PARAGRAPHE 2- LES SENTENCES DES TRIBUNAUX ENTRE
INTÉRÊT D'INVESTISSEUR ET NATURE SOUVERAINISTE DE L'ETAT
HÔTE DE L'INVESTISSEMENT
Le déséquilibre se manifeste aussi devant
les sentences des tribunaux, c'est-à-dire au niveau de recours devant
les tribunaux, et au niveau de l'exécution des sentences.
A- Le recours devant les tribunaux :
L'investisseur et l'Etat hôte d'investissement sont
toujours dans une position inégalitaire. Cela se reflété
bien dans la phase ou un litige apparait entre l'Etat hôte et
l'investisseur, le recours aux tribunaux traduit la place favorisée de
l'investisseur et la tendance toujours protectrice de l'investissement en
dépit des politiques de l'Etat hôte.
Une autre spécificité tient au fait que la
nature de la relation entre l'investisseur et l'État suppose un
engagement à long terme; par conséquent, un différend
réglé par voie d'arbitrage international et qui se solde par
l'octroi de dommages-intérêts entraîne
généralement la rupture de ce lien. De plus, les montants en jeu
dans les différends investisseurs-État sont souvent très
élevés. Du fait, de ces caractéristiques bien
particulières, les inconvénients associés à
l'arbitrage international en matière d'investissement sont le montant
des coûts induits, l'allongement du délai nécessaire pour
régler une affaire, la difficulté croissante qu'il y a à
gérer les dossiers de différend investisseurs-État, les
craintes de réclamations abusives ou futiles, les préoccupations
d'ordre général concernant la légitimité du
système d'arbitrage en matière d'investissement (dans la mesure
où il concerne des mesures prises par un État souverain) et le
fait qu'il se préoccupe exclusivement de réparer un
préjudice financier et non de maintenir une bonne relation d'affaires
entre les parties.
En effet, Les investisseurs peuvent contester les actions et
les mesures prises par l'État hôte, directement au sein de
tribunaux internationaux, sans besoin d'épuiser les voies de recours
internes au préalable. Alors que Les États et les citoyens,
pourront ne pas porter de recours contre les investisseurs devant ces tribunaux
internationaux.
Autrement dit, Dans l'arbitrage transnational
unilatéral il existe un déséquilibre entre les
possibilités d'action de l'État et celui de la partie
privée. Celle-ci, en saisissant l'instance arbitrale prévue au
traité, accepte l'offre d'arbitrage faite par l'État et
«force» donc celui-ci à le suivre devant les arbitres.
L'État, au contraire, ne peut «forcer» l'investisseur tant
que celui-ci n'a pas consenti à l'arbitrage.
Ainsi, il faut noter qu'il y a des inconvénients
concernant la protection diplomatique de l'investisseur, or, il y a une
nombreuse jurisprudenceà ce propos dont l'une c'est l'affaire de la
Barcelone ; la protection diplomatique est le fait que c'est un
différend entre deux Etats. Un conflit entre un investisseur et un Etat
est transformé en conflit entre Etats. Le résultat est alors une
politisation des différends. Depuis les années 1960 on essaye de
régler les conflits sur le niveau économique d'où ils sont
émergés et non pas au niveau politique...
En pratique, toutefois, l'arbitrage international comporte
plusieurs inconvénients susceptibles de réduire les avantages que
les accords d'investissements internationaux peuvent représenter pour
les pays en développement. La nature particulière de cet
arbitrage, qui met une puissance souveraine en position de défendeur et
remet en cause les actes accomplis et les mesures prises par un État
souverain, n'y est pas étrangère. Cette procédure
diffère également du recours aux tribunaux nationaux en ce sens
que le différend est régi par le droit international et
naît de la violation d'un traité international dans le cadre
duquel l'arbitrage est la principale solution offerte aux investisseurs.
B- L'exécution des sentences
L'Etat hôte peut se cacher derrière sa
nature souveraine et empêcher ou ralentir l'exécution de la
sentence. C'est ce qu'on appelle la question des immunités du
contractant étatique:
L'immunité d'exécution est
présentée comme étant liée à
l'immunité de juridiction, dans la mesure où elle est le plus
souvent opposée par le défendeur comme ultime moyen de
défense lorsqu'a cédé l'obstacle de l'immunité de
juridiction. Elle permet à l'Etat qui en bénéficie de
s'opposer à ce que ses biens soient saisis sur le territoire d'un autre
Etat.
Cependant, la question de savoir si l'inclusion d'une clause
compromissoire dans un contrat d'Etat prive l'Etat signataire du droit de
revendiquer le bénéfice de l'immunité d'exécution
demeure débattue. L'intérêt de cette question
réside, à l'évidence, dans la protection des
intérêts que peuvent avoir les partenaires des Etats de voir leurs
droits effectivement établis sans pour autant que la souveraineté
de ces Etats soit mise en cause.
En effet, pour ce qui est des sentences du CIRDI, l'article 53
de la Convention de Washington oblige l'Etat contractant à renoncer
à son immunité de juridiction. Dès lors, le CIRDI reste
seul pour juger le différend. Mais, cette convention semble avoir
atténuée le principe de la force obligatoire des sentences
arbitrales, par l'octroi aux Etats, de l'immunité d'exécution de
ces sentences. Ainsi, l'exécution des sentences CIRDI dépend du
droit interne de chaque Etat.
A titre d'exemple, un arrêt remarqué de la Cour
de Cassation française a affirmé que par la clause
compromissoire, « l'Etat étranger, qui s'est soumis à la
juridiction des arbitres a, par là même, accepté que leur
sentence puisse être revêtue de l'exequatur ».
L'article 54.3 de la même convention stipule que «
L'exécution est régie par la législation concernant
l'exécution des jugements en vigueur dans l'Etat sur le territoire
duquel on cherche à y procéder ». Et l'article 55
précise qu' « Aucune des dispositions de l'article ne peut
être interprétée comme faisant exception au droit en
vigueur dans un Etat contractant concernant l'immunité
d'exécution dudit Etat ou d'un Etat étranger ». Cet article
n'interdit donc pas, à l'Etat condamné par un tribunal CIRDI,
d'invoquer son immunité d'exécution devant les tribunaux
étrangers où le bénéficiaire de la sentence cherche
à exécuter celle-ci.
Dans un premier temps, tant les tribunaux d'Etats de droit
civil que ceux des Etats de Common Law ont affirmé le caractère
absolu de l'immunité d'exécution. Par la suite,
l'évolution des droits nationaux a été marquée par
l'adoption de la théorie de l'immunité restreinte, qui
réduit considérablement le privilège de l'Etat. Cependant,
cette reconnaissance par certains Etats de limites au principe de
l'immunité d'exécution n'a pas été
accompagnée de la définition des critères propres à
en assurer le respect.
Le problème s'est posé dans les mêmes
termes relativement à la question de l'extension de l'immunité
d'exécution aux démembrements de l'Etat. Pour résoudre
cette question, les tribunaux étatiques se sont, à l'origine,
surtout préoccupés d'analyser le statut de l'auteur de l'acte et
non, comme le propose Mme Pingel-Lenuzza, la nature des biens à
saisir.
Une chose demeure acquise cependant, c'est la
possibilité pour l'Etat de renoncer à son immunité
d'exécution : dans une telle hypothèse, l'Etat concerné
accepte que ses biens puissent être saisis hors de son territoire. On a
considéré que cette renonciation de l'Etat à son
immunité d'exécution est un tempérament volontairement
consenti par celui-ci au jeu de cette immunité. Cette renonciation peut,
en principe, intervenir avant ou après la naissance du litige et prendre
la forme soit d'une clause incluse dans un contrat, soit d'une disposition
insérée dans une convention bilatérale ou
multilatérale.
Reste que le champ d'application de l'immunité
d'exécution n'est pas clairement défini dans les divers droits
nationaux, même si l'on pose en principe la distinction entre les biens
affectés à des fins de souveraineté et ceux qui ne le sont
pas : les seconds sont susceptibles de saisie, les premiers ne le sont pas. Ce
principe est complété par une série de règles,
généralement nationales, plus spécifiques et qui
permettent aux Etats selon des considérations d'opportunité,
d'idéologie ou d'organisation sociale de prendre en compte, de
manière plus ou moins favorable, les intérêts de la partie
privée ou ceux de la partie étatique.
Selon un auteur qui cite une décision
américaine, le Tribunal du District Sud de New York dans l'affaire Letco
avait décidé que le Liberia avait renoncé à son
immunité d'exécution en signant une clause d'arbitrage CIRDI.
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