Conclusion
Comme de nombreux économistes l'affirment, et comme
notre étude le confirme, le financement initial à la
création d'une entreprise est indispensable pour assurer la performance
future et la longévité d'une entreprise. Notre étude porte
principalement sur le financement bancaire qui représente une partie
très importante du financement global de la création
d'entreprise. Nous savons que les femmes subissent un sous-financement par
rapport à leurs homologues masculins et se voient accorder des
prêts au montant moins importants et aux taux plus contraignants. Le
faible montant investi par les femmes limite l'accumulation de capital social,
culturel, humain et financier, et mettent donc des limites à la
capacité des femmes à amasser des économies suffisantes
pour que leur entreprise soit pérenne et performante. Carter et al.
(2001) résument ce processus comme une sous-capitalisation chronique qui
mène à long terme à une sous-performance. Bien que les
banquiers affirment suivre des critères bien précis pour la
sélection des entreprises qu'ils acceptent de financer ou non, nous
pouvions nous demander si les femmes ne subissent pas de discrimination au vue
de ces grandes différences de financement entre hommes et femmes
entrepreneures.
Nous avons pu lors de notre étude, mieux identifier ces
différents critères de choix d'entreprises sur lesquelles les
banquiers se reposent pour décider de financer ou non un projet de
création d'entreprise. Nous avons remarqué que certains
étaient même plus importants que d'autre, notamment le partage du
risque ou l'implication de l'entrepreneur. La mise en parallèle de ces
critères avec les financements reçus par les femmes
entrepreneures, nous ont permis d'observer qu'effectivement, les femmes
répondant à ces critères reçoivent un financement
supérieures à celles qui n'ont pas toutes les
caractéristiques attendues par les banquiers. A ce titre, nous pouvons
soutenir que les femmes, en majorité, ne subissent pas de
discriminations de la part des banquiers. Nous ne remettons pas en cause que
certaines formes de discriminations existent envers les femmes de la part de
certains banquiers, mais nous pouvons affirmer que les critères de choix
des banquiers sont bien respectés pour le financement des femmes
entrepreneures.
Cette constatation nous poussent à ratifier la
thèse de certains économistes, selon laquelle les femmes ne sont
pas discriminées de la part des banquiers, mais que ce sont bien elles
qui ne répondent pas aux critères de sélection des
banquiers. Des études citées en premières
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parties, nous expliquaient que les hommes détiennent
plus de caractéristiques adaptées à l'entrepreneuriat,
notamment la compétitivité ou le goût du challenge.
Cependant, notre étude nous a montré que les banquiers ne portent
pas une grande importance à ces éléments et que ce ne sont
donc pas ceux-ci qui peuvent expliquer le sous-financement des femmes
entrepreneures. Les banquiers sont beaucoup regardants sur le projet en
lui-même, les compétences de l'entrepreneur et la cohérence
de ces deux éléments que sur les traits de caractères de
l'entrepreneur. Nous avons donc dans notre étude cherché à
déterminer les caractéristiques des femmes qui sont en
écarts avec les attentes des banquiers.
Plusieurs éléments semblent en décalage
avec ce que les banquiers recherchent pour financer une entreprise sans
difficulté. Tout d'abord, le type d'entreprise que les femmes
créent en majorité ne correspond pas aux critères des
banquiers. En effet, les banquiers cherchent à limiter le risques au
maximum et acceptent donc d'avantage de financer des reprises d'entreprises
plutôt que des créations, pour lesquelles ils ont accès
à des résultats et à des faits qui leur donnent une
idée du potentiel de l'entreprise, et qui les aident dans leur
décision. Les femmes se tournent en majorité vers la
création d'entreprises, ce qui présente un premier obstacle
à l'accès au financement bancaire.
Les femmes sont également une majorité à
créer des entreprises dans le secteur des services, alors que les
banquiers énoncent que le secteur des services est le moins
évident à financer. Leurs homologues masculins sont eux plus
nombreux à créer des industries, secteur qui est davantage
recherché par les banquiers.
Un élément qui semble très important dans
l'octroi d'un prêt par les banquiers spécialisés en
entreprises, est l'implication du porteur de projet. On voit bien que les
femmes sont relativement impliquées dans leur entreprise, notamment par
le temps qu'elles y consacrent. Cependant, elles sont très nombreuses
à devoir consacrer du temps au soin de leurs proches/famille,
élément qui impacte grandement leur implication dans l'entreprise
et qui peut donc créer un frein pour l'obtention d'un prêt. De
plus, le taux de femmes qui travaillent à domicile est très
élevé (plus d'un tiers). Comme nous l'expliquent certaines
études, cet élément est une caractéristique des
femmes entrepreneures et s'explique par la volonté des femmes de
faciliter la conciliation entre vie privée et vie professionnelle.
Cependant, c'est aussi une démarche qui peut être perçue
comme un manque d'implication de la part des banquiers, ce qui explique
qu'elles soient moins financées que celles qui
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travaillent hors du domicile. Leurs homologues masculins sont
certainement moins nombreux à connaître la contrainte de devoir
accorder du temps pour le soin de leur famille, et ils sont donc moins nombreux
à travailler à domicile, mais surtout, ils peuvent s'investir
davantage dans le développement de leur entreprise.
Comme le défendent les féministes, ces
caractéristiques propres aux femmes entrepreneures existent du fait des
pratiques éducatives et des influences socioculturelles. Pour
réduire les différences de financement, il faut donc donner aux
femmes les mêmes chances de réponse aux critères des
banquiers que les hommes. D'après les féministes, l'Etat peut
augmenter leurs chances en rompant les barrières structurelles que
rencontrent les femmes. On voit de plus en plus, des actions gouvernementales
ayant pour but de réduire les inégalités d'accès
à la création d'entreprise entre hommes et femmes, mais il y a
encore beaucoup d'actions qui peuvent encore être effectuées.
Pour les aider, des outils existent maintenant,
Déjà, des réseaux, des programmes de
formation ou des structures d'accompagnement existent, apportant une
crédibilité et une dynamique entrepreneuriale aux femmes
créatrices d'entreprises, et les aidant tout au long de leur processus
de création d'entreprise à augmenter leur performance, et ainsi
faciliter indirectement leur accès au financement. Aldrich
considère que ces outils sont des leviers de réussite majeurs
qu'il faut développer. Cependant, on remarque que les femmes ne sont
qu'une faible majorité à y avoir eu recours. Surtout, seules les
femmes qui ont un montant de financement faible y ont recours. Comme le disait
Aldrich, les outils d'aides aux entrepreneures sont une clé pour pallier
les différences de financement entre hommes et femmes, mais ils sont
malheureusement mal utilisés par les femmes. Comme nous l'avons
observé, ceci peut s'expliquer par une mauvaise information des femmes
qui ne connaissent pas l'existence de ces outils et qui sont mal
informées sur leur utilité.
On peut conclure de nos observation qu'un
élément qui permettrait de réduire les
inégalités de financement serait la démocratisation des
caractéristiques propres aux femmes, encore trop synonymes de mauvaises
performances pour les banquiers. Les entreprises des services sont en effet des
entreprises qui sont moins fiancées par les banquiers, par manque
d'expérience historique prouvant leur qualité et leurs
possibilités de performances
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financières. Cependant, elles sont de plus en plus
nombreuses et il existera bientôt des exemples de réussite brisant
les doutes des banquiers quant à leur prédisposition à la
réussite. Aussi, le travail à domicile est encore
considéré comme un manque d'implication de l'entrepreneur pour
les banquiers. Cependant, ces caractéristiques propres aux femmes se
démocratisent peu à peu et on peut donc penser que d'ici quelques
années, les difficultés des femmes à accéder
à un financement égal à celui des hommes vont
s'amenuiser.
D'ici là, les femmes ne doivent pas être
perçues comme des victimes d'un système rigide avec peu ou pas de
contrôle sur leur vie. En effet, certaines femmes ont
démontré que toutes ces barrières ne sont pas
insurmontables, et d'après Lister (2003) et Titterton (1992), elles
peuvent tout à fait surmonter les barrières qu'elles rencontrent
et prendre en main la réussite de leur entreprise. Aldrich propose
différents conseils pour que les femmes aient plus facilement
accès au financement de leur projet. Concilier vie professionnelle et
obligations personnelles et familiales lui semble être une
première cause de difficulté qu'il faut pallier. Les femmes
doivent selon lui se donner les moyens de mener à bien leur projet en
planifiant le travail domestique pour qu'il n'ampute pas les devoirs
professionnels.
Il n'est cependant pas si évident pour les femmes de
faire face à ces difficultés, surtout quand leur place dans
l'économie est encore remise en cause.
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