L'histoire à l'heure du multimédia. Les enjeux du web- documentaire historique( Télécharger le fichier original )par Joffrey LAVIGNE Université Paris IV- Sorbonne - Master 1 mention information et communication 2012 |
1.3.2.3- Le webdoc historique s'inscrit-il dans une réelle démarche interactive ?Dans son article, Catherine Guéneau pose la question de l'existence d'un interacteur réel notamment dans les films interactifs. L'internaute aurait seulement l'illusion d'une interactivité. Cette simulation d'interactivité repose sur une conception particulière de ce concept : elle repose sur le mouvement, l'activité physique de l'internaute. C'est cette pensée du clic qui nourrit l'imaginaire de l'interactivité. « Comment peut on afirmer que le seul fait de cliquer sur une partie de l'image puisse rendre la participation effective ? » s'interroge C. Guéneau après visionnage d'un film interactif. Nombreux sont les professionnels du web-documentaire qui se méfient de cette notion d'interactivité. Au cours d'un entretien vidéo publié sur le site webdocu.fr, Fredéric Kreder - producteur à Advocate-Interactive - affirme que le « spectateur reste spectateur pendant la majorité du contenu ». L'intervention de l'internaute est requise lorsqu'il faut changer le contenu. A ce moment, « il va falloir l'amener de façon assez subtile mais en même temps assez visible. On ne peut pas l'obliger mais on doit l'inciter. » Lors des entretiens d'observation menés auprès de personnes visionnant le webdoc historique La nuit oubliée, nous avons constaté que les différents individus adoptent deux postures différentes : l'une relâchée - les mains n'ont plus aucun contact avec l'ordinateur - lorsqu'ils regardent le contenu vidéo et l'autre plus active physiquement - les mains posés sur le clavier ou la souris et le corps avancé - lorsqu'il s'agit de changer de contenu. Ces discours et ces observations sont surprenantes du fait que le terme "interactivité" soit partagé par l'ensemble des diffuseurs et producteurs de web-documentaires historiques. Si la notion de webdoc est discutée, celle d'interactivité semble faire consensus. Dès lors, nous pouvons interroger la nature de cette interactivité promise. des médias informatisés, Paris, Bibliothèque publique d'information, 2003 64 GUENEAU, Catherine, Du spectateur à l'interacteur?, dans Communication & Langage n°145, Armand Collin; septembre 2005 [Disponible en ligne : http://www.mediascreationrecherche.com/spectateur.pdf] 65 Ibid 66 Ibid 1.2.3- Quelle est la nature de cette interactivité ? 1.2.3.1- L'interactivité du geste : la pensée du clic Nous avons mentionné cette interactivité du geste fondée sur la pensée du clic. Le web-documentaire est envisagé comme un espace au coeur duquel l'internaute peut se mouvoir à sa guise. Ce déplacement s'effectue par le biais de l'action qui consiste à cliquer des éléments. Dès lors il y a une véritable mise en scène des possibilités d'interaction. Cette mise en scène se matérialise selon différents procédés. Nous pouvons en distinguer cinq principaux : les couleurs, le changement d'état d'un signe lorsque le curseur passe sur ce signe, les flèches, le mouvement des images et ce que nous avons nommé "l'appel au clic"Dans le webdoc Adieu Camarades, l'appel au clic est explicite67.Par le biais de cet appel au clic s'instaure un dialogue entre l'internaute et l'auteur. L'auteur se manifeste et incite l'individu à entrer de le web-documentaire. Au coeur du web-documentaire, d'autres éléments prennent le relais. Dans le cas de Adieu Camarades, un système de couleurs attire l'attention de l'internaute sur la frise chronologique68. Ce type de dispositif repose sur la curiosité de l'internaute ainsi que sur sa culture du web. Tout élément n'est pas nécessairement cliquable. Ce sont certains codes qui dirigent le regard de l'internaute. Le web-documentaire historique a la particularité de générer des codes qui lui sont propres. En effet, la frise chronologique et la carte sont deux supports récurrents des web-documentaires historiques. Ces supports sont généralement cliquables et permettent d'accéder à d'autres contenus ou pages. Le web-documentaire 17.10.61 offre un exemple d'une carte interactive69 qui permet d'accéder aux différents récits en fonction des lieux cliqués. Tout comme la frise chronologique, la carte devient un élément naturellement cliquable. Aux dimensions didactique et esthétique se surimpose une dimension technique. Le web-documentaire naturalise cette dimension. Il en va de même pour les flèches. Ces dernières sont un élément essentiel du balisage du web-documentaire. Elles sont dotés d'une triple fonction : établir un contact voire un dialogue avec l'internaute, générer une sensation de profondeur ou d'étendu du webdoc et dynamiser la lecture. Nous pouvons parler d'un dialogue ou d'un contact avec l'internaute car chaque flèche70 représente une promesse, faite au lecteur, de découvrir d'autres éléments et d'autres contenus. C'est seulement l'action de l'internaute qui va activer cette promesse. Cela nous amène à faire un lien avec la notion d'entéléchie pensée par Aristote. La distinction entre puissance et acte permet d'illustrer le processus en cours dans un webdoc. Tout est possibilité, potentialité, puissance. Seul l'internaute active. Bien que ce processus soit identique pour la littérature, le web-documentaire matérialise et permet de visualiser ce passage entre puissance et acte. Enfin, les images sont l'ultime élément sur lequel repose la pensée du clic. Dans le cas du webdoc Berlin 1989, souvenirs d'un monde d'hier, la mise en scène particulière se construit sur un mouvement perpétuel71 des contenus vidéos. Ce 67 Annexe 4 68 Annexe 5 69 Annexe 8 70 Annexe 7 71 Annexe 6 mouvement se réalise sur un axe perpendiculaire à l'écran. Ces mouvements continuels d'apparition-disparition font que l'internaute a l'impression que les images se dirigent vers lui. Ce sont donc autant d'appels au clic, à l'action. D'autant plus que lorsque l'individu glisse le curseur sur ces images, le flux interrompt. Ainsi chaque lecteur a un certain pouvoir sur ce mouvement et par conséquent sur le dispositif. Les cinq dispositifs cités ci-dessus sont les éléments les plus récurrents qui permettent de comprendre cette pensée du clic. Ils engagent l'internaute dans une démarche interactive fondée sur l'action puisque chaque geste de l'internaute aura une conséquence sur le dispositif et sur le parcours de lecture. Toutefois, l'interactivité n'existe que si l'internaute a conscience que son action peut engendrer une modification. La dificulté réside ainsi dans le fait d'expliciter de manière subtile la démarche. D'autres formes d'interactivité sont à l'oeuvre dans le web-documentaire historique. |
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