L'extension des procédures collectives d'appurement du passif aux dirigeants sociaux( Télécharger le fichier original )par Stéphan Assako Mebalé Université de Yaoundé II Cameroun - DEA droit privé option droit des affaires 2005 |
Paragraphe 2 - L'extension des procédures collectives : sanction de la confusion des patrimoines ou de la fictivité62- À partir du moment, où il devient impossible de dissocier l'activité et le patrimoine de la société de ceux des dirigeants (en dehors des hypothèses légales d'extension des procédures collectives), ou lorsque cette activité s'exerce au travers d'une société fictive ou de pure façade, il n'est plus nécessaire de rechercher des actes positifs à l'encontre des dirigeants. Le constat de la confusion des patrimoines, ou de la fictivité d'une personne morale1(*), supplée donc à la mise en oeuvre de l'extension légale1(*). La jurisprudence suivie par le législateur français1(*) admet donc la possibilité d'étendre la procédure collective ouverte à l'encontre de la société, soit au dirigeant qui aurait confondu son patrimoine avec celui de la société (A), soit au dirigeant qui aurait profité de la fictivité de la société (B). A - La confusion de patrimoines63- La confusion de patrimoines1(*) ne peut exister, que soit entre une personne physique et une personne morale, soit entre deux personnes morales, notamment les groupes de sociétés1(*). 64- La confusion de patrimoines peut procéder d'une situation de collaboration contractuelle1(*). Elle s'instaure lorsque des rapports étroits s'établissent entre les entreprises commerciales, sociétés entre elles ou sociétés et personnes physiques. Cette collaboration débouche sur une communauté d'intérêts. La confusion de patrimoines sera le plus souvent réalisée, s'il est mis en évidence l'existence d'une entreprise unique. Il peut s'agir de l'absence de comptabilité propre à une entreprise, l'absence d'un centre autonome de décision ou encore la totale dépendance d'une entreprise envers une autre. Toute collaboration contractuelle ne conduit pas systématiquement à la mise en oeuvre de l'extension de la procédure collective. Il faut même considérer que l'extension fondée sur une collaboration contractuelle doit demeurer l'exception, car il n'y aurait aucune raison de ne pas étendre systématiquement le redressement ou la liquidation des biens, à tous les contractants d'un commerçant ou d'une entreprise en difficulté, au prétexte que les relations contractuelles établies ont fait naître une communauté d'intérêt. On assisterait donc à une véritable réaction en chaîne de redressement judiciaire ou de liquidation des biens. 65- La confusion des patrimoines s'observe aussi à l'issue d'une collaboration sociétaire. C'est précisément au sein des groupes de sociétés1(*) . Traditionnellement, pour la cour de cassation la confusion de patrimoines résulte soit d'une imbrication des patrimoines, soit de l'existence des flux financiers anormaux1(*) . L'imbrication des patrimoines, se révèle spécialement par la confusion des comptes, c'est-à-dire le désordre rendant impossible la détermination des droits de chacune des personnes concernées au point qu'il n'est plus possible, de dissocier les masses actives et passives de chacune des sociétés pourtant juridiquement autonomes. Plus fréquemment, l'indice majeur de confusion de patrimoines repose sur l'anormalité des flux financiers et des relations financières1(*). Le flux financier n'est anormal, que s'il cause un préjudice aux créanciers de la société en difficulté. Le plus souvent, le préjudice résultera de l'absence de contrepartie dans les opérations entre les sociétés. C'est le cas, lorsque le montage réalisé permet de prendre des décisions défavorables à la filiale1(*), ou lorsque l'acquisition des actifs par la société mère était financée par des loyers excessifs payés par la filiale d'exploitation1(*) . Contrairement à la position de plusieurs auteurs1(*), et d'une jurisprudence1(*) , la dépendance économique, de même que l'intérêt du groupe1(*), ou l'unité d'entreprise1(*), ne peuvent servir de fondement à l'extension des procédures collectives dans un groupe de sociétés1(*). Au-delà de l'existence d'une situation de collaboration, l'extension des procédures collectives au dirigeant est aussi possible lorsqu'il s'avère qu'il a profité de la fictivité d'une société. * 141 - La cour de cassation distingue clairement les deux causes d'extension que sont la confusion des patrimoines et la fictivité. Voir par exemple Com. 20 oct 1992, D, 1992, IR. 265 ; Com 13 avril 1999, Actualité des Procédures Collectives. 11 juin 1999, n°129. V aussi, SOINNE (B), Identité ou diversité des notions de fictivité et de confusion des patrimoines. A propos de l'arrêt de la cour d'appel de DOUAÏ du 6 octobre 1994. Les petites affiches 6 décembre 1995 n°14. * 142- En effet, l'art 189 AUPC ne peut servir à attraire dans la procédure collective de la personne morale que les personnes qui la dirigeaient, il ne peut servir qu'à remonter vers les animateurs ou profiteurs réels. Seule, l'application des principes de droit commun permet l'itinéraire inverse, c'est-à-dire d'aller du maître vers ceux qui dépendaient de lui au point même de se confondre. On pense bien que les filiales, les sociétés fictives ne sont pas les dirigeants des sociétés mères et personnes physiques qui agissent sous son couvert. Dès lors comment justifier autrement que par les règles de droit commun si le hasard des procédures a entraîné en premier lieu la faillite du maître, son extension aux organismes fantomatiques qui gravitent autour de lui ? * 143 - L'art 15 2° de la loi française du 26 juillet 2005 sur la sauvegarde des entreprises ( L . 621.2 code de commerce ), prévoit déjà ce cas : « La procédure ouverte ( sauvegarde ) peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale » . * 144 - L'expression est erronée au regard de la conception française du patrimoine émanation de la personnalité sur le terrain pécuniaire et donc caractérisé par son unité. Voir : Gisserot, op. cit. . * 145 - Dès lors, l'on ne pourrait envisager la confusion des patrimoines entre personnes physiques. Ce qui nous parait rendre impossible toute confusion entre personnes physiques, c'est la nature humaine elle- même. Le patrimoine est indissolublement lié à la personne humaine. Confondre deux patrimoines c'est en supprimer un ,ce qui est impossible à moins que cette prétendue « confusion » ne soit en réalité qu'une solidarité, ce qui doit inévitablement conduire à l'ouverture de procédures distinctes . * 146 - Nous n'envisageons pas ici les problèmes soulevés par l'exercice en commun par les époux d'une activité commerciale. * 147 - Sur la question voir : SCHMIDT (D), Les responsabilités civiles dans les groupes de sociétés et SOINNE (B) , Les procédures collectives d'apurement du passif et les groupes de sociétés en droit interne, in Actes de la journée d'études du 19 nov. 1993, organisé par L.E.R.A.P de l'université de LILLE II et l' E.D.H.E.C sur le thème : Groupes de sociétés : contrats et responsabilités. LGDJ 1994 ; DERRIDA (F) , A propos de l'extension des procédures de redressement ou de liquidation judiciaire, in Mélanges Michel Cabrillac Dalloz Litec. FRANCOIS XAVIER (L), Les filiales en difficultés, Petites affiches - 4 mai 2001- n° 89 ; ROLLAND (B), Metaleuprop : L'extension de procédure entre fictivité et confusion de patrimoines, Revue des Procédures Collectives n° 2 juin 2005, P 117 ; JCP. Édition entreprise et affaire n°20. 19 mai 2005 ; DELENEUVILLE (J-M), L'extension de procédure pour confusion, fictivité ou fiction, Revue des Procédures Collectives n° 2/3 - juin 1999, PP 63 - 81 ; DELEBECQUE, Groupe de sociétés et procédures collectives : confusion de patrimoines et responsabilité des membres du groupe, Revue des Procédures Collectives n° 1998 - 2 ; LUTTER (M) , La responsabilité civile dans les groupes de sociétés, Revue des sociétés, n° 4 oct. - déc. 1981. * 148- TRICOT ( D) , La confusion des patrimoines et les procédures collectives, Rapport annuel de la cour de cassation 1997, P. 165 . * 149- Traditionnellement, la jurisprudence et la doctrine employaient la terminologie de flux financiers anormaux. Sous ce termes étaient pris en compte des mouvements de fonds ou des engagements financiers sans aucune contrepartie ne trouvant pas leur origine dans les engagements réciproques des parties et résultant du détournement des ressources d'une entité vers une autre. Plus récemment la cour de cassation a utilisé le critère de « relations financières anormales» concurremment à celui de flux financiers anormaux .cass.com, 19 avr 2005, JCP2005, II, 10088 ; JCP E 2005, I, 721, P.796 ; C.A DOUAÏ 16 déc 2004, D . 2005, P. 216, RJDA mai 2005, n° 587 ; cass. com, 5 mars 2002 ; cass.com, 15 mars 2005, n°03-13. * 150- Cass. com, 5 fevr 2002. Act. Proc .Coll , mai 2002, n° 93 . * 151- Cass.com. 14 mars 2000, RJDA 2000 n° 1003. * 152 - SAWADOGO (F) supra n° 349. * 153 - C.A Douai, ch.2, sect. 1, 16 déc. 2004, Theeten, ès qual. c/ SA Metaleuprop et a : Juris-data n° 2004-263541. * 154 - Dans sa décision ADD du 2 oct. 2003 la cour énonçait ainsi que « l'organisation d'un groupe de sociétés est susceptible de faire apparaître un intérêt collectif qualifié d'intérêt du groupe distinct de l'intérêt propre de ses composantes ; [...] » et en avait posé les limites en ces termes « la mise en commun des moyens et la subordination à celui du groupe des intérêts des sociétés le composant ne doit pas dépasser le degré d'organisation inhérent à un tel ensemble économique et que les sociétés contrôlées doivent conserver la maîtrise des fonctions essentielles à leur autonomie [...] » . Voir aussi, Gérard Soussi, supra. * 155 - - Arrêt inédit. C A Montpellier 2e ch. 11 janv. 1990, Proc.Rép ; TGI. Carcassonne et PG près la C.A de Montpellier c/ SA la chausserie et les autres. Dans l'incapacité de prouver la confusion des patrimoines et la fictivité le Procureur de la République a fondé sa demande en extension sur « l'unité d'entreprise réelle ou d'intérêts indissociables existant entre toutes les sociétés du groupe » ; il insistait sur « la caractérisation d'une unité d'entreprise constituant une unité économique » . L'extension aurait été justifiée par « l'état de dépendance qui fait d'une société filiale un maillon juridiquement identifié d'un ensemble plus vaste sans autonomie ». Voir aussi bien avant l'arrêt de la C.A de Paris du 20 mars 1986, Rev.Jurisp.Com, 1986,294, note C-H Gallet ; Paris 12 mai 1987, D. 1989, somm. S , obs. F. Derrida, qui en matière de compétence , se réfère à « une véritable entité économique constituée par plusieurs sociétés » lesquelles forment un tout indissociable . DERRIDA (F), L'unité d'entreprise est - elle une cause autonome d'extension de la procédure de redressement judiciaire ? Mélanges Derruppe. P. 29. * 156 - Car, ce sont là des principes fonctionnels du groupe de sociétés. |
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