L'extension des procédures collectives d'appurement du passif aux dirigeants sociaux( Télécharger le fichier original )par Stéphan Assako Mebalé Université de Yaoundé II Cameroun - DEA droit privé option droit des affaires 2005 |
Paragraphe 2 - Les critiques du choix opéré78- Appliquer au dirigeant fautif, les règles de droit commun des procédures collectives, conduit à des résultats inattendus. D'abord, on aboutit à une différence de traitement selon qu'il s'agira d'un dirigeant personne morale, ou personne physique (A). Ensuite, cela conduirait à compromettre le désintéressement des créanciers sociaux (B). Enfin de compte, cette procédure se révèle artificielle (C). A - La différence de traitement entre le dirigeant personne morale et le dirigeant personne physique79- La solution légale qui guide le choix de la procédure à ouvrir à l'encontre du dirigeant fautif est contestable. Si elle peut être admise sans la moindre discussion lorsque le dirigeant poursuivi en vertu de l'article 189 AUPC est une personne morale, il en va autrement lorsque le dirigeant poursuivi est une personne physique. En effet, contrairement au dirigeant personne morale, le dirigeant personne physique est soumis aux dispositions relatives à la faillite personnelle. L'on ne peut manquer d'observer que, les cas d'application de l'article 189 AUPC sont aussi des cas donnant lieu à la faillite personnelle obligatoire1(*), et facultative1(*). Or, la sanction de la faillite personnelle est radicalement incompatible avec le redressement judiciaire, puisqu'elle entraîne au terme de l'article 139 3° AUPC la résolution du concordat qui aurait été accordé au débiteur, et la conversion du redressement judiciaire en liquidation des biens (art 141 2° AUPC). Si l'on admet que la liquidation des biens du dirigeant est prononcée du fait de la conversion du redressement judiciaire, et suite à la résolution du concordat, sur cette base, le dirigeant personne physique ne pourra pas être déclaré en liquidation des biens . Car, il ne peut produire un concordat de redressement. A moins de penser que, la sanction de la faillite personnelle ait été effectivement prononcée et que sur cette base, les juges perdent la liberté de choix qui leur est reconnue1(*), et prononcent directement la liquidation des biens du dirigeant. On aboutit donc à des résultats différents, selon qu'il s'agira d'un dirigeant personne morale, ou personne physique non commerçante. Alors que, dans le premier cas la déclaration du dirigeant en redressement ou en liquidation judiciaire à toute sa valeur, dans le second cas par contre, l'on ne pourra que prononcer la liquidation des biens. Toutefois, que ce soit dans l'un ou l'autre cas, la procédure mise en place pourrait lourdement compromettre les droits des créanciers sociaux. B - Les résultats compromettant le désintéressement des créanciers sociaux80- L'autonomie de la procédure ouverte à l'encontre du dirigeant, aboutit à mettre en place des organes qui administreront la procédure du dirigeant. Il y a ainsi plusieurs juges - commissaires, plusieurs syndics, et le cas échéant des contrôleurs désignés pour chacune des procédures. En cas de pluralité des dirigeants coupables, la conséquence sera que, à chaque dirigeant correspondrait des organes propres pour diligenter la procédure ouverte contre lui . Il est évident que, hormis la lourdeur procédurale, la conséquence d'un tel système est le risque de ruiner tout espoir de paiement substantiel des créanciers, du fait du coût élevé des rémunérations des dits organes1(*). La procédure d'extension des procédures collectives en l'état actuel, est susceptible de nier l'objectif premier de l'extension qui est le désintéressement des créanciers sociaux. 81- D'autre part, si le dirigeant fautif doit produire un concordat de redressement, à partir duquel pourra être apprécié sa capacité à bénéficier, d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation des biens, on aboutit à un paradoxe. De l'idée de sanction du dirigeant, on en vient à lui faire bénéficier d'un redressement judiciaire. On peut penser que, le dirigeant fautif pourra bénéficier de la suspension des poursuites individuelles1(*) et des remises octroyées par les créanciers. Dès lors, la sanction se transforme en une mesure indulgente prise à l'encontre du dirigeant fautif. Ces résultats compromettant auxquels l'on arrive, mettent en évidence le caractère artificiel de la procédure ouverte à l'encontre du dirigeant. * 171 - Art 196 AUPC : la juridiction compétente prononce la faillite personnelle des personnes qui ont : exercé une activité commerciale dans leur intérêt personnel, soit par personne interposée, soit sous couvert d'une personne morale masquant leurs agissements ; usé du crédit ou des biens d'une personne morale comme des leurs ; commis des actes de mauvaise foi ou des imprudences inexplicables, à l'instar de la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire l'entreprise qu'à la cessation des paiements ( art 197 AUPC) . * 172 - Art 198 AUPC « la juridiction compétente peut prononcer la faillite personnelle des dirigeants qui : n'ont pas acquitté la partie du passif social mis à leur charge ». * 173 - Aix - en - Provence, 30 mai 1978, D., 1979. I. R. 5, 2e esp., obs. F. DERRIDA ; Cass, 7 oct 1975 . * 174- Cette situation est d'autant plus préoccupante en droit OHADA concernant la rémunération du syndic ; car elle ne fait pas l'objet d'une tarification claire dans les États OHADA. En pratique, en l'absence de réglementation, la rémunération est souvent fixée à un niveau si élevé qu'elle est en mesure de ruiner tout espoir de redressement de l'entreprise ou de paiement des créanciers. Voir sur l'épineux problème de fixation de la rémunération du syndic l'arrêt de la Cour d'appel de Dakar n° 26 du 27 avril 2001, SCI TERANGA contre ABDOULAYE DRAME (inédit) , qui indique « qu'aucun texte législatif ou réglementaire ne fixe de barème applicable aux prestations expertales » et « qu'il convient dès lors de se référer aux usages en la matière compte tenu de la mission confiée ». En l'espèce, la Cour a fixé la rémunération en fonction du nombre d'heures de travail et du coût unitaire de l'heure de travail. * 175 - Selon l'article 75 AUPC « la décision d'ouverture suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles tendant à faire reconnaître des droits et des créances ainsi que toutes les voies d'exécution tendant à en obtenir le paiement, exercées par les créanciers composant la masse sur les meubles et les immeubles du débiteur ». |
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