2.2.3.3. Mesure de la
pauvreté
Autant il est difficile de donner une définition claire
et dépourvue de toute ambiguïté de la pauvreté,
autant il est difficile de pouvoir la mesurer ou de la quantifier. En effet la
diversité conceptuelle qui entoure la notion de pauvreté est
évidemment problématique au moment de l'élaboration des
indicateurs empiriques d'évaluation de la pauvreté
(Razafindrakoto et Raubaud, 2005).
La quantification de la pauvreté passe par la
détermination du niveau de bien-être des individus et d'un seuil
à partir duquel une personne peut être considérée
comme pauvre. La détermination du seuil de pauvreté se fait au
moyen d'indicateurs composites et d'indices de pauvreté.
a) L'approche
monétaire
Pour évaluer la pauvreté monétaire, on
utilise généralement le revenu ou la consommation comme
indicateur de bien-être. Pour se faire, on doit disposer des
données exhaustives sur le niveau de revenu ou de dépense des
ménages. Très souvent, la consommation est
préférée au revenu, dans la mesure où la
consommation des ménages est étroitement liée au
bien-être de ceux-ci, alors que le revenu courant est un mauvais reflet
des ressources du ménage. En effet le revenu d'un ménage ne
représente pas toujours sa consommation. Il est
généralement largement sous-estimé, et constitue une
piètre approximation du bien-être (Fambon, 2004).
La détermination du seuil de pauvreté dans le
cadre des études se basant sur un indicateur de bien-être fait
l'objet de divergence au sein du collectif des analystes. Les points de vue
restent partagés quant à l'adoption d'un seuil de pauvreté
absolu qui représente le montant minimum nécessaire à un
individu pour se procurer ses besoins fondamentaux sur le marché, c'est
la méthode adoptée par L'INS Cameroun. Où l'adoption d'un
revenu médian, qui représente le montant minimum pour atteindre
un niveau de bien être ordinairement observé dans la
société, c'est le cas de L'INSEE (Institut National de la
Statistique et des Etudes Economiques) qui retient généralement
50 % du revenu médian. Alors qu'au niveau Européen, les
statisticiens retiennent 60 % du revenu médian (Lekeumo, 2008). Alors,
on retient comme pauvre tout ménage dont le niveau de vie est
très inférieur à celui de la majorité de la
population, qui a un niveau de vie inférieur à cette ligne.
La Banque Mondiale fonde son évaluation de la
pauvreté dans le monde sur deux seuils de pauvreté reconnu au
plan international, un et deux dollars environ par jour en parité de
pouvoir d'achat de 1993. Le seuil de un dollar par jour est un seuil
caractéristique des pays à faible revenu et le seuil de deux
dollars celui des pays à revenu intermédiaire.
b) L'approche non
monétaire
La pauvreté est de plus en plus
appréhendée par les auteurs comme un phénomène
multidimensionnel. Qualifier un individu de pauvre nécessite que l'on ne
prenne plus en compte uniquement les variables liées au revenu ou
à la consommation, mais que l'on s'intéresse aussi aux variables
telles que la santé, l'éducation, les conditions d'habitat, toute
chose pouvant éviter à l'individu d'être marginalisé
dans la société.
La mesure de la pauvreté suivant l'approche non
monétaire exige donc de définir ou alors d'arrêter un
nombre de variables pertinentes représentatives de la position sociale
d'un individu. Il faut cependant noter le caractère arbitraire du choix
de ces variables, car celles-ci dépendent souvent plus ou moins
fortement de la perception de l'analyste ou du statisticien chargé de
l'évaluation de la pauvreté.
Les enquêtes du type EDS, MICS et ECAM sont des
enquêtes destinées à permettre une évaluation
aisée de la pauvreté en « condition
d'existence » ; elles contiennent des
« items » qui servent à relever les
caractéristiques sanitaires, éducationnelles et d'habitat des
ménages. Pour la mesure de la pauvreté non monétaire, deux
principales approches sont proposées dans la
littérature :
- Certaines études comme c'est le cas pour
l'enquête ECAM, après avoir retenu les
« items » entrant dans la caractérisation de la
pauvreté d'existence, déterminent la proportion de la population
qui possède ou non les caractéristiques de ces
« items ».
- La seconde méthode est celle qui consiste à
calculer un Indicateur Composite de Pauvreté (ICP) ou encore un
Indicateur Composite de Bien-être (ICBE). Cette méthode utilise
les techniques d'analyse factorielles de composantes principales (Filmer et
Pritchett, 2001), de correspondances multiples (Asselin, 2009), d'analyse en
facteur (Sahn et Stifel, 2001) et de l'analyse en facteurs multiples (Foko et
al, 2007). Plusieurs études sur la mesure de la pauvreté en
Afrique ont été réalisées en utilisant cette
deuxième méthode par exemple Foko et al (2007), Ningaye et al
(2006) pour le Cameroun ; Ayadi et al (2007) pour la Tunisie ; Ki et
al (2005), Diagne et al (2005) pour le Sénégal ; Diarra et
al (2009) pour la Cote D'Ivoire.
c) Mesure combinant
plusieurs approches
Bon nombre d'indicateurs utilisés relèvent non
pas d'une seule approche, mais de deux ou plusieurs approches. Il s'agit en
général des indicateurs composites calculés à
partir des indicateurs simples. Un indicateur composite bien connu est
l'indicateur de développement humain (IDH) conçu par le PNUD. Cet
indicateur combine trois éléments : le revenu en terme de
PIB réel par habitant basé sur la parité du pouvoir
d'achat, la durée de vie mesurée par l'espérance de vie
à la naissance et le niveau d'éducation, mesuré par un
indicateur combinant pour deux tiers le taux d'alphabétisation des
adultes et pour un tiers le taux brut de scolarisation de tous les niveaux
confondus. Un autre indicateur bien connu est l'indicateur de pauvreté
humaine (IPH-1) appliqué pour les pays en développement. Son
estimation prend en compte des insuffisances représentées en
termes de : (i) longévité par le pourcentage de la
population risquant de décéder avant 40 ans ; (ii) du manque
d'instruction représenté par le taux d'analphabétisme des
adultes ; (iii) et du manque de conditions de vie décentes
assimilé à la moyenne arithmétique simple du pourcentage
d'individus privés d'eau potable, du pourcentage de ceux privés
de soins de santé et du pourcentage des enfants de moins de cinq ans
souffrant de malnutrition.
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