B- Traitements pédagogiques, facteur
d'inégalité
Pour aborder les différences de traitement
pédagogiques, il semble important de revenir sur les questions relatives
à la mixité scolaire, ses déconvenues et ses apports dans
la course à l'égalité des sexes. La mixité scolaire
a longtemps été l'objet d'une controverse, aujourd'hui encore. Un
accord est établi sur le fait que la mixité est un premier pas
vers l'égalité, d'autant plus dans le secteur éducatif que
représente la scolarité. Néanmoins, la mixité est
loin d'avoir supprimé toutes les inégalités. Des
recherches sont menées en 1995 par Duru-Bellat, les filles et les
garçons auraient tendance à se conformer dans les
représentations liées à leur genre : les filles seraient
soucieuses de leur apparence physique, plus en retrait que les garçons.
Néanmoins, ces observations varient selon le milieu social et
géographique, mais également et surtout dans le temps.
L'école mixte n'entraine pas automatiquement une égalité
de parcours scolaire et de chance aux élèves comme on pourrait le
penser. En effet, les différences d'éducation, de milieu social
de chacun et représentations sociales selon le genre sexué,
interfèrent beaucoup sur le parcours de chacun et chacune. « Le
sexe marque le parcours, alors que l'institution scolaire se veut neutre et ne
tolère aucune discrimination »24. Cette citation marque
le fait que l'école ne peut résoudre à elle-seule les
problèmes d'inégalité qui subsistent au niveau
sociétal. Duru-Bellat met en place des observations pour son
étude, celles-ci révèlent que les maîtres recourent
fréquemment aux oppositions entre garçons et filles dans la
gestion quotidienne de leur classe. Une étude de Zaidman en 1996
révèle que dès l'école primaire, beaucoup
d'enseignants placent alternativement un garçon et une fille dans leur
plan de classe afin de favoriser un climat de travail et optimiser la
discipline. L'étude de Younger et Alii en 2002 montre que les
enseignants consacrent un peu moins de temps aux filles (environ 44% de leur
temps, contre 56% pour les garçons), étude à prendre en
compte dès lors qu'on comptabilise le temps qu'un élève
passe en classe. Selon cette même étude de 2002, « les
garçons reçoivent un enseignement plus personnalisé, alors
que les filles sont davantage perçues et traitées comme un groupe
»25. Les garçons sont davantage
réprimandés par les enseignants, ceux-ci semblent soucieux de ne
pas se laisser déborder par la gente masculine. Des différences
dans la notation apparaissent, les garçons seraient notés plus
sévèrement que les filles (étude réalisée et
mesurée par des épreuves standardisées). Ce
phénomène soutient une fois de plus le fait que les
garçons font l'objet d'une attention plus appuyée, d'un
enseignement plus individualisé que les filles car davantage sujet
à des attentes importantes de la part des enseignants.
24 DURU-BELLAT Marie, « Ce que la mixité
fait aux élèves », Revue de l'OFCE, 2010/3 n°114, p.
199. DOI : 10.3917/reof.114.0197
25 Ibid., p. 200
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- Emancipation et représentations sexuées des
femmes dans le système fédéral du tennis français
-
On constate donc que malgré une mixité scolaire
voulue, mise en place et appliquée, les enseignants (dans une relative
inconscience) ont des attentes et méthodes pédagogiques
diversifiées en fonction du sexe de l'élève. Selon
Vouillot en 2002, « les choix d'orientation qui engagent et
révèlent aux yeux des autres ce qu'on veut devenir, restent aussi
conformes aux stéréotypes du masculin et du féminin
». Selon Geneviève Fraisse, « la mixité n'est ni un
objectif politique, ni un instrument sûr, c'est une expérience
propre à l'espace démocratique »26. Cette
citation révèle le caractère insuffisant de la
mixité dans la quête à l'égalité des sexes.
En effet, elle n'est pas un moyen sûr, elle n'est qu'un outil
bénéfique mais également des préjudiciable à
travers une conformation des représentations et
stéréotypes sexués.
Dans le milieu sportif, les traitements pédagogiques
varient aussi selon les sexes. A la fin des années 1980, des femmes
s'engagent dans une volonté d'émancipation concernant
différents ordres sociaux, moraux, esthétiques et
médicaux, qui structure la société. Une question illustre
alors la teneur du développement qui se joue à l'époque :
« La liberté de choix n'existe-t-elle que pour les hommes ? ».
Le football féminin fait l'objet à cette période d'un
certain conservatisme qui subsiste face à cette pratique semblant «
trop » novatrice pour l'époque. Des études vont être
menées sur l'implication des femmes dans le football sous quatre angles
: « La façon dont les femmes vivent le monde du football ; la
footballeuse et sa construction identitaire ; la joueuse de football et son
corps ; le partage du jeu entre les hommes et les femmes »27 Le
simple fait que des travaux soient effectués sur ce sujet évoque
une prise de conscience sur l'inégalité présente entre les
sexes sur le secteur sportif. Le football étant un sport
particulièrement représentatif de par sa connotation très
masculine. En effet seulement 2% des licenciés de football en France
sont des femmes.
En 1999, Sheila Scraton s'intéresse au sujet et conclue
de ses observations que le football féminin ne menace pas l'ordre qui
régit les rapports entre les sexes. En effet, il renforcerait même
les contours de la masculinité bien plus qu'il n'accorderait une
redéfinition de la vision traditionnelle de la femme. La mixité
dans le football est abordée dans les travaux de M. Henry et Howard P.
Comeaux en 1999. La mixité ayant pour but d'instaurer une
égalité est contrée par l'omniprésence masculine
sur le plan physique. Les rapports contrastés entre les hommes et les
femmes sont mis en évidence. Le sens tactique et la technicité
présents dans le football semblent être des points de ralliement
entre la pratique masculine et féminine, car pas ou peu de
différences apparaissent selon le discours des analystes.
26 FRAISSE Geneviève, « Que penser d'une
évidence ? », Travail, genre et sociétés,
2004/1 N° 11, p. 197. DOI : 10.3917/tgs.011.0195
27 TRAVERT Maxime et SOTO Hélène, «
Une passion féminine pour une pratique masculine : le football »,
Sociétés, 2009/1 n°103, p.86. DOI : 10.3917/soc.103.0085
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- Emancipation et représentations sexuées des
femmes dans le système fédéral du tennis français
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Néanmoins, la dimension physique au sens de la
rapidité d'exécution et de la puissance développées
par le jeu masculin, semble souligner une forte inégalité entre
les femmes et les hommes. Nous avons à faire là à des
inégalités physiologiques, plus que sociologiques. La pratique
féminine du football souffre du fait qu'un facteur de comparaison
apparaît quasi-systématiquement avec la pratique masculine
dès lors qu'on l'étudie. Ceci étant dû à la
prépondérance écrasante des hommes sur ce sport (Les
hommes représentant 98% des licenciés de football en France). En
2009, seulement 19,5% des titulaires du Brevet d'Etat d'Educateur Sportif sont
des femmes. Les rapports sociaux de sexe hommes/femmes sont comme on peut
l'imaginer facilement, stéréotypés. Ces
stéréotypes jouent un rôle conséquent dans la
considération et l'enseignement (notamment en Alpinisme). Ainsi un guide
de montagne, abordera de manière spécifique une clientèle
féminine, régie par les stéréotypes sexués
qui contribuent à reproduire les rapports sociaux de sexe
préexistants, et à entretenir, dans l'esprit des hommes comme des
femmes, les stéréotypes sexués. L'étude est
menée par rapport à une analyse de discours (qui doit être
dissociée de la réalité pratique), certainement subjectifs
mais on ne peut plus révélateur du ressenti des guides. Le fait
d'enseigner à des hommes ou à des femmes ne peut être
mené de façon neutre, ceci étant du aux rapports sociaux
sexués, et stéréotypés.28
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