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La protection des attentes légitimes des investisseurs étrangers

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par Hazard Nekaies
faculté de droit et des sciences politiques de Sousse Tunisie - master 3 ème cycle droit public 2013
  

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Paragraphe 2 : UNE LIGNE DE DÉMARCATION DOUTEUSE ENTRE « EXPROPRIATION INDIRECTE » ET « MESURES RÈGLEMENTAIRES GOUVERNEMENTALES ».

Il est impossible de chercher dans les sentences arbitrales une cohérence parfaite dans la façon dont elles traitent l'expropriation indirecte. Cependant, il est possible d'isoler des critères que les arbitres analysent de façon récurrente. Il s'avère que les tribunaux arbitraux sont plutôt réticents à reconnaitre des cas d'expropriation indirecte(B) .Cette incohérence se manifeste aussi au niveau des textes juridiques (A)

A- Absence de reconnaissance de l'expropriation indirecte au niveau des textes juridiques:

Comme nous l'avons vu, en cas de litige, la doctrine et les instruments juridiques internationaux ne donnent jamais d'indications claires et précises sur la façon de distinguer une expropriation indirecte d'une simple mesure ne donnant pas lieu à indemnisation. En effet on peut pas enfermer la reconnaissance, ou l'absence de reconnaissance de l'expropriation indirecte dans des critères étroits. Mais surgit comme toujours le problème du verre à moitié vide ou à moitié plein : ici, là où certains voient la souplesse, d'autres voient l'aléa et l'insécurité juridique.

Le principe de distinction entre expropriation indirecte et mesure de police est mentionné dans certains textes non contraignants59(*), et la majorité des tribunaux lui reconnait une valeur coutumière internationale.

Toutefois, cette distinction n'est pas prévue dans la majorité des traités d'investissement dont les clauses d'expropriation n'excluent pas les règlementations générales légitimes de leur champ d'application. Telle que susmentionnée, les exclusions du type de l'annexe B. 13 du modèle de traité d'investissement canadien ne suffisent pas à créer une véritable exception en faveur des règlementations d'intérêt public légitimes. Au contraire, l'exclusion posée par les clauses du type de l'article 20 du COMESA60(*) CIA61(*) (article 20 alinéa 8) confère plus de poids au principe de distinction, car elle crée une véritable exception. Mais en renvoyant au droit international coutumier, le texte du COMESA ne fait que reporter la difficulté de la définition précise de la notion de mesure de police.

Les textes utilisent l'une de ces trois expressions pour désigner les expropriations non directes ; l'expropriation indirecte ou les mesures équivalentes ou les mesures aux effets similaires ou équivalents. En effet, on peut prendre l'exemple de TBI Allemagne- Russie, de 1989 dans son article 4.1 qui utilise l'expression suivante « mesure de dépossession incluant toute mesure ayant un effet similaire à une nationalisation », ou celui de TBI Japon-Chine de 1988 dans son article 5.4 « expropriation, nationalisation ou mesure ayant un effet similaire», ou encore TBI Guinée-Égypte de 1998 dans son article 5.1 qui utilise l'expression «expropriation, nationalisation et toute mesure ayant un effet équivalent à une expropriation ou nationalisation» .

La difficile application du principe de distinction entre mesure de police et mesure d'expropriation indirecte tient surtout au fait que la mesure de police est difficile à identifier. La mesure de police est, en simplifiant, l'ensemble des mesures essentielles au fonctionnement efficace de l'État62(*).

Mais, il n'existe pas de définition précise de cette notion fonctionnelle en droit international coutumier. Comme le déplorait le tribunal dans la sentence Saluka c. République tchèque, bien qu'étant favorable à ce principe, « le droit international n'a pas encore identifié de façon globale et définitive précisément quelles règlementations sont considérées comme « admissibles » et « communément admises » comme relevant du pouvoir de police ou pouvoir réglementaire des États et sont, par conséquent, non indemnisables »63(*).

En effet, les mesures de police peuvent se confondre avec toutes les règlementations publiques légitimes édictées par un État, du fait que ces dernières visent toutes, à priori, un intérêt public plus ou moins essentiel. De ce fait, une liste précise et unanime des intérêts légitimes propres à la notion de mesure de police n'existe pas, même si un consensus se dégage autour de certaines valeurs. Il s'agit notamment de celles qui font l'objet d'une protection au niveau du droit international ou relèvent des fonctions régaliennes de l'État. C'est le cas des questions d'ordre public, d'ordre sanitaire, d'ordre fiscal, d'ordre monétaire, de protection de l'environnement et des droits sociaux des travailleurs.

Par ailleurs, il n'est pas aisé de vérifier qu'une mesure étatique visant un intérêt public essentiel a été édictée et appliquée de bonne foi, sans discrimination et de manière raisonnable. Ces termes sont, en effet, des standards de comportement difficiles à manier pour les tribunaux. Quoi qu'il en soit, on considère que l'État, en édictant la mesure de police, doit agir avec la plus grande impartialité et objectivité pour atteindre l'intérêt public poursuivi. Les dommages aux investissements privés étrangers qui en résultent doivent être, en quelque sorte, inévitables pour réaliser l'intérêt général.

B- L'expropriation indirecte notion peu claire pour les tribunaux d'arbitrage

Les tribunaux ont utilisé de manière générale, un certain nombre de critères pour distinguer ces concepts à savoir ; le degré d'atteinte du droit de propriété, la nature des mesures gouvernementales, c'est-à-dire leurs objets et leurs contextes, l'atteinte portée par la mesure a des attentes raisonnables fondées sur l'investissement.

Autrement dit ; Le critère de l'effet préjudiciable, le critère de la proportionnalité et le critère de l'intérêt public légitime.

En effet, les arbitres saisis par les investisseurs étrangers ont pu dégager des critères, pour déterminer quand une mesure gouvernementale de réglementation générale pouvait constituer une expropriation indirecte. il apparait clairement que la question centrale est celle de l'équilibre à trouver entre la protection de la propriété de l'investisseur étranger et la protection de la possibilité pour l'Etat d'intervenir pour réglementer les conditions de l'investissement dans l'intérêt général. autrement dit, il faut déterminer dans quelle mesure le risque d'une réglementation générale qui viendrait indirectement impacter l'investissement doit être supporté par l'investisseur dont l'opération, par définition, contient une part de risque.

Les arbitres ont dégagé, au fil des sentences, des critères permettant d'identifier une mesure constituant une expropriation indirecte. L'enjeu pour l'investisseur est l'obtention d'une indemnisation en contrepartie de l'atteinte à son droit de propriété. Dans un premier temps les arbitres se sont concentrés uniquement sur l'effet de la mesure en cause. Cela aboutissait à respecter la lettre et l'esprit des traités bilatéraux d'investissement qui insistent tous sur les mesures ayant un effet équivalent à l'expropriation mais cela faisait perdre complètement de vue la spécificité de la mesure étatique. La mesure en cause a un objet autre que celui d'exproprier et poursuit souvent un intérêt général. Cet élément ne saurait être ignoré, ce qui a conduit dans un deuxième temps les arbitres à prendre en compte la nature de la mesure.

En l'absence d'un système d'arbitrage unifié et de la règle du précédent, la jurisprudence arbitrale en la matière est peu claire, casuistique, avec des tests qui varient en fonction des tribunaux arbitraux pour distinguer entre mesures de réglementation générale et expropriations indirectes donnant droit à indemnisation si une compensation n'a pas été versée de son propre chef par l'Etat. Comme les instruments protégeant l'investisseur d'une expropriation indirecte sont multiples, les juges ou arbitres qui ont eu à connaître de cette notion sont aussi multiples ce qui ne favorise pas l'uniformité (se sont prononcés la Cour permanente de justice internationale, la Cour internationale de justice, le tribunal du contentieux Iran-Etats-Unis, les tribunaux arbitraux ad hoc et ceux constitués sous l'égide du CIRDI ou de la CNUDCI, les cours régionales de protection des droits de l'Homme).

* 59V. par exemple, le commentaire g sous le §712 du Restatement of the Law, (Third), The foreign Relations Law of the United State, American Law Institute Publishers, St. Paul, Minesota, 1987, vol. 2; oul'article 10.5 du projet de Harvard de 1961, reproduitdans L. B. SOHN et R. R. BAXTER, « Responsibility of State to injuries to Economics interests of Aliens », AJIL, 1961, vol. 55, n°3, pp. 545-584.

* 60 Common Market for Eastern and SouthernAfrica (Le marché Commun de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique Australe).

Le COMESA est un groupement économique régional composé de 20 Etats d'Afrique de l'Est et d'Afrique australe qui se sont associés dans le but premier de relever le niveau de vie de leurs populations en transformant collectivement les structures sociales et économiques, c'est-à-dire le régime de commerce et d'investissement, la politique budgétaire et monétaire, ainsi que l'orientation générale de l'économie pour passer d'un système dans lequel l'Etat jouait un rôle prédominant à un système dans lequel ce rôle est transféré au secteur privé.

* 61 Common Investment Area (espace commun d'investissement).

* 62D'aprèsl'expression de M. SORNARAJAH, The international Law of foreign Investment, 3e éd.Cambridge, Cambridge UniversityPress, 2010, p. 374.

* 63Saluka c. République tchèque, § 264. Traduction de l'auteur.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand