Inconnus
Mal nommés
Sans étiquettes," P. 54
Du point de vue donc de la dynamique historique, notre corpus
s'articule bien avec son époque. Celle où les affres de la
colonisation sont encore perceptibles, mais surtout où le
néocolonialisme fait des ravages. Le nègre a hérité
de tout du colon. Bon ou mauvais, tout a été assimilé. Au
nombre des mauvaises choses nous pouvons citer le racisme, l'hypocrisie et la
haine tribale. Ces mauvais sentiments étaient presque inexistants en
Afrique avant l'intrusion du Blanc dans cet univers paisible. Le poète
s'insurge contre la corruption des moeurs africaines dues à cette
intrusion. Il dénonce l'injustice et fustige l'abâtardissement de
la culture africaine. Il s'appuie sur le cas pratique de Manéga pour
parler de toute l'Afrique où la voix des maîtres initiateurs s'est
tue à jamais, laissant des générations sans repaires et
mélancoliques. Cette mélancolie qui s'apparente à celle
des romantiques est pourtant spécifiquement africaine, propre à
PACERE, en tant que Nègre désabusé.
Nous retiendrons donc qu'à la première lecture,
Quand s'envolent les grues couronnées
et Refrains sous le Sahel sont des
complaintes, des textes élégiaques et sarcastiques. En effet, le
poète y pleure la disparition de ceux qui constituaient pour lui les
remparts contre l'abâtardissement dû à la civilisation
importée et imposée. Aussi s'élève-t-il contre ces
"vautours venus du Nord" pour dévorer sa belle Afrique. Il
n'épargne pas pour autant ses frères "ethnocidés"
qui le prirent pour un "moaga". Ceux-là même qui sont
aussi noirs que lui et qui le haïssent au même degré que
l'Occidental, voire même plus. Il a gardé de "mil neuf cent
soixante huit" un souvenir très amer. En effet cette année,
ni l'homme Blanc, ni ses frères Nègres, ne l'ont
épargné de leur haine rageuse. Il a connu la prison à
Dakar. Ce fut une année ou en France, il eut des soulèvements
dans le milieu estudiantin. Cette crise atteignit toutes les classes sociales
en Métropole et les colonies. Et PACERE qui était
étudiant à Dakar cette année, fut arrêté et
incarcéré.
Au-delà de cette première lecture des oeuvres de
PACERE, une autre s'impose. Celle-là sera profonde et nous l'avions
déjà annoncée au début de cette partie. Le sens
mystique et métaphysique du corpus reste à découvrir, pour
le faire, une analyse anagogique s'impose à nous et nous n'allons pas
nous dérober à cette tâche.
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