Conclusion
Pour répondre à notre problématique-titre
: «Quelle gouvernance des risques majeurs pour une meilleure
resilience des territoires ?», nous avons organisé notre
réßexion suivant deux axes distincts. Notre premier axe
étudie l'évolution de la pensée scientiÞque et
politique sur les risques majeurs qui a fait émerger le concept de
résilience des territoires. Le second axe, plus empirique, analyse la
gouvernance frangaise des risques majeurs. La synthese de ces
réßexions va nous permettre d'esquisser une réponse
à notre problématique.
Comme nous l'avons vu, les politiques jouent un rTMle de
premier plan dans la gouvernance des risques majeurs. L'impératif
sécuritaire, à l'origine de l'action publique, a
accompagné l'idée selon laquelle la population doit être
protégée face aux aléas naturels et anthropiques. La
gestion des risques majeurs a donc été pendant longtemps une
mission exclusive de l'Etat qui a déployé toute son expertise
pour ma»triser les aléas.
La complexiÞcation grandissante de nos
sociétés remet aujourd'hui en cause cette conception. En effet,
la société devient de plus en plus vulnérable. La
croissance des enjeux humains et matériels couplée à
l'apparition de crises «hors-cadres, nous amene aujourd'hui à
changer de paradigme. Il nous faut passer d'une vision technique sectorielle
des aléas, à une vision systémique et globale de la
vulnérabilité des territoires.
La réduction de cette vulnérabilité passe
par l'adoption d'un nouveau concept : la résilience. Plus qu'un simple
effet de mode, ce concept est révélateur d'un mouvement de fond,
qui au même titre que le développement durable, s'impose peu
à peu dans les mentalités des experts et des décideurs.
Les programmes internationaux de promotion de la résilience et les
stratégies nationales de certains pays occidentaux marque cette
évolution.
Vue comme une capacité systémique, la
résilience permet de comprendre les mécanismes régissant
certains systemes complexes (organisations, villes, territoires). La
résilience des territoires insiste ainsi sur les dimensions spatiales,
techniques et sociales des risques majeurs, aÞn de fournir des clefs de
compréhension aux décideurs.
La révélation de l'utilité du concept de
résilience pour gouverner les risques majeurs représente
l'élément déclencheur de la mise en place d'une
stratégie de résilience des territoires.
Pour améliorer la résilience des territoires, il
est donc indispensable que les décideurs integrent son concept, qu'ils
le comprennent, et qu'ils le traduisent dans leur mode de gouvernance, jusque
dans le droit.
Les institutions et les acteurs ont une importance capitale pour
atteindre cet objectif.
Les institutions doivent se structurer localement, selon les
territoires de risques (en intercommunalité, ou autres
établissements publics), et être capables de gérer seules
les risques majeurs de leur territoire dans leur globalité, via par
exemple, la création de services «Risque et résilience
spéciÞques. L'Etat doit soutenir ce mouvement de gestion locale
des risques majeurs, en évoluant vers un rTMle de support des
collectivités et en organisant les conditions d'échanges des
autres acteurs. Les élus et les fonctionnaires doivent développer
leur connaissance pour intégrer le nouveau paradigme de la
résilience, et se former à la gestion de crise. Les entreprises
privées et les associations
doivent se coordonner pour fournir un appui aux
décideurs locaux. Cela passe entre autres, par une mise en
réseaux des acteurs, qui est bénéfique à la
normalisation des bonnes pratiques et à l'innovation. Enfin, les
citoyens doivent être pleinement intégrés dans la
gouvernance des risques majeurs, via leur participation aux décisions
(lors de concertation), mais également via leur implication dans la
sauvegarde de leur territoire (réserves communales de
sécurité civile). Cela permettra de stopper la
Çvictimisation> des sinistrés, mais également de
développer la solidarité locale et le sentiment de
citoyenneté.
Pour édifier cette gouvernance des risques majeurs, il est
nécessaire de faire évoluer, de développer et de
réorienter nos instruments.
L'utilisation des nouvelles technologies de l'information et
de la communication (NTIC), et en particulier des réseaux sociaux,
serait bénéfique à l'implication de la population car
elles établissent un lien de confiance entre citoyen et décideur
qui est très utile en temps de crise. La sensibilisation de la
population pourrait d'ailleurs s'appuyer sur une véritable campagne de
communication, d'ampleur nationale, sur les risques majeurs et les
comportements à adopter.
Les mesures urbanistiques contraignantes comme les PPR (plans
de prévention des risques) étant peu efficaces (peu de
contrôle et de sanctions), coUteuses (expertise, expropriation, etc.) et
très chronophages, il pourrait être envisagé d'adapter leur
mise en oeuvre.
L'assurance financière des sinistres participe de
manière très importante à la résilience des
territoires. Les dispositifs d'indemnisation des catastrophes (du type CatNat)
doivent cependant s'adapter pour être plus transparents, et pour inciter
davantage à la prévention. La solidarité contractuelle
participe également à l'amélioration de la
résilience des territoires. Elle permet de forger des partenariats
locaux pour gérer les sinistres. Leur formalisation au sein des Plans
Communaux de Sauvegarde mérite donc d'être
développée.
Et enfin, l'évaluation doit évoluer du stade
expérimental actuel vers une généralisation. Nous
pourrions ainsi imaginer que chaque département devrait mettre en place
un indice de résilience du territoire face aux risques majeurs.
La gouvernance des risques majeurs à même de
développer la résilience des territoires doit donc s'appuyer sur
une évolution des paradigmes de la gestion des risques vers une
stratégie construite de résilience des territoires. Celle-ci
nécessite de redéfinir l'échelle du rôle de chaque
institution, et les liens entre les acteurs, au milieu duquel le citoyen doit
avoir une place entière. Pour cela, le mixage des instruments de la
gouvernance doit également évoluer. La gouvernance devrait ainsi
moins utiliser les instruments autoritaires, et plus valoriser les instruments
de nodalité et d'organisation. Il restera alors à mettre en place
une évaluation périodique de ces dispositifs pour ajuster au
mieux cette nouvelle Çgouvernance de la résilience>.
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