III.2. FACIES ET GRADIENTS
METAMORPHIQUES
Le concept de faciès métamorphiques a
été introduit par le pétrologue ESKOLA au début du
siècle dernier.
Comparant ses travaux à ceux de GOLDSHMIDT (1927) qui
étudiait une autre auréole de contact, il émit
l'idée que les roches de composition similaires présentant des
assemblages minéralogiques différents avaient pu connaître
des conditions de pression (P) et de température (T) de cristallisation
différentes. Sa vision plus globale que les concepts de l'époque,
prenant en compte les assemblages minéralogiques (et donc les
équilibres thermodynamiques entre plusieurs phases) et non plus
exclusivement des minéraux indicateurs de l'intensité du
métamorphisme, permit la définition des faciès
métamorphiques.
Ceux-ci sont l'expression de la relation entre l'assemblage
minéralogique (la paragenèse, l'association de minéraux
à l'équilibre) et la composition de la roche totale.
Les faciès métamorphiques varient donc selon P
et T, comme l'illustre la Figure1. Ils ont été définis
originellement pour des paragenèses de roches mafiques. Les limites
entre les différents faciès peuvent donc être clairement
représentées pour ces roches uniquement, et on pourrait
définir un faciès pour chaque protolithe différent.
Limiter le nombre de faciès en leur fournissant une définition
dans l'espace PT a fait de ceux-ci des outils simples de communication.
Fig.25 : Diagramme P-T présentant les principaux
faciès métamorphiques
La notion de gradient
métamorphique s'est imposée sur l'observation de terrain du
métamorphisme régional spatialement croissant. Reportés
dans l'espace P-T, on observe une ligne, évolution
régulière reliant les pics de métamorphisme
rencontrés par les roches. En résumé, les trois gradients
principaux (HP/BT, MP/HT, HT/BP) correspondent chacun à un contexte
géologique différent, respectivement de subduction,
d'épaississement crustal puis de métamorphisme de contact ou
d'amincissement crustal. Dans l'espace P-T, les gradients métamorphiques
sont limités par les conditions physiques régnant actuellement
sur Terre : il y a une limite inférieure au gradient de HP/BT, environ
5°C/km, tout comme il y a des températures et pressions maximales
que les roches terrestres n'ont aucune chance de franchir en conditions
naturelles.
III.2.1. Les variables du
métamorphisme
Les réactions métamorphiques ont lieu lorsque
les roches sortent de leur environnement d'origine.
Nous devrons nous intéresser aux environnements
initiaux et finaux pour comprendre ces réactions. On pensera tout
d'abord à la composition de la roche.
Les minéraux bien sûrs, dont la structure est
aussi importante que la composition, mais également les fluides, dont le
rôle est difficile à apprécier lorsqu'ils ne sont pas
connus. La composition de la roche totale et des fluides et autres
éléments volatils interagissant avec elles définiront le
système chimique, permettant ou non à certains minéraux de
se développer. Cette notion fondamentale est très simple à
illustrer par un exemple : le métamorphisme d'un carbonate pur, quel
qu'en soit l'intensité, ne permettra pas l'apparition du moindre
silicate. Les contraintes externes appliquées au système sont
d'importance prépondérante.
Parmi elles, P et T sont très souvent citées,
mais l'état de contrainte et particulièrement la contrainte
déviatorique peuvent agir de façon non négligeable. Les
autres variables couramment utilisées, telles que fugacité
d'oxygène ou activité d'eau, dépendent des
précédentes. Si l'on connaît tous les
éléments cités plus haut et leurs effets, alors l'on
devrait être en mesure de prédire l'évolution des roches ou
d'en retracer l'histoire, comme nous le verrons plus loin. L'outil
thermodynamique est pour cela très précieux. Toutefois, une
dernière variable, outil majeur ou obstacle difficile à
surmonter, est d'importance dans l'étude du métamorphisme : le
temps (t). Quand bien même tous les processus et variables
définissant l'équilibre seraient connus et correctement
décrits, il n'en resterait pas moins que les roches à la surface
de la croûte terrestre sont majoritairement constituées de
minéraux bien loin de leurs conditions de formation et
d'équilibre. La faute aux cinétiques des réactions
chimiques, aux très faibles vitesses de diffusion à basses
températures, aux barrières énergétiques difficiles
à franchir qui empêchent les minéraux de réagir pour
amener entre les mains du géologue des roches n'ayant pas subi de
changement notable depuis le manteau qu'elles connurent des dizaines de
millions d'années plus tôt. Pour cette raison, la
thermobarométrie et la création de chemins P-T-t sont possibles
à basse température, mais plus compliquées qu'à
haute température, au point que la stabilité même des
argiles soit questionnée (Jiang et al. 1990 ; Essene et Peacor,
1995).
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