III.2.2. Etude des
métapélites et chemins P-T-t
Reconstruire l'histoire d'une roche métamorphique, par
exemple en créant son chemin PT- t, dépend de l'apparition des
phases indicatrices des conditions PT.
Il faut pour cela que de telles phases existent ! Il se
comprend intuitivement que plus le système chimique sera complexe et
plus de nouvelles phases seront susceptibles d'apparaître. La
règle des phases de Gibbs l'illustre un peu différemment : elle
relie le nombre de variables du système au nombre de contraintes que le
système connaît. Elle exprime le degré de liberté du
système, sa variance V, qui s'écrit : V =
ncs + 2 - ncph (1-1)
Le chiffre 2 représente le nombre de paramètres
intensifs s'appliquant au système, dans notre cas ce sont P et T.
ncs est le nombre de composants du système,
ncph le nombre de composants de phases du système.
Les composants du système sont les espèces
chimiques nécessaires à exprimer la variabilité chimique
du système. Les composants de phases sont les espèces chimiques
nécessaires pour décrire la variabilité chimique d'une
phase spécifique. La phase, que dans notre cas on peut appeler le
minéral, est une substance aux propriétés
physico-chimiques homogènes.
Une variance nulle indiquera un point dit invariant dans
l'espace P-T, égale à l'unité elle dessinera une droite,
à deux elle délimitera un champ. Dans le cas bien connu des
silicates d'alumine, observer andalousite, sillimanite et disthène
à l'équilibre implique une seule condition de P et T : le
système peut n'être décrit que par un seul composant
Al2SiO5, et trois phases minérales
différentes coexistent donc la variance est nulle. Si l'on n'observe
qu'une seule des trois phases, la paragenèse a une variance égale
à deux et l'information thermobarométrique est alors plus
limitée. Il en va de même pour les polymorphes du quartz.
Augmenter le nombre de composants du système ainsi que sa
complexité chimique provoque l'augmentation du nombre de phases
susceptibles d'apparaître, et également le nombre de
paragenèses susceptibles d'être observées. C'est là
tout l'intérêt de l'étude du métamorphisme des
métapélites. Ces roches présentent un système
suffisamment complexe sans être inabordable (90% des schistes
pélitiques sont compris dans le système KFMASH, d'après
Spear, 1993).
Elles ont permis la création de nombreuses grilles
pétrogénétiques telles que présenté en
figure 26, à l'aide des propriétés thermodynamiques des
phases et/ou des expériences de calibration / encadrement des
réactions minéralogiques.
La cinétique plus faible des réactions de
rétromorphose (le passage des conditions du pic de métamorphisme
aux conditions de l'affleurement) permet fréquemment de conserver
plusieurs paragenèses au sein d'une même roche,
dépendamment bien sûr des vitesses de refroidissement et
d'exhumation. Par l'étude thermobarométrique des minéraux
en inclusion, par exemple dans les grenats, ou des zonations, on peut
accéder aux conditions de cristallisation durant le métamorphisme
prograde. Les informations ainsi extraites permettent de retracer le chemin
P-T-t de la roche métamorphique ou de l'unité si plusieurs roches
sont utilisées. Reconstruire un chemin P-T est une chose difficile car
les informations thermobarométriques sont souvent très
lacunaires, empêchant de connaître le trajet suivi par la roche
entre deux points P-T. Un exemple de chemin P-T établi à partir
de grilles pétrogénétiques est présenté en
figure 26.
Il y apparaît clairement que les arguments texturaux
restent majeurs dans ce type de travail.
Fig.26 : diagramme P-T schématique
présentant l'évolution polyphasée de grenats originaires
des micaschistes à grenats et chloritoïdes du massif du Grand
Paradis, d'après Le Bayon et al. (2006).
Deux types de grenats ont été identifiés
au sein de la même unité, l'un ayant enregistré une
histoire anté-alpine (varisque) puis fracturé et dissous,
possiblement pendant l'exhumation des roches varisques. Le second type de
grenat représente un nouveau stade de croissance minérale
développé pendant la subduction puis l'exhumation de la
croûte continentale européenne dans la zone de convergence des
plaques adriatique et européenne. Ces résultats ont
été obtenus grâce au logiciel THERMOCALC
développé par Powell et Holland (1988) qui permet de construire
des pseudos sections
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