SECTION III : LES LECONS TIREES, LES DEFIS ET LES
RECOMMANDATIONS
Paragraphe I : Appropriation nationale des Juridictions
Gacaca
A. Les leçons tirées :
Au-delà des aspects positifs des Juridictions
Gacaca, entre autres, ce que l'on a pu remarquer comme manquement
c'est le fait qu'on ait demandé aux citoyens-juges d'agir comme un
véritable tribunal appliquant des concepts de droits pénal
international ; cela s'est avéré inefficaces. En effet, les
Juridictions Gacaca fonctionnent comme des tribunaux répressifs
qui visent essentiellement la détermination de la culpabilité et
l'imposition de peines classiques. Néanmoins, n'ayant pas de formation
juridique, les juges Inyangamugayo n'ont pas été en
mesure d'interpréter et d'appliquer correctement le complexe droit
relatif au génocide et aux crimes contre l'humanité.
B. Les Défis
Même si les Juridictions Gacaca interviennent
dans le contexte des crimes de droit international, il a été
inconcevable, voir illogique, de leur avoir demandé d'appliquer le droit
pénal international. Non seulement cela a un peu risqué de
compromettre leur mission et d'altérer leur nature, mais aussi les
intervenants ont été plus ou moins incapables de comprendre le
sens et la portée de ses règles.
En réalité, il faudrait éviter de
transformer les institutions communautaires de justice transitionnelle en une
sorte de justice formelle appliquant un droit écrit et prononçant
des sanctions pénales classiques. Une telle tentative de
dénaturation désorienterait les intervenants au point de miner la
crédibilité ainsi que la réputation des mécanismes
locaux chargés d'administrer une justice pénale post
conflictuelle. L'application du droit pénal international devrait rester
l'apanage des tribunaux étatiques classiques et internationaux qui
comprennent des juges professionnels dotés d'une solide formation et
d'une expérience juridique. Les Gacaca auraient peut être
mieux fait de s'assimiler aux Commissions de Vérités et de
Réconciliation à l'instar de celle de la Sierra Leone ou de
l'Afrique du Sud.
C. Les Recommandations sur l'appropriation nationale des
Gacaca
Malgré la nature internationale des crimes qu'ils
connaissent, les citoyens-juges ne devraient pas appliquer le droit
pénal international qui régit ces incriminations. Ce droit
leur
La mobilisation de la démarche judiciaire dans le
processus de justice transitionnelle en sociétés post-conflit :
le cas du Rwanda.
est inaccessible car ils n'ont même pas une formation
juridique de base. Il n'est pas non plus conçu pour atteindre les
objectifs globaux d'une justice postconflictuelle de type africain. Il revient
au droit international de s'adapter aux réalités locales et
économiques de chaque Etat affecté. Les mécanismes
communautaires devraient également s'ajuster pour tenir compte de
l'évolution de la société et du monde.
Les procès Gacaca devraient en principe avoir
des juges qualifiés et bien formés afin que leur travail soit
fait conformément aux principes visant l'impartialité. Dans ce
sens, ces procès contribueraient à reconstituer les tissus
sociaux au travers d'une justice saine et dans le respect mutuel des individus.
Favoriser un environnement respectueux des droits humains, c'est instaurer un
climat de franchise pour un témoignage ouvert. Il convient
également d'éviter par exemple des arrestations arbitraires et
des détentions illégales si un tel processus était
à reproduire et mettre en avant l'indépendance et
l'impartialité des tribunaux Gacaca.
Afin de permettre un dialogue inter rwandais, il est
nécessaire d'opter pour une forme de réconciliation basée
sur un débat démocratique axé sur une analyse profonde des
origines du conflit. Ceci contribuerait à éradiquer une fois pour
toute la gangrène qui ronge la société rwandaise. Il est
également recommandable d'éviter que les membres d'une
communauté éprouvée soient juge et partie car ils
éprouvent les séquelles de la tragédie de 1994.
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