3. Ecarts entre les caractéristiques des entreprises
des femmes et les attentes des banquiers
Les critères de sélection énoncés
par les banquiers et énumérés dans la seconde partie de
l'étude, ont donc bien été respectés par les
banquiers lors de la décision de financement des femmes entrepreneures.
A ce titre, on peut dire que les femmes ne subissent pas de discriminations
évidentes de la part des banquiers pour le financement de leurs projets
entrepreneuriaux.
Si les banquiers respectent effectivement leur critères
de sélection lors de choix de financement des projets de création
d'entreprise, les difficultés rencontrées par les femmes pour
obtenir un prêt bancaire, et surtout les différences de
financement doivent certainement s'expliquer par un manque d'adéquation
entre les caractéristiques des projets des femmes entrepreneures et les
attentes des banquiers.
Pour nous en assurer, nous allons maintenant identifier les
écarts que l'on peut observer à partir des résultats
bruts, entre les caractéristiques des femmes, notamment leur
qualification, leurs motivations, leurs objectifs pour l'entreprise et leur
implication dans l'entreprise, les caractéristiques des entreprises
qu'elles ont créées, notamment le type, le statut, et le secteur
d'activité, ainsi que le partage du risque pour les projets de femmes;
et les attentes des banquiers pour les mêmes éléments.
Nous pourrons avoir ainsi une idée du décalage
qu'il peut y avoir entre les attentes des banquiers pour une décision de
financement d'un projet de création d'entreprise, et les projets des
femmes entrepreneures. Ceci devraient nous permettre de déterminer si
les causes de sous financement des entreprises créées ou reprises
par des femmes est due à une discrimination moins évidente de la
part des institutions bancaires, ou si ce sont ces écarts qui expliquent
les différences de financement entre hommes et femmes entrepreneurs. En
effet, si les écarts entre leur réalisation et les
critères des banques sont trop importants, nous aurons la réponse
à notre problématique qui repose sur l'explication des
différences de financement entre les femmes et les hommes
créateurs d'entreprises.
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a. Origine de l'entreprise
En termes de type d'entreprise, les femmes ne
répondent pas vraiment aux attentes des banquiers. En effet, les
banquiers expliquent qu'il est relativement difficile de financer une
création ex-nihilo pour le risque que cela représente à
cause du manque de vision passée. Les femmes sont 63,3% à
créer des entreprises ex-nihilo ce qui limite donc leur accès au
financement bancaire. Elles sont tout de même un tiers à reprendre
des entreprises, et à accéder plus facilement aux prêts
grâce aux faits que les résultats passés de l'entreprise
sont accessibles aux banquiers, facilitant donc leur décision d'octroi
d'un prêt.
D'autre part, les femmes répondent tout-à-fait
aux attentes des banquiers quant à leurs motivations à
entreprendre. Contrairement à ce que les textes économiques
relatent, les femmes sont bien plus nombreuses à créer leur
entreprise pour des facteurs d'attraction. Très peu se lancent dans la
création d'entreprise par obligations mais d'avantage par envie de
réalisation, de défi personnelle et de réussite
professionnelle, et c'est parfaitement ce que les banquiers recherchent.
b. L'entreprise
Comme l'énoncent les études économiques,
les femmes sont nombreuses à créer des entreprises dans le
secteur des services (36,7%). Sur ce point, elles sont en décalages avec
les attentes des banquiers puisqu'ils affirment que les services à la
personne sont les secteurs les plus difficiles à financer par les
banques. Les secteurs les plus facilement financés sont le commerce,
l'artisanat et l'industrie. Une grande partie des femmes entrepreneures
créent tout de même des commerces et des entreprises d'artisanat
(20 et16,7%), ce qui devrait leur permettre un accès plus facile aux
prêts.
Les statuts d'entreprises les plus financés par les
banquiers sont les SARL. Les femmes sont malheureusement peu nombreuses
à opter pour ce statut (26,7%), bien qu'il arrive en seconde position.
Les femmes sont en effet très nombreuses à créer des
entreprises
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unipersonnelles ou entreprises individuelles (63,3%). La
facilité de financement de ce statut diffère selon les banques
mais est tout de même le plus compliqué pour un des
spécialistes. Les objectifs à long terme souhaités par les
femmes correspondent à ceux attendus par les banquiers. Cependant,
l'avidité des femmes pour le développement de leur entreprise en
termes d'effectif, de taille et leur goût pour le maintien de la
situation actuelle témoignent de leur manque d'ambition.
c. L'entrepreneure
Les banquiers reposent peu leur décision sur la
personnalité du créateur d'entreprise mais principalement sur son
implication dans l'entreprise et sur sa vision à long terme du projet.
Les femmes étant nombreuses à être gérantes (96,7%)
de leur entreprise et à y consacrer plus de 40 heures par semaine (60%),
c'est un premier indicateur de leur forte implication dans l'entreprise.
Cependant, elles sont nombreuses à travailler à domicile (36,7%)
et surtout à devoir dédier une partie de leur temps pour
l'attention de leur famille (63,3%). Même si ces éléments
ne remettent aucunement en question la motivation des femmes, ils constituent
certainement des contraintes empêchant à la créatrice de
s'investir pleinement, et représentent donc des freins à
l'obtention d'un prêt.
d. Financement
On constate dans la partie financement des résultats
que le partage du risque, avec notamment un apport personnel de la part du
créateur à hauteur du prêt demandé, et les
garanties, en particulier l'accord d'un fonds de garanties tel qu'OSEO, sont
très importants pour l'acceptation d'un prêt bancaire à un
entrepreneur.
Quand on se penche sur l'expérience des femmes, on voit
qu'elles sont très nombreuses à avoir impliqué un apport
personnel dans le financement de leur entreprise (70%). Cependant, c'est un
apport relativement faible puisqu'il est en moyenne de 7 800 euros. Les
études expliquent bien que l'apport personnel représente une
proportion de plus en plus importante dans le financement au démarrage
d'une entreprise. Aussi, le montant de l'apport personnel des femmes ne
représente en moyenne que 12% du financement total, ce qui
représente une partie de réponse à l'explication du faible
financement des banques
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aux femmes. On distingue aussi que les femmes sont nombreuses
à devoir apporter des garanties personnelles auprès des
financeurs (40%) mais que peu d'entre elles ont utilisé l'accord d'un
fonds de garanties pour le financement de leur entreprise (16,7%). Ce manque
rend les banques d'autant plus frileuses que cet élément semble
très important à leurs yeux pour valider l'octroi d'un prêt
pour un créateur d'entreprise. Cette inconvenance des femmes
entrepreneures s'explique certainement par un manque d'informations quant aux
outils existants pour les aider dans l'obtention d'un prêt bancaire. On
peut confirmer cette affirmation par l'observation des résultats aux
questions relatives à la connaissance du Fonds de garantie à
l'initiative des femmes (36,7%) et de l'instrument de microfinancement Progress
(10%), qui confirme les études disant que le manque d'utilisation des
outils d'aide et d'accompagnement des femmes, et dû à l'ignorance
de l'existence de ce type d'organisme ou de structure, à la
méconnaissance de la nature de l'appui susceptible d'être
supporté par ce type d'organisme ou structures, ou au sentiment de ne
pas avoir la possibilité de bénéficier de cet appui.
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