La problématique des conflits en Afrique: le cas de la Somalie, de la Côte d'Ivoire et de la RDC( Télécharger le fichier original )par Salif KࢠUniversité Gaston Berger de Saint-Louis - Maitrise en science politiques 2012 |
Paragraphe II : L'ethnie comme facteur de conflitDans la région des Grands lacs, Bedoum remarque que « la crise rwandaise, par le nombre de victimes qui en a résulté, a fait des rapports entre Tutsi et Hutu, une référence sur la question des conflits ethniques en Afrique »27(*). Ainsi la RDC voisine du Rwanda, du Burundi et d'Ouganda est composée d'une centaine de groupes ethniques partagés avec beaucoup de pays de la sous-région. Sur le plan linguistique, la RDC contrairement à la somalie est l'un des pays les plus multilingues de toute l'Afrique. Il y existe des langues nationales parlées par presque la majorité de la population à la différence de la Côte d'Ivoire qui recourt à la langue française pour fédérer la diversité linguistique. L'origine des conflits ethniques dans cette région est liée à l'instrumentalisation des ethnies à des fins de domination politique. Selon Bedoum « le pouvoir colonial avait institué un système de classification ethnique avec des cartes d'identité obligatoire spécifiant l'ethnie d'appartenance (...). Les préjugés et différents qui s'y rattachent avaient créé une division et un climat qui ont contribué à l'instabilité (...) ».28(*) A cet effet, les relations postcoloniales entre la RDC et le Rwanda compte du nombre important de déplacés en territoire congolais a été un prétexte pour soutenir des groupes sociaux congolais. C'est ce qui continue de durcir les rapports conflictuels entre les deux pays jusqu'à l'arrestation du Général Laurent Kunda de l'ethnie Tutsi, principale victime du génocide rwandais. Il se développe réellement dans la sous-région de l'Afrique Centrale comme un peu partout dans la plupart des « Etats importés » pour reprendre une expression de Bertrand Badie une certaine « culture de violence » aggravée par la prolifération des armes avec la complexité de certaines puissances occidentales. En Côte d'Ivoire, la cohabitation ethnique assez complexe remonte aussi à la période coloniale lorsque ce pays, considéré comme la « vache laitière » de la plupart des pays ouest africains, présentait des enjeux économiques considérables avec les plantations de café et de cacao. La main d'oeuvre locale venait un peu partout des pays frontaliers notamment la Guinée et le Burkina Faso. Après plus d'un siècle de cohabitation pacifique entre allochtones et autochtones de la Côte d'Ivoire, il se pose un problème de xénophobie. Certains analystes remontent à une époque lointaine pour dire que le rejet d'Alassane Dramane Ouatara repose sur la xénophobie à l'égard de l'ethnie Dioula, l'homme du Nord pour les ivoiriens du Centre et de la Côte. Le problème ethnique est extrêmement complexe en Côte d'Ivoire. Les nordistes et centristes notamment malinkés ont des patronymes identiques a ceux des immigrés de la même ethnie provenant des Etats voisins. De même, les Akans sudistes ont des patronymes identiques à certains peuples immigrés des pays comme le Ghana, le Togo et le Libéria. A partir de ce rejet latent depuis des décennies sous le règne du Président fédérateur Félix H. Boigny et manifeste sous le règne de son dauphin constitutionnel, Henry K. Bédié, les tensions ethniques et régionalistes qui se sont exacerbées avec la réforme du code électoral et la réforme foncière qui consacrent le concept d'ivoirité. A la différence de la Côte d'Ivoire et de la RDC, le cas de la Somalie est assez particulier compte tenu de sa structuration socio-culturelle très complexe. A cet effet, d'autres variables ethniques vont entrer dans le cadre de l'analyse pour un pays d'« une homogénéité ethnique et culturelle assez rare sur le continent africain ».29(*) Il s'agit essentiellement des variables comme la tribu et le clan qui fonde le « système complexe de lignages » de cette société rurale et nomade. Les luttes entre les clans rythment l'histoire du pays. Les haines interethniques portées à l'incandescence par le régime tyrannique de Barre favorisant le clan Marehan entraine la Somalie, à partir de 1988, dans une guerre civile. Les différentes factions sous les commandes des « seigneurs de la guerre » se rivalisent d'ardeur pour s'emparer du pouvoir dans la rue suite à la fuite en 1991 de Siad Barre affaibli et sans soutien après quelques mois de conflits meurtriers. Les tensions tribales s'intensifient au point de mettre le successeur de Barre, en l'occurrence Mahdi Ali Mohamed, dans l'impossibilité de contrôler le pays. Cet imbroglio témoigne de l'inexistence de l'Etat en tant que tel dans la mesure où l' « Etat » et le « tribu » sont antithétiques30(*). En outre, il faut souligner que l'ethnie somali pose un réel problème dans la sous-région en ce sens qu'elle se partage entre trois pays. La crainte du regroupement régional « Grande Somalie » est un motif dissimulé de la France pour soutenir le Djibouti, un Etat d'une bonne position géostratégique considéré comme une nation prise en otage. Cet Etat qui est la plus grande base française en Afrique, soit 5000 soldats, est dominé par les Afar et le Somali. C'est ainsi que « les particularismes ethniques ou tribaux ont fait place aux antagonismes » sur lesquels les hommes politiques de toute obédience s'appuient, quitte à user de la violence, pour la conquête et la conservation du pouvoir. * 27 Op.cit. Allassoum Bedoum.pp9-10. * 28 Ibidem. * 29 Op.cit. Antonio Torrenzano.pp9-10. * 30 Op.cit. Antonio Torrenzano.pp10-11. |
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