in article II. 2. Compensation shall be equivalent to the fair market value of the expropriated investment immediately before the expropriatery action was taken or become known; include interest at a commercially reasonable rate from the date of expropriation; be paid without delay,; be fully realizable; and be freely transferable at the prevailing market rate of exchange on the date of expropriation...». En effet, concernant la valeur de l'indemnisation, les lois précisent qu'elle sera fixée d'après la valeur réelle du bien exproprié telle qu'elle résulte de la consistance, l'usage et l'utilisation effective et que cette appréciation se fasse au jour de l'évaluation. * 6 Le chapitre 11 de L'ALENA se divise en trois sections : La section A - Obligations en matière d'investissement dont les Parties à l'Accord ont convenu. (Articles 1101 à 1114) La section B - Procédures de règlement lorsqu'un différend survient entre une Partie et un investisseur d'une autre Partie. (Articles 1115 à 1138) La section C - Définition de certains termes employés dans ce chapitre. (Article 1139) La section A du chapitre 11 de l'ALENA expose les diverses obligations auxquelles les Parties ont donné leur accord concernant le traitement sur leur territoire des investisseurs et des investissements des autres Parties. Ces obligations, qui sont assujetties aux réserves et exceptions énumérées par les parties à l'Accord, incluent: Traitement national (article 1102) - Chacune des parties à l'Accord accordera aux investisseurs des autres parties et aux investissements qu'ils effectuent un traitement non moins favorable que celui qu'elles accordent, dans des circonstances analogues, à ses propres investisseurs et aux investissements qu'ils effectuent, en ce qui concerne l'établissement, l'acquisition, l'exploitation et la vente d'investissements. Traitement de la nation la plus favorisée (article 1103) - Une partie ne peut accorder à un investisseur ou un investissement d'un pays qui n'est pas une Partie à l'Accord un traitement plus favorable que celui qu'elle accorde aux investisseurs et investissements d'un pays partie à l'Accord en ce qui concerne l'établissement, l'acquisition, l'exploitation et la vente d'investissements. Norme minimale de traitement (article 1105) - Cet article garantit l'application d'une norme minimale et absolue de traitement aux investisseurs des parties à l'Accord conformément à des principes de longue date du droit international coutumier. Prescription de résultats (article 1106) - Cet article interdit à une partie à l'Accord d'imposer ou d'appliquer certaines prescriptions de résultats, par exemple des exigences en matière d'exportation ou des règles relatives au contenu national, en ce qui concerne l'établissement, l'acquisition, l'expansion, la gestion, la direction ou l'exploitation d'un investissement. Il interdit également d'invoquer les prescriptions stipulées comme condition pour l'obtention d'un avantage comme une subvention, y compris les incitations fiscales. Dirigeants et conseils d'administration (article 1107) - Il est interdit aux parties à l'Accord d'exiger que les dirigeants d'une entreprise qui est un investissement effectué par un investisseur d'une autre partie soient d'une nationalité donnée. Transferts (article 1109) - Une partie à l'Accord doit permettre à un investisseur d'une autre partie d'effectuer des transferts de fonds ayant un rapport avec ses investissements (par exemple, bénéfices, dividendes, intérêts et paiements de redevances) librement et sans retard. Expropriation (article 1110) - Une partie à l'Accord ne peut pas directement ou indirectement nationaliser ou exproprier un investissement effectué par un investisseur d'une autre partie à l'Accord sauf : (i) pour une raison d'intérêt public; (ii) sur une base non discriminatoire; (iii) en conformité avec l'application régulière de la loi; (iv) moyennant le versement d'une indemnité équivalente à la juste valeur marchande. Mesures environnementales (article 1114) - Les parties à l'Accord ont le droit d'adopter et d'appliquer des mesures environnementales conformes au chapitre 11. Elles reconnaissent aussi qu'il n'est pas approprié d'encourager l'investissement en adoucissant les mesures nationales qui se rapportent à la santé, à la sécurité ou à l'environnement. En conséquence, les parties ne devraient pas renoncer ni déroger à de telles mesures dans le but d'attirer des investissements. * 7 Ces accords se répartissent comme suit, 21 accords avec les pays de l'Europe, 10 accords avec les pays d'Afrique, 14 accords avec les pays arabes, 6 accords avec les pays d'Asie, et 3 accords avec les pays d'Amérique. * 8Liste des accords bilatéraux conclus entre la Tunisie et les pays d'Afrique : Afrique du sud - Accord commercial signée le 03 avril 2001 en Afrique du sud Bénin - Accord commercial - signée le 04 juin 1993 à Cotonou - ratification loi n°96-69 du 29/07/1996 JORT n°62 du 02 août 1996 Burkina Faso - Accord commercial - signée le 07 janvier 1993 - ratification loi n°93-31 du 12/04/1993 JORT n°28 du 13 et 16 avril 1993 - entrée en vigueur le 07/06/1993 Cameroun - Accord commercial - signée le 05/08/1995 Côte d'Ivoire - Accord commercial - signée le 16/05/1995 - ratification loi n°95-96 du 20/11/1995 JORT n°94 du 24 /11/1995 - entrée en vigueur le 24/04/1997 Djibouti - Accord commercial - signée le 29 janvier 2002 à Djibouti Ethiopie - Accord commercial - signée le 03/11/1994 - ratification loi n° 95-27 du 13/03/1995 JORT n°23 du 21/03/1995 Gabon - Accord commercial - signée le 30/05/1995 à Tunis Gambie - Accord commercial - signée le 21/06/2000 à Gambie Guinée - Accord commercial - signée le 15/01/1993 à Conakry - ratification loi n°96-34 du 20 mai 1996 JORT n°41 du 21/05/1996 Libéria - Accord commercial - signée le 29/04/1965 à Tunis. Mali - Accord commercial - signée le 01 juillet 1986 Mozambique - Accord commercial - signée le 25/10/1993 à Tunis - ratification loi n°94-19 du 07/02/1994 JORT n°13 du 15/02/1994 Namibie - Accord commercial - signée le 26/05/1995 à Windhock - ratification loi n°96-99 du 18/11/1996 JORT n°94 DU 22/11/1996 Niger - Accord commercial - signée le 30/09/1982 à Tunis - ratification le 26/01/1983 - Protocole additionnel à l'accord commercial le 05/06/1992 Nigeria - Accord commercial - signée le 27/06/2001 à Abuja Sénégal - Accord commercial - signée le 30/03/1962 à Tunis - Protocole additionnel à l'accord commercial signé le 04/02/1997 à Dakar Somalie - Accord commercial - signée le 31/03/1988 à Tunis - ratification loi n°89-3 du 14/01/1989 JORT n°5 des 20-24 /01/1989 Togo - Accord commercial - signée le 16/05/1996 à Lomé - ratification loi n°96-100 du 18/11/1996 JORT n°94 du 22/11/1996 * 9 Juste indemnité dont le montant devra correspondre à la valeur réelle des investissements au jour de la dépossession » (Convention avec le Soudan, art. 5 ; Convention avec El Salvador, art. 5 ; Convention avec le Paraguay, art. 5) ; « juste indemnité dont le montant devra correspondre à la valeur commerciale des investissements concernés au jour de la dépossession » (Convention avec le Sri Lanka, art. 5, §2); «indemnité prompte et adéquate dont le montant (est) calculé sur la valeur réelle des investissements» (Convention avec la Guinée Equatoriale, art. 5, §2); «indemnité immédiate, adéquate et effective dont le montant devra correspondre à la valeur réelle desdits investissements » (Convention avec le Libéria, art. 5). * 10 Définition de nationalisation : Etymologie : de nationaliser, venant du latin natio, naissance, extraction, dérivant de natus, né. La nationalisation est l'opération de transfert à la collectivité nationale des moyens de production privés : entreprises, terres, etc. La nationalisation d'une entreprise consiste pour un Etat à entrer dans le capital de celle-ci à plus de 50% afin d'en prendre le contrôle direct. Elle peut s'opérer soit par une indemnisation des propriétaires privés (ex : nationalisations du gouvernement Maurois en 1982) soit par une confiscation sans contreparties financières (ex : lors d'une révolution, pendant ou après une guerre, comme dédommagement après un préjudice, etc.) Exemples de motivations des nationalisations : - accroître le patrimoine et la puissance publics, - prendre le contrôle des ressources naturelles et en tirer davantage de bénéfices, - réorienter la production et ses moyens dans le cadre d'une planification économique, - défendre l'intérêt national et la sécurité des approvisionnements dans un secteur économique considéré comme stratégique, - défendre l'intérêt collectif dans un monopole "naturel", - donner le contrôle de l'outil de production aux ouvriers. En Europe, l'après-guerre (1945-1973) a été une période favorable à la nationalisation des secteurs stratégiques des services et de l'industrie : électricité, transport ferroviaire. En France, l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République en 1981 s'accompagne d'un plan de nationalisations indemnisées prévu par le "programme commun de gouvernement". La loi de nationalisation du 13 février 1982 concerne, en particulier, l'industrie (Thomson, Saint-Gobain-Pont-à-Mousson, Rhône-Poulenc, Pechiney-Ugine-Kuhlmann, Sacilor, Usinor) et la finance (Paribas, Suez, CIC, Crédit du Nord, Crédit Commercial de France, Banque Rothschild, Banque Worms, Banque La Hénin...). * 11Article premier. - Sont abrogées, les dispositions des articles 2, 3 (alinéa premier), 4 (alinéa premier), 5, 6 (alinéa premier), 8, 10, 11, 13, 28, 29, 30, 36, 38 et 39 de la loi n°76-85 du 11 août 1976, portant refonte de la législation relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et remplacées par les dispositions suivantes : Article 2. (nouveau) - La
propriété est transférée à l'expropriant par
l'effet du décret d'expropriation pour les immeubles non
immatriculés et par l'inscription du décret d'expropriation pour
les immeubles immatriculés, sans préjudice des dispositions de
l'article 305 du code des droits réels. * 12 Dahir n°1-81-254 du 11 rejeb 1402 (6 mai 1982) portant promulgation de la loi n°7-81 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique et à l'occupation temporaire. * 13Loi n° 91-11 du 27 avril 1991 fixant les règles relatives à l'expropriation pour cause d'utilité publique, p. 577. Art. 2. - L'expropriation pour cause
d'utilité publique constitue un mode exceptionnel d'acquisition de biens
ou de droits immobiliers. Elle n'intervient que lorsque le recours à
tous les autres moyens, a abouti à un résultat
négatif. * 14 RECUEIL DES ARRÊTS PUBLICATIONS DE LA COUR PERMANENTE DE JUSTICE INTERNATIONALE, No 7, Affaire relative à certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise (Fond), p22. * 15Décret présidentiel n° 97-229 du 18 Safar 1418 correspondant au 23 juin 1997 portant ratification de l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements entre la République algérienne démocratique et populaire de l'Etat du Quatar, signé à Doha le 11 JoumadaEthania 1417 correspondant au 24 octobre 1996 * 16Dolzer et Stevens, « BilateralInvestmentTreaties », CIRDI 1985, page 98. * 17 A98 (1986), paragraphe54 ; Lithgowc/ Royaume-Uni A 102(1986), paragraphe 120 ;Les Saints Monastères c/ Grèce A301-A (1994),paragraphes 70-75 ;Hentrich c/ France A296-A (1994), paragraphe 48 ;PressosCompaniaNaviera SA c/ Belgique A332 (1995), paragraphe38 ; Guillemin c/ France 1997-I (1997),paragraphes 52-57. * 18Iran-US CTR, vol. 20, p. 170 et s., § 94. |
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