République Tunisienne
Présidence du Gouvernement
Ecole Nationale de l'Administration
Mémoire de fin d'études au cycle
supérieur
L'Open Gov et l'Administration Publique
Elaboré par :
Iheb TRABELSI et Jamel BAGHDADI
Filière de formation : Administration
générale
Sous la direction de :
M. Nabil DAHMANI
Juin 2012
L'Ecole n'entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans le cadre de ce
mémoire.
Ces opinions doivent être
considérées comme propres
à leurs auteurs.
Remerciements
Nous tenons à remercier Monsieur Nabil
DAHMANI
qui a eu l'amabilité d'assurer la direction de cette
recherche
et qui nous a guidés par ses précieux conseils.
Nous
espérons qu'il trouve dans ce travail le
témoignage de notre
profonde reconnaissance.
Liste des Abréviations
OPSI : Office of Public Sector Information au Royaume-Uni.
APPSI : Advisory Panel Of Public Sector Information au
Royaume-Uni.
NTIC : Nouvelles Technologies de l'Information et de la
Communication.
TIC : Technologies de l'Information et de la Communication.
ONG : Organisation Non Gouvernementale.
EPIC : Etablissement Public Industriel et Commercial.
CIGOV : Comité Interministériel e-gouvernement
au Maroc.
SPGOV : Structures de Pilotage e-gouvernement au Maroc.
DPGOV : Direction de Pilotage du programme e-gouvernement au
Maroc.
ANC : Assemblée nationale constituante.
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement.
OGP : Open Government Partnership.
Sommaire
Première Partie: Présentation de l'open
government.
Chapitre I : Identification de l'open government.
Chapitre II : L'open government : vers une modification
à la copernicienne de l'administration publique.
Deuxième Partie: Une initiative tunisienne d'open
government à la lumière d'expériences
internationales.
Chapitre I : Expériences comparées de
l'open government. Chapitre II : L'open government en Tunisie.
1
L'Open Gov et l'Administration Publique
Introduction
Il arrive que les grandes décisions ne se prennent pas,
mais se forment d'elles-mêmes (Henri Bosco). Le
déclenchement d'un processus de réforme ou de modernisation du
secteur public peut répondre à une volonté de
remédier aux défaillances et aux insuffisances d'un
système en place comme il peut refléter une volonté
d'être en phase avec les avancées réalisées par
d'autres pays. La modernisation du secteur public s'apparente comme une
nécessité et non plus une option pour l'Etat. Elle constitue une
occasion pour les autorités publiques pour faire face à
l'évolution des besoins de la société et à
être en phase avec ce qui se réalise sur le plan international
fortement imprégné par un changement en perpétuelle
continuité.
L'administration publique tunisienne a été
toujours attentive aux transformations que vit son environnement (local ou
international). Des programmes de modernisation ont été
élaborés afin de s'approprier des innovations en matière
de la gestion des services publics. En effet, elle n'a pas hésité
à mettre en oeuvre des politiques visant l'amélioration des
prestations administratives et des rapports citoyens/ administrations. Les
programmes tels que « le citoyen superviseur », « le
médiateur administratif », « le guichet unique », «
l'administration électronique » et tous les programmes
d'amélioration la qualité des prestations administratives et la
simplification des procédures administratives en témoignent de
cette volonté.
Les programmes sus mentionnés ont été une
occasion pour intégrer d'avantages les technologies de l'information et
de la communication (TIC) dans tous les rouages de l'administration. Cette
introduction des TIC a favorisé le lancement du projet de
l'e-gouvernement suite à la satisfaction des usagers constatée
après la mise en oeuvre de certains projets de l'administration
2
L'Open Gov et l'Administration Publique
électronique (liasse unique, déclaration des
impôts à distance, services bancaires, création en ligne
des entreprises...).
En outre, les effets positifs escomptés après la
mise en place des ces projets et la phase de transition démocratique que
vit le pays ont amené beaucoup d'observateurs à penser que «
l'e-gouvernement pouvait entraîner la réalisation de la
démocratie grâce à des formes de participation citoyenne
plus directes et rendre l'administration plus transparente grâce à
une prestation de services électronique ouverte
»1.
Les TIC, plus particulièrement l'internet, ont
changé l'état des lieux et ont bouleversé les rapports
classiques Etat/administré. Les relations sont devenues de plus en plus
interactives entre le gouvernement, la société civile et les
citoyens grâce aux potentialités offertes par le web. «
Le web change le comportement des internautes : auparavant spectateurs, ils
deviennent des contre-pouvoirs... et court-circuitent les modèles
classiques »2.
La généralisation d'internet a changé
beaucoup la donne : le réseau a offert une solution pour remédier
aux problèmes de cloisonnement entre les services et la
difficulté d'accès du public à l'administration. Il a
encouragé l'administration à adopter de nouveaux canaux de
communication/dialogue avec les citoyens. On parle actuellement d'une
administration ouverte où le droit d'accès aux documents et aux
données publiques, l'interactivité avec les usagers des services
publics et la participation collective dans la prise de décision
constituent ses principales caractéristiques. Cette nouvelle état
d'esprit de l'administration a été favorisé par l'internet
qui est devenu comme un « moyen pratique de diffuser des informations
concernant le fonctionnement du service
1Jho ( W), « Les défis en
matière d'e-gouvernance : protestations de la société
civile concernant la protection de la vie privée dans l'e- gouvernement
en Corée », RISA, 2005 (Vol. 71), pp. 163-180.
2Huet (JM), Denervaud (I), et L'Hostis (AF), «
Cinq ans après la bulle Internet, les nouveaux modèles d'affaire
», in « Le meilleur de la stratégie et du
management », Sous la direction de Benghozi (PJ) et Huet
(JM), Ed. Person, 2009, p 136.
3
L'Open Gov et l'Administration Publique
public, de faciliter les mécanismes de
rétroaction et de permettre une participation plus directe dans le
processus décisionnel. Le principal objectif de l'utilisation des TIC
était la communication en temps réel et bilatérale dans la
production, la transmission et l'utilisation de l'information
»3.
De ce fait, l'internet a été un catalyseur pour
formuler une initiative citoyenne qui plaide pour un rôle actif des
citoyens dans le management des affaires publiques. Les peuples sont devenus de
plus en plus exigeants : les modes classiques de la gestion publique sont de
plus en plus contestés. Ainsi, « la façon dont les
dirigeants prennent leurs décisions a changé : il n'est plus
acceptable que celles-ci soient le fait d'un petit nombre de personnages
puissants qui prétendent agir au nom du plus grand nombre tout en
refusant de l'impliquer dans leurs délibérations. A compter du
moment où la diffusion de l'information s'est renforcée
grâce aux nouvelles technologies, de plus en plus de personnes se sont
senties capables de débattre de décisions qui affectaient leur
propre existence... »4.
L'apparition du web2.0 a été un facteur
déterminant pour initier des projets de
«démocratie participative » dont l'objectif est
d'associer les citoyens, la société civile et les gouvernements
dans la conception et l'exécution des politiques publiques.
Avec le couple internet et web 2.0, la possibilité
d'une administration véritablement ouverte, transparente et dans
laquelle une coopération effective « en ligne » avec les
citoyens, est devenue une réalité et on « reconnait de
plus en plus qu'une administration ouverte satisfaisante... est un facteur
essentiel de
3Jho (W), op. cit pp. 163-180.
4Thomas (JC), Action publique et participation des
citoyens : pour une gestion démocratique revitalisée, Nouveaux
horizons, 1995, p1.
4
L'Open Gov et l'Administration Publique
gouvernance démocratique, de stabilité
sociale et de développement économique
»5.
C'est ainsi qu'on parlait depuis le 8 décembre 2009 ;
date de publication par l'Administration Obama de l'Open Government Directive ;
de l'open government ou de l'administration ouverte. Il s'agit de l'une des
dernières formes de mobilisation des TIC pour mener des programmes de
réforme du fonctionnement des gouvernements qui visent à assurer
plus de transparence et d'interactivité dans la conception et
l'exécution des politiques publiques. Cette nouvelle approche de l'open
government est sollicitée en tant que remède aux
défaillances de l'administration publique notamment en ce qui concerne
les volets de transparence et de démocratie participative. En effet,
l'open government se présente comme un nouveau mode de gouvernance
permettant à la fois la publication via internet des données
publiques, jugées longtemps confidentielles, et l'échange
d'idées et d'informations avec les citoyens, notamment les usagers de
l'administration publique.
L'orientation vers l'adoption de l'open government a
rapidement acquis de terrains et beaucoup de pays ont engagé des
programmes pour s'approprier cette nouvelle approche. A ce titre, après
les Etats-Unis, le phénomène d'Open government va attirer
l'attention d'autres Etats, notamment anglo-saxons comme l'Australie, le Canada
et le Royaume-Uni. Par la suite se sont les européens qui vont suivre ce
mouvement international et qui vont l'élargir pour toucher leur espace
communautaire à travers des directives européennes qui ont mis en
place un cadre juridique communautaire adéquat pouvant servir de source
d'inspiration pour initier des projets étatiques similaires.
Il faut signaler que l'open government est sollicité
par les pays non seulement pour renforcer la légitimité des
gouvernements via la veille sur la
5OCDE, « La modernisation du secteur public :
l'administration ouverte », Juin 2005, p 1.
5
L'Open Gov et l'Administration Publique
transparence de la gestion publique et la participation
citoyenne dans cette gestion mais également pour
bénéficier des effets économiques positifs de cette
approche de gouvernance. En effet, une administration ouverte permettra une
relance économique à travers la réutilisation des
données ouvertes (l'open data). Les Etats, conscients de l'enjeu
économique de la réutilisation des données publiques, font
de la gouvernance ouverte un véritable secteur économique
prometteur. Ainsi, par exemple, la réutilisation des données
publiques en Espagne représente un marché d'environ 2 milliards
d'euros supposé employer prés de 45 000 personnes dans dix
ans6. Cet enjeu économique important va mettre les Etats dans
un véritable concours pour instaurer un open government.
Pour mieux encadrer cette mouvance, une organisation
internationale a appelée «Open Government
Partnership» a été créée en
Septembre 2011 sous l'impulsion de 8 pays fondateurs. Elle organise des sommets
internationaux auxquels participent des représentants d'Etats, ainsi que
des représentants de la société civile. Cette organisation
compte, aujourd'hui, 60 Etats membres. La Tunisie, qui n'en est pas encore
membre, a participé à son dernier sommet au Brésil au mois
d'avril 2012. Cette participation témoigne de la volonté du pays
de son engagement dans une démarche d'ouverture de ses données
publiques pour laquelle les expériences vécues à
l'échelle internationale seront d'un grand apport.
Toutefois, s'inspirer du contexte mondial du
développement de l'open government ne revient pas à transposer
des modèles prêts à installer. La spécificité
du contexte tunisien s'impose, surtout, vu le changement que vit le pays dans
le cadre d'une transition démocratique post-révolutionnaire.
La révolution tunisienne à été une
source d'émancipation pour la société civile et les
citoyens : des organisations, des personnes et des entreprises
6Selon l'étude Mepsir (2006).
6
L'Open Gov et l'Administration Publique
privées, ainsi que des groupements de personnes
militent actuellement pour un gouvernement ouvert en Tunisie. Leur bataille est
menée dans un souci d'instaurer de nouveaux mécanismes de
collaboration avec les autorités publiques pour une meilleure gestion
des affaires publiques.
Actuellement, l'open government est la solution que les pays
estiment qu'elle opère un changement à la copernicienne de
l'administration publique. On entend ici le terme
«administration publique» dans le sens de
« l'ensemble des organismes publics qui préparent les
décisions des autorités politiques et lorsque ces
décisions ont été prises, en assurent loyalement
l'exécution... »7.
Dans ce nouveau contexte, quels sont les impacts de l'open
government sur l'administration publique ? Et dans quelles mesures les
fondements et les apports de l'open government peuvent-ils assurer une
modernisation de l'administration publique ?
Pour répondre à ces questions on peut dire que
l'open government, en tant que phénomène tout récent dans
le monde, est esquissé dans plusieurs pays du monde à des rythmes
différents. D'ailleurs, en Tunisie, il fait couler beaucoup d'encre.
C'est le sujet de plusieurs débats dans les médias et, aussi, sur
le web, notamment les réseaux sociaux et les blogs.
La qualité de l'interaction du projet open government
avec l'administration publique constitue un facteur clé pour la
réussite d'un tel projet. Le présent document essaye
d'étudier les différents aspects de cette relation open
government/administration. Pour se faire, nous débutons par une
présentation de l'open government (Première
Partie) à travers des tentatives d'identification de cette
approche et de son émergence avant d'évoquer l'initiative
tunisienne d'open government tout en développant des regards
croisés sur les expériences internationales
(Deuxième Partie).
7Salon (S) et Savignac (JC), Le citoyen et
l'administration, éd. Berger - Levrault, Juillet 2006, p 11.
7
L'Open Gov et l'Administration Publique
Première partie : Présentation de l'open
government
La tentative de traiter le sujet de l'open government et
l'administration publique au tant qu'elle est ambitieuse du fait qu'elle
cherche à éclairer sur les retombées positives
générées par l'adoption de cette approche au tant qu'elle
requière un effort pour identifier la consistance et la portée de
cette approche. En effet, il est inutile d'engager des chantiers de
modernisation sans que les mesures préconisées ne soient
ambitieuses et porteuses de solides solutions pour les problèmes qu'on
veut résoudre.
La présentation de l'approche de l'open government va
focaliser sur l'identification de cette nouvelle tendance de gouvernance
(Chapitre I) avant de passer à la
présentation des modifications que l'open government est susceptible de
les apporter à l'administration publique(Chapitre
II).
|