II.2.3.2.3. Arrêt du développement larvaire
Certains nématodes peuvent, lorsqu'ils sont au stade
larvaire (L4) ou (L5) dans l'appareil digestif ou
respiratoire de leur hôte subir, des arrêts de croissance plus ou
moins longs (BLITZ et GIBBS, 1972). Ce phénomène a
été décrit chez Ostertargia spp,
Nématodirus spp, Chabertia ovina, Haemonchus
contortus, Coopéria oncophora et Cooperia
pectinata.
Dans les régions sèches, ce
phénomène est bien marqué. Les populations de
nématodes adultes disparaissent et sont remplacées par des
populations de larves inhibées au stade (L4). Celles-ci
reprennent leur activité les derniers jours de la saison sèche ou
dès les premières pluies et se transforment en parasites adultes
(GRABER et PERROTIN, 1983).
L'étiologie exacte de l'inhibition des larves de
nématodes est obscure, mais des spéculations considérables
sur son mécanisme existent (BORGTEEDE et al., 1978). Les
phénomènes immunitaires dont les mécanismes ne sont pas
encore connus avec précision, peuvent intervenir pour moduler les
populations d'helminthes contribuant à assurer la
pérennité des infestations (CROLL et al., 1977). Ainsi les
nématodes du genre Oesophagostomum ont un cycle évolutif
particulier. Les facteurs climatiques et environnementaux peuvent être
plus importants. Il est en effet possible d'induire l'inhibition du
développement des larves (L4) en leur faisant subir diverses
conditions de stockage (dessiccation, chaleur...) avant de les inoculer aux
animaux susceptibles de les héberger ; ce qui démontre que
les conditions de l'environnement influencent le métabolisme des
étapes de la vie libre (CONNAN, 1971 ; OGUNSUSI et al., 1979).
L'action négative du climat est en quelque sorte
compensée par une réaction de défense des
nématodes. Il est intéressant de remarquer que dans les
régions humides, les larves infestantes survivent plus longtemps que
dans le milieu extérieur (GRABER et col., 1983). On constate
parallèlement que le phénomène d'hypobiose décrit
plus loin est beaucoup moins marqué.
Il semble évident que la dessiccation puisse être
le facteur déterminant dans l'hypobiose des Trichostrongylidae
et des Oesophagostomum spp (ALTAIF et al., 1983).
II.3. Epidémiolgie des
Nématodes
Au Sénégal l'épidémiologie des
Nématodes est principalement attribuée à la
présence de larves au pâturage pendant la saison pluvieuse. Il y a
suffisamment d'humidité à cette période pour le
développement des vers. Les petites infestations ont souvent lieu de
décembre à mai et sont quelquefois associées au
phénomène de self-cure et à l'absence de
réinfestation (VERCRUYSSE, 1983). Trichostrongylus,
Strongyloïdes, Haemonchus, Cooperia, Oesophagostomum, Nématodirus,
Gaigeria, Trichuris, Skrajabinema par ordre de prédominance ont
été retrouvés lors d'études faites au
Sénégal (BELOT et col., 1986).
Les strongyloses digestives sont les nématodoses les
plus graves. Elles sont dues à des strongles parasitant souvent en grand
nombre la caillette ou les intestins. La strongyloïdose est
également une affection très répandue. Comme les
strongyloses digestives, on la rencontre partout au Sénégal
surtout pendant la saison de pluies. En saison sèche (8 mois) il
subsiste des populations adultes et larvaires résiduelles (NDAO et col.,
1995).
Une tendance générale se dessine pour
l'évolution saisonnière de chaque parasite (BELOT et PANGUI,
1986). Le taux d'infestation augmente considérablement en hivernage
(Tableau II).
Tableau II : Taux d'infestation en fonction des
saisons.
Espèce parasite
|
Pourcentage d'infestation
|
Saison sèche
|
Hivernage
|
Haemonchus contortus
|
47
|
95
|
Trichostrongylus spp.
|
45
|
90
|
Oesophagostumum columbianum
|
20
|
95
|
Strongyloïdes papillosus
|
22
|
85
|
Source : VASSILIADES, 1981
L'intensité du parasitisme strongles-strongyloïdes
est en moyenne 8 fois plus élevée en hivernage qu'en saison
sèche surtout dans la moitié du nord Sénégal
zone soudanienne et sahélienne, là où les conditions
d'élevage sont particulièrement défavorables. Dans la
moitié sud une bonne alimentation assure aux animaux une certaine
capacité de résistance à l'agression parasitaire, en
dépit d'un taux de parasitisme élevé (VASSILADES,
1981).
En hivernage, en faveur de la température et de
l'humidité croissante, les helminthes se développent et de
nouvelles infestations se réalisent. Le taux de parasitisme
s'élève considérablement, provoquant de véritables
strongyloses digestives, notamment des cas d'oesophagostomose larvaire et de
strongyloïdose aiguë conduisant à la mort des animaux
affaiblis par une longue période de sécheresse et par
conséquent inaptes à résister à une agression
brutale (VASSILADES, 1981).
Il y a donc deux périodes critiques : l'une en fin
de saison sèche, du fait de l'extrême affaiblissement des
animaux ; l'autre beaucoup plus sévère en hivernage du fait
de la recrudescence du parasitisme digestif.
Quatre (4) genres important peuvent être suivis au cours
de l'année (Tableau III) : Haemonchus, Trichostrongylus,
Strongyloïdes et Oesophagostomum. D'après
RUMEAU-ROUQUETTE cité par BELOT et al., (1988), les variations
d'un animal à un autre au cours d'un même mois sont importantes et
les moyennes sont souvent faibles.
Tableau III : Variations mensuelles du nombre de
parasites récoltés chez les ovins (infestation
minimale-infestation maximale).
Mois
|
Haemonchus
|
Trichostrongylus
|
Strongyloïdes
|
Oesophagostumum
|
Janvier
|
0
|
16-1360
|
24-1065
|
0-2
|
Février
|
0
|
4-7590
|
0-130
|
0-77
|
Mars
|
0-11
|
60-850
|
0-1050
|
0-1
|
Avril
|
0-10
|
0-2650
|
0-40
|
0
|
Mai
|
0-28
|
189-1780
|
0-205
|
0-19
|
Juin
|
0-67
|
21-624
|
0-268
|
0-62
|
Juillet
|
0-75
|
72-517
|
34-335
|
0-32
|
Août
|
0-85
|
62-1434
|
15-320
|
0-20
|
Septembre
|
3-110
|
330-350
|
0-170
|
0
|
Octobre
|
8-119
|
170-2420
|
70-2210
|
0
|
Novembre
|
0-58
|
901-2440
|
30-218
|
0
|
Décembre
|
0-23
|
20-780
|
0-992
|
0-9
|
Source : BELOT et al. , 1988.
L'espèce Haemonchus contortus est prolifique
à un intervalle de génération et est capable de prendre
rapidement avantage des conditions environnementales favorables (GRANT, 1981).
Les lourdes infestations (2000-3000 vers adultes) sont communes à la
saison pluvieuse (NDAO et al., 1995). Le nombre moyen d'Haemonchus
contortus adultes compté dans le liquide de lavage de la caillette
de janvier à février était faible (moins de 5%) chez les
ovins (VERCRUYSSE, 1988).
Les larves d'Haemonchus représentaient 61%
à 90% de la charge totale de la caillette en saison sèche. Cela
confirme qu'Haemonchus contortus survit durant la saison sèche
comme larve hypobiotique dans la muqueuse abomasale des ovins. Chez les ovins
du sahel au Sénégal, il est constaté une forte proportion
de charge larvaire et un faible niveau de la population adulte durant la saison
sèche (VERCRUYSSE, 1984-1985).
L'humidité relative basse (11,7% à 50%) et les
fortes températures ne permettent pas la survie des larves infestantes
durant la saison sèche. L'arrêt du développement larvaire
et la non réinfestation des animaux expliquent la diminution du nombre
d'adultes (NDAO et al., 1995).
L'espèce Haemonchus contortus n'est
présente que de mars à décembre. Le taux d'infestation est
faible à nul en saison sèche mais il augmente rapidement en fin
de cette saison pour se maintenir à un niveau moyen pendant la saison
des pluies et jusqu'en décembre (BELOT et al., 1988).
La population parasitaire adulte croît dès la fin
de la saison sèche pour atteindre un maximum en saison de pluies et en
fin de celle-ci. La population larvaire suit une progression inverse et se
trouve élevée en saison sèche. Cette population
fléchit et disparaît dès le début de la saison des
pluies pour dépasser à nouveau le niveau de la population adulte
dès la saison sèche (BELOT et al., 1988).
L'espèce Trichostrongylus colubriformis
apparaît à la seconde moitié des pluies. Les moyennes
mensuelles de ce parasite atteignent un pic en septembre. En saison
sèche, la charge régresse progressivement et augmente
légèrement en novembre. L'augmentation de cette population
pourrait être due à la maturation brusque des larves
(L4). Par contre, la régression durant la saison sèche
pourrait être due à la mort des parasites âgés (NDAO
et al., 1995). Le genre Trichostrongylus est responsable des
pertes importantes de poids chez les ovins (SHUMARD et al., 1957). Il
existe dans les régions à climat tempéré et ne se
développe pas en saison pluvieuse et chaude (GRANT, 1981). Il persiste
pendant toute l'année et même durant une période importante
de la saison sèche. Un léger fléchissement de ce niveau se
remarque en début de saison de pluies en juillet, mais il remonte au
cours de la saison de pluies (août, septembre) et en début de
saison sèche (octobre, novembre). Le niveau de la population adulte de
Trichostrongylus est d'emblée plus élevée que
celle d'Haemonchus est restée assez constante au cours de toute
l'année. Dans tous les cas, la population adulte est plus importante que
la population larvaire qui est faible et inexistante en saison pluvieuse. Ces
larves augmentent en nombre rapidement au début de la saison
sèche et diminuent ensuite au cours de la progression de celle-ci (BELOT
et PANGUI, 1988).
La charge moyenne d'Oesophagostomum columbianum
atteint un maximum en septembre. Mis à part une poussée en
février, Oesophagostomum n'est rencontré qu'à
partir de la fin de la saison sèche (avril) et jusqu'à la fin de
la saison des pluies (septembre). L'importance de l'oesophagostomose larvaire
est évaluée en fonction du nombre de nodules par unité de
surface de la muqueuse de la fin de l'iléon, du cæcum et du colon.
Ces nodules, de 2 mm à 3 mm de diamètre sont très nombreux
tout au long de la saison sèche. Ils disparaissent très
rapidement dès l'apparition des premières pluies. La population
adulte suit une évolution inverse (NDAO, 1991).
La population la plus élevée de
Strongyloïsdes papillosus se retrouve en juin. Ce parasite suit
la même évolution saisonnière que Trichostrongylus,
mais à un degré d'infestation plus faible. On observe une
diminution du nombre de parasites au fur et à mesure que la saison
sèche évolue. Le niveau d'infestation augmente en saison
pluvieuse (BELOT et al., 1988).
Ces différences d'ordre de succession et de pic
d'incidence sont dues aux différences constantes de
fécondité et d'intervalle de génération des
espèces (FABIYI, 1973).
La charge moyenne en nématodes dans l'intestin
grêle, le cæcum, le colon et la caillette atteint un maximum en
août-septembre. Les moyennes mensuelles du nombre d'oeufs par gramme
(OPG) de fèces sont à un niveau bas de décembre à
avril (OPG<400). Les valeurs augmentent progressivement à partir de
mai pour atteindre un maximum en septembre (NDAO et al., 1995). La
fertilité des strongles est forte surtout en saison pluvieuse en raison
de la faible densité des femelles (BELOT et PANGUI, 1986).
L'évolution du nombre d'oeufs par nématode
montre une baisse en saison des pluies. En saison sèche ce nombre est
constant et plus élevé. D'après FARIZI cité par
BONFOH (1993), l'augmentation en fin de saison sèche pourrait être
liée à la dépression immunitaire observée en
général sur les animaux à cette période les
parasites produisant alors plus d'oeufs. La baisse de ce nombre d'oeufs
observée en saison pluvieuse est alors liée à un meilleur
état des animaux (BELOT et al., 1988).
Le taux d'infestation moyen est souvent faible en milieu
tropical, où les animaux sont souvent peu parasités et en
équilibre hôte-parasite, permettant une survie de l'animal dans
les meilleures conditions (GRETILLAT, 1981). Il existe des taux d'infestations
différents selon les pays (Tableau IV).
Tableau IV : Taux d'infestation trouvé
chez les ovins (en p. 100)
Espèce parasite
|
Localité
|
Nigeria
|
Sénégal
|
Tchad
|
Haemonchus contortus
|
40
|
94,82
|
50
|
Trichostrongylus spp.
|
40
|
93,10
|
0
|
Stongyloïdes spp.
|
0
|
10
|
17
|
Strongyloïdes papillosus
|
20
|
36,20
|
5
|
Gaigeria pachyscelis
|
2
|
12,06
|
0
|
Nematodirus spp.
|
0
|
0
|
0
|
Oesophagostumum columbianum
|
30
|
58,62
|
37
|
Trichonstrongylus globulosa
|
0
|
0
|
0
|
Skrajabinema ovis
|
1
|
0
|
37
|
Source : VONDOU,
1989.
Une humidité importante et des températures
élevées sont des facteurs favorables au développement des
nématodes sur les pâturages infestés. Donc en zone
sahélienne, la saison pluvieuse est la période idéale pour
l'évolution massive et rapide de ces parasites. En saison sèche,
cette évolution est ralentie, voire interrompue faute d'une
humidité suffisante dans le milieu extérieur. La survie sera
alors assurée par un développement plus long des larves dans les
muqueuses et par la contamination résiduelle des pâturages par les
oeufs qui selon KERBOEUF (1987), peuvent survivre plusieurs années dans
le milieu extérieur. Pendant cette saison sèche et en zone
tropicale, l'importance des populations adulte et larvaire est énorme,
d'autant plus que les animaux sont affaiblis par manque d'aliments. Les
facteurs importants qui influencent la production du nombre d'oeufs par
nématode (Trichostrongylus et Strongyloïdes) sont
la compétition alimentaire entre parasites et les
phénomènes immunitaires de l'hôte parasité.
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