Le parcours de la littérature nous a permis de
découvrir une panoplie de facteurs pouvant expliquer ce
phénomène. Ce sont entre autres le sexe de l'enfant, le statut
vaccinal, le mode d'allaitement, les soins prénataux, l'intervalle inter
génésique, l'éducation de la mère, la religion et
l'ethnie.
Ces déterminants sont regroupés en trois
groupes : les facteurs socio-économiques, les facteurs
biodémographiques de la mère et de l'enfant et les facteurs
culturels.
1-1 Les facteurs socio-économiques
· Le revenu
Le niveau de vie du ménage est un déterminant
de la santé. En particulier, l'activité génératrice
de revenu de la mère est une variable très importante, car elle a
un impact sur la mortalité des enfants. En effet, avec des revenus
permettant d'assurer les besoins de base, cela diminue les risques de maladie
et partant influe sur la mortalité.
Généralement les enfants des mères ayant
un revenu assez élevé sont souvent bien nourris. Akoto et Tabutin
(1989) ; Noumbissi (1993) ; Mosley (1985) notent dans les mêmes ordres
d'idée que l'occupation de la mère peut influencer la
mortalité des enfants à travers l'alimentation des jeunes enfants
(allaitement, sevrage) ou l'attention et les soins qui leur sont
accordés.
· Les soins prénataux
Dans plusieurs sociétés d'Asie du Sud, la belle
mère joue un rôle considérable dans la naissance d'un
enfant et les soins prénataux de la belle fille, surtout dans les jeunes
couples. En effet, si la belle famille doit donner naissance à son
enfant à la maison avec l'aide d'un membre de la famille, ou en ayant
recours à une accoucheuse traditionnelle, ou encore par le
biais d'une structure de soins, cela dépend de la
croyance de la belle mère qui doit nécessairement donner son avis
(Piet-Pelon, Rob et Khan, 1999).
Les soins prénataux permettent la recherche de tares
héréditaires susceptibles d'être transmises à
l'enfant. La recherche du taux d'immunité acquise par la mère
(tétanos, rubéole, toxoplasmose, maladies infectieuses ou
parasitaires (malaria), ainsi que l'existence de pathologies maternelles (dont
le diabète, cardiopathies, etc.) qui pourraient mettre la vie de la
mère, du foetus ou du nouveau-né en danger.
Pour une bonne santé de l'enfant, les soins
prénataux doivent être effectués à un stade
précoce de la grossesse et doivent se poursuivre avec une certaine
régularité jusqu'à l'accouchement. L'OMS recommande quatre
visites prénatales, à intervalles réguliers tout au long
de la grossesse. La surveillance prénatale a pour objet de suivre
régulièrement la croissance et le développement du foetus,
de prévoir les difficultés qui pourraient surgir au moment de
l'accouchement et de dépister les anomalies qui peuvent mettre en danger
la santé du foetus et / ou de la mère. Malgré,
l'intérêt que revêt l'utilisation de ces soins, leur usage
laisse à désirer.
· Éducation de la mère
S'il est vrai que « l'ignorance tue
plus vite que la maladie » il va s'en dire que la mise en oeuvre de moyens
pouvant favoriser l'adoption de comportements favorables à la bonne
santé des enfants mérite d'être encouragée.
L'un des premiers moyens possibles est sans doute le savoir,
surtout celui de la mère. Dans la littérature, on constate qu'il
existe un lien étroit entre la mortalité des enfants et le niveau
d'instruction des mères qui se traduit par un effet positif de cette
dernière variable sur la santé des enfants. Non seulement, le
niveau d'instruction permet de connaître ce qui, scientifiquement, est
bon pour la santé, mais il est aussi un moyen d'accéder au
pouvoir et aux ressources nécessaires à la mise en oeuvre des
actions préservatrices ou récupératrices de la
santé.
L'instruction des mères a été reconnue
par les démographes comme l'un des facteurs primordiaux de la baisse de
la mortalité infantile dans les pays en développement (Behm et
Primarite, 1978 ; Caldurell, 1979 ; Caldurell et Mc Donald, 1981 cités
par Caselli et al, 2002)5.
5 Virdaou Tao (2005)
· Le statut vaccinal
La vaccination permet d'éviter certaines maladies
meurtrières ou décès liés à ces maladies.
Conformément aux recommandations de l'OMS, un enfant est
complètement vacciné lorsqu'il a reçu le BCG (protection
contre la tuberculose), le vaccin contre la rougeole et trois doses de vaccin
contre la polio et le DTCOQ (protection contre la diphtérie,
tétanos et coqueluche). Tous ces vaccins doivent être
administrés avant l'âge d'un an.
Le Programme Etendu de Vaccination (PEV) de l'Organisation
Mondiale de la Santé (OMS) se concentre sur six maladies infantiles
courantes qui peuvent être prévenues par la vaccination:
diphtérie, coqueluche et tétanos (DPT), rougeole, polio et
tuberculose (BCG). La couverture complète de vaccination des enfants
âgés de 12 à 23 mois varie énormément entre
les 29 pays d'Afrique subsaharienne ayant fait l'objet d'une enquête,
allant de 11% seulement au Tchad, à 78% en Zambie.
· Mode d'allaitement
Les pratiques d'alimentation constituent des facteurs de
l'état de santé de l'enfant et qui à son tour affecte la
morbidité et la mortalité des enfants. En ce sens, les chercheurs
s'accordent à reconnaître que le lait maternel constitue, à
bien des égards, un aliment irremplaçable pour le
nouveau-né jusqu'à 6 mois. En effet, le lait maternel transmet
les anticorps de la mère et tous les éléments nutritifs
nécessaires aux enfants pendant les premiers mois d'existence. En outre,
la qualité hygiénique du lait maternel est une condition
préalable. Le lait maternel permet également d'éviter les
déficiences nutritionnelles et de limiter la prévalence de
certaines maladies telles que la diarrhée et la pneumonie.
Pour Akoto et Hill (1988), c'est un facteur crucial pour la
santé des enfants âgés de 0 à 6 mois, surtout dans
les pays pauvres où les aliments pouvant remplacer le lait maternel sont
souvent chers et inappropriés, tant du point de vue hygiénique
que nutritif. En Côte d'Ivoire, la durée moyenne d'allaitement
était de 20 mois en 1994, de 18,2 mois au Cameroun en 1991 alors qu'elle
était de 25,9 mois au Rwanda en 1992.
L'OMS et l'UNICEF, dans l'une de leurs recommandations,
suggèrent que les enfants soient nourris exclusivement au sein
jusqu'à 6 mois. Or, les statistiques montrent que 2% seulement des
enfants de 0 à 3 mois sont nourris comme le recommandent l'OMS et
l'UNICEF ; alors que 56% reçoivent de l'eau en plus du lait maternel et
41% d'autres types de liquides ou aliments en plus du lait maternel. Ainsi les
1% des enfants sont non allaités au sein. L'allaitement au sein par son
intensité et par sa fréquence, prolonge
l'infécondité postpartum, par conséquent, affecte
l'intervalle entre les naissances, et influe sur le niveau de
fécondité.
La bonne alimentation de l'enfant et l'allaitement maternel
en particulier dépendent en grande partie des facteurs nutritionnels de
la mère. En ce qui concerne l'alimentation de complément, l'OMS
souligne qu'à partir de 6 mois, le lait maternel ne suffit plus pour
assurer la bonne croissance possible de l'enfant, d'où la
nécessité d'introduire à cet âge des aliments
solides de complément dans l'alimentation de ce dernier. L'alimentation
de complément des enfants au delà de six mois doit comprendre des
farines, les légumes, les oeufs, les viandes, les fruits, etc., lorsque
l'alimentation de complément est pauvre, l'enfant est exposé
à des risques élevés d'infections qui peuvent être
mortelles. Les enfants mal nourris ou sous nourris (selon les indices
anthropométriques) sont en situation de faiblesse physique qui favorise
les infections qui, à leur tour, influent sur les risques de
décéder.
1-2 Les facteurs biodémographiques de la
mère et de l'enfant
· Le sexe de l'enfant
La relation entre mortalité et sexe de l'enfant a
été démontrée dans plusieurs études
effectuées sur les pays du sud du Sahara où cette variable
revêt la même importance. Une étude au Tchad montre que l'on
observe une surmortalité masculine durant la petite enfance c'est
à-dire de (0-1 ans) dont les raisons sont d'ordre physiologique.
Selon le rapport de la Banque Mondiale sur les politiques de
développement 2003, si les différences de mortalité entre
sexe sont en bonne partie une question biologique, ce scénario
dépendrait de la structure chromosomique particulière des
garçons et du développement plus lent de leurs poumons, dû
aux effets de la testostérone.
Akoto (1991) a noté que les garçons sont plus
vulnérables à la naissance, alors qu'une fois les premiers mois
franchis, leur résistance aux agressions extérieures
dépend en grande partie du comportement social à l'égard
des garçons et des filles.
Nadajarah (1983), cité par Venkatacharya en 1986
affirme que cette différence de mortalité selon le sexe est en
faveur des garçons dans certains pays d'Asie du Sud (Bangladesh)
où l'on accorde une préférence aux enfants mâles
pour l'allaitement et les soins de santé.
· Intervalle inter génésique
Dans la littérature, il a été
montré une association entre l'intervalle entre deux enfants nés
vivants et la mortalité de ceux-ci : plus l'intervalle est court (moins
de deux ans) plus élevé est le risque de décéder de
l'un ou de l'autre enfant. L'étude de Hobcraft (1984 cité par
Barbieri (1989) a montré qu'un enfant né moins
de deux ans après la naissance précédente court un risque
de décéder de 52% plus élevé que celui plus de deux
ans après la naissance précédente, si l'enfant issu de
cette dernière vit encore.
Akoto et Hill (1989) soulignent que l'effet d'un intervalle
intergénésique court est le plus important durant la
période néonatale. Ainsi, plus les naissances se rapprochent
moins est de bonne qualité le lait maternel, notamment sous l'effet
d'épuisement physique de la mère. Le rapprochement des naissances
peut entrainer une déficience physiologique de la mère et a un
impact sur le poids du nouveau-né.
1-3 Les facteurs culturels
· La religion
Pour Akoto (1991), la religion est un facteur de
conditionnement social qui peut influencer sur la mortalité. «D'une
manière générale au sein d'une même population,
l'appartenance à des groupes religieux différents peut entrainer
de différence de mortalité ».
Mudubu (1996) souligne qu'en Afrique noire, de façon
générale, la religion est une variable qui sert à
approcher d'autres variables telles que l'instruction, la profession. Cette
thèse a été soutenue par Akoto (op cite) qui a pris
l'exemple des études au Cameroun et au Sénégal, ces
études ont montré que l'effet de la religion sur la
mortalité a disparu complètement en introduisant les
caractéristiques socio-économiques de leur mère.
· L'ethnie
En ce qui concerne l'ethnie, pour Akoto (1985), l'ethnie est
une variable opérationnelle de la culture. Elle influence la
mortalité des enfants par les modèles culturels (organisations
sociales, environnement, etc.), les normes, les idées, les croyances et
attitudes qui sont véhiculés par les membres de la
société. La culture influence la mortalité à
travers la perception de la maladie. La définition et le symptôme
de la maladie des enfants que donnent les parents conditionnent la
rapidité du recours au système de soin et donc la survie de
l'enfant. En effet, l'ethnie agit à travers les croyances, les
perceptions, les attitudes, les valeurs relatives au modèle culturel de
référence.
Certaines études d'Akoto et Tabutin,(op cite) ont
montré que les obstacles liées à l'attachement aux valeurs
traditionnelles peuvent être surmontés grâce aux effets
bénéfiques de la modernisation, de l'instruction, de
l'urbanisation et de l'amélioration des conditions de vie des
populations.