I.3°) JUSTIFICATION DU CHOIX DU THEME
ET DU CADRE D'ETUDE
L'interdiction de la vente de l'essence
« Kpayo » au Bénin remonte aux années 1980.
Mais force est de constater que les multiples luttes engagées n'ont pas
abouti à des résultats concrets. Au contraire, on assiste
à une augmentation exponentielle du monde des consommateurs et acteurs
animant la filière. Au niveau des vendeurs et trafiquants c'est la
constitution de groupes bien organisés et bien structurés. Ces
derniers, disposent d'une organisation syndicale pour défendre leurs
intérêts, ce qui ne respecte aucune normativité. Cette
organisation leur permet de résister et de riposter énergiquement
aux assauts des autorités surtout ceux des agents de la CONAMIP. Nous
avons assisté à des affrontements physiques violents entre agents
de la CONAMIP et trafiquants dans la ville de Cotonou et d'autres villes du
pays. Ces différents affrontements créent une situation
d'insécurité dans le pays. Ce qui a amené les
autorités politiques à prendre de nouvelles mesures dont
l'objectif est d'orienter les vendeurs du Kpayo vers d'autres activités.
Depuis que les autorités ont émis l'idée de ces probables
mesures, on note une affluence considérable des populations vers ladite
activité. Pour les plus anciens, ces mesures ne sont pas les bienvenues
puisqu'elles ont été conçues par les autorités sans
tenir compte de leurs aspirations et besoins.
Par ailleurs, la vente illicite de l'essence est faite par de
hauts responsables qui sont les grossistes puisqu'elles disposent de gros
moyens financiers. Ce qui sème le doute quant à l'aboutissement
et la réussite des mesures pour réprimer les contrebandiers; ce
sont ces mêmes autorités qui doivent en amont élaborer les
plans, les stratégies et les politiques de lutte, mais en aval elles
sont à la source des ravitaillements importants. Autant de faits qui
méritent réflexion et recherche.
Nous avons également des raisons subjectives qui
nous ont motivé quant au choix de ce thème. Pour réussir
la mission à eux confiée, les responsables de la CONAMIP ont
associé les forces de l'ordre dont des militaires. Ces derniers, sortis
des casernes, sont mis en contact direct des femmes et hommes d'affaires du
secteur informel ; ils n'arrivent pas à résister devant le
pouvoir de l'argent, argent que les grossistes et autres acteurs leur
proposent. Nous avons été témoins de ce qu'un des agents
de la CONAMIP en poste s'est fait réveiller par les trafiquants pour lui
donner la part représentant "le ticket de libre circulation ou le
laisser passer". Aussi dans le cadre de la fête nationale de
l'indépendance les policiers ont chassé pendant la
journée du 31 juillet 2007 tous les vendeurs de
« kpayo » installés sur la voie inter-Etats
Cotonou-Bohicon. Ce qui nous a le plus marqué est que le soir même
de cette date, lesdits agents se sont approvisionnés en carburant chez
ces vendeurs de « kpayo ».
Ce sont autant de faits qui contribuent fondamentalement
à l'échec de la lutte entamée depuis et qui pour nous,
revêt un caractère social qu'il faille aborder avec tact, rigueur,
et sérénité. La pratique de la vente illicite de
l'essence, du moment où elle se fait par des êtres humains et plus
dans la société doit faire l'objet d'étude pour le
chercheur.
C'est d'ailleurs un fait social dans la mesure où son
interdiction fragilise la quiétude sociale et conduit à des
crises sociales.
Lorsqu'on fait le point des actions (militaires) menées
par l'autorité politique et qu'on n'est pas arrivé à
panser la plaie ou à résoudre le problème, il
s'avère important de l'approcher sous un autre angle. Cela permettra de
comprendre les fondements socio-économiques qui font obstacle à
son interdiction.
Nous avons choisi la ville de Cotonou comme cadre
d'étude parce qu'elle est la capitale économique et
administrative du pays et partant attire les acteurs sociaux en quête
d'emplois. C'est dans cette ville que circule le plus grand nombre d'engins,
véhicules et où les trafiquants du « Kpayo »
font de bonnes affaires. Il faut noter que c'est aussi la ville qui ressent le
plus l'effet des pénuries d'essence.
Cotonou est notre lieu de résidence, ce qui nous a
facilité la recherche et réduit les dépenses auxquelles
nous serions amenées à faire face, notamment en ce qui concerne
le transport. Ce cadre se prête bien à notre étude parce
que les groupes cibles de premier et second rangs sont facilement
repérables, en l'occurrence les vendeurs en général, les
consommateurs et les décideurs politiques.
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