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Croissance, marché du travail et pauvreté: les leçons de l'expérience camerounaise sur la période 1991 - 2011

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par Victor KITIO
Université de Dschang - Master of Science (M.Sc) en Sciences Economiques 2013
  

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2.3. LA RELATION CROISSANCE-EMPLOI-PAUVRETE : UNE REVUE DE LA LITTERATURE

Les auteurs ont-ils toujours considéré la croissance comme un facteur favorable à l'emploi ? Ou alors la convergence est elle du coté de l'emploi comme déterminant de la croissance ? Que dire de l'interaction croissance-emploi-réduction de la pauvreté dans les pays en développement en général, et au Cameroun en particulier? C'est en filigrane les questions auxquelles ce cadre théorique et empirique prétend répondre. Cette réponse peut cependant être déclinée en deux grandes approches analytiques. D'une part, une revue des travaux théoriques qui résume les théories d'Okun et ses extensions ainsi que les approches en termes de croissance endogène et d'autre part les travaux empiriques auxquelles se combinent toutes les tentatives récentes d'analyse de la relation croissance-emploi-pauvreté, appliqués à l'Afrique en général et au Cameroun en particulier : Toutes choses qui posent les jalons des hypothèses de cette recherche.

2.3.1. Revue des travaux théoriques

Il existe deux approches théoriques majeures mettant en relation la croissance et la quantité de travail : les travaux fondateurs d'Okun et la théorie de la croissance endogène.

2.3.1.1. Les travaux fondateurs d'Okun et ses extensions

Aux sources de la profusion des travaux sur le tandem croissance-emploi se trouve l'article d'Arthur Okun (1962). En se servant des données trimestrielles de l'économie Américaine sur la période 1947-1960, Okun parvient à montrer qu'il existe entre le chômage et la croissance une relation inverse d'approximativement 1 pour 3. En d'autre termes, une réduction de 1% du taux de chômage est de nature à accroître le produit de 3% et inversement. Ainsi pour un niveau stable de la population active, une augmentation de la production induit un accroissement de l'emploi. Pour parvenir à ce résultat, Okun se propose initialement de mesurer le produit potentiel comme concept de court terme et essentiel dans la formulation des politiques monétaires et fiscales. Il définit le produit potentiel comme le niveau de produit correspondant à un taux de chômage de 4%. C'est une mesure des capacités de production qui permet de définir l'effort de production à réaliser pour ramener le taux de chômage au seuil minimal de 4%. Pour ce faire Okun utilise les trois spécifications suivantes :

a) La méthode des différences premières

Cette méthode consiste à régresser les variations du chômage (Y) sur les variations de la production nationale (X) en pourcentage.

Y= á + âX +å

En utilisant des données trimestrielles de 1947 à 1960, Okun obtient la relation ajustée suivante :

Y=0,30 -0,30X R2=0,79

Ainsi sur la base de cette estimation, le chômage croîtra d'un trimestre à l'autre de 0,3 point si le produit national demeure inchangé. De la même manière, une augmentation d'un point du produit national entraîne une baisse de 0,3 points du chômage. Ainsi à chaque point du temps, en prenant le trimestre précédent comme donné, un point supplémentaire du chômage génère une baisse de 3,3% du produit national.

b) La méthode du triple écart

Cette méthode consiste à sélectionner et à tester certains sentiers exponentiels du produit potentiel. Les critères ici sont la qualité d'ajustement, l'absence de tendance dans les résidus, et le principe selon lequel le produit potentiel devrait égaler le produit effectif pour un taux de chômage de 4%. On a la spécification suivante : U= a + b (gap) + å

La relation ajustée est la suivante : U= 3,72 + 0,36 (gap)

Selon cette approche, un accroissement du taux de chômage de 1% est associé à une perte de produit potentiel de 2,8%, ou un peu plus s'agissant du produit effectif si celui-ci est en dessous du produit potentiel.

c) La méthode de la tendance ajustée et de l'élasticité

La première méthode décrite utilisait les variations du chômage et du produit. La seconde méthode utilisait des variables à niveau, mais supposait la tendance de croissance du produit pour un niveau constant de taux de chômage. Il est cependant également possible de dériver le coefficient emploi produit des données à niveau sans supposer de tendance. Le présent modèle permet ce type de calcul :

Log (Nt) = Log ( ) + log(At) - (ar)t

N est l'emploi total à la période t, P0 le niveau initial du produit potentiel, r le taux de croissance du produit potentiel, A le produit effectif, a l'élasticité constante du taux de sous-emploi au taux d'utilisation des capacités de production.

Il émerge de cette spécification que le coefficient d'élasticité estimé varie entre 0,35 et 0,40, suggérant qu'une augmentation d'un point du produit effectif impliquerait un glissement légèrement inférieur à 3% de l'emploi vers le haut. L'uniformité qui résulte de ces différentes méthodes est l'existence d'un rapport de 3 pour 1 entre la croissance du produit et l'emploi.

Cette uniformité s'explique par le fait que la modification du produit, et donc de la croissance, induit une baisse du taux d'intérêt, un accroissement des investissements et du nombre de postes de travail disponibles. Par ailleurs, la croissance modifie la structure de la population active, en accroissant le nombre d'heures ouvrées du fait d'une préférence accrue pour le marché du travail, elle-même relative à l'accroissement des opportunités de gain.

Cette relation qualifiée de loi d'Okun a véritablement gagné la conviction des économistes à en croire Gordon (1984). Selon celui-ci : « cette relation est devenue populaire en macroéconomie parce que d'une part, elle s'est avérée suffisamment stable et fiable durant ces vingt dernières années pour être érigée en loi, et d'autre part, elle a court-circuité toutes les autres études les unes aussi complexes que les autres, qui ont analysé et expliqué la relation croissance économique - chômage ». 25(*)

Traitant de la loi d'Okun, il est indispensable de présenter quoique brièvement des travaux récents portant sur les asymétries de celle-ci. Récemment, des études ont eu pour objectif de discuter de la stabilité du coefficient d'Okun. En ce sens, elles ont testé empiriquement l'asymétrie de cette relation et mis en évidence le fait que les phases d'expansion et de récession de l'activité n'avaient pas les mêmes effets sur le chômage sur les données américaines (Courtney, 1991 ; Palley, 1993 ; Lee, 2000 ; Virèn, 2001 in Harris et al, 2001). Pour ces auteurs, l'asymétrie de cette relation est due à la substitution des facteurs de production selon les phases du cycle, les fluctuations de la productivité, ainsi que les variations dans la distribution des taux de croissance par secteur d'activité. En outre, Courtney (1991) conclut par exemple qu'imposer une symétrie dans l'estimation de la loi d'Okun conduit à une sous-évaluation de l'accroissement du chômage (baisse de l'emploi) durant les récessions et à une surévaluation de la réduction chômage (hausse de l'emploi) durant les phases d'expansion. Au total, l'analyse d'Okun donne une part importante à la croissance dans la dynamique de l'emploi. Cependant, il lui est souvent reproché d'être pas trop statistique. Les analyses basées sur la croissance endogène que nous allons aborder dans la suite de cette sous section se proposent de pallier cette lacune, mais également d'enrichir la théorie des spécificités Africaines de la relation.

2.3.1.2. Les approches en termes de croissance endogène

Des analyses vont se succéder dans la décennie 1990, à la suite des théories de la croissance endogène, pour tenter de donner un substrat théorique à la relation découverte par Okun. On va ainsi noter les travaux de Aghion et Howitt (1992) qui en utilisant la version schumpétérienne du modèle de croissance endogène montrent que lorsque la croissance est essentiellement portée par le progrès technique, le processus de « destruction créatrice » énoncé par Schumpeter, peut générer un haut niveau de chômage durant les périodes où les nouvelles technologies remplacent les anciennes.

Il convient de dire que l'arrivée d'une nouvelle technologie induit l'inutilité de tous les emplois afférents à l'ancienne technologie. Par exemple, l'arrivée d'un ordinateur qui est à mesure à la fois de faire du traitement de texte, du graphisme, de l'arithmétique induit de fait une perte d'au moins deux emplois relatifs à ces différentes tâches. Ainsi un employeur préfèrera former une secrétaire qui ferra à la fois du traitement de texte, du graphisme et de l'arithmétique. Les deux autres emplois seront ainsi perdus. Par ailleurs, la nouvelle technologie peut créer de nouveaux emplois, dans la mesure où, pour prendre l'exemple précédent, l'arrivée d'un ordinateur suppose la nécessité d'embaucher des agents de maintenance, des analystes programmeurs, sans compter tous les métiers et autres emplois indirects (relevant notamment de la généralisation de l'usage de l'outil informatique). Au total, la croissance étant alimentée par le processus de destruction créatrice, peut entraîner une perte élevée (un gain élevé) d'emplois, tout dépend alors du rapport entre le nombre d'emplois créés et le nombre d'emplois détruits. Pissarides et Mortensen (1994) développent un modèle similaire, et montrent que le sens de la causalité dépend essentiellement de la comparaison entre l'effet de capitalisation et l'effet de destruction créatrice26(*)Pour ces auteurs, tout dépend de la facilité avec laquelle les firmes se déplacent vers la frontière technologique. A ce niveau, il faut noter que la vitesse d'innovation au sein d'une entreprise détermine la vitesse de création (destruction) des emplois. Plus la fréquence des innovations est élevée, plus la fréquence des destructions (création) est élevée.

Cependant, il est de plus en plus admis à la suite des travaux de Pissarides (1990), qu'à court terme, la croissance économique peut favoriser une destruction des emplois, créant ainsi un chômage frictionnel. Mais à long terme, la croissance est favorable à l'emploi. Ericksson (1997) pense que la question pertinente n'est pas celle de savoir si la croissance crée ou détruit des emplois, mais de savoir sous quelles conditions un arbitrage est possible entre croissance et emploi. En d'autres termes, peut-on simultanément accroître la production et l'emploi ? ClasEricksson se sert pour répondre à cette préoccupation, d'un modèle sur la base de Pissarides(1990), mais intégrant des préférences conformes au modèle de croissance optimale de Ramsey. Le modèle de Pissaridesdécrit un marché du travail dans lequel la recherche et l'ajustement entre postes vacants et emplois demandés se fait à travers un processus de recherche à l'initiative du quel se trouve chacun des protagonistes. Ainsi l'entreprise recherche activement des employés et pourvoit des postes en fonction de ce qu'il lui coûte de garder des postes vacants. Ce coût est fonction du salaire en vigueur. De la même manière, le travailleur recherche activement un travail, en se donnant comme limite inférieure de salaire le montant de l'allocation chômage. Le volume de l'emploi est ainsi égal à la différence entre le nombre de postes vacants pourvus, et le nombre de postes libérés. L'état stationnaire, c'est-à-dire le niveau de chômage qui correspond à un flux d'emploi nul est alors fonction du volume d'emploi qui correspond au nombre de postes vacants, du taux de débauche et de la taille du marché du travail. La taille du marché du travail est ainsi définie comme le rapport entre le nombre de postes vacants et le nombre de chômeurs. Ericksson introduit des préférences inter temporelles des ménages dans le programme du producteur. On note ici que le programme du producteur consiste en la maximisation de son profit (différence entre sa production, le coût inhérent aux postes vacants et les coûts de production). Il montre ainsi que quelque soit le régime de croissance, exogène ou endogène27(*), sous l'hypothèse d'une faible élasticité de substitution inter temporelle de la consommation des ménages, c'est-à-dire, si le profil de consommation des ménages se modifie peu lorsque les prix changent dans le temps, la croissance induit une hausse du taux d'intérêt. De cette hausse dérive deux résultats principaux.

Résultat 1 : dans la mesure où le choix de l'entreprise de pourvoir à un poste dépend de la comparaison entre le coût d'un poste vacant et le taux d'intérêt, lorsque la croissance est stimulée par des investissements en recherche et développement, financés par l'Etat, il existe un arbitrage entre emploi et croissance, car il est alors moins coûteux de conserver un poste vacant. Une augmentation de la croissance se traduit alors par une baisse de l'emploi.

Résultat 2 : si la croissance est stimulée par la baisse de la taxation sur le capital, l'octroi des allocations chômage, ou les préférences des consommateurs, ce qui est bon pour la croissance l'est aussi pour l'emploi. En effet, il y a à la foi un effet revenu résultant de la baisse du coût du capital, et une hausse du pouvoir d'achat et des capacités de recherche des chômeurs. La croissance induit alors une hausse de l'emploi.

Cette analyse d'Ericksson est intéressante dans la mesure où elle intègre l'étendue et la complexité du marché du travail. Notamment l'interrelation entre l'offre et la demande quantitative de travail, la spécificité des préférences individuelles et la relation salariale dans un processus de long terme. Cependant cette analyse a la faiblesse d'être très dépendante de l'élasticité de substitution inter temporelle du consommateur. Par ailleurs le modèle présenté est complexe à tester car il met en exergue des variables qui ne sont pas toujours observables dans la réalité (l'élasticité inter temporelle par exemple).

Face à ce débat théorique important, une littérature s'est récemment développée pour examiner la relation entre la croissance et la réduction de la pauvreté avec l'emploi comme variable de liaison.

* 25 Cité par Mortensen, D T et C.A. Pissarides (1994). «Job creation, Job destruction, in the theory of unemployment» Review of economics studies, vol. 8 No 17 pp. 33-47.

* 26 L'effet de capitalisation représente les effets bénéfiques d'une nouvelle technologie. VoirMortensen D et Pissarides CA « Job creations and job destruction in the theory of unemployment », review of economy studies,

1994, vol.6 No11 pp.23-29.

* 27 A ce niveau la fonction de production peut être conforme à celle du modèle de Solow (1956) avec un progrès

Technique exogène ou être définie sous l'hypothèse de l'existence d'externalité positives de la technologie.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry